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lances plus ou moins intéressées du temps présent? Grands siècles de Périclès, d'Auguste, de Léon X, de Louis XIV, eûtesvous jamais un tel contingent de héros, de penseurs, d'écrivains, de poëtes, de philosophes, de généraux, de chanteurs, de danseuses, d'actrices, d'économistes, d'hommes d'État, de médecins, de journalistes, d'avocats, etc., etc.?

La Chine, la Perse, l'Inde, la Turquie, l'Australie, les EtatsUnis, toutes les républiques du Sud américain, le Brésil, l'Angleterre, et tous les États du continent européen ont fourni leur part à cette collection hybride.

Quel kaleidoscope! quelle lanterne magique où ne manquent ni M. le Soleil, ni Mme la Lune; ni M. Gagne, ni Mlle Céline Montaland, ni les bruyantes célébrités du demi-monde qui, grâce au hasard alphabétique, coudoient les célébrités de la science, de la politique et des arts.

Et quel singulier hasard que celui qui place un nom écrit dans les archives de la police, entre le général Lahitte et l'amiral Lainé; Suzanne Lagier à côté de M. La Guéronnière (vicomte de); le R. P. Hyacinthe à côté d'Hyacinthe, le comique du Palais-Royal; l'ancien préfet de police Gisquet entre M. Giraudeau de Saint-Gervais et l'éminent orateur anglais M. Gladstone; Jules Favre à côté de Mlle Favart, de la Comédie-Française; M. Louis Veuillot à deux pas du docteur Véron; l'acteur Ravel à côté du père Ravignan. On n'en finirait pas si l'on voulait énumérer tous les rapprochements bizarres qui surgissent de ce tohu-bohu de noms propres.

Le lecteur fera sans doute une objection que nous avons faite nous-même. Comment se fait-il que le père Ravignan et tant d'autres, morts depuis plusieurs années, figurent dans cette nouvelle édition du Dictionnaire des Contemporains consacré aux vivants?

M. Vapereau ne fait pas disparaître les noms des personnages morts; il les mentionne et renvoie, pour plus ample informé, aux notices des éditions précédentes.

Mais qu'on n'y cherche pas des appréciations sur les hommes. M. Vapereau raconte et ne juge pas. Partout le même sourire et la même bienveillance. Sous ce rapport, il est certainement inférieur au Dictionnaire historique des hommes vivants, que Rabbe et de Boisjolin publièrent en 1834.

Il faut avoir feuilleté avec quelque attention un lexique quelconque pour soupçonner l'immense quantité de vocables que nous ignorons, que nous n'avons même jamais entendu

prononcer. C'est beaucoup si nous connaissons le sens précis de deux mots sur dix.

Le Dictionnaire des Contemporains est bien autrement énigmatique. Que le plus grand nombre des célébrités étrangères nous soient inconnues, cela n'a rien qui doive surprendre. Mais, en France même, que de gens sont parvenus à la notoriété, à une célébrité relative peut-être, sans que nous nous en doutions! J'ouvre au hasard le dictionnaire de M. Vapereau, et je rougis de mon ignorance en lisant les biographies de milliers de nos compatriotes, dont je vois les noms, prénoms et qualités pour la première fois.

Que de littérateurs, que d'écrivains, que de généraux, que de diplomates, que d'artistes M. Vapereau, ce chercheur de violettes, exhume de l'oubli! que de gloires modestes et ignorées ce patient biographe met en relief! Pour les 99/100es des noms qui s'y trouvent inscrits, ce gros livre est une nécropole. Nous y figurons tous à tour de rôle, nous, les inconnus! et je me demande pourquoi M. Vapereau tient à mentionner nos noms que le public de demain, que dis-je? celui d'aujourd'hui, ne sait pas même épeler!

Quoi qu'il en soit, ce dictionnaire est bien un des plus amusants que l'on puisse feuilleter. M. Vapereau nous y donne, en 1862 pages, une longue leçon d'humilité. Je me figure un érudit du vingtième siècle rencontrant, dans la poussière de quelque bibliothèque, ce dictionnaire gigantesque. Il ne connaît du dix-neuvième siècle que quelques noms illustres dans l'armée, dans les sciences, dans les lettres ou dans les arts, résumant à peu près tout l'actif de ce siècle qui sera pourtant un grand siècle! Jugez de sa surprise en découvrant ce monceau de célébrités ignorées, ce banc de grands hommes inconnus.

