Images de page
PDF
ePub

ou moins accélérés de la vie économique et sociale dans la colonie. Une interversion serait ici désastreuse. Aussi bien, le rouage est plus délicat. En France, la division du travail administratif arrivée à son comble, a permis de simplifier chacun des appareils solidement assis et boulonné, il abat indéfiniment la même tâche. Au delà des mers, la machine, encore bien neuve, doit répondre à de multiples besoins, on l'emploie à tout faire, un peu au hasard, et il faut l'adresse d'un mécanicien consommé pour éviter les à-coups, adoucir les heurts et réparer les trop nombreuses avaries. Il y a un fonctionnaire de la métropole. On peut, en quelques traits de plume esquisser sa silhouette, arrêter un type: il n'y a pas un fonctionnaire colonial, mais autant de modèles différents que de colonies. Au fonctionnaire machine de l'intérieur, vous demandez toujours la même tâche, simple, facile, routinière; quelques connaissances théoriques, la pratique du métier éclairée des lueurs d'un esprit juste sans grande étendue ni portée, voilà tout ce qu'on peut exiger de lui. L'agent colonial doit être autre chose. Les hommes, là-bas, sont peu nombreux, ceux qui savent, voient et pensent. Pour qu'ils puissent produire le maximum d'effet et développer toute leur influence, il faut qu'ils sachent des choses différentes, voient et pensent différemment. Où aller chercher les futurs agents coloniaux? Un peu partout, pour rassembler le plus d'aptitudes et de savoirs divers. Où les former, les instruire, les dresser à leur tâche? Sur différents points de notre territoire continental et colonial pour permettre à tous ceux qui s'en sentent quelque envie d'essayer leurs forces et d'entrer dans la carrière si l'examen est satisfaisant. Comment les former? En demandant plus à leur intelligence qu'à leur mémoire, à leurs facultés personnelles, intimes qu'à la banale pacotille de science qu'ils ramassent par leurs études. Un directeur surveillera leurs travaux, conseillera les hésitants, guidera les efforts et mesurera les capacités sans que jamais le poids de son influence pèse sur les volontés naissantes et entrave les vocations. Il appréciera la valeur des candidats et signalera la place à laquelle leur caractère et leur savoir les désignent.

[ocr errors]

Dans son travail, M. Boutmy ne remue pas seulement beaucoup d'idées, il les fixe. Bien des points jusqu'alors douteux ou mal connus se dessinent maintenant sous leur vrai jour, éclairés par la triple lumière de la logique rigoureuse, du bon sens pratique et du style limpide de l'auteur.

M. C.

Maurice Vauthier, avocat à la Cour d'appel, professeur à l'université de Bruxelles. Le gouvernement local de l'Angleterre, Paris, Rousseau, 1895. Peu de personnes en France ont des notions exactes sur le gouvernement local de l'Angleterre. Les seuls ouvrages généraux qui aient été écrits sur ce sujet sont ceux de M. de Gneist, en Allemagne (ouvrages dont le dernier, qui date de 1885, n'a pas été traduit), et un volume de M. Paul Leroy-Beaulieu dont la publication remonte à plus de vingt ans. Quant aux modifications importantes qui, dans ces dernières années, ont été apportées au

régime intérieur de l'Angleterre, elles ont donné lieu à des articles de revues, mais n'ont pas fait l'objet d'un travail d'ensemble. Le volume de M. Vauthier vient combler cette lacune.

Dans son ouvrage, l'auteur étudie tour à tour le comté, le bourg, la paroisse, le district, la métropole; il passe en revue les différentes autorités préposées à la gestion des intérêts locaux (conseils électifs, juges de paix et fonctionnaires divers), et les services dont elles sont chargées : assistance, voies de communication, enseignement primaire, etc. En Angleterre, dit avec raison M. Vauthier, « le présent contient toujours beaucoup du passé »; aussi l'auteur ne se borne-t-il pas à présenter la législation dans son état actuel, mais, à propos de chaque organisme et de chaque service, il donne les notions historiques indispensables à l'intelligence du régime aujourd'hui en vigueur.

Ce ne serait pas assez de dire que, dans l'accomplissement de la tâche qu'il s'était fixée, M. Vauthier a été complet et exact; nous lui devons surtout des éloges pour la clarté qu'il a su mettre dans l'exposé d'une législation aussi compliquée. La netteté de son plan et de ses développements, l'enchaînement logique des idées rendent son livre d'une lecture facile et intéressante; et c'est là un résultat dont tous ceux qui connaissent l'aridité du sujet traité ne manqueront pas de féliciter l'auteur.

