ODE IRE, A MARIE-JOSEPH CHÉNIER. Mon frère, que jamais la tristesse importune Va remplir à la fois la scène et la tribune : Te comblent de leurs biens, au talent mérités. Que les Muses, les arts toujours d'un nouveau lustre, Embellissent tous tes travaux; Et que cédant à peine à ton vingtième lustre, De ton tombeau la pierre illustre S'élève radieuse entre tous les tombeaux. STROPHE. mon esprit, au sein des cieux, Loin de tes noirs chagrins une ardente allégresse Te transporte au banquet des dieux; Lorsque ta haine vengeresse Rallumée à l'aspect et du meurtre et du sang, Qu'au défaut de la foudre, esclave du plus fort, Par qui la France, aveugle et stupide victime, ANTI-STROPHE. Tu crois, d'un éternel flambeau, Eclairant les forfaits d'une horde ennemie, Défendre à la nuit du tombeau D'ensevelir leur infamie. 1 Déjà tu penses voir, des bouts de l'Univers, Sur la foi de ma lyre, au nom de ces pervers, Comme autrefois tes Grecs accouraient à des jeux, Eut de traîtres punis vu triompher Alcide; ÉPODE I. Vain espoir! inutile soin! Ramper est des humains l'ambition commune, Voir, fatigue leurs yeux; juger, les importune; Qui fait juste celui qu'elle fait tout-puissant. Teint du sang des vaincus tout glaive est innocent. STROPHE 1. Que tant d'opprimés expirans Aillent aux cieux réveiller le supplice; Son bras d'airain s'appesantisse; Qu'ils tombent; à l'instant vois-tu leurs noms flétris, Mais si Mars est pour eux, leurs vertus, leurs bienfaits Tout s'obscurcit auprès de la splendeur guerrière ; Dès-lors l'étranger étonné Se tait avec respect devant leur sceptre immense; Vantant jusques à leur clémence, Nous voue à la risée, à l'opprobre, aux tourmens; Votre encens, vos poignards, et de flux en reflux Il nous faut tous mourir. A sa vie ajoutées, ÉPODE II. Lui, grands dieux! courtisan menteur, De sa raison céleste abandonner le faîte, Pour descendre à votre hauteur! En lui-même affermi, comme l'antique athlète, Il reste inébranlable à tout effort mortel; Flotter de maître en maître et d'autel en autel. |