de confiance. Je l'ai écrite, ainsi que mon Dieu est témoin que je ne ments point, avec une telle abstraction d'esprit, qu'il ne m'a jamais été permis de faire un retour sur moi en l'écrivant. Quoique cela soit de la sorte, peu de personnes sont capables de comprendre jusqu'où vont les secrètes et amoureuses communications de Dieu et de l'ame. La confiance que notre Seigneur m'a donnée en Votre Grandeur m'a fait croire que vous les sentiriez si elles étoient incompréhensibles, et que le cœur seroit frappé des mêmes choses qui répugnoient à l'esprit. Quand cela ne seroit pas, cela ne diminueroit rien de ma confiance et du desir de vous obéir. C'est à vous, monseigneur, à voir vous-même si cette Vie peut être communiquée à d'autres qu'à Votre Grandeur. Je la dépose de nouveau en vos mains pour en faire tout ce qu'il vous plaira, vous protestant que, de quelque manière que les choses tournent, je ne me désisterai jamais du respect, de la soumission et du desir sincère que j'aide vous obéir singulièrement, et que vous fassiez tout l'usage qu'il vous plaira de mon obéissance. Février 1694. Je vous prie, monseigneur, de faire attention que j'ai écrit par obéissance, sans réflexion; que, quoique cette obéissance m'ait coûté bien des traverses, je serois encore prête à écrire les mêmes choses si l'on me l'ordonnoit, quand il m'en devroit arriver plus de maux. LETTRE XI. DE MADAME GUYON A BOSSUET. Sur une certaine union qu'elle se sentoit, disoit-elle, portée à avoir avec l'ame du prélat. J'éprouve, monseigneur, depuis quelques jours, une union très réelle avec votre ame. Comme cela ne m'arrive jamais sans quelque dessein particulier de Dieu, je vous conjure de vous exposer à ses yeux divins l'esprit et le cœur vide, afin que Dieu y mette ce qu'il lui plaira. Livrez-vous à ses desseins éternels sur votre ame, et consentez, s'il vous plaît, à tous les moyens dont il voudra se servir pour régner plus abso lument en vous qu'il n'a encore fait. majesté, pour souffrir tout ce qui lui plairoit pour votre ame. Je ne vous fais point d'excuse de ma liberté; car j'ai cette confiance en la bonté de Dieu, que si c'est lui qui me fait vous écrire, il mettra dans votre cœur les dispositions nécessaires pour connoître et goûter le motif qui me fait agir; sinon cela servira du moins à vous faire comprendre mes égarements, à exercer votre charité, et à vous faire voir ma confiance, qui ne diminue point le profond respect avec lequel je suis, etc. A la fin de février 4694. LETTRE XII. DE BOSSUET A MADAME GUYON *. Il lui marque tout ce qu'il pense de ses états et de ses écrits, lui en fait sentir l'illusion, combat ses fausses maximes sur la prière et les actes réfléchis, et travaille avec beaucoup de charité à la désabuser de ses erreurs. J'ai reçu, madame, la lettre que M. de Chevreuse m'a rendue de votre part '. Je n'ai pas eu besoin de changer de situation, pour me mettre en celle que vous souhaitiez. Comme je sens le besoin extrême que j'ai de la grace de Dieu, je demeure naturellement exposé à la recevoir, de quelque côté qu'il me l'envoie. Je suis très reconnoissant de la charité que vous avez pour mon ame; et je ne puis mieux vous en marquer ma reconnoissance qu'en vous disant, en toute simplicité et sincérité, ce que je crois que vous avez à faire; en quoi je satisferai également, et à votre desir et à mon obligation. Je ne dois pas aussi vous taire que je ressens en vous quelque chose dont je suis fort touché : c'est cette insatiable avidité de croix et d'opprobres, et le choix que Dieu fait pour vous de certaines humiliations et de certaines croix, où son doigt et sa volonté semblent marqués. Il me semble qu'on doit être excité par-la à vous montrer, autant qu'on peut, ce qu'on croit que Dieu demande de vous, et à vous purifier de certaines choses, dont peut-être il veut vous purger par la coopération de ses ministres. Les