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LETTRES

SUR

L'AFFAIRE DU QUIÉTISME.

L'écrit suivant, que Bossuet composa dans le cours de la contestation sur le quiétisme, étant très propre à donner d'abord une idée générale de l'affaire, et à rendre

aussi plus utile la lecture des lettres qui la concernent, nous nous sommes déterminés à le placer en tête, en

forme d'avertissement. Il fut envoyé à Rome en 1697.

DE QUIETISMO IN GALLIIS REFUTATO.

Quinque ferè anni sunt, ex quo vir illustrissimus, summâque dignitate præditus, à Meldensi episcopo postulabat ut Guyoniæ libros, doctrinam, totumque, ut vocant, orandi ac supplicandi genus examinare vellet : id illam flagitare, atque omnino in ejus antistitis potestate se futuram polliceri. Recusare Meldensis: ille urgere, ac pro amicitiæ jure reposcere ut rem aggrederetur; Deo id gratum futurum; perti

denique ad obsequium veritatis, nec integrum episcopo suum officium denegare, cùm ei ultro omnia deferrentur.

His victus episcopus dat manus: afferuntur cum aliquot libellis editis manuscripti, grandes feminæ commentarii in Scripturas, ingens quoque scriptum de vitâ suâ, quod jussu directoris elaboratum videbatur. Hæc omnia gesta esse auctore Fenelono, jam tum principum studiis præposito, et ipse fatebatur. Viri amicissimi

De his quæ à me per totum ferè quinquen-nere nium in refutando apud nos quietismo gesta sint, multa sparguntur in vulgus; et ea quidem ab adversariis, non studio veritatis, sed aulicis artibus tribui multi me monent: his aulam, his urbem, his provincias, his Romam ipsam caput orbis oppleri rumoribus : et hic quidem, ubi res notæ sint, liquidò confutari; Romanis autem longè positis faciliùs obrepi: periculumque esse ne ea quæ in meum nomen centum occultis divulgentur oribus, in causam transferantur : his occurri posse simplici narratione rerum ; ac si conticescam, non jam modestiæ, sed inertiæ imputandum. Hæc igitur summa gestorum est.

DE LA RÉFUTATION DU QUIÉTISME EN FRANCE. On répand dans le public bien des discours sur ce que j'ai fait pendant l'espace de près de cinq années pour combattre le quiétisme; et beaucoup de personnes m'avertissent que mes adversaires attribuent mes efforts, non au zèle pour la vérité, mais à une politique toute mondaine. La cour, ajoute-t-on, la ville, les provinces, Rome même, la capitale de l'univers, sont remplies de tous ces bruits, qui se détruisent d'eux-mêmes ici, où les choses sont connues; mais que les Romains, dans un si grand éloignement, écouteroient avec plus de facilité : en sorte qu'il est à craindre que les mauvais propos, que cent bouches débitent en secret contre moi, ne retombent sur la cause que je soutiens. Or, observe-t-on, un simple exposé des faits suffit pour prévenir les suites de ces complots; et si je me taisois, on imputeroit avec raison mon silence, non à modestie, mais à une lâche insensibilité. Voici donc en abrégé le récit de ce qui s'est passé.

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Il y a près de cinq ans qu'un homme très illustre", décoré d'une grande dignité, pria l'évêque de Meaux d'examiner les livres de la dame Guyon, sa doctrine, et toute sa manière, comme l'on dit, de faire l'oraison. Il ajouta que cette dame le demandoit elle-même, et promettoit de s'abandonner entièrement à la disposition de cet évêque. Le prélat refusant, ce seigneur le pressa de consentir, et le sollicita par tous les droits de l'amitié d'entreprendre cet examen. Il ajoutoit, pour l'y déterminer, que ce travail seroit agréable à Dieu; qu'enfin c'étoit un service qu'il devoit à la vérité, et qu'un évêque n'étoit pas maître de dénier son ministère, lorsque de plein gré tout étoit soumis à son jugement.

L'évêque de Meaux, déterminé par ces considérations, se rendit à ce qu'on desiroit de lui. On lui apporta, en conséquence, avec quelques livres imprimés, plusieurs manuscrits, de longs commentaires de la dame Guyon sur l'Écriture, un grand ouvrage concernant sa vie, qui paroissoit avoir été composé par l'ordre de son directeur **. C'étoit l'abbé de Fénelon, dès-lors instituteur des princes, qui portoit à toutes ces démarches, et il l'avouoit lui-même. Le prélat, excité par les

Le duc de Chevreuse. "Le P. La Combe.

auctoritate motus antistes, eò diligentiùs omnia pertractabat.

