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de vue chrétien, les efforts d'un théologien pour concilier l'Eglise avec la raison, aux dépens de cette dernière.

Dans ses Essais de critique générale, les Principes de la nature', M. Charles Renouvier cherche à justifier philosophiquement les nouvelles découvertes des sciences relatives à l'histoire naturelle de l'homme. Un écrivain aussi chrétien que peut l'être un philosophe et aussi philosophe que peut l'être un chétien, M. F. Huet entreprend une fois de plus, dans la Science de l'esprit, de montrer l'accord de la philosophie et de la religion sur les doctrines du spiritualisme.

Les hommes ne sont pas moins étudiés que les questions. M. Charles Gouraud nous donne le troisième volume des Mémoires pour servir à l'Histoire de la philosophie au dixhuitième siècle, par l'honnête et regretté Ph. Damiron. M. J. E. Alaux, dans la Philosophie de M. Cousin*, expose avec sympathie et juge avec indépendance ces doctrines indécises et flottantes qui ont eu pour elles le double prestige de la science et du beau langage. Les maîtres de l'Université et ceux du dehors sont tous passés en revue par un homme du monde très-curieux des choses philosophiques, M. Eugène Poitou, dans les Philosophes français contemporains et leurs systèmes religieux. Il n'est pas un système philosophique, religieux ou social qui ne soit traité à fond dans un livre ou effleuré dans un de ces articles de revue qui finissent presque toujours par composer des volumes.

J'aurais à parler aussi des livres de philosophie qui se réimpriment. Quelques-uns reparaissent devant le public, non plus semblables à eux-mêmes, mais améliorés et agrandis. Parmi les auteurs qui remettent leurs ouvrages sur le métier, pour les rendre meilleurs d'édition en édition, j'ai

1. Ladrange, in-8, t. I et II.

2. Chamerot, 2 vol. in-8.
3. Ladrange, in-8.

4. Baillière, in-18.

5. Charpentier, in-18.

merais à citer M. Ernest Bersot dont le Mesmer et le magnétisme animal nous revient pour la troisième fois, augmenté d'études sur les dernières manifestations du merveilleux, les tables tournantes, les esprits et le reste. Ecrivain et philosophe distingué, l'auteur touche d'une main sûre et délicate tout ensemble à ces matières scabreuses, où la science a sans doute quelque chose à voir, et où la superstition, en attendant, trouve sa pâture. M. Bersot a réimprimé en même temps sous le titre d'Essais de philosophie et de morale, un choix de ses meilleurs écrits philosophiques, son Essai sur la Providence, ses Études sur les philosophes du dix-huitième siècle et toute une suite de fragments pleins de sens et d'une forme exquise. Il en faudrait moins pour conduire un écrivain à l'Académie des sciences morales et politiques le jour où les influences hostiles à la philosophie cesseront d'en écarter les philosophes.

1. Hachette et Cie, in-18, 3° édition. 2. Didier et Ci, 2 forts vol. in-18.

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L'érudition archéologique et l'histoire.-M. Fustel de Coulanges.

La tâche de l'historien ne se réduit pas, de notre temps, à raconter la suite des événements extérieurs, la naissance et la chute des empires, la succession des rois ou des dynasties, les guerres et les traités de paix, les révolutions qui fondent ou renversent les gouvernements. Nous cherchons à pénétrer chaque jour plus avant dans la connaissance intime des peuples, de leurs mœurs, de leurs institutions, de leur culte, de leurs idées morales. Si éloignés de nous que soient les Romains, les Grecs, les peuples de l'Asie et de l'Inde, si différente que leur civilisation ait été de la nôtre, nous aspirons à les connaître aussi profondément et sous autant d'aspects que nous pouvons nous étudier nous-mêmes. Voici un livre qui témoigne à la fois de cette tendance et de ses dangers: c'est la Cité antique, étude sur le culte, le droit, les institutions de la Grèce et de Rome, par M. Fustel de Coulanges, professeur d'histoire à la Faculté des lettres de Strasbourg1.

