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communiquer avec lui par écrit et de vive voix: ce qui a produit les explications qu'à la fin il a bien voulu me communiquer par écrit, et sur lesquelles il a reçu de nouveau de très amples éclaircissements de M. de Chartres.

III.

Abrégé des principales difficultés que nous trouvons dans le livre.

Encore qu'il soit si clair, par les remarques précédentes, que l'auteur est très informé des difficultés que nous trouvons dans son livre; je ne laisserai pas, puisqu'il se plaint de mou silence, de lui en proposer les principales en abrégé, à commencer par son Avertissement,

Nous nous plaignons donc à lui-même de ce qu'il y dit :

I. « Que toutes les voies intérieures ten>> dent à l'amour pur et désintéressé que cet >> amour pur est le plus haut degré de la perfec» tion chrétienne qu'il est le terme de toutes » les voies que les saints ont connu, » etc. ; et néanmoins:

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II. Qu'il falloit « garder le silence sur cette » matière, de peur d'exciter trop la curiosité du >> public 2 : » et que ce qui oblige l'auteur à parler, c'est que « cette curiosité est devenue uni» verselle. »

A cela revient ce qui est porté dans le livre ; III. Que « la doctrine ( de l'exercice du pur » amour) est la pure et simple perfection de » l'Évangile3» et néanmoins:

IV. Que « les pasteurs et les saints de tous les » temps ont eu une espèce d'économie et de se» cret pour n'en parler qu'aux ames à qui Dieu » en donnoit déja l'attrait et la lumière : » à quoi revient encore ce qui est répandu par tout le livre :

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VI. Que « la plupart des saintes ames» sont si éloignées de la perfection, qu'il est « inutile » et indiscret de leur proposer un amour plus » élevé. »

VII. Qu'elles n'y peuvent atteindre, parce» qu'elles n'en ont ni la lumière intérieure ni

↑ Avert. p. 16, 23. Art. vII, p. 64. — 2 Avert. p. 4. — 3Art. XLIV, p. 261. Ibid. -Art. vu, p. 64, 67, 150, etc. P. 63, 199, 200, 201, 210, 212, etc.— Art. 1, p. 34.

» l'attrait de grace: ce qui fait avouer:

VIII. « Qu'il y a dans tous les siècles un grand » nombre de saints» (expression qui emporte même les saints dont on célèbre la mémoire dans l'Église) « qui n'arrivent jamais à cette per» fection et pureté d'amour en cette vie 2: » d'où l'on infère :

IX. Que, « dans la direction des ames, il faut » se borner à laisser faire Dieu, et ne parler ja» » mais du pur amour, que quand Dieu, par » l'onction intérieure, commence à ouvrir le » cœur à cette parole, qui est si dure aux ames >> encore attachées à elles-mêmes, et si capable ou » de les scandaliser ou de les jeter dans le trou» ble 3: » doù il s'ensuit, au grand opprobre de la vocation chrétienne :

X. Que la perfection de l'Évangile est un secret dont il faut faire mystère, non seulement au commun des justes, mais encore aux saints : que cette doctrine les scandalise et les jette dans le trouble qu'ils sont au rang des ames encore attachées à elles-mêmes, et qu'il n'est pas permis de leur proposer l'accomplissement du précepte: Diliges, etc.; Vous aimerez de tout votre cœur, etc.; ni de cette parole de l'Evangile : Soyez parfaits, etc.

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Comme on met la contemplation, ou oraison passive, dans ce pur amour » où tout le monde et même des saints ne sont pas appelés : il s'ensuit encore ;

XI. Que lorsqu'on fait passer une ame de la méditation discursive à la contemplation 6, c'est lui dire qu'elle est élevée et encore par état à la plus haute perfection, et au-dessus des saints qu'on honore d'un culte public: ce qui précipite les ames dans la présomption qui les perd.