Sex ferè mensibus in librorum lectione et examinatione consumptis, gravi longoque colloquio cum femina habito, rebusque perpensis, satis sibi visus est episcopus omnia explorasse ut sententiam promeret. Prompsit, certissimisque argumentis commonstravit id genus orationis, quod femina frequentabat, erroneum esse, pertinere ad quietismum; ipsam miris inauditisque, imò etiam insanis laudibus seque et sua prædicantem summo in periculo versari, nisi quamprimum à cæcis illusionibus revocata, melioribus quàm antea ducibus uteretur. Facilè persensit non haberi sibi fidem; Fenelono feminam esse miraculo: quo in stuporem actus, ac tam clari ingenii miseratus errorem, id apud se noctes diesque versabat episcopus, ut illum, sed paulatim ac per vias mollissimas inde dedu

ceret.

visam, sole amictam, ac primogenitum parituram, spiritum orationis scilicet, persecutione victâ, toto orbe regnaturum; quo de regno mira et inaudita jactabat: esse se lapidem angularem prophetæ memoratum : eam esse se de quâ esset dictum : Quæcumque ligaveris, quæcumque solveris, ea ligata, ea soluta sunto. Et quid non?

Quin etiam rogata ab episcopo de postulationibus, quas ipsa cum quietistis omnino respuebat, quippe quæ ad illud quod interest pertinerent: Tune, mulier, negas à te postulari posse quidquam? Sanè. Tu non potes dominicum illud petere: Dimitte nobis debita nostra? Fatebatur. Atqui ego, cui te tuaque submisisti, pro potestate jubeo, imò per me Dominus, ut id petas. At illa: Possum, inquiebat, verba recitare memoriter; rem animo infigi vetat is in quo sum orationis puræ et amoris gratuiti sta

tus.

Quæ cùm episcopus memoraret, quâ est dexteritate, mollire, excusare Fenelonus; magnanimitatem sinceræ mentis extollere; memorare Paulum qui se et sua tam magnificè commendasset; probari oportere spiritus, non statim condemnari: spiritus sanè, non aperta deliria. Quid plura? Pudebat episcopum infirmitatis humanæ, sperabat, admonebat, omnia occultabat.

Jam si commemorare incipiam ea quæ tunc reprehendebat episcopus, incredibilia videbuntur. Narrabat enim mulier in eâdem Vità suâ, se gratiarum copiâ prægravante pressam, mirum, toto corpore turgescentem, dirupturamque vestes, nisi continuò vincula solverentur. Itaque assidere ipsi solitos, tacitosque capere gratiam effluentem; nec aliter levari eam, nisi subjectis velut exundanti ac rupto dolio vasculis. Quid quod eadem eodem in libro memorabat : se esse mulierem illam Joanni apostolo in Apocalypsi soleil; qu'elle enfanteroit un premier-né, qui est l'esprit d'oral

sentiments qu'il avoit pour un ami très intime, apportoit d'autant plus de soin à cette discussion.

Six mois presque entiers ayant été employés à lire et à examiner les livres qui lui avoient été confiés; après une longue et sérieuse conférence avec la dame Guyon, toutes choses bien considérées, l'évêque de Meaux crut être suffisamment instruit pour porter son jugement. Il prononça donc, et par des raisons indubitables il démontra que le genre d'oraison que cette dame pratiquoit étoit erroné, appartenoit au quiétisme; qu'en se donnant à elle-même, et à tout ce qui la concernoit, des louanges excessives, inouïes, et même extravagantes. elle couroit les plus grands risques de se perdre, à moins que, désabusée bientôt d'illusions si grossières, elle ne suivît de meilleurs guides. L'évêque de Meaux s'aperçut aisément qu'on ne le croyoit pas, et que l'abbé de Fénelon révéroit la dame Guyon comme une femme fort extraordinaire. Surpris de cet étrange aveuglement. et déplorant l'erreur d'un si beau génie, jour et nuit il s'occupoit des moyens de l'en retirer peu à peu, et de la manière la plus douce.

