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MATÉRIAUX ET INSTRUMENTS

DONT LES MALAYS, LES JAVANAIS, ET QUELQUES AUTRES PEUPLES DE L'OCÉANIE SE SERVENT POUR ÉCRIRE.

Les Javanais fabriquent le papier avec l'écorce du Glouga ou morus papyrifera, cultivé pour cet usage et nommé généralement Delouwang ou arbre à papier.

Lorsque cet arbre est parvenu à l'âge de deux ou trois ans, on l'abat au moment où l'écorce peut s'enlever facilement, et on la débite en fragments de douze à dix-huit pouces de longueur, suivant la grandeur ou le format que l'on veut donner au papier; ces fragments restent plongés dans l'eau pendant vingt-quatre heures environ, afin que l'épiderme puisse en être détaché sans peine.

Cette opération une fois terminée, le tissu fibreux de l'écorce intérieure est assoupli et adouci en le trempant dans l'eau et en le frappant longtemps à coups redoublés avec un maillet en bois. Pendant le cours de cette opération, les morceaux d'écorce sont empilés dans un baquet et arrosés d'eau fraîche continuellement, jusqu'à ce que tous les corps étrangers en aient été séparés. Après cela on ajuste l'un à l'autre sur une surface plane formée d'un tronc de plantain ces fragments auxquels on donne une largeur qui varie de deux à trois pouces, et on en réunit les fibres à l'aide d'un battage prolongé. La qualité du papier dépend uniquement du soin qui en a dirigé la préparation, et de la quantité d'eau fraîche dont il a été

arrosé.

En appliquant plusieurs couches successives sur les par

ties du papier où la rareté des fibres laisse des espaces à jour, et en frappant ces couches jusqu'à ce qu'elles se fondent avec la masse, on obtient une épaisseur égale dans le tissu du papier. Celui que l'on veut rendre propre à recevoir l'écriture est immergé pendant quelques instants dans une décoction de riz, et rendu lisse sur toutes les parties en le frottant sur une surface plane, jusqu'à ce qu'il acquière un poli convenable.

Le papier que l'on destine à des usages domestiques, par exemple à servir d'enveloppe, n'exige point autant de soin. Ce papier de qualité inférieure laisse apercevoir les filaments de l'écorce saillants; il ressemble à celui du Japon, fait aussi avec l'écorce du morus papyrifera, et qui autrefois était employé dans ce pays, en guise d'étoffe, pour l'habillement des classes pauvres. Les procédés de fabrication que je viens de décrire sont exactement les mêmes que ceux qui sont employés chez les insulaires de la mer du Sud pour la confection de leurs vêtements.

La culture du morus papyrifera ainsi que l'art d'en faire du papier, sont particuliers à certains districts de l'ile de Java, où ils forment la principale occupation des prêtres, qui gagnent leur vie par l'exercice de cette industrie.

Les Javanais écrivent avec de l'encre de Chine sur ce papier, et quelquefois aussi sur du papier de Chine ou d'Europe. Mais à Bali, île qui est dans le voisinage et à l'est de Java, et où les habitudes de l'Inde se sont conservées dans leur pureté originale, les indigènes se servent pour écrire d'un stylet en fer avec lequel ils tracent leurs caractères sur des feuilles de palmier préparées de la même manière que dans l'Inde. Cette méthode existe dans plusieurs districts orientaux de Java, et prévalait sans doute dans l'île entière à une époque ancienne.

La feuille de palmier est appelée Lontar en javanais, expression formée par une transposition de lettres, des deux mots Ron, feuille, et Tal, palmier. Ces feuilles sont enfilées

avec une corde de manière à en former un volume comme les manuscrits sanskrits.

Les Malays à Sumatra écrivent sur du papier de Chine ou d'Europe, avec une encre de leur composition. Pour plume ou kalam, ils ont l'épine dure et noire que fournit le palmier de l'espèce appelée par eux Anau 1. Cette sorte de kalam ne permet point cette hardiesse et cette fluidité de la main, si je puis parler ainsi, qui est particulière aux calligraphes de la Perse ou de l'Inde; elle produit au contraire une écriture roide, mais régulière. Il existe cependant des Malays qui sont parvenus à un haut degré d'élégance et de hardiesse dans le tracé de leur caractères. On en possède en Europe de très-remarquables spécimens.

