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Il faut ici prévenir une objection que les ennemis du christianisme ne nianqueront pas de proposer quelque jour. Elle se tire de ces paroles qu'on lit dans le premier chapitre d'Osée, que nous avons rapportées : Je punirai, dit le Seigneur, sur la maison de Jéhu les sangs de Jezrahel, c'est-à-dire le carnage fait à Jezrahel. Puisque c'étoit le Seigneur, diront les incrédules, qui avoit commandé les morts violentes que Jéhu fit souffrir à la pos térité d'Achab, comment peut-il les punir?

Corneille de La Pierre explique ainsi ce passage: Je punirai la maison de Jéhu par un massacre comme celui ou semblable à celui que Jéhu a fait par mes ordres sur la maison d'Achab à Jezrahel, parce que Jéhu et ses descendants ont mérité les mêmes châtiments qu'Achab, en persévérant dans l'idolâtrie, quoique je ne les eusse élevés sur le trône d'Israël que pour la détruire.

Cette explication est bonne; il seroit à souhaiter que ce commentateur l'eût appuyée de quelque preuve. Il s'est contenté de nommer deux ou trois interprètes qui ont` pensé comme lui. Mais les ennemis que nous combattons n'auront aucun égard à ces autorités : il leur faut des preuves grammaticales, des preuves tirées du texte même. Nous avons trouvé dans l'hébreu de quoi les satisfaire.

Ech, qui précède deme, sangs, est souvent

un article; ainsi on traduit communément ces deux mots eth deme, les sangs ou le sang. Nous avons rapporté plus haut cette version sans la combattre; nous réservant d'indiquer ici une signification de ce mot, qui forme un meilleur sens en cet endroit.

Si eth se met pour un article, il se prend aussi quelquefois dans le sens de selon, comme, de la méme manière'; et c'est ainsi qu'il est convenable de l'entendre dans ce passage. Alors. ce n'est plus la maison de Jéhu que Dieu punit, à cause que, par ses ordres, ce prince a exterminé Achab, ce qui seroit absurde; mais le Seigneur châtie avec justice la maison de Jéhu, de la même manière que la race d'Achab; parce que Jéhu et ses descendants ayant été placés de sa main sur le trône d'Israël pour détruire l'idolatrie, ils y sont abandonnés comme Achab et sa famille.

Jonas.

Josèphe raconté ainsi le prodige de Jonas: « On dit, logos, qu'il fut englouti par un » gros poisson', et qu'après trois jours et trois >> nuits il fut rejeté en vie. »

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Voyez Exode, c. 25, v. 29. If des Rois, c. 17, v. 6. Ezechiel, c. 20, v.. 16.

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Cette manière de s'exprimer, disent les incrédules, montre bien que Josèphe ne croyoit pas ce miracle.

Elle ne le montre-point du tout, puisqu'il s'exprime de même sur un fait dont sûrement il ne doutoit pas. Il dit : « qu'Elie, fuyant Jé»sabel', se retira au mont de Sinaï, où l'on » dit, legetaï, que Moyse reçut la loi de la » main de Dieu. » On voit, par tous les ouvrages de Josèphe, qu'il étoit pleinement persuadé que la loi des Juifs avoit été donnée par Dieu même; et comment auroit-il pu marquer du doute ou de l'incrédulité sur le prodige de Jonas, qu'il dit, dès le commencement du chapitre où il en parle, qu'il va raconter comme il est dans les livres saints? Voici ses termes : « Comme je me suis engagé à donner » une connoissance exacte de ce qui nous re

garde, je me crois obligé de rapporter ce » que les livres des Hébreux nous apprennent >> de ce prophète. » Josèphe, après avoir si hautement déclaré qu'il va rapporter exactement le prodige que les livres saints nous présentent comme incontestable, auroit-il pu, dix lignes après, marquer du doute sur cet événement?

La baleine qui avoit englouti Jonas le rejeta sur le bord, à la lettre sur le sec. Cela

Liv. 8, c. 7.

est impossible, disent les incrédules; un si prodigieux poisson ne peut approcher du rivage assez près pour rejeter un homme jusque sur le sec.

Réponse. L'espèce du poisson qui engloutit Jonas n'est point indiquée daus l'Ecriture. Le texte hébreu porte: Dag gaddol, grand poisson; le grec ketos du nouveau Testament, et le cetus de la Vulgate, qui en est formé, sont aussi indéterminés que l'hébreu; ils signifient en général tous les grands poissons qui peuvent engloutir des hommes. Quoiqu'il y en ait plusieurs de ce genre, on a cru communément que celui qui engloutit Jonas étoit une baleine; mais les observations qu'on a faites dans ces derniers siècles ne s'accordent pas avec cette opinion.

Le gosier de la baleine n'a qu'un demi-pied de largeur; cette ouverture n'est pas assez grande pour qu'un homme y puisse passer.

La baleine se nourrit de petits insectes qui flottent par pelotons dans la mer. On les nomme puces de mer, et amorce ou nourriture de la baleine. En effet, dans la dissection des baleines, on ne trouve autre pâture dans leur estomac que de l'eau épaisse et de ces menus insectes, rarement quelques anchois ou petits poissons blancs, mais jamais de gros poissons. Les Hollandais, dans leur ambassade à la Chine, disent que lorsqu'on

ouvre des baleines', on ne trouve dans ces grands corps qu'environ dix ou douze poignées de petites araignées noires, et quelque peu d'herbe verte..... Ceux qui ont été à cette péche (de la baleine) rapportent qu'ils ont quelquefois trouvé trente voires, quarante cabilleaux dans le ventre de ce monstre. Le cabilleau est le merlus, espèce de morue qui n'a qu'environ deux pieds de long.

On voit par ces observations que la baleine ne peut engloutir un homme; il faut donc chercher quelque autre grand poisson qui, par sa voracité et la conformation de son corps, se soit trouvé propre à exécuter les desseins de Dieu sur Jonas. C'est pourquoi la plupart des savants se sont déterminés pour la lamie ou chien marin.

Ce poisson (1) est d'une si prodigieuse grandeur qu'on a trouvé des hommes entiers dans son estomac. C'est le plus goulu de tous les poissons; il a les dents âpres, grosses et aiguës, découpées comme une scie, et de figure irrégulière; elles sont disposées pas six rangs, dont le premier paroît hors de la gueule; celles du second sont droites, et les autres courbées en dedans. Ce poisson est une masse si pesante qu'une charrette traînée deux par

Partie 2, p. 99.

(1) Dictionnaire des animaux, au mot Lamie.

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