Si nous passons de l'Avertissement, et des propositions du livre qui y ont rapport, à celles du livre même, nous trouverons d'abord et dès les premières définitions :

XII. Que l'amour d'espérance est tel, que le motif de notre propre intérêt (ce qui est une chose créée) est son motif principal et dominant ; ce qui le rend vicieux et désordonné, en sorte que l'espérance, vertu théologale, qui se trouve dans les fidèles hors de l'état de grace, est vicieuse : ce que l'auteur assure encore plus précisément dans cette proposition, où, parlant de l'état d'une ame qui n'a encore qu'un amour d'espérance, il y applique ce principe de saint Augustin

XIII. Que « tout ce qui ne vient pas du prin

Art. I. p. 34.-2 Ibid. — Ibid. p. 35.— Ibid. — P.271, elc. P. 170, 171, etc. Expos. des divers amours, P. 4, 5.-P. 7, 8.

>>cipe de la charité, vient de la cupidité, et de >>> cet amour, unique racine de tous les vices, » que la jalousie de Dieu attaque en nous': » à quoi revient :

l'exclusion entière par état du motif qu'on nomme intéressé, qui est, comme on a vu, le propre bonheur.

XIX. Que « ce n'est plus le motif de son pro» pre intérêt qui excite l'ame1 : » ce qui montre que le motif de la récompense n'est plus un motif, puisqu'il cesse d'exciter; à quoi reviennent les passages des pages 10, 11, 21, 22, 23, 26, 27, 28, 29, 40, 44, qui est contradictoire, in ter

XIV. Que « l'amour dans lequel le motif de >> notre propre bonheur prévaut encore sur celui » de la gloire de Dieu, est nommé l'amour d'es» pérance 2 : » où il faut remarquer en particulier, que le motif de notre bonheur est celui qu'on veut éloigner, et que c'est là ce qu'on ap-minis, avec 52 et 54. Il y faut joindre ce qui pelle partout l'intérêt propre : surtout aux pages 10, 11, 15, 44, 46, 57, 135, etc. Toutes les propositions précédentes sont autant d'erreurs dans la foi. On ajoute :

regarde la résignation et l'indifférence, pages 22, 49, 50, 51, 135, etc.; passages que je tranche légèrement, parceque M. de Chartres les a traités.

Toutes ces propositions, depuis la xvre, sont contre la foi, en tant qu'elles excluent l'espérance, en lui ôtant la vertu d'être le motif de nos actions; et contre toute la théologie, en lui ôtant d'être le motif puissant et véritable, quoique second et moins principal, de l'amour divin.

XV. « Qu'on donnera à cet amour mélangé 3 » (qui est pourtant un amour de charité dominante), « et où l'ame ne cherche son bonheur >> propre que comme un moyen qu'elle rapporte » et qu'elle subordonne à la fin dernière, qui est » la gloire du Créateur; on lui donnera, dit » l'auteur, le nom d'amour intéressé : » ce qui dégrade un amour si pur, et en même temps est contraire au langage de toute la théologie, formé sur celui de saint Paul, lorsqu'il dit que « la» intérêt de son bonheur, seroit indigne de Dieu, » charité ne cherche point son propre inté» rết . »

XVI. « Qu'on peut aimer d'un amour qui est » une charité pure, et sans mélange du motif de » l'intérêt propre 6: » ce qui emporte l'exclusion de ce motif, et en même temps de celui de la crainte et de l'espérance, en disant :

XVII. Que « ni la crainte des châtiments ni le » desir des récompenses n'ont plus de part à >> cet amour : » ce qui revient aux endroits où le motif de la crainte, qui est la peine, est exclus en égalité avec celui de l'espérance, qui est la béatitude. Comme si saint Jean, qui a dit que la parfaite charité bannit la crainte 8, avoit dit aussi qu'elle bannit l'espérance, ou, ce qui est la même chose, son motif.

XVIII. Que « l'amour pour Dieu seul, consi» déré en lui-même et sans aucun mélange de » motif intéressé ni de crainte ni d'espérance, >> est le pur amour : » à quoi revient l'amour « sans aucune idée qui soit relative à »> nous 10. »

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XX. Que l'amour de pure concupiscence, » où l'on ne regarderoit Dieu que pour le seul

» un amour sacrilége, une impiété sans pareille, » et plutôt un amour mercenaire qu'un amour » de Dieu 2; » et néanmoins, dans la même page, «< il peut bien préparer à la justice et à la con>> version des ames pécheresses : » contre la foi de l'Église, si clairement expliquée dans le concile de Trente 3, que toute préparation à la grace justifiante est un don et un effet de la grace.