Si déja je commençois à rapporter ce que l'évêque de Meaux reprenoit dans les écrits et la conduite de cette femme, on auroit peine à le croire. En effet, elle racontoit elle-même dans sa Vie que, suffoquée par l'abondance des graces dont elle étoit remplie, son corps s'enfloit d'une manière si prodigieuse, qu'elle eût rompu ses habits, si on ne l'eût promptement délacée. Ainsi ceux qui avoient coutume dans ces états de s'asseoir auprès d'elle recueilloient en silence la grace qui découloit de sa plénitude, et elle ne pouvoit être soulagée qu'en se déchargeant dans ces vases, comme le fait un tonneau qui se rompt et répand la liqueur qu'il contient. Que dirai-je de ce qu'elle déclare elle-même dans ce livre, qu'elle est cette femme que saint Jean vit dans l'Apocalypse revêtue du

son, qui devoit régner dans tout l'univers après avoir surmonté tous les efforts de la persécution? et sur ce règne elle débitoit des choses étranges et inouïes; qu'elle étoit cette pierre angulaire représentée au prophète; qu'elle étoit celle dont il est dit: Tout ce que vous lierez, tout ce que vous délierez, sera lié et délié. Et quelles folies, quelles impertinences ne soutenoit-elle pas ?

Bieu plus, interrogée par l'évêque de Meaux sur les demandes qu'elle rejetoit entièrement avec les quiétistes, comme appartenantes à notre intérêt propre : Quoi ! madame, lui dis-je, niez-vous que vous puissiez demander quelque chose à Dieu ? Oui, répondit-elle. Vous ne pouvez donc lui faire cette demande de l'Oraison dominicale: Remettez-nous nos delles? Elle en convenoit. Et moi, repris-je, à qui vous avez soumis votre personne et tout ce qui la regarde, selon le pouvoir que j'en ai, je vous ordonne, et bien plus le Seigneur vous commande par moi, de lui demander cette grace. Quelle fut sa réponse? Je puis, dit-elle, réciter les paroles de mémoire ; mais pour imprimer dans mon cœur la chose qu'elles signifient, l'état d'oraison pure et d'un amour gratuit où je suis élevée, ne me le permet pas.

Lorsque l'évêque de Meaux exposoit toutes ces erreurs, l'abbé de Fénelon s'étudioit, avec tout l'art dont il est capable,; à adoucir et à excuser les discours de cette femme. Tantôt il relevoit la franchise d'une ame droite et sincère ; tantôt il alléguoit saint Paul, qui avoit loué sa personne et ses actions si* pompeusement. Il falloit, ajoutoit-il, éprouver les esprits, et ne les pas condamner avec précipitation. Oui, sans doute, les esprits, et non des rêveries extravagantes et manifestes. Que dirai-je encore? l'évêque de Meaux étoit confus des tristes suites de l'infirmité humaine; mais espérant toujours dissiper l'illusion, il ne cessoit d'avertir, il tenoit secrets tous ces égarements.

Dum hæc agebantur, illustris femina, parique | congregationis præpositus generalis: hos Melpietatis ac modestiæ laude conspicua, accersit densi additos voluere. In eorum potestate se fuepiscopum nihil cogitantem. Jam pridem Guyo- turos, et Guyonia et ipse Fenelonus testabantur. nia aulam penetraverat, Versaliæ occultos con- Scripta commeabant : grandi se volumine Guyoventus egerat, in inclyto et regio Sancti-Cyri nia tuebatur; nec pauciora Fenelonus congeremonasterio miras turbas dederat : à vigilantis- bat. Mira et inaudita promebat: Guyoniæ artisimo episcopo Carnotensi eodem monasterio ficiosissimas excusationes conquirebat:eam prohibita erat unà cum Fenelono, clam cujus magistram facilè agnoscebat, à quâ nempe se præcipua opera mulier utebatur; divulgatà plura majoraque quàm à quibuscumque docto etiam illâ erga assidentes gratiæ effusione, quam ribus didicisse profitebatur et viva voce et diximus. Exinde inter episcopum et illustrissi- scriptis : quietismum utcumque coloratum mirâ mam feminam de quietismi technis retegendis, verborum elegantiâ inducebat. deque Fenelono utrisque amicissimo ab errore revocando communicata consilia : quâ simplicitate, quo utrinque candore, Deus testis est.

