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Nous allons commencer par la notice de cinquante Évangiles dont nous avons parlé.

:

NOTICE ET
ET FRAGMENTS

DE CINQUANTE EVANGILES.

A l'article de l'Évangile selon les Égyptiens, nombre i de la liste alphabétique de Fabricius, et nombre xi de la nôtre 1, ce judicieux écrivain observe que saint Clément Romain ne nomme ni la personne qui interrogeait le Seigneur, ni l'Evangile d'où il a tiré ces paroles que nous rapportons de lui. « Le Seigneur étant interrogé par une certaine personne, quand son règne devait arriver, lui dit Lorsque deux seront un, et ce qui est dehors sera comme ce qui est dedans, et que le mâle avec la femelle ne seront ni måle ni femelle. » Au lieu que saint Clément d'Alexandrie3 nomme l'Évangile selon les Égyptiens, dans lequel cette question est faite par Salomé; et la réponse du Seigneur commence ainsi : « Lorsque vous foulerez aux pieds l'habillement de la pudeur, et lorsque deux seront un, etc. » Ainsi la citation dans saint Clément Romain n'est pas exacte.

Il en est de même d'une autre qui se lit dans l'Épître de saint Ignace aux Smyrnéens. « Et lorsque le Seigneur vint à ceux qui étaient autour de Pierre, il leur dit: Tenez-moi et me touchez, et voyez que je ne suis pas un démon incorporel. Et aussitôt ils le touchèrent, et ils crurent, étant convaincus par sa chair et par l'esprit. >>

Eusèbe avoue qu'il ne sait point où le martyr d'Antioche a puisé ce passage; mais saint Jérôme le reconnaît pour être d'un Evangile qu'il avait traduit depuis peu, et le rapporte avec quelques différences. « Et lorsqu'il vint à Pierre et à ceux qui étaient avec Pierre, il leur dit : Voilà, touchez-moi, et voyez que je ne suis pas un démon incorporel; et aussitôt ils le touchèrent,

:

1. Fabricius a écrit Ægyptios; Voltaire, Egyptiens de là vient la différence des numéros. (B.)

2. Nombre x1, note 2o. (Note de Voltaire.)

3. Ibid., notes 3 et 4°. (Id.)

4. Ch. . (Id.)

5. Hist. eccles., 1. III, p. 37. (Id.)

6. In catalog. Script. eccles (Id.)

et ils crurent. » Il cite ailleurs1 ces dernières paroles comme étant de l'Évangile des Hébreux, dont se servent les nazaréens. Cette citation de saint Ignace n'est pas plus exacte que celle de saint Clément Romain.

Non-seulement on peut conclure de là que les Évangiles apocryphes ont été cités par les Pères apostoliques, mais en même temps résoudre une grande difficulté touchant les quatre Évangiles authentiques. C'est que, comme il est incontestable que les noms de saint Matthieu, de saint Marc, de saint Luc, et de saint Jean, ne se trouvent dans aucun des Pères apostoliques avant saint Justin, on en infère que leurs Évangiles n'existaient pas, et que les seuls apocryphes avaient cours dans ces premiers temps.

Mais si l'on pose en fait que les Pères apostoliques ont cité peu exactement les Évangiles authentiques, et les apocryphes, sans en nommer aucun, rien n'empêche de dire que saint Matthieu et saint Luc sont cités dans ce passage de saint Clément Romain 2: << Car le Seigneur dit : Vous serez comme des agneaux au milieu des loups; mais Pierre, répondant, dit : Si donc les loups mettent les agneaux en pièces? Jésus dit à Pierre Que les agneaux ne craignent pas les loups après votre mort; et vous, ne craignez pas ceux qui vous tuent, et ensuite ne peuvent rien vous faire; mais craignez celui qui, après que vous serez morts, a la puissance de l'âme et du corps, et les peut envoyer dans la géhenne. »>

En effet, on lit dans saint Matthieu3: « Voilà, je vous envoie comme des brebis au milieu des loups'. Ne craignez point ceux qui tuent le corps et ne peuvent tuer l'âme; mais plutôt craignez celui qui peut perdre et l'âme et le corps dans la géhenne. » On trouve aussi dans saint Luc : « Allez, voilà je vous envoie comme des agneaux entre des loups. Or je vous dis, à vous qui êtes mes amis: N'ayez point peur de ceux qui tuent le corps, et après cela n'ont plus rien à faire davantage; mais je vous montrerai qui il faut que vous craigniez. Craignez celui qui, après qu'il aura tué, a la puissance d'envoyer dans la géhenne; oui, je vous dis, craignez celui-là. »>