XXI. Que « les motifs intéressés sont répan» dus dans toute l'Écriture, dans toute la tra» dition, dans toute les prières de l'Église : » et néanmoins « qu'il y a des ames qu'il faut dé» tacher de cet intérêt; » ce qui est répété p. 36: en sorte que l'Écriture, les principaux monuments de la tradition, et les prières de l'Église ne seroient que pour les imparfaits; ce qui est d'autant plus véritable, que, comme on dira dans la suite, on ne peut alléguer aucun passage pour ce prétendu détachement où l'on met la perfection.

XXII « Qu'on ne veut la béatitude que par » pure conformité à la volonté de Dieu 5. » Ce qui revient à ce qu'on a dit ailleurs, « qu'on ne » la veut qu'à cause qu'on sait que Dieu la » veut : » ce qui met la béatitude au rang des choses indifférentes, qui ne sont bonnes que comme voulues, et non voulues comme bonnes : par où l'on induit les ames à l'indifférence du Expos. des div. am., p. 12. - P. 16, 17, 20, 21. — Sess. VI, cap. vi, can. 1, 2, 3, 4. - P. 33, 34.- * P. 42, 43. P. 26, 27.

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salut, dont on réduit le desir en proposition équivoque 5.

»ment persuadée d'une persuasion réfléchie, et » qui n'est pas le fond intime de la conscience, » qu'elle est justement réprouvée de Dieu, et que >> c'est ainsi que saint François de Sales se trouva » dans l'église de Saint-Étienne-des-Grès 1. » Sans avouer le fait de saint François de Sales

XXIII. « Que parler ainsi (ôter la force et » la raison de motif à l'espérance), c'est con» server la distinction des vertus théologales 2 » (quoiqu'on n'en conserve que le nom, puisque le motif d'une d'elles, c'est-à-dire de l'espé-sur sa réprobation, il me suffit de remarquer que rance, n'agit plus, n'influe plus, ne meut plus) et que « c'est par conséquent ne se dé>> partir en rien de la doctrine du concile de >> Trente 3.*»

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Le mal est de dire, qu'en supprimant l'espérance comme motif, on ne se départe pas de la doctrine du concile de Trente: mais au contraire c'est s'en départir formellement, puisque ce concile suppose que les plus parfaits, comme David et Moïse, agissent en vue de la recompense: intuitu mercedis æternæ ; et que l'auteur au contraire veut que les parfaits n'agissent plus en cette vue, comme on vient de voir, proposition 16 et 17.

XXIV. « La sainte indifférence admet des » desirs généraux pour toutes les volontés de » Dieu que nous ne connoissons pas 5. » Elle en admet donc pour les décrets de notre réprobation, et de celle des autres: ce qui étant très mauvais de soi, a d'étranges effets dans la suite.

XXV. Qu'il ne faut « jamais prévenir la gra» ce, ni rien attendre de soi-même, de son in»dustrie, de son propre effort 6: » ce qui induit à toujours attendre, sans s'exciter comme de soi-même opération où l'auteur ne forme difficulté sur difficulté, et ne fait restriction sur restriction", que pour la rendre dangereuse et impossible, et par-là induire tout le quiétisme, c'est-à-dire un pur tenter Dieu, et une attente oisive des mouvements de la grace.

XXVI. Que a les actes directs sont l'opération >> que saint François de Sales nomme la pointe » de l'esprit ou la cime de l'ame 8. »

XXVII. «Que les sacrifices que les ames les >> plus désintéressées font d'ordinaire sur leur » béatitude éternelle, sont conditionnels ". »> Ainsi, ce qu'on sacrifie, c'est la propre béatitude éternelle, et non autre chose mais en marquant que ces sacrifices d'ordinaire sont conditionnels, on suppose que quelquefois il y en a d'absolus: ce qui revient à ce qu'on ajoute, que ce sacrifice est en quelque manière abso» lu. »>

c'est donc d'une véritable réprobation et de l'attente d'un vrai enfer qu'il s'agit.

