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rique fournir à la vieille Espagne des historiens que celle-ci ne sait pas susciter chez elle. On connaît les beaux travaux de l'illustre Prescott sur l'Espagne et ses relations avec l'Amérique. Des études non moins sérieuses sur les origines et les monuments de la littérature espagnole ont été faites par M. G. Ticknor. Son Histoire de la littérature, préparée en Espagne, écrite et publiée en anglais, à New-York, est revenue en Europe et a été tratuite dans diverses langues, comme une œuvre capitale. Les Espagnols eux-mêmes n'ont eu rien de mieux à faire que de traduire un travail qu'ils ne pouvaient surpasser. Deux savants, D. Pascal de Gayangos et D. Henrique de Vedia, voulurent la compléter en la traduisant et l'augmentèrent d'un quatrième volume.

Cette source importante de renseignements exacts et précis sur l'histoire littéraire de nos voisins, manquait à la France. Il faut savoir gré à M. G. Magnabal de nous la rendre accessible par un long travail d'interprétation, d'autant plus méritoire, qu'il n'est presque jamais encouragé par le public en raison des efforts et des sacrifices qu'il a coûtés. Le premier volume, qui commence avec l'apparition même de l'espagnol comme langue écrite, par le Poëme du Cid et les Siete partidas, le chef-d'œuvre en prose d'Alfonso le Savant, nous conduit jusqu'à l'avénement de CharlesQuint, c'est-à-dire jusqu'à l'époque où la langue castillane est devenue par une suite de progrès, la langue prédomi nante de la péninsule.

L'Histoire de la littérature espagnole de M. Ticknor n'est pas seulement destinée à répandre les résultats d'une érudi tion sûre; elle est aussi inspirée de ces idées philosohiques et libérales que l'étude comparée des peuples et de leurs génies divers confirme chaque jour davantage.

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L'étude de l'antiquité classique. Traduction des satiriques romains.

L'antiquité grecque et romaine reste toujours pour l'Europe moderne une source d'inspiration, un sujet inépuisable d'étude. On ne se contente pas d'aller chercher les modèles dans leur forme originale, de répandre le texte par des éditions de toute forme et de tout prix, de les élucider par de savants commentaires, des esprits distingués reprennent et se donnent sans cesse la tâche de les populariser encore davantage par des traductions. Nous avons eu l'occasion de signaler la collection française des Chefs-d'œuvre des littératures anciennes, que nous voyons aujourd'hui s'enrichir d'une traduction nouvelle des Satiriques latins1, c'est-à-dire de Juvénal, de Perse, et des fragments de Lucilius et de Sulpicia.

L'interprète, M. Eug. Despois, n'est pas seulement un des hommes le plus familiarisés par leurs études avec les mœurs et les idées de l'époque représentée sous un jour si peu flatteur par les immortels satiriques; c'est aussi l'un des mieux disposés par leur caractère à faire détester davantage les dépravations de la décadence romaine, en en reprenant une fois de plus la fidèle peinture. Chaque traducteur pense toujours mieux comprendre et mieux rendre que les devanciers un auteur souvent traduit. Si M. Despois a eu, lui aussi, ce sentiment, sans lequel on n'entreprendrait pas une tâche ingrate, ce n'était pas du moins une illusion, et Juvenal et Perse n'ont rien perdu sous sa plume de ce qu'ils pouvaient garder d'eux-mêmes en passant d'une langue dans une autre.

1. Hachette et Cie, in-18, 336 p.

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Les travaux lexicographiques; leur continuation.

Nous avons parlé, à plusieurs reprises, des grandes publications lexicographiques qui font honneur à l'esprit laborieux et au savoir de notre temps. Elles jouissent toujours de la même faveur auprès d'un public pressé d'apprendre vite ce qu'il y d'essentiel dans chaque chose, d'aller directement au renseignement utile, de réduire les livres à un petit nombre, et, s'il était possible, à un seul. Nous nous bornerons pourtant aujourd'hui à signaler la continuation de deux grands répertoires alphabétiques bien différents, l'un remarquable par l'autorité avec laquelle une matière spéciale est approfondie, l'autre par la variété des matières qu'il se propose de réunir.

Celui que nous avons étudié avec le plus de soin, est le Dictionnaire de la langue française de M. Littré1. L'auteur n'a qu'à suivre son plan, qu'à remplir son cadre, qu'à conserver cette mesure parfaite, cette proportion entre l'histoire et la grammaire, l'usage et la logique; et cette œuvre capitale, ce monument de la langue française, s'accomplira pour le plus grand honneur de son courageux architecte. A l'heure qu'il est près de 1600 pages, c'est-à-dire près de 5000 colonnes, nous conduisent à la fin de la lettre E, qui se place entre le premier tiers et la moitié dans la plupart des dictionnaires.

Nous avons aussi signalé la première apparition d'un dictionnaire encyclopédique plus vaste que tout ce qui s'est fait jusqu'à présent, le Grand Dictionnaire universel du dix-neuvième siècle, français, historique, géographique,

1. Voy. t. VI de l'Année littéraire, p. 478-484.

mythologique, bibliographique, littéraire, artistique, scientifique, biographique, anecdotique, etc., etc., de M. P. Larousse. Ce répertoire universel, tout en avançant plus vite que le dictionnaire historique de l'Académie, n'en est pourtant pas à la fin de la lettre A. Il compte en quatorze livraisons 568 pages ou 2272 colonnes du plus petit texte qu'on ait employé dans ces sortes d'ouvrages. Il est encore trop tôt pour juger dans quelle mesure son plan, effrayant d'étendue et de variété, pourra être suivi. Quelques doutes ayant été élevés dans la presse sur la possibilité d'achever un tel ouvrage, l'éditeur, qui en est en même temps l'auteur principal, a protesté contre ces défiances. Une nouvelle série de fascicules nous permettra, nous l'espérons, l'année prochaine de juger du mérite et de l'utilité d'un pareil travail, et de la possibilité de le conduire à bonne fin.

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La vulgarisation par les livres à images; son rôle et ses conditions. L'histoire et la Bible.

Les publications illustrées à bon marché continuent leur œuvre de vulgarisation dont il ne convient pas de dédaigner les effets. On calcule difficilement jusqu'où peut aller l'influence de l'instruction populaire répandue à la fois par la presse et la gravure. Que de faits vont entrer dans l'esprit par les yeux! Que d'idées, vraies ou fausses, vont laisser une impression profonde par leur union avec l'image! Si j'étais le chef d'une de ces sociétés imaginaires, où toute direction part de l'État et y retourne, je voudrais diriger surtout la propagation de la science élémentaire par les livres populaires illustrés. Mais non; comme dans les sociétés réelles la liberté est le plus puissant ressort de l'activité intelligente et du progrès, je me garderais bien de vouloir donner moi-même l'impulsion à un mouvement d'expansion intellectuelle, qui ne demande qu'à n'être pas entravé. Simple observateur de ce qui se passe dans le monde des livres, je vois du moins avec plaisir les efforts de l'industrie et de l'art pour répandre plus loin et faire descendre le plus bas possible la lumière vivifiante de l'instruction.

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