Certum consultoribus, si eum statim à sententiâ revocare, et ad Guyoniam condemnandam adducere non possent, arctis tamen finibus coercere virum, ne quidquid collibuisset efferret in vulgus: ejusque rei gratià triginta quatuor Issiacenses articulos concinnabant: Molinosi, Guyoniæ dogmata proscribebant; multa Feneloni aliis intacta damnabant. Ipse nonnihil tergiversatus, subscribebat tamen, ne pollicita penitus inficiari videretur, cùm ad consultores, et privatim ad Meldensem datis litteris, testa

Id autem imprimis cavere oportebat, ne res ad regem permanaret; qui quidem, quâ pietate est, et quo in novatores odio, quiestim iartium gnarus à pessimâ sectâ vehementissimè abhorrebat. Franciscus autem Harlæus, archiepiscopus Parisiensis, pessimè in Guyoniam affectus, et eam arctissimâ custodiâ in quodam monasterio tenuerat, et relaxatam infensissimo animo observabat neque Fenelono favebat; et si qua pate-retur, se, quidquid judicaret, dicto audientem ret nocendi via, eam initurus facile videbatur. Neque ita multò post Guyonia, ab archiepiscopo malè sibi metuens, præsidia conquirebat; amicorumque operâ à rege impetravit, ut darentur consultores quorum judicio staret, Catalaunensis episcopus, nunc archiepiscopus Parisiensis, et Tronsonius presbyter, Sulpicianæ

Pendant que ces faits se passoient, une dame illustre *, aussi recommandable par sa piété que par sa modestie, fit appeler l'évêque de Meaux, qui ne se doutoit pas du sujet de cette invitation. Depuis un temps madame Guyon s'étoit introduite à la cour: elle avoit tenu à Versailles des assemblées secrètes, et causé de grands troubles dans le célèbre et royal monastère de Saint-Cyr, d'où le très vigilant évêque de Chartres l'avoit éloignée, ainsi que l'abbé de Fénelon, qui la secoudoit principalement en cachette. On étoit également instruit de cette effusion

de la grace, dont j'ai parlé, qu'elle répandoit sur ceux qui étoient auprès d'elle. L'évêque de Meaux et l'illustre dame se communiquèrent leurs vues mutuelles sur les moyens de découvrir les tromperies du quiétisme, et de retirer de l'erreur l'abbé de Fénelon, leur ami commun. Avec quelle simplicité, quelle candeur ils le firent l'un et l'autre, Dieu le sait.

Avant tout, on vouloit éviter que l'affaire ne vint aux oreilles du roi, qui certes, selon sa piété, et l'aversion qu'il a pour les novateurs, très instruit des artifices du quiétisme, avoit une extrême horreur de cette secte détestable. François de Harlay, archevêque de Paris, fort indisposé contre la dame Guyon, l'avoit retenue très étroitement captive dans un monastère; et après lui avoir rendu sa liberté, il observoit d'un regard sévère toutes ses démarches. Loin de se montrer favorable à Fénelon, il faisoit bien voir que s'il eût trouvé quelque occasión de lui nuire, il l'eût saisie avec empressement.

futurum, nec ab ejus doctrinâ discessurum unquam. Id etiam verebatur, ne, si subscriptionem denegaret, quietismi deprehensus, non modo omni gratiâ excideret, verùm etiam gravi apud plebem et aulam invidiâ laboraret.

Nam à decem ferè annis, eo vel maximè tem

d'hui archevêque de Paris; M. Tronson, supérieur-général de la congrégation de Saint-Sulpice, étoient ceux que l'on choisit. et que l'on voulut joindre à l'évêque de Meaux. La dame Guyon. et l'abbé de Fénelon même, déclaroient qu'ils se remettoient entièrement à la disposition de ces juges. Les écrits se répandoient: madame Guyon avoit composé un gros volume pour sa défense, et les productions de l'abbé de Fénelon n'étoient pas moins considérables. Il avançoit des choses étonnantes et inouïes, et employoit des excuses très artificieuses pour justifier la dame Guyon. Sans peine il la reconnoissoit pour un maître, de qui il avouoit avoir appris, soit de vive voix ou par écrit, plus de choses et de plus grandes que de quelque docteur que ce soit. Avec des paroles fort élégantes, il insinuoit un quiétisme tant soit peu coloré.