XXIX. « Qu'il n'est pas question de lui dire >> alors le dogme précis de la foi sur la volonté » de Dieu de sauver tous les hommes 2; » par où il paroît toujours qu'il s'agit du véritable salut.

XXX. Que, « dans ce trouble involontaire et » invincible, rien ne peut la rassurer, ni lui dé» couvrir ce que Dieu lui cache 3: » qui est sa justice, qu'elle croit avoir perdu pour jamais, selon l'auteur, et par conséquent être véritablement damnée.

XXXI. Que « c'est alors que, divisée d'avec » elle-même, elle expire sur la croix avec Jésus>> Christ, en disant : O Dieu! mon Dieu! pour» quoi, » etc. 4.

XXXII. Que l'ame qui parle ainsi avec JésusChrist (chose abominable) « a une impression >> involontaire de désespoir, » et qu'elle « fait le » sacrifice absolu de son intérêt propre (qui est » son salut) pour l'éternité 5. >>>>

XXXIII. « Que le cas impossible (qui est que >> Dieu damne une ame innocente) lui paroît pos»sible et actuel : qu'il n'est pas question de rai» sonner avec cette ame, qui est incapable de » tout raisonnement 6. »

XXXIV. Que ce qui l'empêche de raisonner, « c'est une conviction qui n'est pas intime, >> qui n'est qu'apparente, mais néanmo ́ns invin» cible 7. »>

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XXXV. « Qu'en cet état l'ame ne perd jamais » dans la partie supérieure, c'est-à-dire dans >> ses actes directs et intimes, l'espérance par» faite » de sorte qu'elle a tout ensemble l'espérance et le désespoir: l'une, dans l'acte direct qu'on prend pour la haute partie 9; et l'autre, dans l'acte réfléchi qu'on prend pour la basse : ce qui a les conséquences affreuses désavouées par l'auteur 10, mais dont il pose le principe.

XXXVI. « Qu'un directeur peut alors laisser » faire un acquiescement simple à la perte de » son intérêt propre, et à la condamnation juste » où elle croit être de la part de Dieu ". » Ainsi

XXVIII. « Qu'une ame peut être invincible- il ne faut point ici pallier une doctrine qui fait

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horreur, et où l'on ne peut entendre qu'un jugement à toute rigueur, qui emporte la damnation et toutes ses suites.

XXXVII. «Que c'est alors qu'une ame est » divisée d'avec elle-même, et qu'il se fait une » séparation de la partie supérieure d'avec l'in» férieure ; à l'imitation de celle qui arriva à Jé- | >> sus-Christ notre parfait modèle 1. »

XXXVIII. Que cette séparation en Jésus-Christ opéroit que la partie inférieure ne communi» quoit pas à la supérieure son trouble involon» taire: » et qu'en nous aussi « les actes de la » partie inférieure sont d'un trouble entièrement » aveugle et involontaire 2. »

XLVIII. Que « les saints mystiques ont ex>> clu de cet état les pratiques de vertu *. » Toutes propositions mauvaises par elles-mêmes, odieuses et inexcusables.

J'en pourrois marquer un grand nombre d'autres qui ne sont pas moins importantes: mais, malgré le soin qu'on a d'ètre court, on est encore si long, en se restreignant, qu'on ne voit que trop que cette voie de procéder par écrit va à l'infini; et qu'il en faut venir à des conférences, à moins que de déclarer qu'on ne veut point voir de fin à cette affaire.

C'est là qu'on fera voir à l'ouverture du livre, que l'auteur a détruit en termes formels plusieurs articles de ceux qu'il a signés ;

Que les passages de saint François de Sales

Les erreurs sur la contemplation sont: XXXIX. Que « l'ame ne s'y occupe volon» tairement d'aucune image sensible ni d'au-se trouvent (sans mauvais dessein, nous le » cune idée nominable 3, » etc., d'où l'on conclut:

XL. Que pour s'occuper des attributs et de Jésus-Christ, il faut y être appliqué par une impression particulière de la grace qui nous présente ces objets : ce qui est un pur quié

tisme.