Malgré la ressemblance de ces textes, on insiste sur ce que l'Évangile de saint Matthieu parle de Zacharie, fils de Barachie, qui ne fut tué, suivant Josèphe7, que pendant la guerre des Juifs

1. Prooem. in 1. 18 Isaiæ. (Note de Voltaire.)

2. Epist. 2, ch. v. (Id.)

3. Matth., ch. x, v. 16. (Id.)

4. Ibid., v. 28. (Note de Voltaire.) 5. Luc, ch. x, v. 3. (Id.)

6. Ibid., ch. XII, v. 4 et 5. (Id.)

7. Bell. Jud., 1. IV, ch. xIx. (Id.

contre les Romains. Donc, ajoute-t-on, l'Évangile de saint Matthieu fut écrit après cette guerre, qui y paraît prédite1.

Cette allégation spécieuse semble porter à faux dès que l'Evangile des nazaréens nous apprend que le Zacharie dont parle saint Matthieu était fils de Joïada.

Sans nous étendre davantage sur l'utilité des Évangiles apocryphes, voyons en peu de mots ce que l'on connaît de ces anciens écrits 3.

I. EVANGILE D'ANDRÉ APOTRE.

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Cet Évangile n'est connu que par le décret du pape Gélase, dont on a parlé dans l'avant-propos.

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Outre saint Jérôme cité dans l'avant-propos, Bède fait mention de cet Évangile, dont saint Épiphanes a conservé ce passage: « Le Christ a dit dans l'Évangile : Soyez d'honnêtes banquiers; servez-vous de toutes choses, en choisissant de chaque écriture ce qui vous sera utile. »

III. ÉVANGILE DES DOUZE APOTRES.

Saint Jérôme, Origène, saint Ambroise", et Théophilacte, en ont parlé.

IV. ÉVANGILE DE BARNABÉ.

Il est compris dans le décret de Gélase.

V. ÉVANGILE DE BARTHÉLEMY APOTRE.

Son nom se trouve dans le décret de Gélase, dans saint Jérôme, et dans Bède.

VI. ÉVANGILE DE BASILIDES.

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On ne connaît de cet Évangile que le nom cité par saint Jérôme, Origène, et saint Ambroise.

1. Matth., chap. XXIV, v. 6. (Note de Voltaire.)

2. Voyez no xxxvi. (Id.)

3. Tout ce qui précède est de Voltaire. Le sommaire qui suit des cinquante évangiles est non une traduction, mais une analyse de Fabricius.

4. Comment. in Luc. (Note de Voltaire.)

5. Hæres., 44, no 2. (Id.)

6. Homil., 1, in Luc. ex vet. vers. (Id.)

7. Prooem. Comment. in Luc (Id.)

8. Ad id. Lucæ Procemium. (Id.)

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Saint Épiphane1 pense que cet Évangile est un de ceux dont parle saint Luc en commençant le sien. Il avait insinué auparavant que Cérinthe se servait de l'Évangile de saint Matthieu.

VIII.

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HISTOIRE DE LA FAMILLE DU CHRIST, TROUVÉE
SOUS L'EMPEREUR JUSTINIEN.

Cette histoire, qui se trouve dans Suidas, le fit mettre par le pape Paul IV au nombre des livres défendus, au rapport de Possevin, qui parle aussi, dans son Apparat3, de la réfutation qu'Hentenius en publia à Paris, l'an 1547, à la fin du commentaire d'Euthymius Zigabenus sur les quatre évangélistes, qu'il avait traduits en latin.

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IX. HISTOIRE DES DESPOSYNES SUR LA GÉNÉALOGIE DU CHRIST.

Jules Africain, dans sa lettre à Aristides, rapporte qu'Hérode, honteux de son origine ignoble, fit brûler tous les monuments des anciennes familles d'Israël; mais qu'un petit nombre, jaloux de l'antiquité de leur noblesse, suppléèrent à cette perte en se faisant une nouvelle généalogie, soit de mémoire, soit en s'aidant des titres particuliers qui leur restaient. De ce nombre étaient ceux qu'on appela desposynoi en grec, parce qu'ils étaient proches parents du Sauveur.