Il n'en pourra croire ses yeux. Il ira de bibliothèque en bibliothèque, de rayon en rayon, il y verra les œuvres de Balzac, d'Alfred de Musset, de Victor Hugo, de George Sand, d'Arago, de Michelet, de Quinet, de Louis Blanc, d'Henri Martin, de quelques autres encore; mais nos livres, à nous, nos feuilles de papier imprimées dont M. Vapereau donne si soigneusement la nomenclature, où seront-ils? Quel vent les aura emportés dans les flots du Léthé? Cet érudit prononcera nos noms devant ses contemporains, célèbres à leur tour, et nul écho ne lui répondra. Celui-là, dira-t-il, était un général célèbre, celuilà un avocat éloquent, cet autre un écrivain populaire, et on sourira autour de lui comme on sourit aux billevesées d'un

fou. « Passez votre chemin, bonhomme! » lui dira-t-on. Il est possible que ceux-là aient existé, qu'ils aient fait quelque bruit en leur temps, mais que nous importe! Nous avons pris l'or pur, laissez l'alliage au fond du creuset.

Ainsi parlera le vingtième siècle, et il aura raison, ce qui ne veut pas dire que M. Vapereau ait eu tort de grouper dans son dictionnaire toutes les célébrités contemporaines sans plus s'inquiéter de leur valeur intrinsèque et de leur mérite réel. Quiconque occupe, à un titre quelconque, l'attention du public, a droit aux honneurs de ce panthéon provisoire.

Vous figurez-vous tout ce qu'il a fallu de patience, de labeur intelligent, de soins et de recherches, pour réunir tant de renseignements, tant de dates précises, tant de faits curieux? Je ne sais quels services rendra à nos petits-fils le dictionnaire de M. Vapereau, mais je sais bien quels services il rend aux biographes contemporains.

Le Vapereau, on donne au dictionnaire le nom de son auteur, est désormais le pourvoyeur de toutes les nécrologies. Dernièrement nous voulions rendre un public hommage à la mémoire d'Alexandre Bixio; il fallait raconter en deux mots sa vie de dévouement: nous avons ouvert le Vapereau et nous y avons trouvé tout ce qu'il nous était utile de savoir, nous y avons pris tous les renseignements dont nous avions besoin, en indiquant, bien entendu, la source où nous avions puisé. Il n'est pas un de nous à qui, chaque jour, le Dictionnaire des Contemporains ne soit de quelque utilité.

Mais nous ne sommes pas les seuls qui puissions prendre plaisir à feuilleter ce livre. Le public y trouvera un grand attrait de curiosité. Figurez-vous que vous entrez dans un bal masqué, et qu'un ami complaisant vous dit les noms de tous les masques qui passent devant vos yeux, vous initie à leur passé, vous raconte ce qu'ils ont fait, vous révèle leur âge.

Oui, leur âge! et c'est là un des griefs les plus retentissants que nous ayons entendu articuler contre ce terrible, cet indiscret dictionnaire. Ce ne sont pas seulement les femmes: actrices, écrivains, artistes, danseuses, etc., etc., qui s'affligent de ce qu'on fait savoir au public l'année de leur naissance; ce sont aussi les hommes! Comment? à force de soins et d'artifices, en teignant ma barbe, mes cheveux, mes sourcils, on me croyait presque un jeune homme, et voilà qu'un dictionnaire apprend à tout venant que j'ai quarante ou cinquante

ans! Mais c'est une horreur! et de quoi se mêlé M. Vapeteau? Qu'il s'occupe de lui et non de nous!

Nous lisions ces jours derniers, dans un journal, que les sociétaires de la Comédie-Française s'étaient adressés à l'auteur du Dictionnaire des Contemporains pour le prier de ne pas s'occuper de leur âge, l'art dramatique étant intéressé à ce que le public ignorât l'état civil des ingénues et des jeunes-premières aussi bien que celui des grandes - coquettes et des pèresnobles'.

