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J'oublie de vous dire que M. le sacriste est consulteur du saint-office, que l'archevêque de Chieti n'en est pas, et que pour cet effet il est encore nommé pour l'examen du livre de Sfondrate. Il y a dans le saint-office quatre consulteurs du saint - office; deux archevêques, qui sont messeigneurs Bottini et Darti; un évêque, qui est le sacriste; et monseigneur Nucci, secrétaire de la congrégation du concile. Rome, ce 7 janvier 1699.

LETTRE CCI.

DE BOSSUET A SON NEVEU.

de moi-même; je les reverrai demain : il sera encore temps, parcequ'on croit que les jésuites ont obtenu un délai de quelques jours.

Vous êtes bien obligé à M. le cardinal de Bouillon de toutes ses bontés, que je publierai ici pour vous en faire honneur. On enverra au premier jour l'Exposition de la foi, et le recueil d'Oraisons funèbres, que vous m'avez demandés. Vous aurez aussi les remarques des Anglois * sur M. l'abbé de Fénelon. Nous y joindrons la Remontrance à M. de Reims, sa requête, et l'arrêt intervenu dessus pour mander les jésuites. Cela s'est fait très civilement par un greffier, qui est Dongois, leur ami. Cet arrêt préjuge assez contre eux.

Sur la lettre de M. Giori au cardinal de Janson, et quel- Continuez à servir l'Église, Dieu vous aidera de

ques écrits publiés en faveur des quiétistes.

Votre lettre du 10 m'apprend des choses que je serois fâché d'ignorer. Je crois vous avoir mandé que j'ai vu entre les mains du cardinal de Janson une lettre de monseigneur Giori, où il écrit conformément à ce que vous me marquez: M. le cardinal de Janson m'a promis de la faire voir où il faut. On est fort aise ici de la continuation des conférences des examinateurs.

J'ai reçu de Flandre un petit livre contre le Summa Doctrinæ, qui a beaucoup de venin et de dissimulation. Il y est fait mention d'une réponse à la Déclaration, qui n'est pas encore venue à ma connoissance : je l'attends pour prendre ma résolution. Je ne ferai rien que de court. On ne croira pas aisément que M. le cardinal de Bouillon ait hâté la suite des conférences.

Il se passe ici une chose qui fait grand bruit, au sujet de la Remontrance à M. de Reims sur son Ordonnance, que les jésuites ont fait imprimer. Ils la croient fort respectueuse, et ce prélat la trouve pleine de dérision et de brocards. Après avoir attendu long-temps, et avoir pris les mesures qu'il falloit, on lui a permis d'avoir recours à la justice du parlement, sans entamer le fond. Il s'agira seulement de la réparation sur le manquement de respect, et sur une impression sans aveu. M. de Reims a donné une requête forte, mais modérée. Le provincial et les supérieurs des trois maisons des jésuites ont été mandés à demain, pour venir avouer ou désavouer la Remontrance, et faire leur déclaration telle qu'ils jugeront à propos. Ils avoueront sans doute; et sur la forme leur condamnation est indubitable. Savoir comment cela tournera, et quelle satisfaction donneront les jésuites pour prévenir ce coup, c'est ce qu'on ne peut encore prévoir. Le R. P. de La Chaise prit la peine de venir hier ici avec le père Gaillard ils me parlèrent amplement de cette affaire. Je leur fis quelque ouverture, comme

plus en plus. Je ferai voir à M. le prince de Conti ce que vous m'écrivez sur son sujet qui est très juste.

A Paris, 15 juillet 1698.

LETTRE CCII.

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DU CARDINAL DE BOUILLON A BOSSUET.

Il assure le prélat qu'il est bien éloigné de suspecter la droiture et la pureté de ses intentions dans l'affaire du quiélisme.

