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sont privées, mais on sait que les membres correspondants, quand il en existe, ont entrée et voix consultative. De même rien ne semble empêcher les chambres de commerce d'admettre des étrangers, à titre exceptionnel et nominatif, à leurs réunions. Le secrétaire adjoint est d'ailleurs présent. Enfin, plusieurs fois, des ministres du commerce ont présidé effectivement les séances de diverses chambres.

Quelques-uns des projets de réforme, notamment celui de M. Lockroy, ont demandé la publicité des séances, demande qui a été d'ailleurs combattue par la commission d'examen. Nous ne voyons pas, en effet, quel en serait l'avantage. M. Lockroy disait qu'elle élèverait les discussions et les rendrait souvent plus sérieuses. Il ajoutait que la publicité des séances des conseils municipaux n'avait pas justifié les craintes que l'on avait tout d'abord formées. Nous croyons que pour les chambres de commerce ces craintes seraient encore moins fondées, ces paisibles assemblées étant encore plus éloignées de la politique que les conseils municipaux. Mais la publicité immédiale n'aurait aucun effet utile, le public ne s'intéressant pas aux discussions d'affaires. Ce qui vaudrait mieux ce serait la publication obligatoire, dans les journaux de la localité, d'un compte rendu de chaque séance, que les intéressés pourraient étudier à leur aise. Actuellement, en effet, même dans certaines grandes villes, bien des négociants, même électeurs de ces compagnies, en sont à se demander en quoi consistent les travaux des chambres de commerce ou à confondre les chambres de commerce avec les tribunaux de même nom. Cette ignorance est une des causes de l'indifférence électorale.

Actuellement les chambres de commerce n'ont que la faculté de publier le compte rendu de leurs travaux; mais la moitié à peine a profité de cette tolérance de l'administration, transformée plus tard en invitation pressante. Une circulaire du 27 janvier 1873 a engagé ces compagnies à adresser chaque année au ministre un rapport général sur l'ensemble de leurs délibérations, sur la situation des industries et sur la marche des affaires dans leur circonscription. Les mémoires envoyés devaient servir de base à un compte rendu synthétique destiné à être présenté au président de la République et à être distribué aux membres du parlement et aux administrations. Ses conclusions auraient jeté la lumière sur beaucoup de questions et fait connaître plus exactement les conditions du travail national. Malheureusement, soit négligence, soit insuffisance de ressources, les chambres n'ont pas répondu avec empressement à l'appel du ministre et le

1. Une circulaire du 31 mars 1806 a interdit toute publicité. « Les travaux des chambres appartiennent à l'administration. Mais cette prescription est tombée

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en désuétude, du moins quant au compte rendu.

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compte rendu, dont l'importance n'aurait échappé à personne, ne pourra pas, sans doute, être rédigé de sitôt 1.

La plupart des chambres forment dans leur sein des commissions temporaires ou permanentes. Le règlement intérieur de la chambre de Paris en prévoit onze, savoir trois commissions d'études 2, sept commissions administratives correspondant aux services de la chambre et à la bibliothèque, enfin la commission des finances 3.

Les chambres peuvent incontestablement procéder à des enquêtes. mais leurs prérogatives n'excèdent pas sur ce point les pouvoirs des simples particuliers. Plusieurs chambres ont envoyé des délégués étudier sur place les intérêts de leur circonscription. La chambre de Lyon a eu des agents au Tonkin, la chambre de Bordeaux a un représentant en permanence à Paris, auquel elle alloue un traitement de six mille francs . Libres aussi, dans le silence des textes, de voter des peines disciplinaires pour leurs membres, il serait difficile de dire jusqu'où les pouvoirs des chambres peuvent aller, car, sur ces différentes questions, jamais une difficulté ne s'est présentée et par conséquent l'administration n'a pas eu à intervenir. Il serait inutile d'ajouter qu'elles peuvent recevoir des pétitions, étant les interprètes officiels du commerce de leur circonscription.