graces qu'il fait aux ames par leur ministère, quelque pauvres qu'ils soient d'ailleurs, sont inénarrables. Pour commencer donc, je vous dirai que la première chose dont il me paroît que vous devez vous purifier, c'est de ces grands sentiments que vous marquez de vous-même. Ce n'est pas Je ne sais, monseigneur, si je fais bien ou mal de vous écrire comme je fais; mais j'ai cru qu'il valoit mieux faillir par un excès de simplicité à votre égard, assurée que vous me redresserez lorsque je m'égarerai, que de risquer de 1743, à la suite de l'avertissement de l'éditeur, mais avec des désobéir à Dieu. Je me suis offerte à sa divine Cette lettre est imprimée dans le tome vi de l'édition de fautes considérables, que nous avons corrigées. * Voyez Relation sur le Quiétisme, sect. 11, n. 24. et je n'ai point de peine sur cela; parceque vous que j'aie peine à croire qu'on puisse dire de soi,, sez-les écouler, autant qu'il est en vous, et ne Il y auroit beaucoup de choses à vous dire sur vos écrits. Je puis vous assurer qu'ils sont pleins de choses insupportables et insoutenables, ou selon les termes, ou même selon les choses et dans le fond. Mais je ne m'y arrêterai pas, quant à présent, puisque vous consen Dieu vous fasi grande idée de sa perfection, tez qu'on les brûle tous; ce qu'on fera, s'il le seroit une vraie pâture de l'amour-propre. Dé- Je ne prétends pas vous exclure d'écrire pour vos affaires, ni pour entretenir avec vos amis une correspondance de charité; ce que je pré tends, c'est l'exclusion de tout air de dogmatiser, ou d'enseigner, ou de répandre des graces par cette si extraordinaire communication qu'on pourroit avoir avec vous. Je mets encore dans le rang des choses que vous devez déposer, toutes prédictions, visions, miracles, et en un mot toutes choses extraordinaires, quelque ordinaires que vous vous les figuriez dans certains états; car tout cela est au rang des pâtures de l'amour-propre, si l'on n'y prend beaucoup garde. Dieu est indépendamment de tout cela: c'est à quoi vous devez vous attacher même selon les principes de votre oraison. Que s'il vous vient des choses de cette nature, que vous ne croyiez pas pouvoir empêcher, lais faut. A l'égard de ceux qui sont imprimés, et qu'on ne sauroit brûler, comme je vous vois soumise à consentir, et à vous soumettre à toute censure, correction et explication qu'on y pourroit faire, aimant mieux mourir mille fois, et souffrir toutes sortes de confusions, que de scandaliser un des petits de l'Église, ou donner le moindre lieu à l'altération de la saine doctrine; vous n'avez qu'à persister dans ce sentiment, et vous soumettre à tout ce qu'il plaira à Dieu d'inspirer aux évêques et aux docteurs, approuvés pour réduire vos expressions et vos sentiments à la règle de la foi, et aux justes bornes des traditions et des dogmes catholiques. Ma seule difficulté est sur la voie, et dans la déclaration que vous faites que vous ne pouvez rien demander pour vous, pas même de ne pécher pas, et de persévérer dans le bien jusqu'à la fin de votre vie, qui est pourtant une chose qui manque aux états les plus parfaits, et que, selon saint Augustin, Dieu ne donne qu'à ceux qui la demandent. Voilà ce qui me fait une peine que jusqu'ici je n'ai pu vaincre, quelque effort que j'aie fait pour entrer, s'il se pouvoit, dans vos sentiments, et dans les explications dés personnes spirituelles que vous connoissez, avec qui j'ai traité à fond de cette disposition. La raison qui m'en empêche, c'est qu'elle paroit directement contraire aux commandements que Jésus-Christ nous fait tant de fois de prier et de veiller sur nous ce qui regarde tous les chrétiens et tous les états. Quand vous me dites que cela vous est impossible, c'est ce qui augmente ma peine: car Dieu, qui assurément ne commande rien d'impossible, ne rend pas ses commandements impossibles à ceux qu'il aime; et