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BACCHUS.

VIENS, & divin Bacchus, ô jeune Thyonée,
O Dyonise, Évan, Iacchus et Lénée,
Viens, tel que tu parus aux déserts de Naxos,
Quand ta voix rassurait la fille de Minos.
Le superbe éléphant, en proie à ta victoire,
Avait de ses débris formé ton char d'ivoire.

De pampres, de raisins mollement enchaîné,
Le tigre aux larges flancs de taches sillonné,
Et le lynx étoilé, la panthère sauvage
Promenaient avec toi ta cour sur ce rivage.
L'or reluisait partout aux axes de tes chars.
Les ménades couraient en longs cheveux épars,
Et chantaient Evoë, Bacchus et Thyonée,

Et Dyonise, Evan, Iacchus et Lénée;

Et tout ce que pour toi la Grèce eut de beaux noms.
Et la voix des rochers répétait leurs chansons.
Et le rauque tambour, les sonores cymbales,

Les hautbois tortueux et les doubles crotales,

Qu'agitaient en dansant sur ton bruyant chemin
Le faune, le satyre et le jeune sylvain,

Au hasard attroupés autour du vieux Silène,
Qui, sa coupe à la main, de la rive indienne,
Toujours ivre, toujours débile, chancelant,
Pas à pas cheminait sur son âne indolent.

EUPHROSINE.

AH! ce n'est point à moi qu'on s'occupe de plaire.
Ma sœur plutôt que moi dut le jour à ma mère.
Si quelques beaux bergers apportent une fleur,
Je sais qu'en me l'offrant ils regardent ma sœur.
S'ils vantent les attraits dont brille mon visage,
Ils disent à ma sœur: C'est ta vivante image.
Ah! pourquoi n'ai-je encor vu que douze moissons!
Nul amant ne me flatte en ses douces chansons;
Nul ne dit qu'il mourra si je suis infidèle.

Mais j'attends. L'âge vient. Je sais que je suis belle.
Je sais qu'on ne voit point d'attraits plus désirés
Qu'un visage arrondi, de longs cheveux dorés;
Dans une bouche étroite un double rang d'ivoire,
Et sur de beaux yeux bleus une paupière noire.

AU CHEVALIER DE PANGE.

Le navire éloquent fils des bois du Pénée,
Qui portait à Colchos la Grèce fortunée,
Craignant près de l'Euxin les menaces du nord,
S'arrête, et se confie au doux calme d'un port.
Aux regards des héros le rivage est tranquille;
Ils descendent. Hylas prend un vase d'argille,
Et va, pour leurs banquets sur l'herbe préparés,
Chercher une onde pure en ces bords ignorés.
Reines, au sein d'un bois, d'une source prochaine,
Trois naïades l'ont vu s'avancer dans la plaine.
Elles ont vu ce front de jeunesse éclatant,
Cette bouche, ces yeux. Et leur onde à l'instant
Plus limpide, plus belle, un plus léger zéphire,
Un murmure plus doux l'avertit et l'attire.
Il accourt. Devant lui l'herbe jette des fleurs:
Sa main errante suit l'éclat de leurs couleurs;
Elle oublie, à les voir, l'emploi qui la demande,
Et s'égare à cueillir une belle guirlande.
Mais l'onde encor soupire et sait le rappeler.

Sur l'immobile arène il l'admire couler,

Se courbe; et s'appuyant à la rive penchante,
Dans le cristal sonnant plonge l'urne pesante.
De leurs roseaux touffus les trois nymphes soudain
Volent, fendent leurs eaux, l'entraînent par la main
En un lit de jonc frais et de mousses nouvelles.
Sur leur sein, dans leurs bras, assis au milieu d'elles,
Leur bouche, en mots mielleux où l'amour est vanté,
Le rassure et le loue et flatte sa beauté.

Leurs mains vont caressant sur sa joue enfantine
De la jeunesse en fleur la première étamine,
Où sèchent en riant quelques pleurs gracieux,
Dont la frayeur subite avait rempli ses yeux.

« Quand ces trois corps d'albâtre atteignaient le rivage, » D'abord j'ai cru, dit-il, que c'était mon image » Qui, de cent flots brisés, prompte à suivre la loi, » Ondoyante, volait et s'élançait vers moi. »

Mais Alcide inquiet, que presse un noir augure,
Va, vient, le cherche, crie auprès de l'onde pure:
Hylas! Hylas! Il crie et mille et mille fois.

Le jeune enfant de loin croit entendre sa voix,
Et du fond des roseaux, pour adoucir sa peine,
Lui répond d'une voix inentendue et vaine.

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DE PANGE, c'est vers toi qu'à l'heure du réveil Court cette jeune idylle au teint frais et vermeil.

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