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Nous sommes en présence d'une chronologie relativement savante, et d'une légende populaire, par elle-même absurde, qui la contredit. L'auteur des Actus conserve l'une et l'autre avec une ignorance naïve que tout le monde au Mans partageait avec lui, puisque lui-même n'a pas l'air de s'en douter. Mais quel est l'auteur de la chronologie relativement savante, ou plutôt à quelle époque faut-il le placer? Sans doute avant la période mérovingienne, qui est le temps de l'ignorance la plus épaisse. Peut-être pourrons-nous préciser.

Après saint Liboire, vient saint Victurus. Dans les Actus, ses Gesta commencent ainsi Gesta Domni Victuri, qui fuit temporibus Theodosii et Arcadii imperatorum. Ensuite : Gesta S. Victurii qui fuit temporibus Honorii et Marciani imperatorum (1).

L'auteur de ces indications se figure cette succession des empereurs Théodose, Arcade, Honorius, Marcien. Visiblement il ignore qu'après Théodose, il y a un empereur d'Orient et un empereur d'Occident, et que Arcade et Marcien n'ont rien à démêler avec les Gaules; il ignore Valentinien III, qu'il aurait dû nommer au lieu de Marcien. Il n'a pas su lire la date mortuaire de saint Victurius, et se trompe sur l'époque de sa mort, d'environ quarante ans, en donnant comme terme de son épiscopat le règne de Marcien.

De telles bévues indiquent un changement d'auteur. La première liste chronologique des évêques du Mans s'arrête après saint Liboire et ne fut pas continuée. Pour les cent dix ou cent quinze ans qui suivent, l'auteur des Actus ne trouva qu'une légende populaire en partie absurde et des indications chronologiques de la même valeur. En conséquence, la première liste a dû être fermée vers la fin du Iv° siècle ou le commencement du v°, pendant l'épiscopat du successeur de saint Liboire. Plus tard le nom de ce successeur y eût été joint et nous ne trouverions pas à cet endroit une lacune et une confusion chronologique impossibles à combler et à dé(1) Actus Pont., p. 46, 48.

brouiller. La tradition qui fait remonter à l'épiscopat de saint Clément, à l'époque où saint Jean écrivait son Évangile, la mission de saint Julien existait donc à la fin du Ive siècle. Au contraire, la légende qui lui donne pour l'accompagner non seulement saint Thuribe, mais encore saint Pavace, n'était pas formée alors, ou elle était regardée comme une erreur populaire. L'auteur des Actus l'admet sans difficulté en même temps que la chronologie qu'elle contredit: preuve évidente que cette chronologie n'est pas de lui. Au lieu de nous amuser à constater son ignorance, lisons-le attentivement, beaucoup moins occupés de lui que des renseignements qu'il nous transmet, parfois au hasard, tels qu'il les a trouvés. C'est par là qu'au point de vue de nos origines son livre est précieux. Exempt de prétention, il n'essaie point de corriger avec un savoir trop court et peu sur les données traditionnelles. Grégoire de Tours ne fut pas toujours aussi réservé. Son histoire des origines de son Eglise de Tours et son catalogue de ses prédécesseurs trahissent à la fois son ignorance et ses petites prétentions d'historien. Que ne s'est-il borné à nous apprendre ce qu'on disait de son temps. Saint Gatien étant mis partout au nombre des premiers missionnaires qui ont évangélisé la Gaule, il est probable qu'à Tours, on pensait comme ailleurs et qu'on le croyait de l'âge apostolique. J'ai émis cette opinion, en passant, dans l'Introduction aux Actus. Ma raison était celle que je viens de dire. L'Eglise de Tours a repris cette tradition et sa liturgie en est pleine jusqu'au XVIIIe siècle; même les Tourangeaux ont pillé l'office de saint Julien. J'aurai plus loin l'occasion d'y revenir.

Nous connaissons maintenant l'oeuvre de notre auteur, si généralement mal comprise et méconnue. Nous continuerons d'y puiser, en contrôlant les renseignements qu'elle fournit au moyen des connaissances que nous possédons par ailleurs et en écartant toujours les détails faux ou fabuleux dùs à l'imagination populaire.

(A suivre).

G..BUSSON.

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UN COIN DE L'ÉPERON DU MANS

Aprés M. E. Hucher - Enceintes successives de la Ville du Mans, M. G. Fleury a donné plus récemment : L'Éperon et la Vieille Porte au Mans, avec un plan de 1706 (1). Dans son article, très intéressant, il a spécialement exposé, avec sa science habituelle, la construction de l'Éperon en 1591-95, sa forme et ses dimensions probables comme retranchement, et sa démolition commencée en 1692. M. R. Triger, à son tour, est revenu sur ce sujet, dans sa notice : La Place de l'Éperon au Mans au XVIIe siècle (2), avec deux plans fournis par M. Vérité, architecte diocésain. L'un, de 1693, spécial à l'Éperon, aux Boucheries et à la Poissonnerie (anciennes), laisse incertaines la forme et la dimension du retranchement de 1591. L'autre plan, de 1698, est intéressant pour la partie basse ou méridionale de la place et pour le dégagement de l'Hôpital Général bâti en 1666-1671, et démoli à tort ou à raison en 1891. Ces deux plans sont additionnés de deux autres encore : « un croquis de 1714, » et le « Plan fait et dressé par Decherche, expert-géomètre, le 6 décembre 1673,.... » qui n'offrent qu'un faible intérêt.

