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des braves qui sauvèrent la France à Fleurus; qui, dans l'Italie, et sous le ciel brûlant de l'Égypte ; qui, à Hohenlidden, à Marengo, à Austerlitz, à léna, à Friedland, enchaînèrent la victoire à tes drapeaux ? Ils ne sont plus; les zones brûlantes et les zones glaciales les ont dévorés ; et, le sourire sur les lèvres, le mépris des hommes dans ton barbare cœur, tu commandes à nos enfans de suppléer par le dévouement à la foiblesse, de combattre contre des armées, sinon victorieuses encore, du moins guéries des préventions qui paralysèrent long-temps leur courage, non-seulement contre des armées, mais contre des nations qu'animent les plus justes ressentimens.

Vainement', à cette époque de nos plus grands désastres, un ministre, affectant la voix perfide des syrènes, veut persuader à la nation qu'elle croît en nombre, en puissance, en industrié, à mesure que les conscriptions sont plus rapprochées et plus générales : non moins dérisoire qu'absurde, son adulation est sans objet. Le cœur de Napoléon étoit fermé aux remords; les nôtres à l'espérance. Mais elle peint les hommes et le temps.

1813.

CHAPITRE XIII.

Dernière armée de Napoléon; sa dernière campagne ; ses vaines négociations pour la paix; son abdication forcée. Conséquences de cette rapide révolution. Réflexion sur le sort que doivent éprouver les princes dontla politique est en opposition avec les lumières du temps, les dispositions des peuples et les convenances locales.

L'IMPATIENT Napoléon a tout disposé pour une nouvelle campagne : elle s'ouvre par des. succès; prélude trompeur des revers que lui ménage la fortune. L'heure approche où le tocsin de la haine soulevera contre la France, ou plutôt contre leur orgueilleux protecteur, les princes confédérés; où cette haute puissance qui, sous le voile d'une alliance nécessaire, a savamment préparé la trame dans laquelle le téméraire Napoléon doit se prendre, nous expliquera, en se déclarant partie active de la coalition, la marche insignifiante de son armée, dans la dernière campagne; et dans celle-ci, ses hésitations, ses secrètes intelligences. Cependant

cet état de choses, tout désespérant qu'il était, laissait encore ouverte une voie de salut pour la France, si l'empereur pouvoit enfin se résoudre à prendre conseil de tout autre que de lui-même. La défection de l'Autriche rompoit le lien de la confédération du Rhin, et entraînoit toute l'Allemagne dans la coalition. Mais ce concours de toutes les forces germaniques, russes et suédoises, avoit très-évidemment la paix pour objet. La fin des tyrannies qui pesoient sur l'Europe, en étoit alors l'unique condition : elle fut proposée et presque sollicitée par les princes coalisés, avant et après ces sanglantes batailles, qui, perdues ou gagnées, étoient également funestes à Napoléon. Il pouvoit conclure un traité,,non moins avantageux qu'honorable, s'il l'eût voulu de bonne foi. Mais il prétendoit dicter la paix, et non la négocier, se remettant dans la situation politique et militaire où il étoit avant l'hiver de 1812.

En tournant ses armes contre la France, l'empereur d'Autriche ne cesse pas d'être médiateur entre l'empereur son gendre, et les princes ses coalliés : caractère auguste, prééminence respectueuse que ces princes lui défèrent à l'envi. Ce témoignage de leur confiance envers le père de notre impératrice, parut à toute l'Europe le gage d'un rapprochement plus prochain, d'une paix

ardemment désirée. Par son adhésion à ce vote universel, Napoléon auroit expié des fautes, des erreurs que nous avons bien chèrement payées; il auroit, sinon réparé, du moins reconnu les injustes agressions dont il s'étoit rendu coupable : il auroit plus fait encore; il eût sauvé ses plus beaux titres de gloire; car, en n'exposant pas ses dernières ressources à de nouveaux hasards, les ennemis même, malgré leur grande supériorité, pouvoient douter à qui le sort réservoit l'honneur et les avantages dé la campagne. Un capitaine tel que Napoléon, ne commandant qu'à des soldats français, autorisoit ce doute. L'opinion publique, juge suprême des souverains, étoit disposée à l'indulgence. Même auprès de cet inflexible tribunal, des victoires, d'immortels lauriers sont de puissans défenseurs. Déjà on se plaisoit à mettre sur le compte d'une nature invincible les déplorables résultats de sa campagne de Moscou : du moins c'eût été dans l'histoire une de ces questions problématiques sur lesquelles la critique s'exerce et qu'elle n'ose résoudre. L'empereur n'avoit qu'à changer de système pour s'assurer la conquête la plus glorieuse, l'affection et la reconnoissance d'un grand peuple, pour recouvrer les titres d'époux, de père, de roi, qu'il avoit jusqu'alors sacrifiés à son effrénée ambition. Celui de conquérant ex

clut ou flétrit tout autre titre; comme la passion de la guerre absorbe tous les sentimens doux et humains.

Napoléon joue les plénipotentiaires, réunis à Dresde, ensuite à Prague; il trompe ses propres ministres : le congrès lui semble une conjuration, et l'état de paix un état d'agonie. Cependant un armistice est conclu. Tandis que les penples et l'armée en tirent un favorable augure, il emploie le temps de sa durée à réformer les vices d'une organisation précipitée; il préside en personne à l'instruction des corps nouvellement formés. La reprise des hostilités est résolue dans cette tête inflexible, si accoutumée à froidement compter ce qu'une campagne coûtera de générations à l'humanité, de citoyens et de pleurs à la patrie la guerre est rallumée dans son impitoyable cœur. Insensé, qui force l'Autriche à tourner contre lui ses nombreuses légions; qui fait une extrême nécessité aux divers états germaniques de se concentrer en un seul corps de nation, de confondre leurs inté rêts, de faire cause commune avec la Russie, dont cette même Allemagne a tant de motifs de redouter l'influence. Quelle barrière sera désormais assez forte pour retenir les hommes du nord dans leur âpre climat? Les limites ont été franchies: la route est tracée; et la pente nalu

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1813.

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