Chez certains peuples de Sumatra, tels que les Battas, les Redjangs et les Lampoungs, les manuscrits qui ont une certaine étendue ou quelque importance sont tracés avec de l'encre fabriquée dans le pays, sur l'écorce intérieure d'un arbre, débitée en morceaux de plusieurs pieds de long, et pliés ensemble sous une forme carrée; chaque carré répond à une page ou feuillet. Dans les occasions plus ordinaires, ils emploient la côte extérieure d'un noud de bambou, quelquefois entier, plus souvent partagé en morceaux de deux ou trois pouces de large. Pour tracer leurs lettres, ils se servent en façon de stylet de la pointe du poignard qu'ils portent toujours sur eux. Cette écriture, ou plutôt ce grattage, est souvent exécuté avec une grande netteté. C'est ainsi que les Chinois, au rapport de leurs historiens, écrivirent, avant d'avoir inventé le papier, sur

1 L'Anau ou Borassus gomutus est une espèce de palmier dont on tire l'idjou ou gomuto et le meilleur vin de palmier appelé Nira ou Touak Anau, ainsi qu'un peu de sagou, mais ce n'est pas le vrai palmier sagou nommé en malay Roumbia.

L'idjou est une substance végétale, ressemblant à des crins de cheval et qui enveloppe la tige de l'anau; les Portugais la connaissent sous le nom de Cabo Negro,

des morceaux de bambou. On conserve à Londres, dans la bibliothèque de Marsdeniana, à King's college, des manuscrits battas et redjangs qui m'ont paru avoir quelque mérite calligraphique. Ils sont composés d'une feuille unique de papier d'une longueur de plusieurs mètres, haute de 20 à 30 centimètres, et pliée en forme d'éventail, se développant sur une reliure garnie en bois, sculpté sur les plats extérieurs 1.

La Bibliothèque impériale possède plusieurs manuscrits provenant de Madagascar. Les lettres de l'alphabet madécasse, d'origine arabe, ont été apportées très-probablement de Mascate; elles ont une forme monstrueuse et presque illisible, altération que l'on peut attribuer à la nature soit des instruments graphiques, soit de la matière qui en reçoit l'impression.

Le papier madecasse est fait avec l'écorce intérieure de l'Avo. Cette écorce qui, selon Flaccourt, est douce comme de la soie, est très-lisse d'un côté, mais sillonnée de l'autre par des stries nombreuses d'une certaine régularité, qui forment pour ainsi dire les vergeures de ce papier. Le collage à l'eau de riz est la seule préparation que subisse cette écorce, qui est de couleur jaunâtre; souple quand elle est fraîche, elle devient très-friable en se séchant. L'encre où entre une grande quantité de gomme prend à peine sur la surface lisse de cette écorce, et tombe au moindre frottement, ne laissant qu'une trace roussâtre. On applique cette encre avec un roseau ou kalam auquel les Madécasses donnent le nom de Voulou, mot qui est le même que le Boulout des Malays.

ED. DULAURIER,

Professeur à l'Ecole impériale des langues orientales.

1 La Bibliothèque impériale de Paris a acquis trois manuscrits battas, qui reproduisent exactement la description que j'en donne ici.

DES

GRANDS TRAVAUX D'UTILITÉ PUBLIQUE

EXÉCUTÉS

EN ALGÉRIE ET DANS LES COLONIES.

Au moment où une impulsion active va être donnée aux grands travaux d'utilité publique dans les départements de la France, il est de notre devoir de constater, avec une vive satisfaction, que les provinces de l'Algérie non-seulement n'ont pas été oubliées, mais qu'elles sont même signalées d'une manière toute spéciale dans le mouvement général qui se prépare.

Cette nouvelle France, ne pouvait rester étrangère aux améliorations projetées depuis longtemps. Aussi une large part lui est-elle faite dans la répartition des travaux qui doivent être compris dans le budget extraordinaire de 1860.

Cette bonne résolution sera profitable à l'Algérie, par conséquent à la France; elle portera la vie, le mouvement et l'espérance dans cette colonie, un peu délaissée jusqu'à ce jour, et justifiera ce qui a été dit, dans ces dernières années, que nous avions en face de Marseille un nouveau royaume à fonder et à faire prospérer.

Si, sur cette terre de l'Algérie, les siècles passés n'ont fait que détruire, il faut que le siècle actuel réédifie d'une manière profitable et qui soit surtout d'une plus longue durée.

En attendant que ces grandes mesures, dont les projets sont soumis au conseil d'Etat, reçoivent leur exécution, c'est un devoir pour nous de contribuer à les signaler à l'opinion publique, persuadés, comme nous le sommes, que la confiance des uns et l'espérance des autres seront rassurées et fortifiées par le prochain et satisfaisant avenir réservé à notre belle colonie d'Afrique. Ces travaux, qui ne tarde

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