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tenir la permission de confesser, de diriger et de faire des conférences; mais cela lui fut refusé.

En ce temps j'allai faire má visite, qui dura quatre mois. Madame Guyon profita de mon absence; elle dogmatisa, elle fit des conférences de jour et de nuit, où bien des gens de piété se trouvoient; et surtout les novices des capucins, ` à qui elle faisoit des aumônes, y assistoient conduits par un frère quêteur. Par son éloquence naturelle, et par le talent qu'elle a de parler de la piété d'une manière à gagner les cœurs, elle avoit effectivement fait beaucoup de progrès, elle s'étoit attirée beaucoup de gens de distinction, des ecclésiastiques, des religieux, des conseillers du parlement: elle fit même imprimer sa méthode d'oraison. A mon retour, ce progrès me surprit, et je m'appliquai à y remédier. La dame me demanda la permission de continuer ses conférences : je la lui refusai, et lui fis dire qu'il lui seroit avantageux de se retirer du diocèse. De là elle s'en alla dans des monastères de chartreuses, où elle se fit des disciples.

c'eût été une nouvelle preuve contre cette dame: mais ce Père se trouva engagé à se dédire par une personne de grande qualité, dont il faut taire le nom. Il y avoit déja de quoi se convaincre assez des erreurs et de la conduite de cette femme, qu'on voyoit courir de province en province avec son directeur, au lieu de s'appliquer à sa famille et à ses devoirs. L'inquisition de Verceil vouloit faire des informations contre elle et le père La Combe; mais Son Altesse royale les fit sortir de ses états, sans beaucoup de cérémonie.

Le général des chartreux a écrit une très grande lettre à M... sur tout ce qu'il a découvert de la conduite de cette dame et de CateauBarbe. Ce général, homme très savant et très sage, a été obligé de sortir de sa solitude, pour réparer les désordres que cette dame avoit faits dans quelques couvents de chartreuses, où elle avoit fait la prophétesse comme partout ailleurs.

LETTRE XXIX.

DE DOM RICHEBRAQUE, BÉNÉDICTIN, au duc de

CHEVREUSE.

Il assure qu'il n'a jamais fait de plaintes de madame Guyon, et qu'il n'a entendu dire que du bien de sa conduite.

Elle étoit toujours accompagnée d'une jeune fille qu'elle avoit gagnée, et qu'elle faisoit coucher avec elle: cette fille est très bien faite et pleine d'esprit. Elle l'a menée à Turin, à Gênes, à Marseille et ailleurs. Ses parents s'étant venus plaindre à moi de l'enlèvement de leur fille, j'écrivis qu'on la renvoyât, et cela fut exécuté. Je réponds autant précisément que je puis à la Par cette fille on a découvert d'affreux mystè- lettre *; en voici la réponse, que je ne prendrois res; on s'est convaincu que madame Guyon a pas la liberté de vous faire remettre, monseideux manières de s'expliquer. Aux uns elle ne gneur, sans l'ordre exprès que vous m'en donnez. débite que des maximes d'une piété solide; mais Dans la disposition où la miséricorde de Dieu aux autres elle dit tout ce qu'il y a de plus per-me conserve encore, je ne me trouve pas capable nicieux dans son livre des Torrents, ainsi qu'elle en a usé à l'égard de Cateau-Barbe; c'est le nom de cette fille, dont l'esprit et l'agrément lui plaisoient.

de parler de la manière qu'on veut que j'aie fait, et j'ose dire que c'est me faire justice, de me croire sincère, et entièrement éloigné de ce

madame Guyon lui écrivit, au mois d'avril 1695, pour le prier

de rendre témoignage à la vérité sur ce qu'il savoit d'elle, au sujet d'une maxime détestable (touchant l'impureté) qu'on prétendoit qu'il soutenoit qu'elle avoit dite, et en le faisant souvenir d'une ancienne fausse accusation contre elle dont

publique de la personne qui l'avoit calomniée. C'est ce que nous trouvons écrit de la propre main du duc de Chevreuse, à

Repassant par Grenoble, elle me fit tant solliciter, que je ne pus lui refuser une lettre de recommandation qu'elle me demandoit pour M. le lieutenant civil, sous prétexte d'un procès pardevant ce magistrat. Il n'y avoit rien que deil avoit eu connoissance, aussi bien que de la rétractation commun dans cette lettre: je disois seulement que c'étoit une dame qui faisoit profession de piété. J'ai su depuis qu'elle n'avoit aucun procès, et qu'elle n'avoit pas rendu la lettre à M. le lieutenant civil: mais elle prit grand soin de la montrer, croyant que cela pourroit lui donner quelque réputation et quelque appui....