la prière est ce qui leur est le moins impossible, puisque c'est par elle, selon le concile de Trente, sess. vI, chap. xI, que ce qui étoit impossible cesse de l'être. Je n'ignore pas certaines impuissances, que des personnes très saintes ont observées et approuvées en certains degrés d'oraison; mais ce n'est pas là ma difficulté. On sait que des préceptes affirmatifs, tels que celui de prier, ne sont pas obligatoires à chaque moment: mais qu'il y ait un degré où permanemment et par état on ne puisse pas prier pour soi, c'est ce qui me paroit opposé au commandement de Dieu, et de quoi aussi je ne vois aucun exemple dans toute l'Église. La raison de cette impossibilité me paroît encore plus insupportable que la chose en elle-même. A l'endroit où vous vous objectez à vous-même qu'on a du moins besoin de prier pour soi, afin de ne pécher pas, vous faites deux principales réponses: l'une, que c'est quelque chose d'intéressé, où une ame de ce degré ne peut s'appliquer, que de prier qu'on ne pèche pas; l'autre, que c'est l'affaire de Dieu, et non pas la nôtre. Ces deux réponses répugnent à la règle de la foi autant l'une que l'autre. Que ce soit quelque chose d'intéressé de príer Dieu qu'on ne pèche pas, c'est de même que si on disoit que c'est quelque chose d'intéressé de demander à Dieu son amour; car c'est la même chose de demander à Dieu de l'aimer toujours, et de lui demander de ne l'offenser jamais. Or Jésus-Christ ne prétend pas nous ordonner un acte de propriété et d'intérêt, quand il commande tant de fois de telles prières, qui au contraire font une partie très essentielle de la perfection chrétienne. | besoins; et la demande devient une chose si étrangère à la prière, qu'elle n'en fait plus aucune partie, encore que Jésus-Christ ait dit si souvent: Vous ne demandez rien en mon nom; demandez, et vous obtiendrez; veillez et priez; cherchez, demandez, frappez'; et saint Jacques: Quiconque a besoin, qu'il demande à Dieu2: de sorte que cesser de demander, c'est dire en d'autres termes qu'on n'a plus aucun besoin. On dit que l'ame, attirée à quelque chose de plus parfait et de plus intime, deviendroit propriétaire et intéressée, si elle se détournoit à de tels actes; et que sans les faire, elle est assez éloignée du péché. Mais c'est précisément où je trouve le mal, de croire qu'on en vienne dans cette vie à un degré où par état l'on n'ait pas besoin d'un moyen aussi nécessaire à tous les fidèles, que celui de prier pour eux-mêmes, comme pour les autres, jusqu'à la fin de leur vie. Ce qui rend la chose encore plus difficile et plus étrange, c'est que ce n'est pas seulement par une impuissance particulière à un certain état et à certaines personnes, qu'on attribue cette cessation de toutes demandes pour soi : ce qui du moins sembleroit marquer que ce seroit une chose extraordinaire; mais au contraire on éloigne cette idée on veut que ce soit une chose ordinaire et comme naturelle au dernier état de la perfection chrétienne : on donne des méthodes pour y arriver: on commence dès les premiers degrés à se mettre dans cet état : on regarde comme le terme de sa course d'en venir à cette entière cessation; et c'est là qu'on met la perfection du christianisme. On regarde comme une grace de n'avoir plus rien à demander, dans un temps où l'on a encore de si grands Dieu L'autre réponse, qui est de dire qu'on n'a point à se mettre en peine de ne plus pécher, ni à faire à Dieu cette demande, parceque c'est l'affaire de Dieu, ne me paroît pas moins étrange. En effet, quoique ce soit véritablement l'affaire de Dieu, c'est aussi tellement la nôtre, que si nous nous allions mettre dans l'esprit que fera en nous tout ce qu'il faudra, sans que nous nous disposions à coopérer avec lui, et même à exciter notre diligence à le faire, ce seroit tenter Dieu autant et plus que si l'on disoit qu'à cause que Dieu veut que nous