C'est au sortir, monsieur, d'une longue conversation que je viens d'avoir avec M. votre neveu, que je me donne l'honneur de vous écrire. Dans cette conversation je lui ai parlé sur bien des choses avec toute l'ouverture de cœur, tendresse et considération possibles. II m'a fait connoître que mon silence sur la persuasion où je devois être de la pureté de vos intentions, en combattant la doctrine du livre de M. de Cambrai, vous avoit fait de la peine. En quoi permettez-moi, monsieur, de vous dire que vous avez tort: car me pourriez-vous croire capable de soupçonner la pureté et la droiture des intentions d'une personne que j'estime, honore et aime au point que vous savez que je vous estime, honore et aime depuis si long-temps? Croyez donc, s'il vous plait, monsieur, que je ne suis pas capable de soupçonner jamais la droiture de vos intentions, et qu'on ne peut être plus absolument et plus véritablement à vous que j'y suis, aussi bien qu'à M. de Cambrai. Ce qui m'a affligé et continue' à m'affliger, c'est de voir que les deux prélats de France que j'estime et aime le plus se trouvent dans des sentiments si opposés. Faitesmoi la justice, monsieur, de compter en tout

*Bossuet veut parler ici d'un livre qu'on attribuoit au docteur Burnet, Anglois, imprimé en 1688 à Amsterdam, sous ce titre: Recueil de diverses pièces concernant le quiclisme. ** Voyez la lettre CLXXXIII.

temps et en toutes occasions plus véritablement, lois bien être persuadé que c'étoit un effet de la

sur moi que sur personne.

Rome, 14 janvier 1698.

LETTRE CCIII.

DE L'ABBÉ BOSSUET A SON ONCLE.

Sur les conférences qui se tenoient à Rome touchant le livre de M. de Cambrai; et un entretien que cet abbé avoit eu avec le cardinal de Bouillon.

Par la lettre que j'ai reçue de mon père du 23 décembre, j'ai appris que vous étiez à Meaux, et que mon paquet n'étoit arrivé de Rome que ce matin-là: ainsi vous ne l'aurez pu avoir assez à temps pour y faire réponse.

Il n'y a rien de nouveau sur l'affaire de Cambrai. Jeudi passé 9, il y eut une conférence où les nouveaux examinateurs assistèrent: ils ne firent presque qu'écouter. On recommença de nouveau l'examen, et on mit sur le tapis six propositions, tirées du livre, sur le cinquième état et sur l'espérance, fondement de la doctrine de M. de Cambrai. On doit, le 23 de ce mois, faire une nouvelle conférence, dans laquelle, après qu'on se sera assuré que les propositions sont véritablement dans le livre, ou en paroles expresses, ou équivalentes, chaque examinateur votera, c'est-à-dire, dira son sentiment sur les qualifications. On m'a assuré que les propositions sont très bien extraites, et d'une manière très forte; et si elles demeurent dans cet état, il n'y a jésuite qui les pourroit sauver. L'archevêque de Chieti s'appelle monseigneur Rodolovic. Monseigneur le sacriste, à ce que l'on m'a assuré, a une grande liaison avec M. le cardinal de Bouillon : il est homme de doctrine, et je ne puis croire qu'il se veuille déshonorer. Tous les examinateurs seront instruits à fond, hors le jésuite, à qui il est inutile de parler : il ne se trouva pas à la dernière conférence.

J'ai eu l'occasion ce matin de parler à M. le cardinal de Bouillon, et de lui renouveler vos justes plaintes; et cela à propos de ce qu'il m'a dit qu'on lui avoit rapporté, que je disois qu'il étoit favorable à M. de Cambrai. Je lui ai parlé là-dessus comme je devois, en l'assurant qu'il devoit être assuré que dans mes discours jamais cela n'échapperoit de ma bouche, comme effectivement j'ai là-dessus une réserve extrême. Je lui ai ajouté que je ne pouvois m'empêcher de lui avouer que c'étoit le sentiment de tout Rome et de toute la France; qu'il y avoit donné luimême un très grand fondement, en parlant sur cette affaire de la manière qu'il m'en parloit à moi-même dans toutes les occasions; que je vou