Si le Père bénédictin * ne s'étoit pas rétracté,

*Ce religieux se nommoit dom Richebraque, et avoit été prieur de Saint-Robert de Cornillon, monastère de bénédicpius, , situé près de Grenoble. Il étoit résident à Blois, quand

qui inadame Guyon avoit remis sa lettre tout ouverte, pour la faire passer à ce religieux. « J'accompagnai, ajoute-t-il, la let

tre de madame Guyon au R. P. de Richebraque, d'un billet » où je ne m'expliquois ni pour ni contre, et lui demandois » seulement (sans le connoître) une réponse prompte et précise à celle de cette dame. Voici mot à mot ce qu'il me manda en » m'envoyant cette réponse. Ce sont les lettres XXIX et xxx, qui suivent immédiatement. Nous les transcrivons fidèlement sur les originaux, ainsi que les deux qui viennent après, et qui achèvent d'éclaircir les faits dont parle le cardinal Le Camus Toutes ces pièces paroissent pour la première fois. (Édit. de Vers.)

La lettre de madame Guyon, que le duc lui avoit envoyée. comme on l'a vu dans la note précédente. (Edit. de Vers.)

3.

suis très sincèrement en notre Seigneur, en vous demandant auprès de lui vos prières, madame, votre, etc.

Blois, 14 avril 1693.

qui s'appelle fausseté, et beaucoup plus de ce qui s'appelle calomnie. C'en seroit une insigne si j'avois parlé de la sorte. Je déclare au contraire, monseigneur, que je n'ai jamais rien entendu de la bouche de cette dame que de très chrétien et de très honnête. C'est un témoignage que j'ai rendu plusieurs fois, que je rendrai encore toutes les fois que j'en serai requis; parceque je le dois tel à la vérité, et que je m'estime heureux de rendre à présent, puisque c'est Il demande à ce religieux de nouveaux éclaircissements en exécution de vos ordres, et en vous y marquant la respectueuse soumission avec laquelle je suis, etc.

Blois, 14 avril 1695.

Fr. RICHEBRAQUE, M. B.

LETTRE XXX.

DU MÊME A MADAME Guyon.

Sur le même sujet.

Est-il possible qu'il faille me chercher dans ma solitude pour fabriquer une calomnie contre vous, et qu'on m'en fasse l'instrument? Je ne pensai jamais à ce qu'on me fait dire, ni à faire ces plaintes dont on veut que je sois auteur. Je déclare au contraire, et je l'ai déja déclaré plusieurs fois, que je n'ai jamais rien entendu de vous que de très chrétien et de très honnête. Je me serois bien gardé de vous voir, madame, si je vous avois crue capable de dire ce que je n'oserois pas écrire, et que l'apôtre défend de nommer. S'il est pourtant nécessaire que je le nomme à votre décharge, je le ferai au premier avis, et je dirai nettement qu'il n'en est absolument rien; c'est-à-dire que je ne vous ai jamais ouï dire rien de semblable, ni rien qui en approche le moins du monde, et que de ma part je n'ai rien dit qui puisse faire croire que je l'aie entendu de vous. On m'a déja écrit là-dessus, et j'ai déja répondu de même. Je le ferois encore mille fois, si j'en étois mille fois requis. On confond deux histoires qu'il ne faudroit pas confondre. Je sais celle de la fille qui se rétracta; et vous savez de votre part, madame, le personnage que j'y fis auprès du prélat, par le seul zèle de la vérité, et pour ne pas blesser ma conscience en me taisant lâchement. Je parlai pour lors librement, et je suis prêt à le faire de même, si Dieu le demande à présent de moi, comme pour lors. Je croirai qu'il le demande, si j'en suis requis. Mais que dirois-je de plus précis que ce que je dis ici? S'il faut néanmoins quelque chose de plus, prenez la peine de me le mander, et je rendrai témoignage à la vérité. C'est dans cette disposition que je

LETTRE XXXI.

