Oui, quoique meilleure et plus belle, Toi-même cependant tu n'es qu'une mortelle; Et le ciel s'applaudit de t'avoir mise au jour. Le ciel t'a vue en tes prairies Oublier tes loisirs, tes lentes rêveries; Et tes dons et tes soins chercher les malheureux. Présenter des sucs salutaires, Ou presser d'un lin pur leurs membres douloureux. Souffrances que je leur envie! Qu'ils eurent de bonheur de trembler pour leur vie, Attendrir tes discours, plus chers que tes présens! Près de leur lit, dans leur chaumière, Ils crurent voir descendre un ange de lumière, Vint ravir à l'Aulide, à Chalchas, au tombeau. Ah! si des douleurs étrangères D'une larme si noble humectent tes paupières, Et te font des destins accuser la rigueur, Ceux qui souffrent pour toi, tu les plaindras peut-être; Et les douleurs que tu fais naître Ont-elles moins le droit d'intéresser ton cœur? Troye, antique honneur de l'Asie, Vit le prince expirant des guerriers de Mysie Toucha sa mortelle blessure, Et soulagea les maux qu'elle-même avait faits. Ta vue apaise ainsi l'âme qu'elle a troublée. Et quand du daignes me sourire, Le lit de Vénus même est sans prix à mes yeux. A MARIE-ANNE-CHARLOTTE CORDAY. QUOI voi! tandis que partout, ou sincères, ou feintes, Des lâches, des pervers, les larmes et les plaintes Consacrent leur Marat parmi les immortels; Et que, prêtre orgueilleux de cette idole vile, Des fanges du Parnasse un impudent reptile Vomit un hymne infâme au pied de ses autels; La vérité se tait! Dans sa bouche glacée, Non, non, je ne veux point t'honorer en silence, Le glaive arma ton bras, fille grande et sublime,` Pour faire honte aux dieux, pour réparer leur crime, Quand d'un homme à ce monstre ils donnèrent les traits. Le noir serpent, sorti de sa caverne impure, A donc vu rompre enfin sous ta main ferme et sûre Son œil mourant t'a vue, en ta superbe joie, Ton regard lui disait : « Va, tyran furieux, » Va, cours frayer la route aux tyrans tes complices. La Grèce, ô fille illustre, admirant ton courage, Auprès d'Harmodius, auprès de son ami; Et des choeurs sur sa tombe, en une sainte ivresse, Qui frappe le méchant sur son trône endormi. Mais la France à la hache abandonne ta tête. Quand un brigand, vengeur de ce brigand farouche, Crut te faire pâlir aux menaces de mort! C'est lui qui dut pâlir: et tes juges sinistres, Long-temps, sous les dehors d'une allégresse aimable, Belle, jeune, brillante, aux bourreaux amenée, La vertu seule est libre: Honneur de notre histoire, Notre immortel opprobre y vit avec ta gloire ; * |