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qu'elle se soit délivrée de l'obligation qu'elle s'est imposée; ce qui emporteroit quelquefois bien du temps et qui est même quelquefois impossible, mais il veut seulement qu'elle emploie toute la diligence dont elle est capable pour cela.

C'est dans un sens pareil que Jérémie disoit aux Juifs'après la ruine de Jérusalem : Faites couler de vos yeux, jour et nuit, un torrent de larmes ; ne vous donnez point de relâche, et que la prunelle de votre œil ne se taise point. Deduc quasi torrentem lacrymas, per diem et noctem; non des requiem tibi, neque taceat pupilla oculi tui. Le prophète n'exigeoit pas des Juifs qu'ils pleurassent sans interruption jour et nuit, qui est impossible; mais qu'ils eussent dans le cœur une grande douleur toutes les fois qu'ils se rappelleroient la destruction de la ville sainte.

ce

Nous pourrions rapporter plusieurs exemples de cette manière de parler des langues grecque et latine; nous nous contenterons d'en indiquer un pris de la nôtre. Nous disons qu'on ne prendra aucun repos jusqu'à ce qu'on ait achevé une affaire, qui, quelquefois, ne se peut terminer que dans l'espace de plusieurs années. Voulons-nous par

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là nous interdire le repos, la tranquillité, le sommeil pendant tout ce temps? Non, sûrement; nous sommes bien éloignés de cette pensée; nous marquons seulement par ces paroles que nous ferons notre principale occupation de cette affaire, et que nous ne la perdrons pas de vue jusqu'à ce qu'elle soit finie; et c'est en ce sens que tout le monde entend ce que nous disons.

On ne manquera pas de nous dire que David n'accomplit pas son vou. Cela est vrai ; Dieu l'en dispensa en lui envoyant annoncer, par le prophète Natham, que ce n'étoit pas lui, mais son fils Salomon qu'il avoit choisi pour lui bâtir un temple.

Fourmi.

Deux fameux naturalistes démentent ce qu'on dit de la prévoyance de la fourmi, qui, comme on le croit communément, ramasse en été la nourriture dont elle a besoin pendant l'hiver.

Swammerdam dit formellement qu'il n'a jamais aperçu dans les fourmilières ces divers appartements construits avec art, et disposés selon les lois de l'architecture, dont les auteurs font mention, ni observé que les fourmis, pendant l'été, amassent des provisions pour l'hiver, ce qui l'autorise à pen

ser qu'elles ne mangent rien tant que l'hiver est rigoureux, comme cela est ordinaire à la plupart des insectes, et à quelques espèces d'abeilles, qui, dans le temps froid s'abstiennent absolument de toute nourri

ture.

M. de Réaumur s'exprime encore là-dessus d'une manière plus précise dans les termes suivants :

Quelque établi qu'il soit que l'industrieuse et prudente fourmi se fait, pendant l'été, des magasins qui doivent servir à la nourrir pendant l'hiver, tous ces prétendus magasins n'ont rien de réel; cent et cent recherches m'ont appris que les fourmis ne savent ce que c'est que de faire des provisions. Quand elles portent des grains de blé et d'autres grains à leurs habitations, elles les y portent précisément comme les brins de bois , pour les faire entrer dans la construction de leur édifice ; c'est ce qui sera prouvé incontestablement dans leur histoire. Il n'y a peut-être point d'insectes à qui toute cette prévoyance et tout ce travail fussent plus en pure perte. A quoi serviroient des amas de blé pendant l'hiver à des fourmis qui le passent amoncelées les unes sur les autres, et si immobiles qu'elles semblent mortes ? Bien loin qu'elles eussent la force d'entamer des grains de blé, elles n'ont pas alors celle

de se mouvoir. Ce seul fait nous apprend combien les faits d'histoire naturelle les plus reçus ont encore besoin d'être examinés de nouveau. La vraie prudence des fourmis se réduit à se mettre le plus à l'abri qu'il leur est possible du froid, dont un degré assez médiocre est capable de les priver de tout mouvement. Vers le commencement de mars, il y a ordinairement des jours assez chauds pour les ranimer; alors elles commencent à paroître; elles vont chercher de la nourriture.

M. François Carré, qui, dans une dissertation sur la police des fourmis, insérée au Mercure de France du mois de mai 1749 assure avoir étudié ces insectes depuis près de trente ans, appuie de son suffrage la décision de M. Réaumur touchant l'état d'engourdissement où ils vivent pendant l'hiver. J'ai fait fouiller, dit-il, en été, en hiver, dans le printemps et l'automne, une infinité de fourmillières, sans jamais avoir découvert ces prétendus magasins dont les rameaux s'étendent au large, ces greniers souterrains, composés de plusieurs chambres qui s'entrecommuniquent par des galeries, et qui sont creusées si avant que les pluies et les neiges ne pénètrent point jusqu'à leur voûte, comme s'exprime M. Rollin sur la foi de quelques naturalistes, ce qui m'a autorisé à décider que le sentiment commun n'est qu'une erreur,

Ce qu'il y a de vrai, c'est que si une fourmilière est à portée de quelques grains battus, les fourmis y charient continuellement. Si l'on fouille alors cette fourmilière, on y trouvera ce qu'elles n'auront pu consummer; mais, dans tout autre temps, on n'y trouve aucune provision. Lorsque les graines, ainsi amassées à la hàte, commencent à fermenter et à se pourir, les fourmis les emportent hors de leurs retraites avec la même activité qu'elles les y avoit portées. Puisque les fourmis passent une partie de l'automne, l'hiver entier, et une partie du printemps dans le sommeil, ainsi que les reptiles, presque tous les insectes, différentes espèces d'animaux quadrupèdes et les oiseaux nocturnes, elles n'ont pas besoin de provision. Donc cette espèce de ville, plus longue que large, ces différentes rues distribuées avec la plus exacte symétrie, ces voûtes impénétrables aux eaux, ces poutres, ces soliveaux, ces galeries et ces magasins pratiqués avec un art inimitable, deviennent de pures chimères et de vaines spéculations dont on se repaît agréablement dans son cabinet.

Comme les incrédules ne manqueront pas quelque jour de nous objecter que Salomon · a été dans l'erreur commune au sujet des fourmis, nous avons cru devoir les prévenir en répondant à cette difficulté.

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