Je vous fuivrai par tout, ALCMENE. Alcméne Et moi, par tout je vous fuirai. Je fuis donc bien épouvantable? Plus qu'on ne peut dire, à mes yeux. Oui, je vous vois comme un monftre effroyable, Et dont l'approche eft redoutable; Comme un monftre à fuir en tous lieux. Qui ne me fût plus que vous fupportable. En voilà bien, hélas! que votre bouche dit. J'en ai dans le cœur lavantage; Et, pour l'exprimer tout, ce cœur a du dépit Hé! Que vous a donc fait ma flamme, Pour me pouvoir, Alcméne, en monftre regarder? Ah, jufte ciel! Cela fe peut-il demander? Ah! D'un efprit plus adouci... Non, je ne veux, du tout, vous voir, ni vous entendre. 'Avez-vous bien le cœur de me traiter ainfi? Eft-ce là cet amour fi tendre, Qui devoit tant durer quand je vins hier ici ALCMENE. Non, non, ce ne l'eft pas; & vos lâches injures Il n'eft plus, cet amour, tendre & paffionné ; C'eft, en fa place, un courroux infléxible, Hélas! Que votre amour n'avoit guéres de force, Ah! C'eft cela dont je fuis offensée, La jaloufie a des impreffions, Dont bien fouvent la force nous entraîne; L'emportement d'un cœur, qui peut s'être abufé, De femblables tranfports contre un reffentiment, Et l'on donne grace aifément A ce dont on n'eft pas le maître. Mais que, de gaieté de cœur, On paffe aux mouvemens d'une fureur extrême; D'un cœur qui chérement nous aime ; Ah! C'eft un coup trop cruel en lui-même, Oui, vous avez raifon, Alcméne, il fe faut rendre. Mais fouffrez que mon cœur s'en défende à vos yeux; A vous en faire un aveu véritable, Et, fi de faire rien à vous pouvoir bleffer De cent coups, à vos yeux, il voudroit le percer. Mais l'époux eft forti de ce refpe&t foumis Où pour vous l'on doit toujours être ; A fon dur procédé l'époux s'eft fait connoître; Et, par le droit d'hymen, il s'eft crû tout permis. Oui, c'eft lui qui, fans doute, eft criminel vers vous, Lui feul a maltraité votre aimable perfonne; Haïffez, déteftez l'époux, J'y confens; & vous l'abandonne. Mais, Alcméne, fauvez l'amant de ce courroux Et, pour être enfin équitable, Ne le puniffez point de ce qu'il n'a pas fait. Ah! Toutes ces fubtilités N'ont que des excufes frivoles; Ce font des contre-temps que de telles paroles. Sont confondus & l'amant & l'époux. Tous deux font criminels, tous deux m'ont offenfée; Et tous deux me font odieux. JUPITER. Hé bien, puifque vous le voulez, Il faut donc me charger du crime. Oui, vous avez raison, lorfque vous m'immolez A vos reffentimens, en coupable victime. Un trop jufte dépit contre moi vous anime; Et tout ce grand courroux qu'ici vous étalez, Ne me fait endurer qu'un tourment légitime. C'eft, avec droit, que mon abord vous chaffe, Et que, de me fuir en tous lieux, Votre colére me menace. Je dois vous être un objet odieux, C'est un crime à bleffer les hommes & les Dieux; Mais mon cœur vous demande grace; Pour vous la demander je me jette à genoux ; Et la demande au nom de la plus vive flamme, Du plus tendre amour dont une ame Puifle jamais brûler pour vous. Si votre cœur, charmante Alcméne, Me refufe la grace où j'ofe recourir; Il faut qu'une atteinte foudaine Qu'aimant, comme je fais, vos célestes appas Je puiffe vivre un jour avec votre colére. Déjà de ces momens la barbare longueur Fait, fous des atteintes mortelles, Succomber tout mon trifte cœur; Et, de mille vautours, les bieffures cruelles N'ont rien de comparable à ma vive douleur. Alèméne, vous n'avez qu'à me le déclarer; S'il n'eft point de pardon que je doive espérer, Cette épée auffi-tôt, par un coup favorable, percer à vos yeux le cœur d'un miférable, Ce cœur, ce traître cœur trop digne d'expirer, Puifqu'il a pû fâcher un objet adorable. Heureux, en défcendant au ténébreux féjour. Si, de votre courroux mon trépas vous raméne; Et ne laiffe en votre ame, après ce trifte jour, Aucune impreffion de haine, Va Au fouvenir de mon amour. C'est tout ce que j'attens pour faveur fouveraine. ALCMENE. Ah, trop cruel époux! JUPITER. Dites, parlez, Alcméne |