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pressant aiguillon du chagrin qui le déchire l'envie qui veille pour sa propre douleur, toutes les passions tumultueuses n'altèrent jamais la féliché dans une ame qui, fixée par l'amour divin, use des choses présentes et fuit tous les excès qui pourroient l'amolir, l'entraîner, ou la corrompre.

De ce double sentiment d'adoration et d'amour nait l'usage de la prière; usage universel commun à tous les cultes, et nécessairement lié à l'idée d'un Dieu bon et tout-puissant.

Eh! quoi de plus doux que ce cri du cœur, ce cri de la prière si naturel à l'homme, par lesquels l'ame s'élance vers son auteur, lui expose ses desirs, lui peint son amour, le loue de ses perfections, lui rend graces de ses bienfaits, lui parle des peines qu'elle ressent, des maux qu'elle éprouve, des dangers qu'elle craint, implore son secours, se console en sa présence, et reprend dans son sein une vigueur nouvelle ! Il n'est point de langue où ne se trouve cette exclamation: O mon Dieu! point de peuple chez qui un homme que la calomnie opprime, ou un père, une mère qui sont privés de leurs enfans, ne lèvent les yeux au ciel, et ne forment dans leur douleur une aspiration secrète vers l'Être-Suprême.

Etre des êtres, souverain auteur de la nature, j'oserai porter mes vœux aux pieds de ton trône,

je déposerai mes peines et mes craintes dans ton sein paternel, et je te demanderai d'imprimer dans mon ame les sentimens qui peuvent me rendre agréable à tes yeux. Je te demande, non les biens de la terre, j'ignore s'ils ne me seroient pas nuisibles, mais de me protéger contre mes passions, de m'accorder la vraie beauté, celle de l'ame, les lumières et les vertus dont j'ai besoin, la force de ne commettre aucune injustice, et sur-tout le courage de supporter quand il le faut l'injustice des autres.

Je ne saurois vous dire combien ces idées jètent de douceur et de joie au fond des cœurs; c'est dans le sein de la prière que l'ame s'épure et s'élève, qu'elle apprend à mépriser ses inclinations basses et à surmonter ses vils penchans, Priez la prière ôtera à la prospérité le poison de la séduction, à l'adversité l'amertume de ses regrets, au monde le charme de son imposture, à la volupté la perfidie de ses attraits; priez; la prière ôtera à votre esprit ses doutes et ses incertitudes, à votre imagination ses songes et ses fantaisies, à votre raison ses fausses lueurs et son indocilité, à votre cœur ses variations et son inconstance, à votre humeur ses saillies et ses impétuosités, aux diverses situations dans lesquelles vous vous trouvez leurs périls et leurs écueils.

Mais si j'en crois cette philosophie qui s'efforce de rompre les liens qui nous unissent à la divinité, la prière est une pratique superstitieuse. « Si Dieu sait tout, que lui sert d'être averti des besoins de ses créatures qu'il aime; si Dieu est un père tendre, rempli de tendresse et de bonté, est-il donc nécessaire de lui demander son pain de chaque jour; si Dieu est bon, s'il chérit ses créatures, il est inutile de le prier; si Dieu est sage, il sait mieux que les hommes ce qui leur est nécessaire; s'il est par-tout, pourquoi lui élever des temples; s'il est le maître de tout, pourquoi lui faire des sacrifices et des offrandes ?

Le but de la prière n'est pas d'instruire la divinité des besoins qu'on lui expose, mais de reconnoître que nous dépendons d'elle, de réveiller et d'entretenir les sentimens qui doivent accompagner cette reconnoissance. L'idée de fatiguer par-là l'Etre-Suprême est absurde.

Si on lui élève des temples, c'est parce qu'il est bon d'instruire le peuple, de lui rappeler ses devoirs, d'adorer en commun le père de tous les hommes, et que cela se fait plus commodément sous le toît qu'en plein air.

Hélas! l'homme est si foible pour le bien, la pente qui l'entraîne au mal est si forte, les passions ont tant d'empire sur lui. Ah! s'il est un

Dieu qui s'intéresse à mon sort, pourquoi ne le prierois-je pas d'éloigner de moi ces occasions périlleuses où ma fragile vertu ne manqueroit pas de succomber? pourquoi ne le prierois-je pas d'éloigner de moi et de mes frères les calamités qui sont ou les peines du crime, ou des épreuves dangereuses pour la vertu ? Après que l'agriculteur a employé tous les moyens qui sont en lui pour remédier aux inconvéniens de la sécheresse, de la chaleur et du froid, pourquoi ne s'adresseroit-il pas à l'ordonnateur général, pour obtenir des secours qui ne sont point au pouvoir de l'homme, tels qu'une douce rosée, une chaleur douce, un vent modéré qui doivent mûrir ses moissons. Tous les actes de l'entendement qui nous élèvent à Dieu nous portent audessus de nous-mêmes; en implorant son secours, nous apprenons à le trouver; tout ce qu'on lui demande comme il faut, on se le donne, et c'est en reconnoissant sa foiblesse qu'on augmente sa force.

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CHAPITRE VII I.

De la nécessité d'un Culte extérieur et public.

La vraie piété consiste dans les sentimens du cœur et dans les affections de l'ame: ces sentimens, ces affections sont des devoirs fondés sur nos rapports avec l'Etre-Suprême, des devoirs que nous ne pouvons ni changer, ni modifier, et dont la divinité elle-même ne pourroit nous dispenser sans démentir les attributs sous lesquels elle se montre à notre raison.

Le culte extérieur n'a pas les mêmes caractères d'invariabilité; ses rites et ses pratiques doivent leur origine, non à la nature des choses, mais à l'institution des hommes. Il emprunte toute sa valeur du culte intérieur dont il est l'interprète. Mais quoique telle ou telle pratique puisse paroître indifférente aux yeux de la raison, on ne peut nier cependant que la raison ne nous fasse un devoir d'exprimer par des actes extérieurs. notre amour et notre respect envers l'Être-Suprême.

Que

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