prudence dont il croyoit devoir user en cette circonstance; qu'il y avoit long-temps que vous m'aviez encore chargé de lui renouveler vos justes plaintes sur son silence à l'égard de l'affaire personnelle qu'il prétendoit que vous aviez avec M. de Cambrai. Enfin, en lui parlant franchement sur l'inclination qu'il témoignoit à sauver M. de Cambrai, je lui ai dit tout ce qu'il faut, sans qu'il ait eu le moindre sujet de trouver mauvais ce que je lui disois, et uniquement pour qu'il connût le sentiment du public. Je ne puis et ne veux pas vous dire ce qu'il m'a fait l'honneur de me répondre là-dessus: contentez-vous, s'il vous plaît, d'être assuré qu'il ne vous donnera là-dessus jamais aucune satisfaction; que son parti est pris sur la conduite qu'il veut tenir, tant à votre égard qu'à l'égard de M. de Cambrai, qu'il desire que je croie qu'il traite comme vous, et que peut-être il se plaint plus de lui que vous. Voilà fidèlement en beau l'état de l'esprit de M. le cardinal de Bouillon, qui sait fort bien ce qu'il a à faire,et qui m'assure ne me vouloir aucun mal des sentiments qu'il s'imagine que j'ai de lui. Il lui seroit bien aisé, s'il le vouloit, de me les ôter, si je les avois; mais je ne crois pas qu'il en veuille prendre la peine.

Il est, s'il vous plaît, de la dernière importance que vous ne disiez jamais ce que j'écris sur M. le cardinal de Bouillon, si ce n'est à M. de Paris, au roi et à madame de Maintenon.

Il est bon et même nécessaire que vous écriviez, comme je vous l'ai marqué par ma dernière, à monseigneur Giori en latin, comme aussi M. de Paris et M. de Chartres: il faut l'engager à continuer. A Rome tout le monde tremble de parler vous en voyez bien la raison.

J'ai appris que l'abbé de Chanterac et les jésuites étoient furieux contre moi à cause de votre Relation, qui fait connoître notre nouveau saint. Je ne puis attribuer qu'à eux un bruit qu'ils ont voulu répandre parmi les François que j'avois ici des ennemis, qu'on cherchoit à m'assassiner, et même que j'étois tombé malade de peur. Toutes choses fausses, sans le moindre fondement : les gens qu'ils disent mes ennemis sont mes meilleurs amis. On feroit mieux de débiter des choses vraisemblables, s'ils vouloient qu'on y ajoutât foi, et que cela me fit quelque tort. M. le cardinal de Bouillon a bien ri ce matin avec moi de cette imagination: il n'en a fait aucun cas, et n'a assurément aucune part à ces manières basses de se venger, mais que je méprise comme je le dois. Je vous mande seulement cela, afin que vous voyiez la fureur et la rage de ceux à qui nous avons affaire. Ils vou

droient être ici maîtres du tripot; mais je vais toujours mon chemin, et continuerai, s'il plaît à Dieu, à agir de même, sans crainte de qui que ce soit que de lui.

On attend ici la fin de vos écrits, et la réponse à l'Instruction de M. de Cambrai. Je crois que vous songerez aussi à m'envoyer des Déclarations des évêques. Il faut seulement convenir du port à Paris, et envoyer tout cela comme imprimés, comme marchandises, et non comme lettres. Les observations, telles que vous me les promettez, feront bien pour les cardinaux les examinateurs les ont tous vues, hors Alfaro et Gabrieli.

Des personnes bien affectionnées pour la bonne cause sont persuadées qu'on cabale plus que jamais, et qu'on cherche quelque invention pour faire échouer cette affaire et justifier M. de Cambrai. J'écoute tout; mais je ne suis pas encore arrivé à deviner ce qu'il est possible de faire pour réussir dans ce dessein, à moins que le roi n'abandonne l'affaire, et que Rome

ne se veuille déshonorer.

