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dotion ou d'Aquila. Voilà les additions et les suppressions que saint Jérôme improuve, non parce qu'elles altéroient l'intégrité des originaux dont il n'est point question, mais parce qu'elles formoient des copies moins parfaites des versions, les unes par les retranchements qu'elles faisoient, les autres par la confusion qu'elles introduisoient voilà à quoi se réduisent les paroles de saint Jérôme, qui n'en imposeront qu'à ceux qui ne voudront pas les approfondir.

:

Il se présente ici une difficulté qu'il est à propos de résoudre..

L'Eglise latine ne se sert pour l'enseignement public que de la Vulgate déclarée authentique par le concile de Trente, mais comment l'Eglise a-t-elle pu donner une pa-reille autorité à cette version, puisqu'elle ne l'a jamais comparée avec l'original pour connoître si elle y étoit conforme? L'usage qu'on en a fait pendant une longue suite de siècles a paru au concile une preuve de sa fidélité. Rien de plus faible que cette preuve, puisque pendant cet espace de temps il n'y a eu personne dans l'Eglise latine qui ait su l'hébreu, et qui par conséquent ait pu juger de la conformité de la Vulgate avec l'original.

Réponse. Cette difficulté n'est fondée que sur une fausse supposition. On suppose que pendant les siècles qui se sont écoulés depuis

saint Jérôme personne dans l'Eglise latine n'a eu connaissance de l'hébreu : on se trompe en pensant ainsi ; il y a toujours eu dans cette Eglise des savants instruits de la langue sainte; la liste que nous allons en donner en sera la

preuve.

La version latine de saint Jérôme sur l'hébreu fut reçue de son vivant dans quelques Eglises, ainsi qu'on le voit par l'exemple de cet évêque d'Afrique rapporté plus haut. Cela se prouve encore parce que Lucinius de Bétique envoya des copistes à saint Jérôme afin d'avoir des exemplaires de sa version, qui se répandirent dans l'Espagne. Salvien de Marseille et quelques autres auteurs du cinquième siècle ont cité quelquefois l'Ecriture sainte dans leurs ouvrages suivant la version de Jérôme. Enfin dans le sixième siècle elle devint aussi commune que l'ancienne Vulgate, et marcha de pair avec elle : c'est ce que saint Grégoire nous apprend de l'Eglise de Rome dans sa lettre à Léandre qui sert de préface à ses morales, où il déclare qu'il explique « la >>version nouvelle (c'est celle de saint Jé>> rôme), mais qu'il cite tantôt l'une, tantôt >> l'autre, afin que, comme le saint siége apos» tolique auquel il préside se sert de l'une et >> l'autre, son travail soit aussi appuyé sur >> toutes les deux. » Novam verò translationem dissero, sed ut comprobationis causa exi

git nunc novam nunc veterem per testimonia assumo, ut, quia sedes apostolica utráque utitur, mei quoque labor studii ex utráque fulciatur. Il remarque même dans un endroit de ses morales, sur une différence qui est entre la nouvelle et l'ancienne version, que la nouvelle est plus fidèle et plus conforme au texte original: Sed tamen quia hæc nova translatio' ex hebræo nobis arabicoque eloquio cuncta veriùs transfudisse perhibetur. Depuis saint Grégoire la version de saint Jérôme gagna le dessus en fort peu de temps, et fut la seule dont on se servit en public et en particulier. Saint Isidore nous assure que de son temps, c'est-à-dire vers l'an 630, toutes les églises se servoient de l'édition de saint Jérôme, parce qu'elle étoit plus véritable et plus claire. De hebræo autem in latinum eloquium tantummodò Hieronymus presbyter sacras Scripturas convertit, cujus editione generaliter omnes Ecclesiæ usquequaque utuntur pro eo quòd veracior sit in sententiis et clarior in verbis'.

Les églises ne se déterminèrent à égaler, ensuite à préférer la version de saint Jérôme à l'italique que parce qu'on les assura (voyez le second passage de saint Grégoire rapporté plus haut) qu'elle étoit plus véritable et plus

'Liv. 20, Mor. ch. 23.- Liv. 1, Off., ch. 38.

claire; il y avoit done alors dans l'Eglise des personnes en état de la confronter à l'origi nal, des personnes par conséquent savantes en hébreu : il n'y avoit en effet qu'un pareil témoignage qui pût engager les fidèles à préférer la nouvelle version à l'ancienne, pour laquelle ils avoient, comme on l'a vu, un si fort attachement.

Variantes du nouveau Testament.

On appelle variantes les diverses leçons d'un même texte; ainsi les variantes du nouveau Testament sont les diverses leçons du texte de ce livre sacré. On lit dans quelques manuscrits de la Vulgate, au premier verset du deuxième chapitre de saint Matthieu : In Bethleem Judææ, pour in Bethleem Juda. Voilà une variante. On lit dans quelques manuscrits de la Vulgate, au dixième verset du troisième chapitre du même évangile : Exciditur et in ignem mittitur, pour excidetur et in ignem mittetur.Voilà une variante:

M. Mill, principal d'un des colléges de l'université d'Oxford, entreprit sur la fin du dernier siècle de donner une édition du nouveau Testament gree, dans laquelle il placeroit toutes les variantes ou diverses leçons qu'il pourroit découvrir. Il y travailla pendant près de trente ans ; il collationna le grec

vulgaire sur quatre-vingt-dix manuscrits; il le confronta avec toutes les anciennes versions, l'italique, la vulgate, la syriaque, l'éthiopienne, l'arabe, la cophte, l'arménienne, la gothique, la saxonne. Il le compara pareillement avec toutes les citations du nouveau Testament qui se trouvent dans les Pères grecs et latins des cinq premiers siècles, et marqua toutes les variantes que lui fournirent ces différentes sources. Ces variantes sont au nombre de trente mille.

Dès que l'ouvrage de M. Mill parut, les incrédules en triomphèrent. Quoi! dirent-ils, cette Ecriture, qu'on assure avoir été donnée aux hommes pour être la règle infaillible de leur croyance, a été exposée aux mêmes altérations que les livres profanes! Si les exemplaires ne s'accordent point, si les copistes n'ont point été fidèles, qui nous apprendra quelle est la leçon que nous devons suivre? Dès lors tout est incertain dans l'Ecriture, dès lors elle ne peut plus servir à notre in

struction.

Avant de répondre à cette difficulté, on observera que, pour prévenir les fautes des copistes, il eût été besoin d'une perpétuité et d'une universalité de miracles que l'on ne peut raisonnablement exiger de la providence divine, puisqu'elle a pu atteindre au but qu'elle s'est proposé en nous donnant

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