DU DUC DE CHEVREUSE A DOM RICHEBRAQUE.

sur divers faits concernant madame Guyon. J'ai reçu, mon révérend Père, l'éclaircissement que je vous avois demandé, avec la lettre pour madame Guyon. Je vous rends graces de votre exactitude. Mais il me reste encore quelque chose à savoir sur cette matière; ce seroit 1o si vous étiez prieur de Saint-Robert en 1686 et 1687, et si cette maison de votre congrégation n'est pas dans Grenoble ou auprès; 20 si (laissant désormais à part la calomnie contre cette dame, qu'on vous avoit faussement attribuée) vous avez reconnu quelque chose dans sa doctrine touchant l'intérieur, qui ne soit pas orthodoxe et conforme aux sentiments des saints et des auteurs mystiques approuvés ; 3° s'il s'est fait chez elle, ou ailleurs par elle, pendant son séjour à Grenoble, quelques assemblées scandaleuses dont vous ayez eu connoissance; 4o enfin ce que vous savez de la fille qui se rétracta, et s'il ne vous est rien revenu de certain d'ailleurs sur les mœurs de cette dame, qui soit mauvais. Je vous demande sur cela, mon révérend Père, le témoignage que la vérité vous obligera de rendre sans acception de personnes, et ne puis trop louer votre droiture, aussi bien que le zèle pour cette même vérité, que vous marquez dans votre lettre d'une manière si chrétienne et si éloignée de tout intérêt humain. Accordez-moi, s'il vous plaît, quelque part à vos prières devant le Seigneur, que vous servez si purement; et me croyez toujours, mon révérend Père, très sincèrement à vous.

Le Duc de Chevreuse,

A Versailles, le 18 avril 1693.

LETTRE XXXII.

DE DOM RICHEBRAQUE AU duc de chevreuse.

Il donne au duc les détails qu'il lui demandoit sur la conduite de madame Guyon.

Un petit voyage que j'ai été obligé de faire m'a empêché de répondre plus tôt à la lettre que yous m'avez fait l'honneur de m'écrire. Je

le fais, quoique je ne connoisse pas de quelle | bien de sa grande retraite, de ses charités, de utilité puisse être ma réponse, ni pourquoi vous m'ordonnez de la faire. Je ne le veux savoir qu'autant qu'il vous plaira, monseigneur. Vous le voulez, j'obéis, et je réponds à chaque chef en particulier.

Au premier, qu'en 1686 et 1687 j'étois prieur de Saint-Robert, et que ce monastère n'est pas dans Grenoble, mais à trois grands quarts de lieve de ce pays-là.

Au deuxième, que je n'ai ni assez de lumière ni assez d'expérience pour juger de la doctrine de la dame; mais elle a écrit, et il paroît naturel que sur ses écrits elle soit ou condamnée ou justifiée par des personnes plus éclairées et plus expérimentées que moi.

Au troisième, qu'il ne m'est jamais revenu qu'il se soit tenu chez la dame ou en sa présence des assemblées nocturnes. Il s'en tint une (et c'est peut-être ce qui fait l'équivoque), non pas dans Grenoble, mais dans un petit bourg où notre monastère est situé, de laquelle je me crus pour lors obligé de donner avis à monseigneur l'évêque, et sur laquelle je ne pourrois pas ici m'expliquer. Mais madame Guyon n'y avoit nulle part, et je ne crois pas même qu'elle fût actuellement à Grenoble. Cette assemblée n'eut aucune suite, et peut-être le hasard y eut-il sa part, au moins à l'égard de certaines personnes qui s'y rencontrèrent.

son édifiante conversation, etc. Un M. Giraud, entre les autres, conseiller, et, si j'ose le dire d'un si saint homme, mon ami, homme d'une probité reconnue, et que l'on m'a mandé être mort depuis quelques mois en odeur de sainteté, ne pouvoit s'en taire, et prenoit généreusement son parti quand la prudence ou la charité l'exigoient de lui. Un père Odile, récollet, ne parloit pas si favorablement d'elle; mais c'étoit contre sa doctrine, et non pas contre ses mœurs qu'il parloit. Je ne me souviendrois pas aisément de ce qu'il disoit.

C'est devant Dieu, en la présence duquel j'ai la confiance que je suis en écrivant cette lettre, tout ce que je crois pouvoir dire sur ces quatre ou cinq chefs. Vous me ferez mander quand il vous plaira, monseigneur (si pourtant il n'y a pas d'inconvénient que je le sache), pourquoi vous avez voulu que je me sois expliqué là-dessus. Je ne le saurois deviner; mais j'ai obéi simplement. Je suis, dans la même simplicité, et avec le plus profond respect, etc.