On fera ce qu'on pourra à Paris pour gagner M. le nonce : les jésuites n'oublient rien à cet effet. Il est bon, sans menacer, qu'ils soient convaincus que si Rome ne parle pas, la France est toute prête, aussi bien que le roi, à agir, et que rien ne l'en peut empêcher.

Ne dites, s'il vous plaît, qu'avec grande précaution ce que je vous mande sur ce qui se passe dans les conférences; c'est le secret du saint-office. Il est bon que vous sachiez que tout le monde ici me veut tant de mal, que plusieurs Éminences m'ont fait et fait faire des compli

que vous êtes, Dieu merci, hors d'affaire. M. de Paris est content de votre lettre. Je n'ai point vu M. de Reims, qui apparemment est occupé de son affaire avec les jésuites. Elle a été remise entre les mains de M. le premier président*, en conséquence des paroles données au roi par les deux parties, sur les offres de M. de Reims. J'ai appris aujourd'hui de M. le cardinal d'Estrées qu'il y a deux nouveaux consulteurs, dont l'un est M. l'archevêque de Chieti, et l'autre le sacriste de sa Sainteté. On dit que ce dernier est habile homme, et fort porté au jansénisme; pour le premier, qu'il est un peu parent du Pape, qu'il veut être cardinal, et que le Pape s'y fie beaucoup. On ajoute que Sa Sainteté lui fait quitter son archevêché et lui donne une abbaye.

Le bruit de l'effet de ma Relation retentit ici par toutes les lettres de Rome. C'est bien fait de n'en point donner de copies mais il sera difficile de ne la pas rendre publique, si l'on se détermine à la présenter au Pape. Dans ce cas, il faudra faire du mieux qu'on pourra. Il est bon que le Pape en soit instruit. Le roi continue à presser M. le nonce. Vous faites fort bien de vous défier des coups fourrés et de la bonne mine. On est ici bien persuadé que le père La Chaise est pour M. de Cambrai. Nous nous portons bien.

A Paris, 20 janvier 1698.

LETTRE CCV.

DE L'ABBÉ LEDIEU A L'ABBÉ BOSSUET.

ments sur ce qu'elles souhaient que, si M. l'abbé Sur différents écrits qu'il lui envoyoit, et l'accommode

ment qui devoit se faire entre M. de Reims et les jésuites.

Dès vendredi dernier 17, il est parti d'ici,

de La Trémouille est placé, je sois auditeur de rote. Je sais ce que je dois répondre là-dessus. Les jésuites et M. le cardinal de Bouillon ne laissent pas de l'appréhender. Je ne puis m'empêcher de vous dire que M. le cardinal de Bouil-monsieur, par la diligence de Lyon, un paquet lon m'a parlé ce matin en petit fou. Cela seul contenant douze recueils d'Oraisons funèbres suffit pour savoir à quoi s'en tenir. Le roi, madame de Maintenon et la France sont à plaindre. Il est difficile qu'il n'arrive pas quelque chose qui le découvre bientôt.

Rome, ce 14 janvier 1698.

LETTRE CCIV.

De Bossuet a son neveu.

roi que l'affaire n'étoit pas de nature à être plaidée en plein * C'étoit Achille de Harlay. Ce magistrat ayant représenté au parlement, le prince entra dans les vues du premier président, et le chargea de terminer le différend, dont il voulut qu'il fût seul arbitre. M. de Harlay arrêta que les supérieurs des jésuites iroient chez l'archevêque de Reims lui demander l'honneur de son amitié, et lui témoigner qu'ils étoient sensiblement få*chés d'avoir encouru sa disgrace; qu'ayant cru être obligés de faire connoître les plaintes qu'ils prétendoient avoir lieu de faire au sujet de son Ordonnance, ils avoient laissé paroître une Remontrance sans nom d'auteur et sans permission, contre la forme des procédures qui sont scules légitimes dans le royaume, pour se pourvoir contre les Ordonnances de nosseigneurs les prélats, et auxquelles ils ne manqueroient point