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Saint Épiphane dit qu'ils avaient altéré et tronqué l'Évangile de saint Matthieu, qu'ils commençaient ainsi : « Sous le règne d'Hérode, roi de Judée, Jean, fils de Zacharie et d'Élisabeth, que l'on disait être de la race du prêtre Aaron, vint baptiser dans le fleuve du Jourdain, du baptême de la pénitence, et tout le monde allait à lui. Le peuple ayant été baptisé, Jésus y vint aussi, et fut

1. Hæres., 51, no 7. (Note de Voltaire.)

2. Hæres., 30, no 14. (Id.)

3. L'Apparatus sacer de Possevin a paru en 1603-6, 3 volumes in-f".

4. Euseb., Hist. eccles., 1. I, ch. vii, et Nicephor., 1. I. ch. 1. (Note de Voltaire.) 5. Josèphe, Hist. des Juifs, I. XIV, chap. 11, avoue cependant qu'il était petitfils d'Antipas, Iduméen, gouverneur de toute la Judée. (Id.)

6. Hæres., 30, no 13. (Id.)

baptisé par Jean. Et lorsqu'il fut sorti de l'eau, les cieux s'ouvrirent, et il vit le Saint-Esprit de Dieu qui descendait sous la forme d'une colombe, et qui entrait en lui. Et une voix éclata du ciel, disant : Vous êtes mon fils bien-aimé, je me suis complu en vous. Et ensuite: Je vous ai engendré aujourd'hui; et aussitôt dans ce même lieu brilla une grande lumière1. Ce que Jean ayant vu, lui dit : Qui êtes-vous, Seigneur? La voix reprit du ciel : Celui-ci est mon fils bien-aimé, en qui je me suis complu. A ces mots Jean, se jetant à ses pieds: Seigneur, dit-il, baptisez-moi, je vous prie; mais lui l'en empêchait, disant : Laissez, il est à propos que nous accomplissions ainsi toutes choses. » Ailleurs: les ébionites font dire à Jésus : « Je suis venu pour abroger les sacrifices; et, si vous ne cessez de sacrifier, la colère de Dieu contre vous ne cessera pas. » Ensuite3 : « Ai-je désiré de manger la chair, cette pâque avec vous? » Paroles que Luc rapporte sans interrogation et sans parler de la chair. Enfin, outre l'Évangile sous le nom de Matthieu, les mêmes ébionites paraissent en avoir supposé sous celui de Jacques et des autres disciples.

XI. ÉVANGILE SELON LES ÉGYPTIENS.

Saint Jérôme fait mention de cet Évangile, et saint Épiphane dit que les sabelliens y puisaient leur erreur; comme si le Sauveur y déclarait à ses disciples que le Père, et le Fils, et le SaintEsprit, sont le même.

Saint Clément Romain" et saint Clément d'Alexandrie en citent ces paroles : « Le Seigneur étant interrogé par une certaine Salomé, quand son règne devait venir, lui dit : Lorsque vous foulerez aux pieds l'habillement de la pudeur, et lorsque deux seront un, et ce qui est dehors sera comme ce qui est dedans, et que le mâle avec la femelle ne seront ni måle ni femelle1. Salomé demandant: Jusqu'à quand les hommes mourront-ils? le Seigneur dit : Tant que vous autres femmes enfanterez. Et lorsqu'elle eut dit : J'ai donc bien fait, moi qui n'ai point enfanté; le Seigneur répliqua : Nourrissez-vous de toute herbe, mais

1. Saint Justin, dans son colloque avec Tryphon, p. 315, dit qu'en ce temps il parut du feu dans le Jourdain. (Note de Voltaire.) 2. Epiphan., Hæres., 30, no 16. (Id.) 3. Ibid., no 21. (Id.)

4. Chap. XXII, v. 15. (Id.)

5. Epiphan., Hæres., 30, n° 23. (Id.) 6. Hæres., 62, no 2. (Id.)

7. Epist. II, no 12. (Note de Voltaire.)

(Id.)

8. Clem. Alex., 1. III, Strom., p. 465.

9. Ibid. (Id.)

10. Ibid., 1. III, Strom., p. 445. (Id.)

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