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LE

VIEUX MANS

LES HOTELLERIES ET LEURS ENSEIGNES

LE GRAND CERF

Sous ce titre, M. l'abbé Chambois vient de publier dans le Bulletin de la Société d'agriculture, sciences et arts de la Sarthe, et il a fait exécuter de cette étude un tirage à part, — la liste complète, dans la mesure du possible, des vieilles hôtelleries et maisons à enseigne du Mans, qui ont existé en cette ville, avant le XIXe siècle. Il en est, parmi ces. établissements, dont l'origine est ancienne. On peut citer parmi ceux qui se sont maintenus jusqu'à nos jours, ceux de la Biche, où descendait le père Fourmy, de légendaire mémoire, et dont l'un de nos confrères a si bien su deviner ou inventer la pittoresque figure; de l'Hôtel de Bretagne, qui remplaça le Coq Hardi, du Chapeau Rouge, de la Chasse Royale, du Chéne Vert, du Dauphin, du Grand Monarque, du Grand Turc, du Louvre, du Pélican, de la Victoire, etc., etc.. Il en est un très petit nombre qui occupent encore la place où ils ont été fondés; presque tous se sont déplacés, entraînant avec eux leur clientèle ou la suivant. Quelle elle était, l'auteur aurait souhaité nous le dire et comment elle. s'y comportait. J'imagine qu'en se reportant aux lettres de rémission ou en fréquentant les greffes des tribunaux d'ancien régime, il se fùt mis en mesure de nous renseigner. C'est qu'en de tels lieux, on vit toujours s'élever plus de rixes qu'il

ne s'y conclût d'accords. Il est un autre point que l'on aurait été heureux de trouver aussi étudié. Quel pouvait être le matériel de ces maisons et dans quelle mesure étaient-elles approvisionnées ? Puisque je viens de poser la question, sans avoir la prétention de la résoudre, je prendrai la liberté d'aider à pareille enquête, en utilisant ici l'inventaire, fait après décès, d'un hôtelier de la ville du Mans, de celui qui tenait l'auberge du Grand Cerf. Il se nommait René Le Barbier, et était fils de François Le Barbier, ancien employé dans les fermes du roi. Il avait épousé Anne. Jouanneau, qu'il laissa veuve, en 1781, et tutrice de trois enfants mineurs. Elle voulut sauvegarder leurs intérêts et les siens, et, le 26 juin de l'année précitée, sur sa demande, un marchand fripier, René Dariot, se chargea d'estimer les effets mobiliers que contenait cette hôtellerie. En l'accompagnant, et en le suivant dans les pièces diverses où, successivement, il se transporta, nous reconnaitrons comment cet établissement était meublé, quel en était le matériel et de quelles provisions il était pourvu.

Ce fut par la cuisine que l'opération commença. On y compta avec une crémaillère sans crémaillon, deux chenets, une pelle, deux pinces, une grille et son soufflet, le tout estimé huit livres; plus, trois marmites de fonte ; cinq poêles à frire; une poêle percée; deux chaudrons de fonte et un trépied; neuf plats à soupe, dont sept en caillou et deux en terre; deux pots à bouillon et quatre douzaines et demie de goblets; cinquante bouteilles de verre noir; une boudinière; une fontaine de bois avec sa chantepleure de potin; deux seilles; un seau ferré; un saladier; quelques panniers, deux écumoires dont l'une de fer blanc et l'autre de cuivre ; plus, une araigne, cinq casseroles et un poissonnier de cuivre rouge, deux poêlons de cuivre jaune; un bassin et son couvercle de même métal; quatre réchauds dont deux de cuivre ; deux casseroles dont l'une de fer et l'autre de fer blanc; deux lanternes ; six chandeliers de potin et deux mouchettes avec un porte

mouchettes; cinq mouchettes de fer; un tire fond; quarante-cinq assiettes de faïence ou de caillou; huit plats ovales; onze saladiers; un plat à barbe; une salière de faïence; une écuelle à oreilles; deux huiliers de faïence, trois de cristal; cinq carafes, huit salières de cristal; neuf couteaux ; un tranchelard; un couperet; un sermeau; un pied de roi; un grajon: une paire de balances de cuivre ; un fourneau garni de grilles; neuf plats; vingt-neuf assiettes; sept pintes; dix chopines; un trois septiers; trois septiers; deux louches et vingt cuillères à bouche, tous ces derniers objets en étain, pesant en tout quatre-vingt-onze livres et estimés soixante-huit livres cinq sols; un rôtissoir avec sa chaîne et ses poids, de la valeur de vingt livres; un bas de buffet avec, dessus, son dressoir, estimé douze livres ; douze chaises, prisées trois livres.