Sur l'affaire de M. de Reims avec les jésuites; les deux nouveaux consulteurs ; le succès de la Relation du pré-dans la suite, s'ils se trouvoient en de pareilles occasions. Get

lat, et la nécessité de la communiquer au Pape,

Je vois avec plaisir, par votre lettre du 31

arrêté fut signé, et dès le lendemain on alla faire visite au prélat, qui parut avoir oublié tout le passé, tant il fit de ca" resses aux jésuites. (Edit. de Vers.)

venue cette nouvelle imagination, qui ne s'est jamais pratiquée dans le saint-office. Effectivement jeudi passé on disputa avec aigreur de la part d'Alfaro et de Gabrieli; cela fut scandaleux. Je l'ai su, et j'en ai fait avertir le Pape et le cardinal Spada. Il y a lieu d'espérer qu'on mettra fin à cette manière d'examiner, qui n'est imaginée par la cabale que pour tout brouiller, et tirer èn longueur car hier on commença à voter. Alfaro parla trois heures en faveur de M. de Cambrai, et dit des choses pitoyables. Apparemment tout le monde ne sera pas de son avis. Alfaro et Gabrieli sont les seuls déclarés : j'es

de notre prélat, et autant de son Exposition, avec un autre paquet à votre adresse, où j'ai mis un recueil des pièces concernant Molinos et les quiétistes, et où se trouvent aussi les lettres des Anglois, dans lesquelles il est parlé de l'abbé de Fénelon. Sous la même enveloppe, j'ai mis encore quatre exemplaires de la Remontrance des jésuites à M. de Reims sur son Ordonnance du 15 juillet dernier. La requête que ce prélat a présentée au parlement sur ce sujet ne fait que sortir de dessous la presse pour passer entre les mains de l'auteur, qui a défendu expressément d'en donner aucune à personne : c'est ce qui m'empêche de vous l'envoyer à présent, ne dou-père que les autres préféreront la vérité à la catant pas que vous ne la receviez par ce prélat même.

bale. On ne peut pas savoir de quel côté M. le sacriste et monseigneur Rodolovic penchent : ils ne se sont pas expliqués, et nous avons toujours sujet d'appréhender, par la manière dont ils ont été mis du reste, j'espère que la vérité triomphera.

M. le cardinal de Bouillon veut faire croire que c'est lui qui a fait doubler les conférences. Cela est très faux; car il dit qu'il en avoit parlé au Pape samedi dernier seulement; et c'est cinq jours avant que le Pape a donné l'ordre pour cela; rien de plus constant.

Depuis le départ de M. de Meaux pour Versailles, j'ai appris chez M. de Reims que les jésuites devoient se trouver à trois heures après midi chez M. le premier président, pour conclure leur accommodement au sujet de leur Remontrance. Le prélat demande qu'ils viennent lui faire satisfaction chez lui, et qu'ils rétractent leur pièce par écrit entre les mains du magistrat leur arbitre. A cinq heures du soir on n'en avoit encore aucune nouvelle chez M. de Reims on ne les y attendoit que demain. M. le cardinal de Bouillon, en lui rendant vo: L'impression de la réfutation de M. de Cam- tre réponse à son compliment, me dit qu'il vous brai tire à sa fin, et j'espère qu'on pourra vous avoit écrit dès l'ordinaire dernier, sur ce que l'envoyer incessamment. Le triomphe de la vé-je lui avois témoigné de votre part. Je ne croyois rité qu'elle contient fait certainement un grand plaisir. Je suis, etc.

A Paris, ce 20 janvier 1698.

LETTRE CCVI.

