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moins chargé de détails, est exécuté dans une bonne mesure pour le lecteur un peu superficiel ou pour le voyageur pressé. La géographie, l'histoire, la statistique, l'état moral et social du pays sont convenablement traités ; des conseils précis d'hygiène sont donnés aux voyageurs et aux immigrants, et, après ces préliminaires indispensables qui forment la moitié du volume, il reste encore assez de pages pour décrire avec quelque détail les trois grandes provinces d'Alger, d'Oran et de Constantine. Un certain nombre de gravures suppléent au texte ou en mettent en relief les indications. Cette rivalité de publications spéciales atteste combien la littérature des voyages, exacte et précise, créée par M. Joanne, répond désormais aux besoins d'une curiosité intelligente.

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Littérature et bibliographie des voyages. Répertoire annuel.
M. Vivien de Saint-Martin.

A côté des différents livres de voyage, tous les amateurs de ce genre de littérature doivent favorablement accueillir une publication périodique que nous avons déjà signalée, l'Année géographique, par M. Vivien de Saint-Martin. Cette revue annuelle des voyages de terre et de mer et des explorations, missions, relations et publications de toute nature relatives aux sciences géographiques et ethnographiques, avait sa raison d'être et mérite toute sorte d'encouragements. L'auteur a conçu son plan d'une manière sérieuse, et l'exécution répond à ce plan. Son but est de donner, dans un ordre spécial de recherches, le plus grand nombre de renseignements aux personnes qui s'en occupent. Il ne se bornera donc pas à résumer les découvertes récentes effec

1. Hachette et Cir, in-18, 3° année, xvi-512 pages.

tuées dans les différentes régions du globe. Il fournit à chacun les moyens d'aller plus avant dans chaque étude, en réunissant toutes les indications bibliographiques qui s'y rapportent. Les livres spéciaux sur tel ou tel pays sont cités, sinon analysés; les relations de voyage, les rapports des explorateurs envoyés en mission par les gouvernements ou les sociétés savantes sont reproduits in extenso, ou mentionnés suivant leur intérêt; les travaux des académies sont signalés par des renvois aux annales qui les contiennent. Toutes les sources de la science géographique sont là dans ce volume où ne pouvait tenir la science géographique ellemême.

Dans un livre d'impressions de voyage, dans une relation d'exploration scientifique, l'Année littéraire doit considérer la forme, l'art, le talent de l'exposition, le mérite du style, l'intérêt historique ou dramatique; l'Année géographique doit y chercher les faits nouveaux, les résultats acquis à la science, indépendamment de toute considération de forme, de composition, de langue même. Aussi, M. Vivien de Saint-Martin, prenant son bien partout où il le trouve, donne également l'hospitalité aux publications étrangères et aux publications françaises. Que le voyageur soit Anglais, Allemand, Hollandais ou Italien, peu lui importe; peu lui importe aussi l'idiome dans lequel il écrit le résultat de ses explorations. Nous avons pour tâche, nous, de chercher dans les œuvres littéraires l'esprit national, l'élément français; mais la géographie, comme la science, n'a pas de nationalité. Les œuvres de l'écrivain sont personnelles; les découvertes du savant, Buffon l'a dit, appartiennent à tous; elles sont le patrimoine de l'humanité.

Il serait triste cependant, pour le géographe, d'avoir à constater que, dans l'accroissement de ce patrimoine, la part de la France n'est pas la plus grande, et c'est, malheu reusement, ce qui ressort de la lecture de l'Année géogra▪ phique. Les plus importantes découvertes dans l'Amérique,

dans l'Afrique centrale, dans l'Asie et l'extrême Orient, aux deux pôles du monde, ne sont pas dues à des explorateurs français, et le récit primitif ne s'en fait pas dans notre langue. C'est dans les relations anglaises ou allemandes qu'il faut souvent les aller étudier, en attendant des traductions qui viennent tard ou qui ne viennent pas toujours. Sous le rapport des missions scientifiques fécondes, la Société royale de Londres dépasse de beaucoup notre Institut. Il ne dépendra pas de M. Vivien de Saint-Martin que la France prenne un rang supérieur dans ce grand concours des études géographiques, dont il rédige si impartialement les

annales.

SCIENCES MORALES ET POLITIQUES.

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Transformation de la question religieuse. La grosse querelle de la « Morale indépendante. » Adhérents et adversaires.

Malgré le rapprochement opéré depuis une douzaine d'années, dans l'enseignement officiel, entre la philosophie et la religion, il paraît s'être produit dans beaucoup d'esprits un travail de séparation entre la science et la foi. Le mouvement, longtemps préparé en silence, s'est manifesté tout d'un coup avec un certain éclat, et il s'est créé un organe, signalé à l'attention publique par de nombreuses adhésions et de vives critiques. La Morale indépendante, journal hebdomadaire, est une de ces publications venues à leur heure et qu'on peut appeler les signes du temps. >

α

Son programme, qui reste exclusivement négatif, est très-simple la morale est indépendante de toutes les théories métaphysiques ou religieuses, de toutes les doctrines. rationnelles ou révélées. A quelque Dieu que l'on croie, de quelque manière qu'on l'adore, on a, en sa qualité d'homme, des devoirs invariables également obligatoires. Brahma ou Jéhovah, Jupiter ou le Christ, Zoroastre ou Mahomet, réclament de leurs fidèles des croyances et des pratiques différentes; mais la société impose à tous les hommes, au nom du devoir, les mêmes prescriptions. La morale qui doit être universelle, est compromise par son alliance avec des doctrines

infiniment variables. La conscience est une loi primordiale fondée sur notre nature même et non une loi dérivée, ayant son principe dans les opinions de tel peuple ou de telle époque sur les rapports de l'homme avec le créateur inaccessible des choses. On a cru souvent que la religion seule pouvait enseigner le devoir; les religions, au contraire, n'agissent sur la morale que pour en altérer les principes immuables, par leurs éternelles variations.

Cette doctrine de la séparation absolue de la morale pratique et de la théorie religieuse a rallié en peu de temps, autour du modeste journal, un certain nombre de penseurs distingués. MM. Vacherot, Fréd. Morin, Charles Renouvier, Jules Barni, Massol, Amédée Guillemin, LaurentPichat, Henri Brisson, les docteurs Félix Voisin et Guépin, de Nantes, et tant d'autres, sont venus développer la thèse de l'indépendance de la morale en détachant tour à tour celle-ci de la religion, de la science, de l'art, de l'histoire, en un mot de tout ce qui peut être l'objet d'une théorie. « Il n'y a pas de milieu pour une science, dit l'un d'eux, entre la liberté complète et la servitude universelle. Plus on a voulu asservir la morale, plus il semble important aujourd'hui de l'affranchir, et chaque collaborateur, dans la sphère spéciale de ses études, sépare la morale des doctrines théoriques auxquelles elle avait été jusqu'à présent subordonnée.

D

Au milieu d'adhésions venues de toutes parts, la morale indépendante et son organe ont été combattus par des adversaires bien différents. M. A. Guéroult, rédacteur en chef de l'Opinion nationale, a protesté hautement, au nom des doctrines d'organisation religieuse et sociale qui le rattachent encore à l'inspiration saint-simonienne. Un libre penseur simplement et résolûment déiste, M. Patrice Larroque veut bien affranchir la morale des religions prétendues révélées, mais il la croit indissolublement liée à la pure religion naturelle. Enfin, le défenseur le plus célèbre

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