XLI. Que l'ame ne considère plus les mys»tères de Jésus-Christ pour s'en imprimer des » traces dans le cerveau, et s'en attendrir avec » consolation 5. »

XLII. Qu'on est « privé de la vue distincte, » sensible et réfléchie de Jésus-Christ en deux » temps différents . » Vain raffinement pour excuser les excès des quiétistes.

croyons) supposés, tronqués, altérés dans les termes, et pris à contre-sens par l'auteur au nombre de dix ou douze; que tous les passages de l'Écriture qu'il allègue, pour son prétendu amour pur, sont pareillement à contre-sens, sans qu'il y ait la moindre vraisemblance; et enfin que tout son livre n'est, depuis le commencement jusqu'à la fin, qu'une apologie cachée du quiétisme.

Il nous est dur de parler ainsi du cher auteur à lui-même; mais il voit bien que la cause nous y force, comme au reste qu'il va entendre.

IV.

Sur les explications.

XLIII. Qu'on n'est « jamais privé pour toujours » en cette vie de la vue simple et distincte de Jé>> sus-Christ: » où il insinue qu'on en peut être Le livre, dans son fond, est une explication privé, non pas à la vérité pour toujours, mais des Maximes des Saints « pour en retrancher toudans des états fort longs, comme la suite le fait» tes les ambiguités avec la plus rigoureuse prévoir ce qui n'est fait que pour chercher des occasions de se priver de Jésus-Christ.

» caution 2: pour y apporter tous les correctifs » nécessaires à prévenir l'illusion, et pour expli

Sur les vertus on est frappé de ces propositions» quer en rigueur le dogme théologique : pour qui en ôtent les motifs particuliers.

XLIV. Que « le pur amour fait lui seul toute » la vie intérieure, et devient lui seul l'unique

» expliquer dans la partie fausse l'endroit précis » dans lequel le danger de l'illusion commence * : rapporter dans chaque article ce qui est exces

» principe et l'unique motif de la vie inté-sif, et le qualifier dans toute la rigueur théo>> rieure 8. >>

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» logique pour, en donnant des définitions » exactes des expressions des saints, les réduire » toutes à un sentiment incontestable: pour en » composer une espèce de dictionnaire, par où » l'on saura la valeur précise de chaque terme, » et faire un système simple et complet de toutes » les voies intérieures". »

Cependant, pour expliquer un livre si clair et si précis, et pour en sauver le fondement, sans encore presque parler des conséquences, quels

'Expos, des div. am. p. 253. — 2 Avertiss. p. 23. — * P. 40, 11. P. 25. P, 26 et 27.

.

le pourroit démontrer encore plus amplement, et par d'autres raisons certaines, que ce prélat n'a pas voulu toucher. Ainsi que peut-on penser des explications de l'auteur, auxquelles il ne paroît point que qui que ce soit ait jamais songé,ni lui même, avant quinze jours ou trois semaines au plus?

V.

Mais, dira-t-on, n'est-il pas bien dur de refuser à un auteur vivant et encore à un archevêque, de recevoir une explication qui est bonne, et qu'il assure d'avoir toujours eue dans l'esprit ? n'est-ce pas assez d'avoir pourvu à la vérité? veut-on perdre la personne, et ne peut-on pas trouver des tempéraments?