Nous aimons à croire que ce journal était mal informé et nous ne rapportons ce bruit que pour montrer quelle place considérable l'âge occupe dans le Dictionnaire des Contemporains. Que d'intrigues, que de démarches pour dissimuler quelques années, et quelle victoire pour celle ou celui qui, né en 1830, parvient à faire croire qu'il est né en 1835! Aussi, est-ce peut-être le seul point sur lequel le Vapereau contienne quelques inexactitudes.

En comparant cette troisième édition à la première, on reconnaît quels progrès l'auteur à réalisés avec une louable persévérance et surtout avec une grande honnêteté. Sur ce point les critiques les plus sévères ont eux-mêmes été de notre avis.

Le Dictionnaire des Contemporains, a dit l'un d'eux, est, comme certaines familles, peu riche, mais honnéte. » C'est porter à faux bien maladroitement, car on ne peut guère accuser de pauvreté un livre qui réunit, sur une époque donnée, environ quatre cent mille renseignements.

Dans les discussions qu'une telle œuvre devait soulever, dit M. Vapereau en terminant la préface de sa troisième édi

1. Est-il besoin de dire que cette anecdote, dont le critique veut douter, était toute d'invention? Ingénieusement contée par je ne sais quel chroniqueur, elle a fait le tour du petit journalisme et s'est glissée dans le grand, où faute d'aliment politique, les commérages de l chronique ont beaucoup trop de place. Qu'on se rassure la ComédieFrançaise et son intelligent et sympathique directeur, M. Ed. Thierry, n'ont pas demandé au Dictionnaire de mentir dans l'intérêt de l'art ou des artistes. Intérêt chimérique d'ailleurs : le succès d'une œuvre dramatique ne dépend pas de l'âge de ses interprètes: Laferrière avait près de soixante ans quand il créa le rôle de Georges dars l'Honneur et l'Argent; on ne lui reprochait, comme jeune premier, que trop de fougue, qualité ou défaut dont il ne s'est pas encore corrigé. Mile Déjazet, presque septuagénaire, se voit chaque jour plus fété pour son éternelle jeunesse. Le talent n'a pas l'âge de l'étal

tion, on n'a pas extrait de nos quatre millé colonnes une seule ligne dictée par un sentiment mauvais; si grʊs qué fût lé livre, on a pu le presser, le torturer sans en faire sortir une goutte de fiel. »

M. Vapereau a raison, et nous lui rendons publiquement le témoignage qu'il se rend à lui-même. Son dictionnaire est aussi bien et aussi honnêtement fait qu'il pouvait l'être.

Ici, pour compléter sa pensée, M. L. Jourdan oppose au Dictionnaire des contemporains, une grosse publication exécutée au nom d'une société littéraire célèbre, sous les auspices des six ou huit derniers ministres de l'instruction publique et qu'il avait récemment poursuivie de son blâme; il appelle de nouveau sur elle toutes les sévérités de la presse, qui manifestera ainsi sa justice, comme elle le fait par les éloges accordés à notre ouvrage. Nous suivrons d'autant moins le critique sur ce terrain que nous pourrions être d'accord avec lui. Un livre peut être jugé favorablement sans cet effet de contraste et de repoussoir. Nous nous bornons à remercier M. L. Jourdan de l'étude si favorable qu'il a faite de nôtre travail, laissant nos lecteurs juges des critiques ou des réserves qui y sont mêlées.

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Les monographies de l'histoire commerciale. M. E. Pariset.

L'histoire de nos relations commerciales avec l'extrême Orient, remonte à des temps trop reculés pour qu'il n'y ait pas à la fois intérêt et profit à en éclairer les origines, à en commenter les documents, et à suivre au travers des âges les développements et les modifications apportés par notre propre industrie aux industries d'origine étrangère. C'est ce qu'a fait avec un soin extrême, et une louable persévérance M. Ernest Pariset, fabricant de soieries à Lyon dans une

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