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A côté de la cuisine, il y avait une autre pièce où l'on trouva quatre tables dont l'une pliante, avec des bancelles; un <«< miroir à carrie de bois doré »; vingt-cinq chaises; un petit buffet prisé cinquante livres et dans lequel étaient renfermés six chandeliers de potin, mouchettes et porte-mouchettes; douze assiettes de faïence; sept plats ovales de caillou ; deux écuelles à oreilles; un moutardier; six tasses à café; un sucrier; trois goblets; cinq pots à confitures dont deux étaient remplis ; quatre bouteilles et deux « bocards » de liqueurs; quatre douzaines de fourchettes, estimées six livres ; une demi-rame de papier; un sac de biscuits; un plat de caillou ovale; un tranche-lard. Dans le même appartement, il y avait une horloge de bois avec sa cage, prisée quatre livres; deux armoires à deux battants, estimées l'une trente livres, l'autre trente-six; un pot de sel, de la valeur d'une livre; un pot de grès et un baril. Là était également dressé un lit qui servait probablement à l'hôtelier, et qui fut coté cent livres.

L'hôtellerie était pourvue de deux caves. Dans celle dite du pavillon, on enregistra un cuvier et sa selle, deux fùts de poinçon, cinq fûts de busse et une tonne à eau-de-vie, le tout

vide, et estimé dix-huit livres ; plus une porte, quatre portoirs, une limande, une loge, une mangeoire, trois morceaux de carreau, prisés dix-huit livres; deux charretées de bois et quatre-vingts fagots, le harnachement d'un cheval et sa selle.

Dans la seconde cave, on trouva deux charniers, l'un d'eux garni de neuf morceaux de lard, un essuie-mains, trois fûts de poinçon et deux de busse, plus un quart de busse; quatre fûts de poinçon remplis de vin blanc, deux autres en vidange, prisés, les six, cent trente-cinq livres; quarante bouteilles de vin blanc, estimées cinq livres; huit bouteilles de petit vin de champagne, cotées douze livres; les chantiers de la cave estimés une livre dix sols.

Dans cet hôtel, on logeait à pied et à cheval, aussi y inventoria-t-on, six charretées de foin et deux charretées de fumier, prisées, ensemble, trois cent vingt livres.

Les voyageurs de passage devaient être hospitalisés dans des chambres hautes où l'on trouva, dans l'une, deux chenets garnis de pommelles de potin et de pinces, le tout d'une valeur de sept livres ; une table pliante avec son tapis, prisée quatorze livres; une armoire à deux battants, estimée cinquante-quatre livres; treize chaises; dans l'autre, plus petite, trois chaises garnies de jonc; un lit garni, estimé cinquante livres; dans une troisième, des chenets; une table pliante; trois morceaux de tapisserie de Bergame; trois lits garnis estimés l'un soixante-dix livres, l'autre soixante livres, le troisième soixante-dix livres; un petit meuble, appelé un cabinet, de la valeur de six livres ; quatre mauvaises chaises; dans une autre chambre, située au-dessus du portail, trois petits lits, prisés ensemble soixante livres et dont nous ne saurions dire s'ils ne servaient pas aux enfants de l'hôtelier; dans une autre petite chambre, deux mauvaises tables; cinq chaises et trois mauvais morceaux de tapisserie de Bergame; un bois de lit à colonnes, prisé cinquante-quatre livres.

Le linge ne laissait pas d'avoir une certaine importance.

Nous y relevons, d'une part, trois douzaines de draps, les uns de trois aunes, les autres de quatre, plus vingt-quatre draps de diverses grandeurs, prisés, ces derniers, cent quarante-cinq livres; d'autre part, quatre essuie-mains et deux nappes; vingt-trois essuie-mains; dix douzaines de serviettes; trentehuit nappes; six taies d'oreiller; quatre rideaux de croisée, estimés douze livres.

Comme on a simplement ici en vue de montrer quel était le matériel d'une hôtellerie, cela nous permet de laisser de côté, l'inventaire qui fut également dressé, soit de la literie qui servait à la famille, soit du linge qui était à l'usage des mêmes personnes. Nous constaterons simplement que l'on prisa «<les hardes et linges, à l'usage du mary et de la femme » cent soixante et une livres quinze sols.

L. FROGER.

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