absolue des renseignements sur les localités intéressantes est absolument impossible.... Parmi les meilleurs guides, je recommande ceux de MM. Adolphe Joanne et A.-J. Du Pays en Suisse et en Italie. Ce sont de véritables manuels d'art et de savoir encyclopédique sous une forme excellente.

J'ai l'habitude de lire et de juger les itinéraires de la collection Joanne en voyageur du coin du feu; il n'y a guère que celui des environs de Paris que j'aie vérifié sur place. Par celui-là j'ai pu apprécier la justice des éloges donnés aux autres. « A. Joanne, nous dit M. Edmond Thierry, a fait les Environs de Paris illustrés, comme il a fait l'Itinéraire de l'Allemagne, avec le même soin, avec le même détail, la description aussi exacte des monuments, des palais et des ruines, avec l'indication aussi minutieuse des chemins, des moyens de transport, des hôtels opulents ou modestes. Ces derniers renseignements sont indispensables à ceux qui peuvent courir le monde. Il leur épargne bien des pertes de temps ou d'argent, bien des ennuis. Mais la description des sites, des monuments, les souvenirs d'histoire, les notes sur les œuvres d'art, les aperçus de statistique, tous les détails enfin qui révèlent un pays ou un peuple, nous permettent de visiter le monde sans quitter notre fauteuil, et, grâce à l'accord des illustrations et du texte, on peut voyager de l'esprit et des yeux à la fois.

Cette année, la collection Joanne m'a fait faire, sans frais de déplacement, trois magnifiques voyages. Avec la suite de l'Itinéraire général de la France, j'ai continué la grande excursion de Paris à la Méditerranée; la deuxième partie de l'ouvrage qui lui est consacrée traite de provinces très-intéressantes : l'Auvergne, le Dauphiné, la Provence, les Alpes Maritimes, la Corse, etc'. C'est le cœur de la

1. Hachette et C, XXVIII-864 pages in-18 à 2 col., avec douze cartes et douze plans.

France, ce sont ses extrémités les plus pittoresques. Que de vues et de souvenirs! quelle nature et quelle histoire! que de villes dignes d'être visitées et dont les origines se confondent avec celles de notre nationalité même ou remontent plus haut! Si la France mérite d'être connue et étudiée quelque part, c'est dans ces régions accidentées, où s'enchevêtre le réseau des plus curieuses montagnes de l'Europe, et où tous les événements dramatiques de notre histoire politique ou religieuse ont eu leurs théâtres.

Les deux énormes volumes de l'Itinéraire de Paris à la Méditerranée, composent environ le quart de l'Itinéraire général de la France. L'Itinéraire des Pyrénées a paru déjà depuis longtemps. On annonce la publication prochaine du volume qui traite des Ardennes et des Vosges. Celui-ci complétera l'ensemble si grandiose de tout notre système de montagnes. Quatre sections spéciales comprendront la Loire et le centre de la France, la Bretagne, la Normandie, enfin le Nord. Ce cercle parcouru, je crois que l'auteur de l'Itinėraire général de la France et du Dictionnaire des communes, aura le droit de dire deux fois qu'il aura bien mérité de son pays.

Une contrée voisine de la France, l'un des plus petits États de l'Europe, mais le plus pittoresque du monde, a déjà reçu des mains de M. Joanne son panorama complet. C'est de la Suisse que je parle. Une quatrième édition a remis au courant de toutes les modifications nouvelles l'Itinéraire descriptif et historique de la Suisse et du mont Blanc, de la vallée de Chamounix et des vallées du Piémont1. Le tableau est complet. On est effrayé de la multitude de ses détails, on les compterait par milliers. Le plan de cet utile travail sur la Suisse est toujours le même; ce n'est pas celui d'une

1. Hachette et Cie, in-18 à 2 col. avec 16 cartes, 5 plans de villes, 135 vues et 7 panoramas; cxii-872 pages.

œuvre de fantaisie, mais d'un itinéraire. M. Joanne n'est pas un touriste qui raconte ses aventures personnelles et ses impressions de voyage; c'est un guide, un cicerone intelligent qui a bien vu et vous apprend à bien voir à votre tour. Son livre est divisé par routes dont toutes les étapes sont marquées non-seulement avec leurs distances, mais avec tous les détails utiles ou intéressants que présente chaque localité. Il n'y a pas moins de deux cent cinquante-huit routes dans cet itinéraire compliqué.