A Blois, 25 avrfl 1695.

LETTRE XXXIII.

DE BOSSUET A M. TRONSON, SUPÉRIEUR DU SÉMI

NAIRE DE SAINT-SULPICE

Au quatrième enfin, que j'ai su en effet l'his- Il lui envoie son Ordonnance pour la publication des Artoire de la fille qui se rétracta; mais que ce n'a été que sur des ouï-dire et par des bruits publics. Ces bruits étoient, autant que ma mémoire peut encore fournir, que cette fille *, après le départ pour Verceil de madame Guyon, avec laquelle elle avoit demeuré, avoit dit de la dame à un père Siméon, augustin déchaussé, bien des choses quiressentoient la turpitude, et desquelles on crut devoir avertir le seigneur évêque; ce qui fit grand bruit dans Grenoble, et principalement au palais épiscopal, où je l'appris; mais le bruit s'apaisa bientôt, parce, disoit-on, que la fille s'étoit rétractée, ayant, par les remords de sa conscience, reconnu que le seul dépit de n'avoir pas fait le voyage l'avoit fait parler si mal à propos. On disoit aussi que cette fille avoit eu quelque temps l'esprit égaré. C'est ce qu'on di

soit.

Vous voulez, monseigneur, que j'ajoute s'il ne m'est rien revenu d'ailleurs de mauvais des mœurs de la dame. Je le fais, en vous assurant que non. On disoit, au contraire, beaucoup de

'Cateau-Barbe, dont il est parlé dans la lettre du cardinal Le Camus. (Edit. de Vers.)

ticles d'Issy, et lui parle de madame Guyon. Je m'acquitte, monsieur, de ce que je dois en vous envoyant cette Ordonnance, qui fut seulement publiée hier à Meaux. Je vous supplie de la voir. Elle est faite selon les règles dont nous sommes convenus. Vous trouverez trois mots ajoutés dans nos Articles, dans le xii, dans le xx et dans le xxxIV; ils ne sont d'aucune conséquence, et rendent seulement le discours plus net. Je n'ai rien encore conclu avec la dame qui est à Meaux, à cause de sa maladie. Elle paroit fort soumise. Je m'en retourne samedi. Je souhaiterois avoir l'honneur de vous voir auparavant. Je doute que j'en puisse trouver le loisir. Conservez-moi l'honneur de votre précieuse amitié, et soyez persuadé de l'estime et de la vénération avec laquelle je suis, monsieur, etc.

A Paris, lundi soir (mai 1696.)

Je me recommande de tout mon cœur aux prières de M. Bourbon **.

*Cette lettre est inédite, ainsi que les xxxvIII, XLI, XLII, XLIH et L. Nous les publions d'après les manuscrits originaux, que nous avons entre les mains. (Édit. de Vers.)

**Secrétaire de M. Tronson. (Edit. de Vers.)

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LETTRE XXXIV,

DE BOSSUET A M. DE LA BROUE, ÉVÈQUE

DE MIREPOIX.

Il lui marque combien il est peu sensible aux mécontentements de M. de Harlay, archevèque de Paris; et parle de son Instruction sur les états d'oraison.

Je me suis fort réjoui, monseigneur, de votre heureuse arrivée : c'est beaucoup se déclarer à M: de Paris*, que de vous avoir parlé comme il a fait. Je crois malgré tout cela, et jusqu'à ce qu'il éclate davantage, qu'il n'y a qu'à le laisser faire, sans se soucier ni de lui ni de ses mémoires. J'ai bien voulu lui rendre compte de ma conduite dans cette affaire, et il avoit hautement témoigné qu'il en étoit content. J'ai bien prévu qu'il seroit fâché qu'on osât mieux faire que lui, et condamner les propositions fondamentales du quiétisme, qu'il n'a pas seulement connues. Après tout, il en sera, s'il plaît à Dieu, comme de l'Exposition, qu'il a voulu condamner, et qu'après il a approuvée.

Je continue cependant à travailler à mon Instruction. Une grande partie de vos remarques viendront mieux là, ce me semble, que dans une ordonnance, où l'on ne pourroit s'expliquer que sommairement et substantiellement.