DE L'ABBÉ BOSSUET A SON ONCLE. Sur les disputes introduites dans l'examen du livre des Maximes; l'effet qu'avoient produit les Remarques de l'évêque de Meaux ; et le nouveau sens que M. de Cambrai vouloit donner à son livre.

J'ai reçu, par le dernier courrier, vos lettres du 22 et du 23 décembre, de Meaux, et celle du 30, de Versailles.

Je croyois qu'il n'y auroit de conférence des examinateurs, suivant ce qui avoit été résolu, que jeudi prochain, 23 du mois; mais mardi passé, c'est-à-dire, il y a aujourd'hui huit jours, le Pape envoya ordre de tenir la conférence le jeudi suivant, 16 de ce mois, et dorénavant deux fois la semaine. Il y en a déja eu deux depuis ma dernière lettre; car hier il s'en tint une. Mais en même temps le Pape dit qu'il falloit disputer; et c'étoit de la part de la cabale qu'étoit

en vérité pas qu'il le fît; mais j'avoue que, sans manquer au respect qui lui est dû, je lui ai parlé assez fortement, et il a jugé à propos de se raviser. Si vous ne lui avez pas encore fait réponse quand vous recevrez cette lettre, je vous prie de lui insinuer que les bruits qui courent sur sa partialité pour M. de Cambrai viennent de toutes parts, mais que vous n'en voulez rien croire, non plus que moi. J'ai jugé à propos, après la conférence que j'ai eue avec lui, de donner à M. de La Trémouille, qui est à présent fort bien avec lui, la lettre que vous m'écriviez du 25 novembre, dans laquelle étoit l'ordre que vous me donniez de lui faire vos justes plaintes. J'ai trouvé, depuis le commencement jusqu'à la fin, qu'il n'y avoit rien qui ne pût lui être lu, et qui ne pût faire un bon effet. Vous y parlez avec force et vérité sur tout: yous y marquez que toutes les lettres de Rome portent qu'il favorise secrètement M. de Cambrai; mais que nous n'en croyons rien ni vous, ni moi. C'est après avoir lu cette lettre qu'il jugea à propos de parler au Pape, pour presser, dit-il, le jugement de cette affaire. Néanmoins on publie partout que le dessein de cette cour est de la traîner en longueur : cela ne laissera pas d'être difficile, si les conférences

continuent deux fois la semaine. Il est bien certain que si M. le cardinal de Bouillon vouloit, cela seroit déja fini, et finiroit à présent à Pâques je le veux encore espérer.

Je vous envoie un mémoire pour un Père carme qui est ici. C'est un parfaitement honnête homme, qui m'est très utile sur le livre de M. de Cambrai et sur Sfondrate, bon théologien, et dans les vrais principes, très estimé du Pape et des cardinaux: il est aussi théologien du cardinal Altieri. Je vous supplie de faire en sorte qu'il reste à Rome: c'est une personne très instruite et de confiance, que les évêques, et en particulier vous et moi, y auront toujours. Ce qu'il demande est très juste: il n'y a que les jésuites et M. le cardinal de Bouillon qui peut-être s'y opposeront sous main. M. le cardinal de Bouillon lui fait mille amitiés, et connoît son mérite.

Le père Dez est malade pour avoir trop travaillé. Le Père minime m'a dit qu'il avoit écrit à M. de Paris qu'on ne pouvoit trop éclater et trop instruire en France; et il est vrai qu'il n'y a que cela, et l'évidence de la matière, qui puisse donner le branle ici, où ils tremblent sur tout. Sur la résolution que vous prenez de composer un écrit nouveau, qui sera un précis, je me suis déterminé à faire faire plusieurs copies bien écrites de vos Remarques traduites, qui ont ici fait sur l'esprit de tous ceux à qui nous les avons communiquées un effet merveilleux, et qui emporteront l'affaire assurément: ce que vous ferez ensuite sera admirable pour les car-messieurs les cardinaux et autres principaux de dinaux. Je ne laisserai pas de donner vos Remarques écrites à MM. les cardinaux Casanate, Noris, d'Aguirre, Nerli, Albane et Ferrari, qui en sont capables, et peut-être Marescotti. Je suis persuadé qu'avec cela et le nouvel imprimé latin sur les nouveautés de M. de Cambrai, l'affaire sera éclaircie et emportée.

