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Les membres de la commission autres que les présidents des compagnies désignées ci-dessus sont élus par les corps auxquels ils appartiennent. Les trois conseillers généraux sont désignés ordinairement pendant la session d'avril. Si le conseil général s'est séparé sans avoir procédé à cette nomination, l'administration admet que le mandat des conseillers en fonction est implicitement prorogé. La commission départementale peut leur donner une investiture nouvelle en nommant aux vacances qui auraient pu se produire, mais elle ne pourrait désigner les trois conseillers s'il s'agissait de dresser la liste électorale pour les premières élections d'une chambre nouvellement créée. Les membres de la commission sont réunis par leur président respectif. Quand la liste électorale était la même pour les tribunaux et les chambres de commerce, la convocation de la commission était provoquée par le procureur général. Depuis 1883, ce droit rentre dans les attributions du préfet. Il invite le président du tribunal de commerce, président de droit de la commission, en lui transmettant la liste des membres, à réunir ses collègues. Il a été question de donner au président de la chambre la présidence de la commission où la présence des délégués du tribunal de commerce ne présente plus, depuis 1883, le même intérêt.

Quels sont les négociants que la commission peut inscrire sur les listes électorales? Le code dit qu'ils doivent être recommandables par leur probité, leur esprit d'ordre et d'économie. C'est une condition de moralité laissée à l'appréciation des commissaires chargés de dresser la liste. Elle laisse prise à l'arbitraire et paraît un peu surannée. Cette vieille formule tirée du code primitif avait cependant une autre importance quand, sous l'empire du décret du 30 août 1852, le préfet était seul chargé, sous l'approbation du ministre, de désigner les électeurs.

En outre des négociants, peuvent être inscrits : les directeurs des compagnies de commerce, de finances et d'industrie (et par extension les directeurs des succursales), les agents de change, les capitaines au long cours et les maîtres au cabotage. Cette addition était naturelle; ces personnes n'ont pas la qualité de commerçant, mais elles dirigent souvent des opérations commerciales très importantes ou y sont mêlées de très près. On a étendu aux courtiers, par assimilation aux agents de change, l'admissibilité à l'électorat. On ne peut blåmer, au point de vue économique, cette interprétation de la loi. Au point de vue juridique, sa justesse semble plus douteuse, car le titre d'officier ministériel des courtiers d'assurances maritimes et des courtiers interprètes et conducteurs de navires paraît nécessiter une disposition législative expresse, comme pour les agents de change. Cette remarque

ne saurait s'appliquer aux courtiers de commerce ou de marchandises, même inscrits. Leur profession a été rendue libre par la loi du 18 juillet 1866.

Deux conditions sont imposées aux officiers de la marine marchande pour être admissibles à l'électorat ils doivent avoir commandé des bâtiments pendant cinq ans et être domiciliés depuis deux ans dans le ressort du tribunal'. Ce temps d'exercice de leur profession assure leur connaissance des questions commerciales, car au début de leur carrière ils sont seulement familiarisés avec les questions techniques de leur métier. Quant à la durée de leur domicile, elle garantit, dans une certaine mesure, la connaissance de leurs capacités et de leur moralité par les membres de la commission.

Le code ne parle pas des anciens négociants. Ils ne peuvent donc pas être électeurs. De même il résulte du rapport de la commission qui a préparé la loi de 1871 que le choix du directeur d'une société anonyme ne pourrait être reporté sur un simple administrateur, parce que la nomination de ce dernier est indépendante de sa profession.

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L'article 619 énumère les incapacités. Nous nous bornons à les indiquer sans les accompagner de commentaires d'ailleurs inutiles. Plusieurs sont spéciales à cette catégorie d'élections, car elles résultent de certains délits commerciaux. Mais il faut remarquer que le § 5 nous renvoie aux nombreuses incapacités en matière d'élections politiques, dont la liste assez longue est contenue en grande partie dans le décret du 2 février 1852. Quelques-unes sont rappelées dans l'énumération que nous avons donnée. Le paragraphe en question n'embrasse pas seulement que des incapacités résultant de condamnations. Il applique aux élections des chambres de commerce les conditions générales de l'électorat politique. Dès lors la commission ne pourrait inscrire sur la liste, des étrangers, des mineurs même émancipés, des militaires en activité. Enfin, bien que l'article 618 n'impose aucune condition de domicile aux commerçants, agents de