Sur deux points cependant nous croyons nécessaire de faire à M. Vauthier quelques critiques. Nous lui reprocherons tout d'abord de n'avoir présenté nulle part une vue générale du système du gouvernement local, de n'avoir écrit pour son livre ni préambule ni conclusion. Le lecteur peu familiarisé avec les institutions locales anglaises en aborde l'étude sans que l'auteur l'ait averti de la route qu'il va suivre, sans même qu'il lui ait indiqué le domaine qu'il s'agit de parcourir; quand il aura terminé le volume, ce lecteur ne verra peut-être pas très clairement l'ensemble du régime dont les parties lui ont été décrites une à une, et on peut craindre qu'il ne parvienne qu'imparfaitement à faire seul une synthèse que la complexité de la matière rend difficile.

Dans sa préface, M. Vauthier dit que les institutions provinciales et locales... tiennent par des liens multiples à l'ensemble du régime politique ». Ces liens, l'auteur nous les montre avec beaucoup de précision dans les considérations historiques qu'il présente à propos du comté, de la paroisse, etc. Peut-être aurait-il pu marquer plus fortement les rapports qui existent actuellement entre les institutions politiques et les institutions locales, mettre davantage en lumière l'évolution si digne d'attention qui s'est accomplie depuis quelques années sous la forme de lois d'administration locale. Sans doute, après avoir parcouru le livre de M. Vauthier, le lecteur comprendra que la situation ancienne de la «< gentry » est chaque jour plus atteinte. Mais aura-t-il une idée bien nette du degré de centralisation qui existe aujourd'hui en Angleterre, et de cette œuvre de sécularisation désormais accomplie dans la paroisse et qui semble devoir se poursuivre maintenant dans une autre sphère? Se rendra-t-il compte de la gravité du problème agraire, alors que M. Vauthier s'abstient presque de signaler la

portée sociale de cette législation sur les allotments qui a donné lieu pourtant à des débats si passionnés?

En résumé, ce que nous avons surtout regretté de ne pas trouver dans cet ouvrage, c'est une conclusion embrassant les deux ordres d'idées que nous venons d'indiquer. Sous cette réserve, notre jugement est très favorable à l'œuvre dans son ensemble. Aussi en recommandons-nous la lecture qui, nous en sommes convaincu, paraîtra intéressante et sera pleine de profit. O. F.

[ocr errors]

Ch. Brouilhet - Essai sur les ententes commerciales et industrielles et les transformations qu'elles pourraient apporter dans l'ordre économique actuel. 1 vol. in-8, Paris, Guillaumin, 1895. Intéressant ouvrage, plein d'idées nouvelles, habilement exposées dans un ordre très méthodique.

L. Brunet. La France à Madagascar (1815-1895). C'est l'étude très approfondie de nos relations avec Madagascar depuis le commencement du siècle. Quiconque veut connaître exactement les préliminaires de notre expédition actuelle dans la grande ile africaine doit feuilleter ce livre. Il y trouvera beaucoup de science, de judicieuses observations et des enseignements précieux.

Dr Cabrol.

[ocr errors]

Le Maréchal de Saint-Arnaud en Crimée. A vol. in-8, Paris, Tresse et Stock, 1895. Le Dr Cabrol fut attaché à la personne du maréchal pendant la campagne. Il put mesurer chaque jour l'habileté consommée de l'homme de guerre, les belles qualités d'âme de l'homme privé, les cruelles souffrances de l'homme physique. Il constate et note. Rien de plus tristement humain que le spectacle de cet agonisant menant à la mort des milliers d'hommes.

[ocr errors]

G. Cavaignac. Pour l'impôt progressif. 1 vol. in-12, Paris, Colin, 1895. M. G. Cavaignac a réuni dans ce petit volume les discours, projets de loi, ou rapports relatifs à cette question dont il est l'auteur. La grande part qu'il a prise aux débats engagés fait du livre un document précieux.

[ocr errors]
[ocr errors]

H. Coulon. De la liberté de la Presse. Commentaire de la loi du 28 juillet 1894. 1 vol. in-8, Paris, Marchal et Billard, 1894. L'historique de la loi sur la Presse se trouve tout au long dans ce livre. La reproduction des débats engagés à son sujet évitera bien des recherches, trop souvent infructueuses et toujours longues, dans les recueils de documents officiels. C'est un ouvrage de référence d'une incontestable utilité. Les idées personnelles émises par l'auteur doublent sa valeur.

F. Cruppi. Un avocat journaliste au XVIIIe siècle. Linguet. 1 vol. in-12, Paris, Hachette, 1895. M. Cruppi retrace, avec une singulière légèreté de main et une heureuse harmonie de touche, le portrait plus qu'à demi effacé de «< ce singulier petit homme » que fut Linguet. Passionné, frondeur, bilieux, trop souvent calomnié et quelquefois calomniateur, sans cesse persécuté et jamais dompté, Linguet semble concentrer dans les nerfs compliqués de son maigre corps d'Asmodée toute la charge magnétique qu'accumule lentement l'atmosphère étouffante et viciée de la fin du XVIe siècle. Ses idées, ses passions, ses croyances, ses erreurs, ses vertus et ses vices furent ceux de beaucoup de ses contemporains. En analysant cette âme compliquée, l'auteur nous a fait la physiologie de l'homme de plume du siècle passé.