:

J'ai bien pensé à l'article xxxIII, et je le trouve en tant de livres approuvés, que je n'ai pas eru qu'on le pût révoquer en doute. L'exemple de faire des actes sur des suppositions fausses est venu de Moïse et de saint Paul. Les interprétations de saint Chrysostôme et de Théodoret sont formelles pour ce genre d'actes; et il m'a paru que la chose n'a besoin que de limitation, comme j'ai fait mais c'est de quoi nous parlerons plus amplement. Pour ce qui est du père Valois, jésuite, puisqu'il s'explique à vous si franchement, je voudrois bien dans l'occasion que vous lui demandassiez s'il improuve cet acte, ou par l'abus qu'on en peut faire et par les illusions qu'on y peut mêler, ou en soi-même. Si c'est en la première manière, il ne dit que ce que je dis, et ce que je dirai plus amplement dans mon Instruction. Si c'est en la seconde, je voudrois lui demander, premièrement, s'il n'est pas vrai que cet acte est de plusieurs auteurs très approuvés, et notamment de saint François de Sales, en plusieurs endroits; mais en particulier marqué comme un acte d'une grande perfection, dans sa Vie par M. d'Évreux, Henri de Maupas, pag. 26.

Secondement, je demande en quoi cette pro

* M. de Harlay.

position diffère de celle-ci : Il vaudroit mieux souffrir toutes les peines d'enfer dans toute l'éternité, que de faire un péché mortel ou véniel : celle-ci est pourtant incontestable; donc l'autre, qui ne fait que s'y conformer, le doit être aussi.

Je voudrois, en troisième lieu, demander à ce Père ce qu'il pense de la doctrine qu'on introduit dans l'école, et qui fait consister la charité dans la volonté d'aimer Dieu, quand on ne devroit jamais parvenir par-là à aucune sorte de béatitude. Or, celle-là visiblement enferme l'autre; donc, etc.

J'espère rendre cette matière si claire, qu'il n'y restera aucune difficulté, ni aucun moyen de rejeter mon article ut jacet. Faites-en l'analyse, et vous en serez convaincu.

Pour ce qui est de la perfection, il n'est pas nécessaire de s'en expliquer davantage après les articles vi et VII.

Quant à l'indifférence, c'est tout le contraire: car dès qu'on regarde la supposition comme fausse, il n'y a plus de moyen de soutenir l'indifférence; outre que, n'y ayant point d'indifférence pour aimer dans la supposition, il n'y a point d'indifférence pour le salut ni pour la béatitude, qui est essentiellement dans l'amour même.

Au surplus, je répète que j'y ai bien pensé et que j'y pense encore, et que jusqu'ici je ne puis apercevoir aucune raison de douter. Tout ce qu'on pourroit dire, c'est que ces actes sont très inutiles, et que les esprits les plus solides, comme saint Augustin, ont atteint la perfection sans les faire; mais comme d'autres saints les ont faits, il faut les réduire à une explication légitime, qui n'est autre que d'exprimer que l'amour de Dieu est desirable de soi, plus que tous les tourments possibles ne sont à haïr.

M. de Châlons m'a répondu sur ce passage de saint Bernard, qu'il ne l'entend qu'en supposant que les mouvements intérieurs qu'on donne pour divins, soient conformes à la tradition, desquels les évêques sont juges.

Pour le bienheureux Jean de la Croix, je n'ai rien à dire, sinon que je ne le crois pas assez autorisé, pour faire de ses sentiments un motif pour approuver une doctrine dans une ordon

nance.

Je suis après à conclure avec madame Guyon: elle souscrit les Articles avec toutes les soumissions que l'on pouvoit exiger; elle est prête à se soumettre à nos ordonnances et à la condamnation de ses livres, y contenue, s'y conformant en tous points. Mon sentiment est que cela suf- · fit: d'autres voudroient qu'on entrât dans le détail, ce qui seroit infini et pourroit tomber dans

des altercations sur les explications, indignes de | tôme, etc. Les nouveaux mystiques en abusent; nous. Je suis donc assez porté à me contenter c'est pour cela qu'il falloit marquer l'abus qu'ils de ce que j'ai dit le premier, en lui défendant en font. J'ai bien cru qu'on y trouveroit de la d'écrire et dogmatiser, etc.; et de plus, de dé- difficulté; mais j'ai cru en même temps qu'elle biter des livres si justement flétris. Il faut re- tomberoit quand la matière seroit éclaircie, et marquer que, jusqu'à présent, il n'a paru que je le crois encore. Au surplus, pour l'indiffésoumission, et qu'on n'a aucune preuve de ré-rence, j'avouerai cé que vous voudrez, quand

volte ou de désobéissance dans sa conduite.