abandonnions à sa providence le soin de notre vie, il ne faudroit, ni labourer, ni semer, ni apprêter à manger: et je dis que s'il y a quelque différence entre ces deux sortes de soins, c'est que celui qui regarde les actes intérieurs est d'autant plus nécessaire, qué ces actes sont plus parfaits, plus importants, plus commandés et voulus de Dieu plus que tous les autres. La nature du libre arbitre est d'être instruit, conduit, exhorté; et non seulement il doit être exhorté et excité par les autres, mais encore il le doit être par lui-même : et tout ce qu'il y a à observer en cela, c'est que, lorsqu'il s'excite et s'exhorte ainsi, il est prévenu, et que Dieu lui inspire ces exhortations qu'il se fait ainsi à lui-même. Mais il ne s'en doit pas moins exciter et exhorter au dedans, selon la manière naturelle et ordinaire du libre arbitre; parceque la grace ne se propose pas de changer en tout cette manière, mais seulement de l'élever à des actes dont on est incapable de soi-même. Ce sont ces actes qu'on voit perpétuellement dans la bouche de David; et non seulement de David, mais encore de tous les prophètes. C'est pourquoi ce saint prophète se dit à lui-même : Espère en Dieu; élève-toi, mon esprit, et le reste. Que si l'on dit qu'il le fait étant appliqué, j'en conviens; car aussi ne prétends-je pas qu'on puisse faire ces actes de soi-même, sans être prévenu de la grace. Mais comme il faut s'exciter avec David, il faut aussi, en s'excitant, dire avec lui: Mon ame ne sera-t-elle pas soumise ▲ Joan. vi. 24. Matth. xxvi, 41. Luc. XI. 9. - Jac. 1. 5. 2 Voilà donc des actes réfléchis et très parfaits: ce qui me fait conclure encore que les actes les plus exprès et les plus connus ne répugnent en aucune sorte à la perfection, pourvu qu'ils soient véritables. Car il est vrai qu'il y a des actes qu'on appelle exprès, qui ne sont qu'une formule dans l'esprit ou dans la mémoire; mais pour ceux qui sont en vérité dans le cœur, et se produisent dans son fond, ils sont très bons, et n'en seront pas moins parfaits pour être connus de nous, pourvu qu'ils viennent véritable à Dieu, parceque c'est de lui que vient mon salut? et encore: Que mon ame soit soumise à Dieu, parceque c'est de lui que vient ma patience? Par de tels actes l'ame, en s'excitant, reconnoît que Dieu agit en elle, et lui inspire non seulement cette sujétion, mais encore l'acte par lequel elle s'y excite. Et si Dieu, en faisant parler David et tous les prophètes, aussi bien que les apôtres, selon la manière naturelle d'agir du libre arbitre, n'avoit pas prétendu nous insinuer cette manière d'agir, dont nous voyons en tous ces endroits une si vive et si parfaitement de la foi qui nous fait attribuer à Dieu, et représentation, il nous auroit tendu un piége pour nous rendre propriétaires. Mais, au contraire, il est clair qu'il a voulu donner dans un homme aussi parfait que David, un modèle de prier aux ames les plus parfaites. On se trompe donc manifestement, quand on imagine un état où tout cela est détruit, et qu'on met dans cet état la perfection du culte chrétien, sans qu'il y ait aucun endroit de l'Écriture où on le puisse trouver, et y ayant tant d'endroits où le contraire paroît. On ne se trompe pas moins, quand on regarde comme imperfection de réfléchir et se recourber sur soi-même. C'est imperfection de se recourber sur soi-même par complaisance pour soi; mais, au contraire, c'est un don de Dieu de féfléchir sur soi-même pour s'humilier, comme faisoit saint Paul, lorsqu'il disoit : Je ne me sens coupable de rien; mais je ne suis pas pour cela justifié2 : ou pour connoître les dons qu'on a reçus, comme quand le même saint Paul dit que nous avons reçu l'esprit de Dieu pour con noître ce qui nous a été donné3; et cent autres choses semblables. C'est encore, sans difficulté, un acte réflexe et recourbé sur soi-même, que de dire Pardonnez-nous nos