F. Dubois. Récit La vie au continent noir. 1 vol. in-12, Paris, Hetzel. très animé d'une exploration africaine. Ces tableaux vivement colorés feront rêver plus d'une jeune imagination leur exactitude scrupuleuse leur donnera une sérieuse valeur documentaire aux yeux des hommes d'étude.

A. Giraut-Teulon. · Double péril social: l'Église et le Socialisme. 1 vol. in-12, Paris, Guillaumin, 1893. Un passé qui ne veut pas mourir et s'obstine à faire germer chez nous la graine à jamais desséchée des idées rétrogrades, un avenir ambitieusement révolutionnaire, suspendu impatient au-dessus de nos têtes, au milieu, le présent, indécis, tiraillé, prêtant, tour à tour, par brusques et capricieux ressauts, une oreille trop complaisante aux radotages séniles de l'un ou aux bégaiements puérils de l'autre, tel est, suivant l'auteur, le désolant spectacle que nous offre la société moderne. Nous ne croyons pas qu'il y ait là de quoi s'effrayer beaucoup. De tout temps, l'homme a dû, pour assurer la minute présente, interroger à la fois le passé et l'avenir; prendre à l'un les sages exemples, à l'autre les conceptions hardiment généreuses. Toutes les fois qu'il a su appliquer à cette recherche un esprit calme, réfléchi, dénué de passions, il s'en est bien trouvé. Nous avons tout lieu de croire qu'il en sera de même dans l'avenir.

J. Heimweh.

La guerre et la frontière du Rhin. 1 br., Paris, Colin, 1895. L'auteur poursuit la série de ses intéressantes études sur la question d'Alsace-Lorraine. Le lecteur retrouvera dans la dernière brochure la même clarté d'exposition, la même rigidité dans la logique qu'il est accoutumé de rencontrer dans celles qui la précédèrent.

De Larue. La déportation des députés à la Guyane, leur évasion et leur retour en France. 1 vol. in-8, Paris, Plon, 1895. Curieux récit du voyages des déporté de Fructidor à la Guyane. En rapprochant les dires du comte de Larue de ceux de Billaud-Varennes, déporté de Germinal, on peut

se faire une idée très exacte de la vie des colons forcés de Sinnamari et de Cayenne, que des opinions politiques diamétralement opposées avaient conduits dans les mêmes lieux.

M. Lehmann.

[ocr errors]

Friedrich der Grosse und der Ursprung des Siebenjährigen Krieges. 1 vol. in-8, Leipzig, Hirzel, 1894. L'auteur compare les forces respectives de la Prusse et de l'Autriche au commencement de la guerre de Sept ans. Une étude approfondie des documents lui permet de nous donner de nombreux et précieux détails sur la composition et la valeur des armées en présence.

Nénot. La nouvelle Sorbonne. 1 vol. in-8, Paris, Colin, 1895. L'éminent architecte a voulu nous faire connaître dans tous ses détails le beau monument dont il conçut si heureusement les plans. Il fallait cela pour qu'on pût apprécier justement la grandeur de l'œuvre. Le talent de l'auteur n'en avait pas besoin pour être universellement reconnu.

J. Payot. L'éducation de la démocratie. 1 br., Paris, Colin, 1896. Grave question qui, depuis quelque temps, sollicite l'attention des penseurs. Dans sa courte étude, M. Payot pose bien la donnée du problème, et fait entrevoir une solution très philosophique.

P. Robiquet. Discours et opinions de Jules Ferry. T. III: les Lois scolaires. 1 vol. in-8, Paris, Colin, 1895. Le titre en dit assez à lui seul. C'est du bel et bon document pour l'avenir. Car l'historien n'étudie volontiers que les siècles morts. Nous autres, qui ne pouvons songer à écrire cette histoire trop vivante encore et toute frémissante de la lutte des partis dont la fièvre se calme à peine; bornons-nous à lire silencieusement et à méditer.

-

A. Spire. De la responsabilité des communes en cas d'attroupement. Étude historique et juridique suivie d'un appendice sur la responsabilité en cas d'explosion à la dynamite. 1 vol. in-8, Paris, Rousseau, 1895. Étude très logiquement conduite et clairement exposée d'une question qui prit, il y a quelque temps, un triste regain d'actualité. Ce premier ouvrage fait beaucoup d'honneur à son jeune auteur. Les belles qualités d'esprit qu'il y déploie ne pourront que se développer et fleurir dans ceux qu'il ne manquera pas de nous donner par la suite.

C.

A. TOME X.

1895.

333

« PrécédentContinuer »