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tobre 1805, après avoir conquis l'Italie par ses généraux, et placé sur sa tête, presque en présence des armées autrichiennes, l'antique couronne des Lombards (1): un royaume fut le prix d'une course.

(1) Que les personnes qui ont observé les opérations militaires et politiques du général Bonaparte en Italie, arrêtent leur attention sur ce point de sa conduite; elles verront avec quelle prédilection il a enrichi le duché de Milan des fruits de ses victoires, avec quel artifice, après avoir enflé le cœur des Milanais et de plusieurs peuples voisins, réunis sous des lois et des formes républicaines, après avoir fait sonner, à leur oreille délicate et prompte à l'enthousiasme, le nom de république italienne; il a insinué à la consulta de Milan, ensuite à la consulta convoquée à Lyon, tous ces actes de reconnoissance qui devoient l'élever, par degrés, au titre de fondateur, de protecteur, de président de la république; enfin lui imposer l'obligation de charger sa tête de la couronne exhumée des Lombards.

Voilà la véritable cause de l'existence laborieuse, éqnivoque de l'Italie, dont il étoit si facile à Bonaparte, général, consul ou empereur, de fixer à jamais l'indépendance. Cette même politique, nous la retrouverons dans sa conduite à l'égard de la brave nation polonaise. Il laisse aux empereurs de Russie et d'Autriche une belle moisson de gloire à recueillir; qu'ils interrogent le siècle, qu'ils entendent le vœu de deux grands peuples, et deux grands exemples seront donnés au monde.

CHAPITRE VIII.

Guerre contre l'Autriche. Belle et glorieuse campagne, couronnée par le traité de Presbourg. Gouvernement militaire; ses effets politiques et moraux. Développement du plan de Napoléon. Conseil d'état. Confédération du Rhin.

APOLÉON atteint son armée, et la harangue avec la confiance qu'inspire la certitude de vaincre. Bientôt il occupe le territoire ennemi, et, de triomphe en triomphe, il arrive, il entre dans Vienne, désertée par les grands de l'état, abandonnée par le gouvernement. Il y règne, plus qu'il n'y exerce les droits de conquête. Il donne l'exemple de la modération après la victoire, de la justice envers les peuples, de la magnanimité envers un prince agresseur. Il dédaigne l'orgueil de punir une injure, et immole les justes ressentimens qu'il a apportés du camp de Boulogne. Que de triomphe et de gloire au début de cette campagne en quelque sorte improvisée! Combien la conduite de l'empereur François, préparant la guerre sous les auspices de la paix, s'en

gageant dans une coalition tramée avec le secret dont les conjurations s'enveloppent, s'humiliant à la condition d'un subsidiaire de l'Angleterre, relevoit le mérite de son vainqueur et le prix de sa noble générosité!

Cette campagne sera à jamais célèbre par la rapidité et la grandeur des événemens qui l'ont remplie. On comptoit plusieurs généraux, dont chacun en eût pu concevoir le plan, en diriger la conduite, en assurer le succès : tous exécutèrent les manœuvres les plus savantes, tandis que l'empereur déployoit toutes les ressources de la science et du génie avec ce calme qui présage des triomphes certains. Tout promettoit aux Français un grand jour; tout annonçoit un jour funeste à l'armée austro-russe. Le 2 décembre, la bataille d'Austerlitz ébranla le trône de l'empereur Fran- 1805. çois, et Napoléon le raffermit en signant la paix à Presbourg.

Que de faits d'armes, que d'actions dignes de mémoire, auront à recueillir les historiens de cette campagne! drame militaire par sa rapidité, par d'intéressans épisodes, par son dénouement; et si le pinceau est digne du sujet, que de brillans détails elle fournira au grand tableau de l'histoire! Mais qu'après avoir décrit les combats et célébré les héros, le philosophe se montre sur la scène, déplore le sort, réclame les droits de

l'humanité; qu'il expose aux regards des rois les plaies que chacune de leurs querelles lui a faites ; qu'il fasse retentir dans leurs consciences la voix de la postérité, cette voix qui juge les maîtres de la terre et venge les peuples. A quel irrévocable arrêt doit s'attendre celui (1) qui, un pied dans nos rangs, l'autre sur la première marche du trône, accuse Tacite, justifie la sombre tyrannie de Tibère, les cruautés de Néron, les absurdes fureurs de Caligula. Cette injure, adressée à la verve de Tacite, organe précurseur de la justice des temps; cet intérêt pour des monstres chargés de dix-neuf siècles de haines et d'exécrations nous révéloient un bien affreux avenir, et présagèrent au monde des destinées qui, par bonheur, ne se sont pas toutes accomplies. Le maguanime Alexandre vient de payer à la France la dette qu'il contracta envers Napoléon, après la bataille d'Austerlitz, quoique les flammes de Moscou en aient dévoré le titre.

Le traité de Presbourg accroît les domaines et l'influence de Napoléon. Il est reconnu roi d'Italie. Ses alliés, les rois de Bavière et de Wurtemberg, le prince de Bade, la Suisse et la Hollande, sont appelés au partage de la dépouille du vaincu,

(1) Bonaparte encore consul.

et fondent leur indépendance et leur sécurité sur la considération politique qui environne l'empereur lui-même. Ses ennemis sont frappés de terreur, les Français d'admiration: au plus haut degré de bonheur et de puissance, de gloire et de renommée, que lui manque-t-il? la modération, les vertus qui conservent les empires, bien différentes des qualités et des talens qui les fondent. La providence lui présente l'occasion de réparer, par des lois sages, par ces soins paternels qui distinguent les bons rois, les maux inséparables de la guerre. Elle l'a placé entre les nobles jouissances que goûte un père au sein d'une famille heureuse, et les regrets qui marquent tous les pas d'un conquérant; elle lui montre à la fois le port et les écueils où tant d'ambitions ont échoué, où se brisent les grandeurs immodérées. Ni la perspective du bonheur des peuples, ni l'honneur (1) de protéger les lettres et les arts, d'étendre les bienfaits

(1) « Il condamna (Boileau) au mépris et à l'indignation publique ces hommes flétris du nom de conquérans; » insensés qui osent croire à la gloire du crime. »

Ainsi s'exprimoit, dans son éloge de Boileau, à l'âge de dix-neuf ans, un littérateur qui, dans plusieurs ouvrages, a constamment opposé de semblables maximes aux louanges tant de fois prodiguées au conquérant le plus insensé.

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