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toire lui-même. La solution de cette difficulté étoit décisive. Ce choix tomba sur Bonaparte.

L'audace de ce guerrier convenoit sans doute aux intrigans et aux petits ambitieux qui, ne voyant, dans cette entreprise, qu'un de ces violens coups d'état, qui sont toujours pour eux des coups de fortune, en pressoient l'exécution avec tout le zèle du patriotisme, avec l'accent de l'intérêt public. Mais son caractère, qu'avoient trop fait connoître ses guerres d'Italie et sa romanesque colonisation africaine, jetoit la défiance et l'épouvante parmi les citoyens qui n'aspiroient qu'à des réformes que la foiblesse, l'impuissance et la pernicieuse composition du directoire rendoient indispensables. Ceux-ci avoient ouvertement désiré que la conduite de la journée fût mise aux mains d'un capitaine dont la modération et le désintéressement nous fussent garantis par des vertus reconnues, par un amour éprouvé de la patrie. La voix publique le nommoit; mais les hommes qui domi

noient alors n'étoient pas animés tous des mêmes sentimens ; les plus cupides, qui sont aussi dans les révolutions les plus adroits, repoussèrent celui qui n'eût employé son pouvoir qu'à rétablir la nation dans le droit de recomposer son gouverne→ ment et d'en donner la direction héréditaire au prince et à la dynastie qu'un vote libre auroit désignés. J'atteste qu'il ne nous seroit pas venu du sein d'une population récemment affranchie, et qui ne fût jamais un peuple.

Déjà, à cette époque, le malheureux essai que les Français avoient fait du régime républicain les avoit ramenés à des idées plus saines et plus justes; ils désiroientun gouvernement plus ferme dans son action, plus solide sur ses bases, et sous lequel la jouissance de la liberté fût moins troublée : c'est peut-être celle où la monarchie représentative se seroit rétablie avec moins de contradiction, où le pacte de 1791 eût sans obstacle, être remis en vigueur

pu,

avec les changemens que l'expérience a fait

jugér nécessaires, où, en réalisant les conquêtes légitimes de la révolution, il étoit plus possible de s'entendre sur les indemnités qu'il eût convenu d'accorder aux individus ou aux familles qu'elle avoit violemment entraînées dans son cours. Il est certain, et d'autres que moi pourroient l'attester,qu'aux premiers jours de brumaire an VIII, ce projet de restauration constitutionnelle se rattachoit, comme en étant la conséquence immédiate, à celui de dissoudre le gouvernement directorial; que ces projets avoient été formés dans le directoire même ; et tels étoient les personnages qui les avoient conçus, tels étoient les moyens et la probabilité du succès, qu'un seul homme au monde étoit capable de dissoudre cette confédération, et de renverser un plan qu'avouoient la raison, la sagesse et l'intérêt général. Cet homme, c'étoit Bonaparte.

J'ai dit que, dans tous ces mouvemens contradictoires, trois directeurs manœuvroient contre les deux autres, qui, de leur

côté, se faisoient considérer comme les

в

que

le

seuls et les derniers défenseurs du peuple et de la liberté titre usé, qui ne fut signal de leur détresse. J'ai dit que l'un des trois avoit cessé de dissimuler, lorsqu'il fallut se prononcer sur le choix du chef de la garde directoriale. Peu de personnes ont su peut-être qu'un général citoyen, déjà prévenu, attendoit, dans la matinée du 18 brumaire, l'ordre de se rendre à SaintCloud avec ses aides-de-camp, lorsque déjà l'étranger, dont le frère, Lucien Bonaparte, présidoit les conseils, avoit consomme la catastrophe.

Le directeur qui avoit pu, par une sorte d'influence qu'il exerçoit depuis long-temps et qu'il ne partageoit avec personne, mettre aux mains de Bonaparte le bâton du commandement, n'entendoit certainement pas l'armer contre la patrie, contre notre liberté ! inhabile, imprudent, il servoit mal l'ane ; esclave de ses propres passions, il ne défendoit pas à propos, ou défendoit mal l'autre. Ses deux collègues, au contraire on sait que l'un d'eux se chargeoit de penser et de vouloir

pour son docile collégue), plus prévoyans, plus capables de conduire à sa fin une grande affaire d'état, avoient pénétré l'intention secrète de Bonaparte; ils ne doutoient pas que, s'il disposoit de la force armée, il ne l'employât à s'emparer du pouvoir, et que, saisi du pouvoir, il n'aspirât à la tyrannie.

C'est ainsi que prévalurent les intrigues d'un magistrat qu'aucun vrai talent n'avoit distingué sur la trame qu'avoient ourdie,avec réflexion et maturité, pour un but éminemment patriotique et national, des esprits cultivés, des têtes fortes, des magistrats éprouvés par les vicissitudes diverses de la révolution. Dans tous peut-être les motifs n'étoient pas également purs; il en étoit qui, en travaillant pour tous, se réservoient la meilleure part pour eux-mêmes. Gardonsnous, en instituant le culte des lois et de la patrie, de convertir, en dogme politique, cette doctrine imaginaire, cette idéale perfection que le vertueux archevêque de Cambray vouloit pour le culte d'adoration et

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