M. de Chanterac dit qu'il a déja reçu le premier cahier de la réponse de M. de Cambrai, article par article, à la Déclaration et au Summa Doctrinæ, d'une manière courte, précise, théologique et démonstrative: ce sera un composé de ses notes et de sa nouvelle Ordonnance.

Je crois savoir que M. le cardinal Noris a été consulté par un grand seigneur de France, sur ce qu'on pouvoit faire pour sauver M. de Cambrai; et il a répondu qu'il falloit qu'il se rétractât, qu'il désavouât son livre comme mauvais, et que par-là il préviendroit la sentence, et se feroit plus d'honneur. Mais ici M. de Chanterac et M. le cardinal de Bouillon croient que les affaires sont trop avancées: effectivement il ne le peut plus faire après sa dernière Ordonnance.

J'ai déja fait remarquer à tous les cardinaux et examinateurs, que ce nouveau sens, qu'il veut donner à son livre, est contraire à toutes les explications qu'il en a données lui-même aux évêques; à toutes celles que ses défenseurs et protecteurs ont données ici dans quatre écrits qu'ils ont répandus; à sa traduction, à ses notes, où il n'en dit pas un mot; à son livre lui-même, où il n'est rien dit d'approchant d'un sens qui est la clef de son livre, et sans lequel, selon luimême, tout ce qu'il a dit est erroné et blasphématoire; sans compter que ce sens ne vaut rien en soi. Selon moi, c'est une démonstration contre lui, et je n'ai encore vu personne qui n'en soit convenu.

Je me porte bien, Dieu merci, et j'ai fait depuis huit jours toutes mes visites à presque tous

cette cour, qui envoient tous les jours savoir de mes nouvelles avec une bonté infinie.

Je ne puis assez vous témoigner la nouvelle obligation que je vous ai, de vouloir bien entrer dans la dépense qu'il me reste à faire ici, sur laquelle je n'aurois pu prendre aucune mesure. J'avois ajusté toutes mes affaires pour le mois de septembre, et je ne voulois vous être à charge en rien, sachant les dépenses que vous êtes obligé de faire : mais j'avoue que je ne puis y suffire avec le revenu de mon abbaye, qui est le seul que j'aie, et qui est bien diminué par les taxes et par le change horrible. Vous pouvez être assuré que la figure que j'ai été obligé de faire ici dès le commencement a été nécessaire, et par rapport à vous, et par rapport à moi ; que je n'ai rien fait d'excessif, et ne fais rien encore. On juge ici beaucoup, même les plus honnêtes gens, par l'extérieur, et il faut m'y soutenir à présent plus que jamais par moi-même ; car on ne cherche qu'à vous avilir, et moi aussi. Je suis très exact et très réservé pour ma dépense : mais j'ai eu à en renouveler plusieurs, depuis trois mois, pour chevaux, carrosses et livrées, dont je ne puis me dispenser, et où j'ai ménagé de mon mieux. Si vous avez donc la bonté de m'aider, je vous prie de me faire savoir ce que vous pouvez me donner: je me réglerai là-dessus; et je vous serai toujours très obligé, quoi que ce puisse être. Je prendrai la liberté, après votre réponse, de tirer une lettre de change sur qui vous voudrez, de la somme que vous êtes en état de me donner. J'espère en vérité, plus que jamais, que tout finira pour ce printemps.

Le Père carme dont je vous parle est très connu de M. Pirot et de M. de Paris, que vous pouvez faire entrer dans ce qui le regarde.

J'envoie à M. de Reims le commencement

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