péchés, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés. Mais l'Église a défini, dans le concile de Carthage, qu'un acte qui est réfléchi en tant de manières peut convenir aux plus parfaits, comme à l'apôtre saint Jean, comme à l'apôtre saint Jacques, comme à Job, comme à Daniel, qui sont nommés avec Noé par Ézéchiel comme les plus dignes intercesseurs qu'on peut employer auprès de Dieu et néanmoins ces actes réfléchis ne sont pas au-dessous de leur perfection. Mais celui qui fait cet acte réfléchi, Pardonnez-nous, peut bien faire celui-ci Ne nous induisez pas en tentation, mais délivrez-nous du mal: et ces demandes ne sont pas plus répugnantes à .a perfection que cette autre, Pardonnez-nous. reconnoître venir de lui, tout le bien qui est en nous. Il ne faut donc pas rejeter les actes exprès; et c'est le faire que de mettre la perfection à les faire cesser : ce qui fait dans le fond qu'on exclut tout acte, puisqu'on n'ose en produire aucun, et qu'on feroit cesser les moins aperçus, si on pouvoit les apercevoir en soi. Mais cela ne peut pas être bon; puisque par un tel sentiment on exclut l'action de graces, tant commandée par saint Paul; cet acte n'étant ni plus ni moins intéressé que la demande. De là suit encore qu'il ne faut pas tant louer la simplicité, ni porter le blâme qu'on fait de la multiplicité jusqu'à nier la distinction des trois actes, dont l'oraison, comme toute la vie chrétienne, est nécessairement composée, qui sont les actes de foi, d'espérance et de charité. Car, puisque ce sont trois choses selon saint Paul, et trois choses qui peuvent être l'une sans l'autre, leurs actes ne peuvent pas n'être pas distincts: et encore qu'à les regarder dans leur perfection, ils soient inséparables dans l'ame du juste, il n'y aura rien d'imparfait de les voir comme distincts, puisque ce n'est que connoître une vérité; non plus que de les exercer comme tels, puisque ce n'est que les exercer selon la vérité même. Il ne faut donc pas mettre l'imperfection ou la propriété à faire volontairement des actes exprès et multipliés, mais à les faire comme venant de nous. Tout cela me fait dire que l'abandon ne peut pas être un acte si simple qu'on voudroit le représenter: car il ne peut pas être sans la foi et l'espérance ou la confiance, étant impossible de s'abandonner à celui à qui on ne se fie pas, ou de se fier absolument à quelqu'un sans s'y abanc'est-à-dire donner autant qu'on veut s'y fier, jusqu'à l'infini. Ainsi il ne faut pas séparer l'abandon, qu'on donne, et avec raison, pour la perfection de l'amour, d'avec la foi et la confiance : ce sont assurément trois actes distincts, quoique unis; et c'est aussi ce qui en fait la simplicité. Il ne faut donc point se persuader qu'on y déroge, ni qu'on fasse un acte imparfait et choses auxquelles nous sommes parvenus enpropriétaire, quand on demande pardon à Dieu, semble; et s'il y a quelque vérité où vous ne ou la grace de ne pécher plus : et la proposi-soyez pas encore parvenus, Dieu vous le révétion contraire, si elle étoit mise par écrit, seroit lera un jour '. C'est, madame, ce que je vous universellement condamnée, comme contraire dis. Vous avez pris certaines idées sur l'oraison: à un commandement exprès, et par conséquent vous croiriez être propriétaire et intéressée en à une vérité très expressément révélée dans faisant de certains actes, quoique commandés l'Évangile. de Dieu vous croyez y suppléer par d'autres choses plus intimement commandées, soit foiblesse, ou habitude, ou ignorance, ou aheurtement dans votre esprit; je n'en demeure pas moins uni avec vous, espérant que Dieu vous révélera ce qui reste, d'autant plus que vous demandez avec instance qu'on vous redresse de vos égarements; et c'est ce que je tâche de faire avec une sincère charité. Ce qu'on dit de plus apparent contre une vérité si constante, c'est qu'il y a des instincts et des