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En général les chambres de commerce n'ont pas de sessions. Elles se réunissent périodiquement, toutes les semaines par exemple. Il leur est défendu de formuler ou d'appuyer des vœux politiques ou de voter des blâmes à l'adresse de l'administration. Le gouvernement a usé déjà du droit de dissolution envers les chambres du Havre et de Bastia . Depuis longtemps le cas ne s'est pas représenté. Jamais, le gouvernement n'a supprimé une chambre de commerce. S'il y avait lieu, le décret de suppression serait rendu, comme le décret de création, dans la forme des règlements d'administration publique.

Les chambres correspondent directement avec le ministre du commerce. Elles doivent lui donner communication immédiate des réclamations qu'elles adressent aux autres ministres, soit d'office, soit sur leur demande 7.

1. La plupart des projets de réforme demandaient la publication obligatoire des travaux des chambres de commerce.

2. Commission des transports; commission de législation commerciale et des exportations; commission des douanes, des entrepôts, des magasins généraux des octrois, des halles et marchés et des questions économiques.

3. Voir l'organisation de la chambre de commerce de Paris, dans les Pandectes, françaises.

4. Les élèves consuls peuvent être détachés pendant un an auprès de ces compagnies, pour se former à l'étude des questions commerciales.

5. Décret du 21 décembre 1851.

6. Décret du 25 avril 1860.

7. La correspondance des chambres avec l'administration est exempte du timbre.

Une circulaire de Champagny leur enjoignait de n'avoir à correspondre qu'avec l'administration. Mais depuis longtemps la tolérance administrative n'a pas apporté d'empêchements à la liberté de leur correspondance. L'adoption de la proposition de M. Mesureur sur ce point ne fera que sanctionner un état de fait depuis longtemps existant.

Tout autre est la question du droit de réunion des chambres de commerce. Plusieurs fois des congrès avaient été tenus, en 1884, notamment, où les délégués de 34 chambres s'étaient réunis et avaient pris des délibérations auxquelles 15 autres chambres déclaraient s'associer. En 1889, le ministre avait autorisé un autre congrès, mais cette autorisation fit l'objet d'une interpellation, au cours de laquelle le membre du gouvernement dut reconnaître, malgré une argumentation ingénieuse, que l'intervention d'une loi était nécessaire 2. Cette loi est encore à faire. En 1893, un troisième congrès convoqué à Paris ne put se réunir.

Il est inutile d'insister sur la légitimité et l'utilité du droit de réunion des chambres de commerce, qui a été accordé aux conseils généraux, conseils municipaux et aux syndicats. Il est non moins inutile d'ajouter que le jour, vraisemblablement prochain, quoique

attendu depuis longtemps, où ce droit sera reconnu, son exercice n'ira pas sans comporter les restrictions ordinaires 3. Les chambres devront se renfermer dans la limite de leurs attributions et les préfets pourront assister aux séances. C'est une prérogative qu'ils tiennent. déjà de leur qualité de présidents d'honneur et de membres-nés.

Au droit de réunion s'ajouterait la faculté d'entretenir à frais communs certains services utiles au commerce. Déjà plusieurs chambres se sont entendus pour faire des offres de concours financier en vue de l'installation de circuits téléphoniques. La prospérité économique du pays n'aurait qu'à gagner à la généralisation de cette attribution. La chambre de Paris a songé à la création d'un musée national du commerce. Cette œuvre grandiose serait digne des efforts collectifs des chambres de commerce de France.

(Sera continué.)

GRAS,

Ancien élève de l'école.

1. Journal des Chambres de commerce.

2. Voir l'exposé des motifs de la proposition de M. Mesureur.

3. L'organisation du Conseil supérieur du commerce sur des bases très larges rendrait inutile le droit de réunion.

LES CHEMINS DE FER AUX ÉTATS-UNIS.

LA CONSOLIDATION

OU

LA FORMATION DES GRANDS RÉSEAUX.