Les trois examinateurs avoient dessein, s'ils ne pouvoient · encore le faire renoncer à ses sentiments, et l'engager à condamner madame Guyon, de le resserrer au moins dans des bornes si étroites, qu'il ne fût pas maître de débiter dans le public ce qu'il lui plairoit. Pour cet effet ils préparèreut les trente-quatre articles d'Issy, où les dogmes de Molinos ct de la dame Guyon furent proscrits, avec beaucoup d'opinions particulières à l'abbé de Fénelon. Après avoir un peu tergiversé, il souscrivit cependant à ces articles, pour ne pas paroître manquer à toutes ses promesses; car il avoit protesté par lettres aux examinateurs de sa soumission, et écrit spécialement à l'évêque de Meaux qu'il acquiesceroit à tout ce qu'il décideroit, et que jamais il ne s'écarteroit de sa doctrine. Il crai

vaincu d'être fauteur du quiétisme, non seulement il ne se privat de toutes les graces auxquelles il pouvoit prétendre, mais qu'il ne s'attirât encore l'indignation de la ville et de la

Peu de temps après, madame Guyon, craignant les effets dugnoit en outre que s'il refusoit de souscrire aux articles, conmécontentement de l'archevêque de Paris, cherchoit de tous côtés du secours pour s'en garantir. Par la protection de ses amis, elle obtint du roi des examinateurs, au jugement des. quels elle devoit s'en rapporter. L'évêque de Châlons, aujour* Madame de Maintenon.

cour.

Et en effet, depuis environ dix ans, dans le temps surtou

quemquam susciperet in viis spiritualibus dirigendum; ipsa frequentaret postulationes aliosque actus christianis imperatos. Hæc illa est commendatio, quam ab episcopo se tulisse gloriatur. Hæc jussa suscepit, his etiam subscripsit, ut acta demonstrant à quibus exequendis quàm postea abhorruerit, non est hujus loci dicere.

pore quo in Molinosum decreta fervebant, ip- | bus; ut à docendo et scribendo abstineret ; ne sum Fenelonum inter Guyoniæ amicos et sectæ fautores variis rumusculis recensebant ; et Molinoso studentes angli protestantes, edito in Hollandia libro de ejusdem Molinosi rebus et scriptis, Fenelonum ipsum ejus occultum defensorem prædicabant. His itaque motus, Articulis subscribebat; ac ne illa subscriptio in retractationis suspicionem traheretur, consultoribus visum ultro eum quartum adciscere, qui secum de re maximâ disceptaret: adeo ejus nomini famæque parcebant; eumque emendatum, non perditum, quod absit, ac dehonestatum volebant.

Hæc igitur agebantur unâ consciâ eâ, quam memoravimus, illustri feminâ, quâ amicissimâ, atque, ut aiunt, patronâ Fenelonus utebatur, Ea autem assidue hortabatur virum, ut à pessimæ sectæ pravæque mulieris defensione desisteret: ipse se modestissimum et obedientissimum præferebat; tantoque silentio peractæ res sunt, ut eum interim rex maximus Cameracensem archiepiscopum desiguaret.

Interea Guyoniam, ultro postulantem, Meldensi episcopo curandam tradidere. Translata ad moniales Meldenses egregias, triginta quatuor Articulis, censurisque episcoporum Meldensis et Catalaunensis in libros suos latis subscribebat ipsos etiam libros, ut qui pravam doctrinam continerent, manu propriâ proscribebat. Omnia pollicebatur: ab episcopo denique ferebat obedientiæ testimonium his conditioni

où les décrets contre Molinos étoient encore récents, ses partisans répandoient à petit bruit que l'abbé de Fénelon luimême étoit des amis de madame Guyon, et attaché à la secte. Les protestants anglois, dévoués à Molinos, dans un livre imprimé en Hollande sur la conduite et les écrits de ce chef des quiétistes, publioient que cet abbé étoit un de ses défenseurs cachés. Déterminés par toutes ces considérations, l'abbé de Fénelon signa les articles d'Issy. Mais, de peur que cette signature ne passât pour une rétractation, les examinateurs résolurent d'eux-mêmes de se l'associer comme un quatrième juge, qui discuteroit avec eux cette matière importante: tant ils ménageoient son nom et sa réputation, et tant ils desiroient de le corriger, et non de le perdre, ce qu'à Dieu ne plaise, ou de le déshonorer.