1. Ou plutôt de la circonscription de la chambre.

2. 1° Les individus condamnés soit à des peines afflictives ou infamantes, soit à des peines correctionnelles pour des faits qualifiés crimes par la loi ou pour délit de vol, escroquerie, abus de confiance, usure, attentat aux mœurs, soit pour contrebande quand la condamnation pour ce dernier délit aura été au moins d'un mois d'emprisonnement;

2o Les individus condamnés pour contravention aux lois sur les maisons de jeu, les loteries et les maisons de prêts sur gage;

3o Les individus condamnés pour délits prévus aux articles 413, 414, 419, 420, 421, 423, 430 § 2 du code pénal et aux articles 596 et 597 du code de commerce; 4° Les officiers ministériels destitués;

Les faillis non réhabilités et généralement tous ceux que la loi électorale prive du droit de voter aux élections législatives.

change ou directeurs, il est incontestable et cela résulte de l'esprit de la loi et de la limitation du nombre des électeurs que la commission ne peut faire son choix que parmi les commerçants, agents de change ou directeurs de société patentés dans la circonscription.

D'après la loi du 4 mars 1889 sur la liquidation judiciaire, le débiteur ne peut être nommé à aucune fonction élective. Il reste électeur. La commission ne pourrait le rayer comme ne remplissant plus les conditions d'esprit d'ordre et d'économie exigées par la loi, parce que la liquidation judiciaire n'est pas une preuve absolue de l'absence de ces qualités et que, d'ailleurs, les cas d'incapacité électorale sont d'interprétation étroite.

Le nombre des électeurs est limité. Il doit égaler le dixième des commerçants inscrits à la patente il ne peut dépasser 1,000 ni être inférieur à 50'. A Paris il est de 3,000. Ces dispositions, en vigueur, pour les tribunaux de commerce, de 1873 à 1881, ne sont pas strictement applicables aux chambres de commerce. Il résulte, en effet, du décret du 22 janvier 1872, que si la liste électorale était la même pour ces deux compagnies, c'était l'ensemble des listes électorales pour les tribunaux qui servait aux élections de la chambre quand la circonscription de cette dernière embrassait les ressorts de plusieurs tribunaux de commerce. Si elle embrassait les ressorts d'un ou de plusieurs tribunaux et, en outre, des arrondissements ou des cantons indépendants, il était dressé, pour ces arrondissements ou cantons 2, une liste complémentaire sur les bases indiquées plus haut. Malgré la loi du 8 décembre 1883 sur les élections des tribunaux de commerce, ces dernières dispositions sont restées en vigueur pour les chambres. Les listes sont d'ailleurs permanentes. Donc il peut arriver qu'une chambre ait plus de 1,000 et même plus de 3,000 électeurs. Il y a, en outre, des électeurs de droit, non compris dans le maximum fixé par la loi. Ce sont les anciens membres de la chambre et du tribunal de commerce et les anciens présidents des conseils de prud'hommes On ne sait comment expliquer l'exclusion, comme électeurs de droit, des membres de la chambre en activité, attendu qu'ils peuvent n'être pas portés sur la liste et que cependant leur élection implique une reconnaissance de leurs capacités. Il est vrai que la commission des listes s'empressera le plus souvent de les désigner pour combler les vides résultant des décès ou des incapacités.

1. C. de com., 618.

2. Le décret (art. 1) ne parle que des arrondissements. On a omis involontairement de parler des cantons. Le § 3 de l'article 1er du décret du 30 août 1852 est d'ailleurs conçu dans les mêmes termes que le § 3 de l'article 1er du décret du 22 janv. 1872, à l'exception du mot notables qui a ici la même signification que le mot électeurs et du mot cantons ajouté à la suite du mot arrondissements.

La jurisprudence a décidé que l'ancienneté ne s'acquérait que lorsque la période normale de la fonction était accomplie et que l'électorat de droit subsistait, alors même que les anciens membres en question n'exerçaient plus leur commerce 1.

Telles sont les dispositions réglant l'électorat pour les chambres de commerce. Une statistique, établie au moyen des indications fournies par ces compagnies, donne les résultats suivants :

Nombre des patentés compris dans les circonscriptions des chambres de commerce..

1,368,038

Nombre des patentés payant les dépenses des chambres
de commerce

200,321

Nombre des électeurs des chambres de commerce.