Les États-Unis sont par excellence le pays des grands réseaux de chemins de fer, comme celui des grandes entreprises, des trusts industriels et des coalitions commerciales. L'activité économique, qui s'y est développée avec une énergie sans égale dans des conditions de liberté et de concurrence presque absolues, semble aujourd'hui concentrer tous ses efforts, par l'effet d'une loi naturelle et irrésistible, vers un régime autoritaire de monopoles de fait. C'est ce qui peut se vérifier dans le régime des railroads, et c'est pourquoi nous voudrions retracer dans ses lignes générales le mouvement de consolidation qui a signalé l'histoire des chemins de fer américains depuis un quart de siècle, en recherchant comment les grands réseaux se sont constitués, par quels procédés et avec quels résultats pratiques.

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Les lignes de chemins de fer aux États-Unis ont commencé par être purement locales, comme l'était le trafic lui-même. On raconte qu'en 1850 il n'y avait pas moins de douze compagnies pour exploiter le tronçon de ligne qui réunissait Albany, la capitale de l'État de New-York, au Niagara et à Buffalo, sur le lac Erié, soit une distance d'environ 500 kilomètres. Ce caractère spécialisateur de l'industrie des transports à ses débuts n'avait d'ailleurs rien de particulier à l'Amérique l'Angleterre elle-même comptait, en 1847, plus de 700 compagnies indépendantes, exploitant chacune un réseau de 25 kilomètres en moyenne. Un pareil état de choses mettait évidemment un obstacle infranchissable au développement du trafic de transit, obstrué par les retards et les frais des transbordements multiples. On chercha d'abord à parer à ces inconvénients par la création de lines, compagnies de messageries propriétaires de wagons, qui con

cluaient, avec les divers réseaux de chemins de fer, des contrats pour la circulation en transit de leur matériel. La plupart de ces lines ont été rachetées dans la suite par les grandes compagnies, comme par exemple l'Empire line l'a été par le Pennsylvania railroad, et le mot est resté pour désigner certaines combinaisons de routes ferrées soit pour voyageurs, soit pour marchandises, constituées par entente entre plusieurs compagnies indépendantes, telle par exemple la royal blue line de New-York à Washington, qui est formée par le Jersey Central, le Philadelphia and Reading et le Baltimore and Ohio. L'interposition des lines n'était qu'un remède passager apporté aux inconvénients croissants du régime dispersif des chemins de fer à leur origine. Le seul moyen de satisfaire aux grands courants commerciaux, de répondre aux exigences nouvelles du trafic de transit qui commençait à se développer vers le milieu du siècle, c'était la formation de grandes lignes correspondantes: voilà l'origine du mouvement de consolidation, voilà le point de départ de cette concentration progressive des petites lignes indépendantes et multiples en un nombre restreint de grands réseaux.

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C'est entre les ports de l'Atlantique et ce qui représentait alors l'Ouest américain que se firent sentir les premiers besoins d'un courant normal de transit des voyageurs et des marchandises; c'est aussi par la formation des trunk lines que, vers l'époque de la guerre de sécession, commença le mouvement de consolidation des compagnies de chemins de fer aux États-Unis, et l'une des premières fusions célèbres de lignes locales fut celle qui mit aux mains du commodore Vanderbilt, en 1869, la grande ligne de New-York à Buffalo. Cette histoire de la genèse du New-York Central and Hudson river railroad vaut la peine qu'on la conte. Le commodore Cornélius Vanderbilt avait déjà rempli une longue et très profitable carrière comme armateur, lorsqu'en 1862, ayant liquidé ses opérations maritimes et fait présent au gouvernement fédéral du plus beau de ses navires, àgé de soixanteneuf ans passés, il fit son entrée dans Wall Street et commença de se consacrer aux railroads. Dès 1863, il achetait en bourse, à des prix minimes, les actions du Harlem railway, ligne médiocre qu'en peu de temps il rendit de premier ordre, et réalisa alors sur les membres du conseil municipal de New-York et quelques autres spéculateurs à la baisse, qui vendaient à découvert en annonçant la prochaine abrogation de la charter du Harlem, un corner qui est resté célèbre dans

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1. On désigne sous le nom de trunk lines les grandes lignes ferrées qui réunissent aux ports de l'Atlantique les deux grands centres de Saint-Louis et Chicago.

2. Le corner, littéralement « coin », est la spéculation par laquelle un acheteur,

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