L'auteur ne se borne pas à retracer le tableau de la cité antique, aux beaux temps de la Grèce et de Rome, c'est-àdire aux époques vraiment historiques mises en lumière par

1. A. Durand, in-8, 526 pages.

les écrits des auteurs contemporains et par une foule de monuments clairs et authentiques. Ce tableau a déjà été fait pour les deux pays, et tout le monde sait que le Voyage du jeune Anacharsis et Rome au siècle d'Auguste, nous montrent rassemblés, dans deux cadres analogues, les traits principaux de la civilisation grecque et de la romaine. Dans ces deux ouvrages, avec un talent inégal de composition, mais avec une égale richesse de savoir, l'histoire intime se présente dans toute sa certitude et son utilité. M. Fustel de Coulanges me paraît aller chercher plus haut et plus loin, à grand renfort d'érudition, l'incertain et l'inutile. Il donne avec beaucoup de raison une grande place à l'étude des croyances. Mais au lieu de les surprendre dans des monuments qui les révèlent clairement, il interroge les vestiges douteux des siècles inconnus.

Il s'efforce de partir des légendes de l'homme du peuple, contemporain de Cicéron, venues d'un temps très-antique, elles portent témoignage de la manière de penser de ces temps-là. «< Le contemporain de Cicéron, ajoute-t-il, se sert d'une langue dont les radicaux sont infiniment anciens; cette langue, en exprimant les pensées des vieux âges, s'est modelée sur elles, et elle en a gardé l'empreinte qu'elle transmet de siècles en siècles. Le sens intime d'un radical peut quelquefois révéler une ancienne opinion ou un ancien usage; les idées se sont transformées et les souvenirs se sont évanouis, mais les mots sont restés, immuables témoins de croyances qui ont disparu.

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Ces mots expriment toute une méthode et suffisent pour la juger. On voit l'histoire se perdre dans les ténèbres de l'archéologie et y poursuivre une tâche impossible. Quels sont ces radicaux primitifs? Quel en a été le sens ? avec quelles altérations ont-ils été transmis? et quelle lumière sur un passé évanoui peuvent-ils nous fournir ? Je ne prends qu'un exemple. Dans les cérémonies du mariage, en Grèce et à Rome, il se chantait un ancien hymne religieux. « Les pa

roles de cet hymne, dit l'auteur de la Cité antique, changèrent avec le temps, s'accommodant aux variations des croyances ou à celles du langage, mais le refrain sacramentel subsista toujours : c'était le mot talassie, mot dont les Romains du temps d'Horace ne comprenaient pas mieux le sens que les Grecs ne comprenaient le mot uévaus, et qui étaient probablement le reste sacré et inviolable d'une antique formule. Nous voilà bien avancés. Figurez-vous que dans deux mille ans, on veuille retrouver les idées et les coutumes de nos pères, au moyen de leurs chansons vingt fois transformées, sauf peut-être leur refrain. O gué ou La faridondaine devraient être pour les érudits de l'avenir toute une révélation!

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Une semblable méthode peut se professer, mais ne se pratique pas longtemps. Aussi M. Fustel de Coulanges abandonne-t-il souvent la voie de ces interprétations arbitraires, et se repliant vers des temps moins éloignés, il trace, à l'aide de renseignements plus sûrs, le tableau de mœurs, de lois et d'institutions plus connues. Sur ce terrain plus solide, il ne mérite plus qu'un reproche, celui d'établir des démarcations trop nettes entre deux systèmes religieux successifs. Dans les révolutions sociales, morales et religieuses, un régime nouveau ne s'établit qu'en transigeant partout avec l'ancien, et en conservant, sous des formes et des noms à peine différents, des éléments trop vivaces pour être détruits.

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La traduction des monuments légendaires de civilisation et de poésie. Le roman d'Antar.

La connaissance des littératures étrangères nous ouvre souvent des aperçus aussi intéressants que nouveaux. La poésie d'une époque lointaine en est le miroir le plus fidèle.

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