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On a fait voir, à l'article Similitude tirée du sel, que dans l'apologue il n'étoit pas nécessaire que l'objet de comparaison fût réel ou même possible, mais qu'il suffisoit qu'il fût propre à l'application qu'on y faisoit. La similitude, la comparaison, l'exemple, sont des apologues abrégés. Quel est le but de la similitude ou comparaison? C'est de faire connoître de plus en plus le sujet dont on parle en le comparant à un autre qui a quelque ressemblance avec lui. Quel est le but de l'exemple ? C'est de donner un modèle de conduite, et d'animer à l'imiter par la vue de ce que pratique celui qu'on donne pour modèle; or dans l'un et dans l'autre cas, l'apparence ou l'opinion est aussi propre que la vérité à produire ces effets.

On croit communément que la colombe est sans fiel; dès lors, sans examiner la volonté du fait, on dira à un vindicatif qu'il faut être sans fiel comme la colombe. Qu'on proposé pour modèle un hypocrite qui sait si bien se masquer qu'il est universellement cru homme de bien; sa conduite sera aussi propre à inspirer de bonnes mœurs que s'il étoit vertueux.

Les hommes voient les fourmis emporter pendant l'été quantité de grains dans leurs fourmilières; ils ne les voient point sortir l'hiver pour chercher de la nourriture; ils

les voient reparoître pleines de vie au printemps, ils ont naturellement conclu de là qu'elles s'étoient nourries pendant l'hiver du blé qu'elles avoient recueilli au temps de la moisson: telle a été jusqu'à nos jours l'opinion de tous les hommes sans exception. Cette opinion ainsi établie, on a pu, sans faire de plus amples recherches, les proposer pour modèle aux paresseux, qui, passant la belle saison dans l'oisiveté, se trouvent dans l'indigence pendant l'hiver. Il y a plus; c'est que lors même qu'on a reconnu la fausseté de ces créances vulgaires, on ne laisse pas de continuer à s'en servir. Il y a long-temps que les sirènes sont reléguées au pays des fables, on dit cependant tous les jours qu'une jeune personne qui a une belle voix chante comme une sirène.

Verre, dans le Livre des Proverbes.

Ne intuearis vinum quandò flavescit, cùm splenduerit in vitro color ejus'.

Ne regardez point le vin lorsqu'il paroît clair (à la lettre : lorsqu'il tire sur le jaune), lorsque sa couleur brille dans le verre.

Salomon, dit un incrédule, n'a pu parler ainsi, car le verre n'avoit pas encore été trouvé du temps de ce prince.

' Prov., c. 23, v. 31.

Apparemment que l'assertion tient ici lieu de preuves, car on n'en apporte aucune qui appuie ce qu'on avance avec tant de hardiesse.

Pour répondre à des personnes qui procèdent ainsi, il suffiroit de nier ce qu'ils affirment; mais nous ne voulons pas nous en tenir là, et nous allons faire voir que le verre a été connu avant le règne de Salomon.

. On a commencé à faire du verre avec le sable du Bélus, rivière de Phénicie. Le bord d'où l'on tire ce sable n'a pas plus de cinq cents pas d'étendue; un si petit espace a suffi pour fournir pendant beaucoup de siècles la matière de tout le verre qui s'est fabriqué. Quingentorum est passuum non ampliùs littoris spatium, idque tantum multa per sæcula gignendo fuit vitro'.

On le faisoit à Sidon, qui n'est pas éloigné du Bélus. Nous apprenons d'Aristophane que de son temps, c'est-à-dire quatre cents ans avant Jésus-Christ, il y avoit des verres brûlants à Athènes, des verres préparés pour des expériences physiques, des verres de philosophes avoient sûrement été moulés et par conséquent fondus dans la Grèce. Il y avoit donc dès lors dans ce pays des verreries, qui sont des manufactures d'autant plus faciles à

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établir qu'on trouve partout du sable propre à faire du verre.

Ce n'étoit donc plus, quatre cents ans avant Jésus-Christ, le sable de Bélus qui fournissoit tout le verre; il faut donc placer au-dessus de cette époque cette multitude de siècles dont parle Pline, pendant lesquels on n'avoit point de matière pour en fabriquer que fabriquer que celle que

l'on tiroit de cette rivière. Ce ne sera sûrement pas porter trop haut cette multitude de siècles, si on la compose de six ou de sept. Suivant ce calcul, nous pouvons placer l'invention du verre au temps du règne de Saül; ainsi il ne faut pas être surpris si Salomon, qui régnoit dans la Palestine au voisinage de Sidon, a connu les verres à boire que l'on fabriqua dans cette ville, selon le rapport de Pline, dès qu'on commença à se servir du verre au même endroit.

Quoique le terme de verre ne soit pas expressément dans l'hébreu, il y est suffisamment indiqué. Voici ce texte à la lettre : Ne regardez point le vin lorsqu'il est rouge, et qu'il fait paroître son œil (c'est-à-dire sa couleur) dans la coupe. On voit aisément qu'il n'est pas ici question d'une coupe de métal, de corne ou de terre dans laquelle la couleur du vin est à peine aperçue, mais d'une coupe de verre dans laquelle elle se fait voir de tout côté avec éclat..

Le juste pèche-t-il sept fois par jour?

«La religion, dit un incrédule', est si >> peu proportionnée à l'humanité que le » plus juste fait des infidélités à Dieu sept >> fois par jour, c'est-à-dire plusieurs fois. »

Réponse. Voici le passage que cite l'incrédule : Le juste tombera sept fois et se relevera; mais les impies tomberont dans le mal: Septies enim cadet justus, et resurget, impii autem in malum corruent3.

Ces termes, par jour, ne se lisent ni dans l'original, ni dans aucune version : c'est une addition de l'incrédule, insérée studieusement dans le texte pour grossir la difficulté. Nous laissons au lecteur à qualifier cette conduite.

Le terme hébreu naphal, tomber, se trouve plus de quatre cents fois dans l'Ecriture, mais jamais il n'y signifie pécher. Les Septante et l'auteur de la Vulgate ne l'ont jamais traduit ainsi, quoiqu'ils lui aient donné plusieurs significations outre la primitive, qui est celle de tomber. Il ne faut donc pas prendre pour des péchés les chutes dont il est ici parlé; mais on doit entendre par là des disgrâces, des malheurs, des afflictions,

* Nouvelles libertés de penser.

Proverbes, c. 24;

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