Cet enchevêtrement de lignes à suivre peut être désagréable au lecteur; il était indispensable d'en développer au voyageur tout le réseau. A chaque point de sa course, le touriste saura toutes les directions qui s'ouvrent autour de lui, où chacune le mène, quel spectacle, ou quel sujet d'étude elle lui promet. Quant à ceux qui voyagent sans se déplacer, et qui veulent passer, au gré de leur fantaisie, du lac de Genève aux lacs italiens, du Valais à l'Oberland bernois, des montagnes de l'Est ou du Sud à celles de l'Ouest ou du Nord, une table méthodique générale lear permettra de choisir dans le livre, le canton, la ville ou le paysage qu'il leur plaît de visiter. Si l'on veut retrouver seulement un nom quelconque dans cette immense fourinilière de renseignements, un Index alphabétique, qui contient près de trois mille noms, vous permet de courir, sans recherche, à la place que chacun occupe. Un pays comme la Suisse prête à l'illustration. M: Ad. Joanne ne dédaigne pas cet intéressant accessoire. Les cent soixante-trois gravures, cartes, plans de villes', panoramas de montagnes, vues et sites pittoresques, amènent sous les yeux mêmes du lecteur toutes les curiosités du pays. C'est une chose singulière : notre époque, qui a inventé tant de facilités de locomotion, a perfectionné si bien les livres de voyage qu'ils nous dispensent presque de voyager.

Une excursion que tout le monde peut faire aujourd'hui

est celle en Angleterre. Une traversée de deux heures peut nous y conduire, et, une fois débarqués, un merveilleux téseau de chemins de fer nous mènera dans tous les lieux dignes d'être visités. La collection Joanne ne pouvait négliger un pays si voisin de nous, géographiquement parlant, mais si différent du nôtre par les mœurs, par les institutions, par toute son histoire. Il y a longtemps que les Anglais promènent dans le monde entier leur opulente oisiveté ou leur curiosité intelligente. Pourquoi n'irions-nous pas à notre tour voir un peu les Anglais chez eux, étudier sur place les secrets de cette industrie, de cette politique si intimement mêlées à tous les mouvements du monde moderne, où l'une trouve sa gloire et l'autre son profit? Le guide, le cicerone que nous offre la collection Joanne pour visiter nos voisins d'outre-mer, est bien l'homme le plus capable de nous les présenter sous leur vrai jour; c'est M. Alphonse Esquiros, que ses remarquables écrits sur l'Angleterre et la vie anglaise, nous montre supérieur à la modeste tâche de cicerone. Il ne le remplira que mieux, et l'Itinéraire descriptif et historique de la Grande-Bretagne et de l'Irlande est un des mieux faits et des plus intéressants de la collection..

en

Inutile de parler du plan du livre, naturellement divisé trois sections: l'Angleterre, l'Écosse et l'Irlande; c'est, encore une fois, celui que le but même d'une collection d'itinéraires imposait. Le pays est divisé par routes, pou. la plus grande commodité du voyageur auquel le livre est destiné. Sur chacune de ces routes, il y a autant de stations indiquées qu'il se présente de points dignes d'une mention ou d'un souvenir. Avec un semblable guide, on pourrait s'arrêter à toutes les stations du chemin de fer, et l'on aurait sur les moindres hameaux voisins, leurs curiosités, leurs

1. Hachette et Ce, in-18 à 2 col., XXVII-740 pages, 3 cartes et 10 plans.

sites, des renseignements précis. On trouverait même que le chemin de fer ne s'arrête pas assez souvent pour satisfaire la curiosité éveillée par le guide. On voudrait aller parfois d'une station à l'autre, à pied ou à cheval, et se détourner sans cesse de la grande route, pour chercher par les chemins de traverse toutes les choses signalées comme dignes d'être vues. Un Guide-Joanne, quand il est fait comme celui d'Angleterre, aurait trouvé grâce devant JeanJacques Rousseau, si dédaigneux des livres et si curieux de la nature. Il entrera dans le mince bagage de quiconque comprend encore la poésie des voyages à pied.

La collection des Guides-Joanne a une concurrence, celle des Guides-Garnier. Il n'y a rien d'étonnant à cela. Je suis surpris qu'il ne s'en soit pas produit plus tôt. Il est si facile d'entrer dans une voie tout ouverte et où l'expérience d'autrui vous enseigne les conditions du succès. Quand les voyageurs augmentent, les entreprises de transport se multiplient; le public choisit celle qui lui offre le plus d'exactitude, de sécurité et de confort. Les plus anciennes ont généralement un avantage marqué, une supériorité acquise que leur intérêt et leur amour-propre les excitent à maintenir. Une concurrence de publications n'a pas de raison d'être, ou elle doit avoir, pour résultat, comme toute concurrence, de tourner à l'avantage du public.

De la seconde collection, je ne citerai qu'un échantillon, le Nouveau Guide général du voyageur en Algérie, de M. Achille Fillias, que son séjour prolongé en Algérie mettait à même d'avoir des renseignements exacts. Nous avons déjà voyagé, sans quitter le coin du feu, dans notre grande colonie algérienne, avec le secours de l'Itinéraire historique et descriptif, de M. Louis Piesse 1, collaborateur très-autorisé de M. Joanne. Le livre de M. Fillias, beaucoup

1. Voyez tome V de l'Année littéraire, p. 371-373.