A l'occasion du « premier miracle attribué à saint Julien » qui fit jaillir « la fontaine Centonomius », M. l'abbé Ledru d'abord (3), M. R. Triger ensuite (4), nous ont encore amenés

(1) Province du Maine, janvier et février 1901, et tirage à part avec un nouveau tracé de l'Éperon. Mamers, 1901.

(2) Revue historique du Maine, 1901, 2e livr., no 152.

(3) Province du Maine, juin 1902.

(4) Revue historique du Maine, t. LV, 1re liv., 1904.

sur le terrain (de l'Éperon), pour nous faire voir que la vraie «<source de Saint-Julien est à 6 mètres au-dessous du sol. près du carrefour de la rue de la Barillerie et de la rue du Porc-Épic (1). » Le « plan Lombard de 1839 » et le « plan cadastral de 1849 » sont fusionnés par M. Triger pour préciser le parcours de trois réseaux d'égouts qui se nomment « Merdereau, aqueducs anciens, nouveaux égouts, » et pour nous montrer que « la source de Saint-Julien est située à l'un des points de jonction de tous ces égouts, » qui suintent dans «<le sous-sol pollué par les détritus... des siècles.

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Le dernier mot n'a encore été obtenu par aucun des quatre auteurs ci-dessus sur la question de l'Éperon-retranchement, ni sur celle du miracle de la fontaine Centonomius. Mais puisque dans cette discussion qui doit rester courtoise, on a parlé de « gerbes de fleurs » et de « bouquets d'orties », il me sera permis d'y apporter encore quelques «< glanes ou regains.

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Le 1er février 1876, les fenêtres de l'hôtel portant le n° 25 dans le haut de la place de l'Éperon, restaient closes en signe de deuil; une noble existence venait de s'y éteindre après une longue vie Marie-Adélaïde (ou Adèle) Belin des Roches, marquise douairière de Montesson, était en effet décédée ce jour-là, âgée de quatre-vingt-sept ans (2). Je remets à plus tard sa biographie et sa généalogie, déjà amorcées par son fils Raoul dans les Recherches sur la Paroisse de Vallon (3), chapitres Béru et Les Roches, et dans ses Notes généalo giques de famille. C'est l'hôtel lui-même que je me propose d'étudier d'après les minutes des études Nivert, Bachelier et Le Bihan, et d'après un dossier de la succession Lemaître (achat du 9 juin 1877), qui se trouve encore au no 25 de l'Éperon, et qui m'a été aimablement communiqué par M. Grigné, architecte au Mans (4).

(1) A. LEDRU, La Cathédrale du Mans. R. TRIGER, La Fontaine Saint-Julien.

(2) Semaine du Fidèle du Mans, du 5 février 1876.

(3) Le Mans, Gallienne, 1856.

(4) Que M. Nivert et son principal clerc reçoivent ici tous mes remercie

1764. DOSSIER LEMAITRE, pièce sur papier.

« Nous soussigné avons cédé à M. de Salaigne la part qui nous apartient en la maison qu'occupé M. et Mme de Pontosme (1) pour et moyennant la somme de 7.000# dont il nous fera la rente au denier vingt remboursable à sa volonté à partir du jour que M. de Pontosme sortira de laditte maison le bail étant conditionné et M. de Pontosme ayant esté averti que le bail que mon frère luy avoit passé ne tienderoit que pour six ans. japrouve lecrj cjdeçu ce dix cept jujn mjl cecens sojxante et quatre Renée Lefebure. Ce dix cept juin mjl cecens sojxante et quatre perrjne Lesfebure de forge (2). Je soussigné faisant tant pour moy que mes sœurs aprouve lécrit cydessus au Mans ce dix sept juin mil sept cent soixante quatre. Lefebvre » (3).

1766.

DOSSIER LEMAITRE, pièce autographe sur papier.

« Nous soussignés René-louis-François de Sallayne, escuier, et René-louis-François de Sallayne mon fils (4), tant pour luy que se faisant fort de Marie-Renée de Sallayne, sa sœur, prometons et nous obligeons de payer à monsieur et mesdemoiselles Le Febvre des Allais la somme de sept mille. livres..... pour la part de la maison de l'Epron du Mans à nous venue de la succession de dame Guabrielle Morin, dame

ments. Un pieux souvenir est dû à M. Henri Bachelier, mort bien inopinément à Avignon, huit jours après son mariage.

(1) Madeleine Le Maçon, épouse de J.-J. Aulbin, écuyer, sieur de Pontôme, gentilhomme ordinaire de S. A. R. Madame, demeurant paroisse de Saint-Pierre l'Enterré, était parente des demoiselles Lefebvre. Au XIXe siècle, on connaissait encore au Mans trois branches de cette famille : Lefebvre des Allais, Lefebvre du Breil (ou du Breuil), et Lefebvre de Mécorbon. Cf. Nepveu de la Manouillère, t. II, p. 399, 410 et 412.

(2) Abbé ESNAULT, Minutes anciennes des Notaires du Mans, t. IV, p. 191, 300, 321.

(3) Mentions et signatures autographes.

(4) Abbé DENIS, Généalogie de Sallaines, pp. 54-56.

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