L'illustre dame dont j'ai fait mention, très amie et grande protectrice de l'abbé de Fénelon, étoit la seule qui fût instruite de ces conférences. Elle ne cessoit de l'exhorter à abandonner la défense d'une secte si perverse, et d'une femme si dangereuse. Pour lui, il se déclaroit alors, avec beaucoup de modestie, très soumis à ce qui avoit été décidé. Toutes ces choses se traitèrent dans un si grand secret, que sur ces entrefaites le roi nomma l'abbé de Fénelon à l'archevêché de Cambrai.

Cependant la dame Guyon, à sa propre réquisition, fut confiée à l'évêque de Meaux, pour en prendre soin. On la transféra dans un monastère distingué de son diocèse: elle souscrivit aux trente-quatre articles, et à la condamnation que les évêques de Meaux et de Châlons avoient faite de ses livres, les proscrivant elle-même de sa propre main, comme contenant une mauvaise doctrine. Enfin elle promettoit tout ce qu'on exigeoit d'elle: l'évêque de Meaux lui donna une attestation

Eò deventum est ut novus archiepiscopus consecrationis munus acciperet delectus ab ipso Meldensis episcopus, qui, assistente etiam Catalaunensi episcopo, sacro officio fungeretur. Uno alterove circiter ante consecrationem die, ipse archiepiscopus flexis genibus episcopi dexteram osculatus : Per hanc ego, inquit, dexteram, quâ me consecratum volo, polliceor me à tuâ doctrinâ nunquam recessurum. Quod, uti prædiximus, multis jam litteris significaverat, nec unquam omnibus modis significare cessabat: cujus rei testes eædem epistolæ fidem facient. Hæc autem episcopus suscipiebat libens, satis sibi conscius quàm nihil novi, nihil suspecti traderet, doctrinamque omnem suam à Patribus mutuaret.

Unus hærebat scrupulus, de Guyoniâ nondum ab archiepiscopo apertis vocibus improbatâ: id autem ut præstaret, quantùm poterat agebat episcopus. Itaque cùm in eo esset ut librum ederet de statibus orationis; in quo artificiosissimæ feminæ dogmata et libros confutaret, eum archiepiscopo examinandum approbandumque tradidit; in eam spem adductus, ut per

de sa soumission, à ces conditions: qu'elle s'abstiendroit désorinais d'enseigner et d'écrire. qu'elle ne se chargeroit plus de diriger personne dans les voies spirituelles, qu'elle feroit les prières et les autres actes commandés aux chrétiens. Teiles sont les clauses de cette attestation, qu'elle se glorifie d'avoir reçue de l'évêque de Meaux ; tels sont les ordres qu'elle reçut. auxquels elle souscrivit, comme les actes le prouvent. Mais ce n'est pas ici le lieu de dire combien elle témoigna dans la suite d'opposition à s'y conformer.

Le moment arriva où le nouvel archevêque devoit être consacré. Il choisit pour son ordination l'évêque de Meaux, lequel, assisté de l'évêque de Châlons, en fit la cérémonie. Un jour ou deux avant son sacre, cet archevêque à genoux devant l'évêque de Meaux, lui baisa la main droite, et lui dit : Par cette main dont je veux être sacré, je vous promets de ne jamais m'écarter de votre doctrine. C'étoit la même protestation qu'il avoit déja faite dans plusieurs de ses lettres, et qu'il ne cessoit de renouveler en toutes les manières possibles: ces mêmes lettres font foi de ce que j'avance. L'évêque de Meaux recevoit sans peine ces témoignages de soumission, bien assuré que pour lui il n'enseignoit rien de nouveau, rien de suspect, et qu'il avoit puisé toute sa doctrine dans les Pères.

Cependant il lui restoit encore quelque sujet de défiance, attendu que cet archevêque n'avoit pas expressément condamné la dame Guyon. L'évêque de Meaux faisoit tout ce qu'il pouvoit pour l'y engager. Dans cette vue, comme il devoit bientôt publier un livre sur les états d'oraison, où il réfutoit les principes et les écrits de cette femme artificieuse, il le donna à examiner à l'archevêque de Cambrai pour qu'il l'approuvât. Il es

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