A Meaux, le 24 mai 1695.

LETTRE XXXV.

DR BOSSUET A M. DE LA BROUE.

Il desire avoir un entretien avec lui sur la soumission qu'il devoit exiger de madame Guyon, et discute une proposition sur certains actes extrèmes.

Je voudrois bien, monseigneur, avoir une heure de conversation avec vous, et au plus tôt ; et je crois que l'affaire est assez importante pour vous inviter à un petit tour; car pour moi, je ne puis quitter pendant cette octave, ni de quelque temps après cependant la chose presse. Il n'est pas question d'absoudre madame Guyon; elle est tout absoute, puisque je l'ai trouvée communiant, et que je la laisse communier sur sa soumission. Il est donc question de savoir de quelle soumission l'on peut et l'on doit se contenter, pour lui continuer l'usage des sacrements; s'il faut descendre aux minuties avec une femme, ou exiger seulement, avec la profession dans le détail d'une bonne et saine doctrine, la condamnation en termes généraux, mais précis, de ses livres. Je ne doute pas que ses partisans ne soient toujours également entêtés d'elle; et rien ne peut les désabuser ou leur fermer la bouche sur leur bonne opinion. Tant qu'en effet elle sera soumise, il faut laisser à part tout ce qu'on dit de part et d'autre de M. le cardinal Le Camus, ou pour ou contre. Venons au fait: que doit-on faire pour la mettre en voie de salut et édifier l'Église, sans avoir égard à autre chose qu'à la vérité et à la charité?

vous voudrez aussi qu'on compare ensemble une velléité, et encore une velléité de choses impossibles, et connues pour telles, avec une volonté efficace et absolue. C'est ce que j'aurai à dire aux faux mystiques, qui concluent leur indifférence, que je crois hérétique, d'une proposition qui bien assurément ne l'est pas, puisqu'elle passe dans tous les livres sans être reprise.

Ne croyez pas que je parle ainsi par attachement à mon sens; mais c'est qu'ayant bien pensé et repensé à cette affaire et à cette proposition, plus qu'à toute autre, je ne crois pas devoir aisément céder, qu'à des raisons claires ou à des autorités plus grandes que celles qui m'ont déterminé. J'aurois pu éviter la difficulté, et j'en ai été tenté; mais en même temps il falloit abandonner le dessein que Dieu me mettoit, ce me semble, dans le cœur, de démêler le bon d'avec le mauvais dans les mystiques. J'éclaircirai tout cela dans mon Instruction, à laquelle je travaille sans relâche. Mais comme il ne faut rien précipiter, la question est de savoir s'il ne faudroit point prévenir sur cette difficulté ceux qui pourroient en mal juger: car pour la proposition en elle-même, je vous prie de n'en être pas en peine. Dérobez-vous donc un jour ou deux pendant cette octave; nous viderons cette affaire ensemble en très peu de temps. Donnez-moi du moins de vos nouvelles, et de celles de l'assemblée. Je suis, etc.

A Germigny, ce 29 mai 1695.

LETTRE XXXVI.

DE BOSSUET A M. DE LA BOROUE.

Sur madame Guyon; et sur certains actes d'un amour extrême.

Pour la proposition *; j'ai cru deux choses; l'une, qu'elle étoit incontestable; l'autre, que je ne devois pas la dissimuler : car voulant parler Vous savez, monseigneur, que je n'ai nul dessein de favoriser madame Guyon. Je ne me à fond, je ne devois pas éviter la difficulté ; ce que j'eusse fait en me taisant d'une chose qu'on presserai pas de la renvoyer, tant qu'elle me sera trouve dans tous les livres de dévotion, et dans obéissante. Au surplus, je recevrai les preuves:" les plus approuvés depuis plusieurs siècles, et mais j'ai à vous dire que, selon mes connoisremonter jusqu'aux sources, dans saint Chrysos-sances, elles sont fort foibles : elle nie qu'on lui

à

'C'est la proposition qui suppose qu'on peut desirer ou demander d'étre séparé éternellement de Dicu par un excès de charité, ou pour ses frères, ou pour Dieu même.

ait fait aucunes défenses à l'archevêché de Paris. M. J'archevêque, qui m'avoit dit qu'il m'enverroit ce qui avoit été fait, ne m'a rien envoyé du tout on ne lui a fait souscrire tout

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