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celles d'un autre pays; mais l'agriculture eft l'art de tous les hommes fous quelque ciel qu'ils habitent; partout, d'une extrêmité de la terre à l'autre on voit les peuples policés, & ceux qui font barbares, fe procurer au moins une partie de leur fubfiftance par la culture de leurs champs: mais cet art univerfel n'eft pas également floriffant par-tout.

Il profpere chez les nations fages quifavent l'honorer & l'encourager; il fe foutient foiblement chez les peuples à demi-policés, qui lui préférent les arts frivoles, ou qui étant assez éclairés pour fentir fon utilité font encore trop efclaves des préjugés de leur ancienne barbarie, pour se réfoudre à affranchir & à honorer ceux qui l'exercent: il languit & on apperçoit à peine fon influence chez les barbares qui le méprifent.

L'état de l'agriculture a toujours été le premier objet de mes recherches, chez les différents peuples que j'ai vus dans le cours de mes voyages. Il n'eft guere poffible à un voyageur

qui fouvent ne fait que paffer dans un pays, d'y faire les remarques qui feroient néceffaires pour emporter une idée jufte du gouvernement, de la police & des mœurs de fes habitants. Dans ce cas il n'eft pas de moyen plus court pour fe former d'abord une idée générale de la nation chez laquelle on fe trouve, que de jeter les yeux fur les marchés publics & fur les campagnes. Si les marchés abondent en denrées, fi les terres font bien cultivées & couvertes de riches moiffons, alors on peut en général être affuré que le pays où l'on fe trouve eft bien peuplé ; que les habitants font policés & heureux; que leurs mœurs font douces ; que leur gouvernement eft conforme aux prin- cipes de la raifon. On peut fe dire à foi-même, je fuis parmi des hom

mes.

Lorfqu'au contraire j'ai abordé chez une nation qu'il falloit chercher au milieu des forêts, & au travers des ronces qui couvroient fes terres; lorfqu'il me falloit faire plufieurs lieues

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pour trouver un champ défriché, mais mal cultivé; lorfqu'enfin arrivé à quelque peuplade je ne voyois dans le marché public que quelques mauvaifes racines, alors je ne doutois plus d'être chez un peuple malheu-* reux, féroce ou efclave. Il ne m'eft jamais arrivé d'être dans le cas de réformer cette premiere idée, conçue la feule inspection de l'état de l'agriculture, chiez les différentes nations que j'ai vues: les connoiffances du détail qu'un féjour affez long m'a quelquefois permis d'acquérir chez elles, m'ont toujours confirmé qu'un pays mal cultivé, eft à coup fûr habité par des hommes barbares ou opprimés, & que la population ne fauroit y être confidérable.

On verra par les recherches dont je vais rendre compte, que chez tous les peuples l'agriculture dépend abfolument des loix, des mœurs, des préjugés établis. Je commence par quelques parties de l'Afrique.

Côtes occidentales d'Afrique.

Les Isles & les terres occidentales de cette partie du monde que j'ai connues, font la plupart des terres en friche, habitées par des Negres malheureux. Ces hommes ftupides qui s'eftiment eux-mêmes affez peu pour fe vendre en détail les uns & les autres, ne penfent guere à la culture de leurs terres. Contents de vivre au jour la journée fous un ciel qui donne peu de befoins, ils ne cultivent que ce qu'il leur faut pour ne pas mourir de faim; ils fement négligemment chaque année quelques maïs, trèspeu de riz, & ils plantent en petite quantité différentes efpeces de pommes de terre qui ne font pas de la nature des nôtres, mais dont la culture eft la même ; nous les connoiffons fous le nom de patates & d'inham. En général les récoltes de ce peuple font fi chétives que les navigateurs européens, qui vont chez eux pour y acheter des hommes, font obligés d'apporter d'Europe

on

d'Amérique les provifions néceffaires pour la nourritur des efclaves, qui do vent compofer la cargaison de leurs vaiffeaux.

Parmi ces Negres, ceux qui habitent aux environs des colonies européennes, font un peu plus agriculteurs que les autres. Ils élevent des troupeaux, ils cultivent le riz en plus grande quantité; on trouve dans leurs jardins quelques légumes dont les graines leur ont été apportées d'Europe; mais tout ce qu'ils favent d'agriculture, ils le tiennent des Européens établis chez eux; leur expérience à cet égard eft très-bornée, &

n'ai découvert dans leur industrie aucun procédé qui puiffe éclairer la nôtre.

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Depuis la riviere d'Angola jufqu'au Cap Negre, & delà jufqu'aux approches du Cap de Bonne Efpérance on ne voit que des terres arides & in ultes; les côtes font nues, couvertes d'un fable ftérile: il faut faire: plufieurs lieues pour découvrir un palmier ou quelque verdure. La terre

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