121,9982

Non seulement tous les contribuables payant les dépenses d'une chambre ne sont pas électeurs, mais encore la commission des listes peut choisir les électeurs en dehors de ces contribuables. En effet, la législation électorale permet de désigner les commerçants inscrits à la patente, agents de change, directeurs de sociétés anonymes, officiers de la marine marchande, sous réserve des quelques restrictions que nous avons indiquées et dans la limite d'un maximum, tandis que la législation financière fait supporter les dépenses des chambres de commerce aux patentables des trois premières classes du tableau A et aux patentables des tableaux B et C payant un droit fixe égal ou supérieur au droit fixe des précédents.

De tous les projets de réforme aucun ne maintenait une anomalie aussi inexplicable. Tous, au contraire, demandaient que la qualité d'électeur eût pour corollaire une part contributive dans les dépenses. La plupart, durant la législature 1881-1885 (projets Hérisson, Legrand, Lockroy), établissaient le principe du suffrage universel des patentés. Ce principe, d'ailleurs, avait été voté par la chambre des députés à la fois pour les chambres et pour les tribunaux de commerce lors de la discussion de la loi du 8 décembre 1883, mais il avait été repoussé pour les chambres de commerce au sénat. Les réformateurs, comme on l'a vu, ne furent pas découragés. Le suffrage universel disaient-ils,

1. Rouen, 13 janvier 1874.

2. Cette statistique, arrêtée au 31 décembre 1891, ne pouvait comprendre les chambres de Mazamet, Charleville, Châlons-sur-Marne, Mont-de-Marsan, le Puy, Villefranche et Blois qui ont été créées depuis cette époque. Mais les circonscriptions des trois premières de ces chambres ont été formées par des arrondissements ou des cantons qui faisaient partie auparavant des circonscriptions des chambres établies dans leurs départements respectifs. Quant aux autres chambres, elles ne sont pas encore installées.

La statistique ne comprend pas non plus les chambres de l'Algérie.

est la base de nos institutions modernes. Nous examinerons cet argument qui ne nous paraît pas suffisant pour appliquer le principe du suffrage universel aux chambres de commerce. Pendant la même législature, MM. Félix Faure et Siegfried déposèrent une proposition de loi attribuant l'électorat aux commerçants payant actuellement les dépenses des chambres, et, à la condition d'en faire la demande et de se soumettre aux mêmes charges, aux commerçants des 4 et 5o classes du tableau A et aux assimilés des tableaux B et C. Les honorables députés pensaient, avec raison, qu'étendre l'électorat à tous les patentés créerait, pour ces contribuables, une augmentation de charges peu en rapport, à leur point de vue, avec l'importance relative du droit électoral.

Les législatures 1885-1889 et 1889-1893 virent renaitre ces projets. M. Lockroy maintint ses propositions. M. Félix Faure se sépara de M. Siegfried et conserva l'économie des dispositions qu'ils avaient signées ensemble. M. Siegfried, pensant qu'il ne saurait appartenir à un citoyen de s'attribuer, de sa propre initiative et au moyen d'un sacrifice pécuniaire, la capacité électorale, retranchait de son programme l'électorat facultatif. Enfin M. Tirard inventa la combinaison de la double liste. La première liste, composée des contribuables acquittant actuellement les dépenses des chambres de commerce, eût nommé les deux tiers des membres; la seconde liste, composée de tous les autres patentés des tableaux A, B et C, eût nommé l'autre tiers. Ainsi que le disait l'auteur, ce projet réservait la majorité des sièges aux représentants du haut commerce et du demi-gros. L'adoption de ces dispositions aurait amené sans nul doute des complications dans les opérations électorales. De plus elle aurait créé des inégalités de considération entre les membres d'une même chambre, les uns n'étant que les représentants du petit commerce.

Dans la législature actuelle, M. Guillemet a proposé une fois de plus le suffrage universel des patentés. Il y a même ajouté l'électorat pour les femmes commerçantes. De son côté M. Durand-Savoyat a demandé seulement le droit d'être électeur pour les patentés payant actuellement les dépenses des chambres de commerce. Enfin la commission chargée de faire un rapport sur la proposition Guillemet a adopté le système Faure-Siegfried, c'est-à-dire celui de M. Durand-Savoyat avec, en outre, l'électorat facultatif. Elle y a ajouté, dans les mêmes limites, l'électorat pour les femmes.

Le suffrage universel ne donnerait pas, croyons-nous, de bons résultats. Sans se reporter à 1848, il suffit de rappeler les désillusions que son application aux élections des tribunaux de commerce a apportées aux réformateurs. Déjà en 1871 la commission de l'Assem

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