mouvements divins certainement tels, qui sont clairement contre des commandements de Dieu, tels que l'instinct qui fut donné à Abraham d'immoler son fils. On ne peut douter que Dieu ne puisse inspirer de tels mouvements et en même temps une certitude évidente que c'est lui qui les inspire; et ces certitudes se justifient Déposez donc, madame, peu à peu ces impar elles-mêmes dans l'esprit du juste qui les puissances prétendues, qui ne sont point selon reçoit. Il ne faut donc pas les rejeter, sous pré-l'Évangile. Croyez-moi, la demande que vous texte qu'elles seroient contraires au commandement de Dieu; puisque celle qui fut donnée à Abraham, qu'il falloit immoler son fils, et que Dieu le vouloit ainsi, étoit contraire au commandement de ne tuer pas, et encore contraire en apparence à la promesse que Dieu avoit faite de multiplier la postérité d'Abraham par Isaac. Il n'y a donc plus qu'à examiner si elles sont de Dieu ou de nous; ou, en d'autres termes, si ceux qui reçoivent de semblables impressions sont de ceux que Dieu meut spécialement, ou qu'on appelle mus de Dieu. Voilà, madame, ce qu'on pourroit dire de plus apparent pour soutenir cet état, qui fait dire qu'on ne peut rien demander à Dieu. Mais cela ne résout pas la difficulté; car c'est autre chose de recevoir une fois un pareil instinct, comme Abraham, autre chose d'être toujours dans un état où l'on ne puisse observer les commandements de Dieu. D'ailleurs cet état, qui vous fait dire en cette occasion, Je ne puis, selon vous n'est pas un état extraordinaire, mais un état où l'on vient naturellement avec une certaine méthode et de certains moyens, qui sont même qualifiés courts et faciles. C'est donc dire qu'on doit travailler à se mettre dans un état dont la fin est de ne pouvoir rien demander à Dieu, et que c'est la perfection du christianisme. Or, c'est là ce que je dis qu'on n'exposera jamais au jour, sans encourir une censure inévitable. Et si l'on demande en quel rang je mets donc ceux qui douteroient de mon sentiment, ou qui en auroient de contraires; je répondrois que je demeure non seulement en union, mais encore en union particulière avec eux, conformément à ce que dit saint Paul; Demeurons dans les ferez pour vous-même que Dieu vous délivre de tout mal, c'est-à-dire, en d'autres termes, qu'il vous fasse persévérer dans son amour, n'est pas l'Isaac qu'il faut immoler. Que voyez-vous dans cet acte qui en rende le sacrifice si parfait ? Quand Abraham entreprit, contre la défense générale de tuer, de donner la mort à son fils Dieu lui fit voir ce qui est très vrai, qu'il étoit le maitre de la vie des hommes; que c'étoit lui qui lui avoit donné cet Isaac, qui avoit droit de le lui redemander, et qui pouvoit le lui rendre par une résurrection, comme saint Paul le remarque. Dieu par-là ne faisoit point cesser en Abraham des actes saints; mais il en faisoit exercer un plus saint encore, qui néanmoins, après tout, n'eut point son effet. Mais quelle perfection espérez-vous dans la cessation de tant d'excellents actes de la demande, de la confiance, de l'action de graces ? C'est de demeurer défaite d'actes intéressés. Mais c'est l'erreur, de prendre pour intéressés des actes commandés de Dieu comme une partie essentielle de la piété, tels que sont ceux qu'on vient de marquer, ou d'attendre à les faire que Dieu vous y meuve par une impression extraordinaire; comme si ce n'étoit pas un motif suffisant de s'exciter à les faire, qu'ils soient non seulement approuvés, mais encore expressément commandés. L'excuse de l'impuissance n'est pas recevable, pour les raisons qu'on a rapportées : celle du rassasiement, poussé jusqu'au point de le trouver assez grand en cette vie pour n'avoir plus rien à demander, s'il devient universel pour tout un état, c'est-à-dire, pour toute la vie, est une erreur : on ne voit rien de sem Philip.. 15, 16. -2 Hebr. x1, 19. |