tours violents n'a-t-il pas fallu donner à son esprit! D'abord en écrivant au pape, et ensuite à M. de Chartres, on prétend substituer et sousentendre partout un interdùm, ou un d'ordinaire, qui ne se trouve nulle part dans tout le livre, et changer l'exclusion universelle en exclusion restreinte et particulière. Il eût donc fallu une fois au moins, et dès le commencement, proposer ce d'ordinaire: mais non ce mot, si nécessaire dès le commencement du livre, ne s'y Argument de l'auteur pour faire recevoir son explication. trouve qu'en un seul endroit, vers la fin, dans l'article XXXVI, à la page 235, et pour un autre sujet que celui dont il est ici question. Ce n'est rien. M. de Chartres a démontré, par un ample écrit, que ce d'ordinaire étoit étranger au livre, et n'y pouvoit convenir. Après quelques répliques de l'auteur, il est enfin venu au grand dénouement de la cupidité soumise, qui n'est ni nommée ni définie dans le livre, et à laquelle on ne songeoit pas encore dans la réponse à M. de Chartres, qui n'étoit pas courte. Il est venu ensuite une autre réponse trois fois grande comme le livre, où la cupidité soumise commence à paroître où l'auteur veut à toute force qu'elle soit sous-entendue dans tout son livre qui n'en dit mot sous entendue dans tous les Pères qui n'en parlent pas : et il a fallu en même temps, que l'intérêt propre, si connu et si usité depuis plusieurs siècles dans l'École, pour signifier le motif de l'espérance et du salut; d'où aussi tout le monde entendoit et entend encore que l'auteur l'a pris, ait eu tout à coup une nouvelle signification qui ne cadre plus avec le premier système. M. de Chartres l'a démontré très clairement, et cela paroît en ce que cette nouvelle signification ne peut être substituée, non plus que la cupidité soumise à laquelle on la réduit, à la plupart des endroits où se trouve le mot de propre intérêt. On en peut faire l'épreuve, et essayer, seulement à substituer la cupidité soumise aux endroits qui sont marqués dans la xive proposition ci-dessus: on verra manifestement qu'elle n'y convient pas.

Elle ne convient non plus à aucun des Pères où l'on en veut montrer la tradition; aucun mystique, aucun scolastique, aucun auteur ne s'en est servi avant cette réponse, c'est-à-dire avant quinze jours.

Mais, dira-t-on, saint Bernard ne s'en sert-il pas, et ne trouve-t-on pas dans l'Épître à Guigue répétée dans le traité de l'Amour de Dieu, le cupiditas ordinata, qu'on peut traduire indifféremment selon l'auteur, cupidité soumise ou réglée? Il est vrai; elle s'y trouve: mais elle s'y trouve en un sens contraire à l'intention de l'auteur, comme M. de Chartres l'a démontré ; et on

On suppose ici deux choses: l'une, que l'explication soit bonne en soi l'autre, que, pourvu qu'elle soit bonne en soi, il importe peu qu'elle cadre au livre. Mais nous sommes prêts à faire voir à l'auteur en très peu de temps que ces deux choses, avec le respect qui lui est dû, sont insoutenables.

Nous sommes, dis-je, prêts à lui faire voir,

Que son explication ne convient pas à saint Bernard qu'il allègue seul, et qu'elle lui est contraire:

Qu'elle ne convient non plus à aucun Père, à aucun théologien, à aucun mystique :

Qu'elle est pleine d'erreurs; et que, loin de purger celles du livre, elle y en ajoute d'autres: Enfin que le système, très mauvais en soi, l'est encore plus avec l'explication.

Cela, dis-je, se verra en peu de temps clairement, amiablement; nous l'osons dire, certainement, et sans réplique; en très peu de conférences en une seule peut-être, et peut-être en moins de deux heures. Et si l'on demande d'où vient donc que nous refusons de donner une réponse par écrit: c'est à cause des équivoques des demandes de l'auteur dans ses vingt articles, qu'on seroit long-temps à démêler, même après ses définitions: et à cause du temps trop long qu'il faudroit donner à écrire les réfutations et les preuves: il faudroit écrire sans fin : on a pour exemple les réponses de M. de Chartres qui ne font et ne feront qu'en attirer d'autres; et en entassant écritures sur écritures, le livre, qui fait la question, sera noyé dans ce déluge, en sorte qu'on ne saura plus où retrouver ce qui fait la question. Au lieu que la vive voix tranchera tout court on saisira d'abord le point principal; et la vérité qui est toute-puissante, éclatera par elle-même.

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