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quel point j'en suis pénétré. Je sais assez quels sont vos sentiments sur la matière dont vous me parlez; et je puis vous assurer que si vous m'eussiez entendu parler aux Carmélites, vous auriez trouvé que je ne pouvois me déclarer plus fortement et plus précisément contre tout ce qui peut favoriser l'illusion.

Quand j'aurai l'honneur de vous voir un peu à loisir, je vous dirai quelque chose qui n'est rien moins qu'essentiel, et sur quoi je ne croirois peut-être pas entièrement ce que je m'imagine que vous croyez mais je déférerai toujours avec joie à tous vos sentiments, après vous avoir exposé les miens.

:

Quand vous voudrez, je me rendrai à Meaux et à Germigny, pour passer quelques jours auprès de vous, et pour prendre à votre ouvrage toute la part que vous voudrez bien m'y donner. Je serai ravi, non pas d'en augmenter l'autorité, mais de témoigner publiquement combien je révère votre doctrine. Ce que je vous demande en attendant, au nom de notre Seigneur, qui vous a donné tant de lumières, c'est de l'écouter intérieurement, de souffrir que les petits vous parlent, et de vous défier de tout préjugé. Lui seul sait comment vous êtes dans mon cœur. Je me réjouis sur ce qu'on me mande que vous êtes nommé conservateur des priviléges de l'Université **. Ces sortes de titres dorment sur certaines têtes; et sur d'autres ils peuvent servir à redresser les lettres. Je vous conjure, monseigneur, de ne douter jamais de mon attachement tendre et fidèle à vous respecter. A Cambrai, ce 48 décembre 1695.

de Rebais, qui ont désavoué. Le procureur général écrit de Rome, in verbo sacerdotis, qu'il n'a rien su, et on a commencé à le croire. Il est certain, en tout cas, qu'on ne les peut pousser plus loin que le désaveu. Pour le remède qu'on apportera à ces entreprises, il faut s'en reposer sur le parlement, et je ne m'en mêle pas.

Quant à la défense de la doctrine de France, je vois, monseigneur, tout ce que vous voyez; mais Dieu m'a de tout temps mis dans le cœur qu'il falloit, en toute occasion convenable, défendre la vérité pour elle-même, sans aucune vue de récompense sur la terre; et que cela même valoit mieux que toutes les récompenses. Jésus-Christ me met maintenant à cette épreuve, et même encore à une plus rude, puisqu'il faut même s'exposer à un abandon parfait à la Providence contre tout ce qui pourra venir de Rome. Voilà ce que je ressens que Dieu me demande; et tout résolu que je suis, j'avoue que la foiblesse humaine a besoin d'être fortifiée dans cet état. Dans le fond, je suis heureux qu'il n'y ait pour moi que l'attente de cette promesse : il vous sera rendu dans la résurrection'.

J'aurois seulement à souhaiter que la défense de saint Augustin et de la grace eût précédé cet ouvrage, pour ne pas attirer sur l'un la haine qu'on aura pour l'autre ; mais il faut suivre les conjonctures, et en cela même tout abandonner à la Providence.

Pour ce qui regarde madame Guyon, s'il faut encore qu'on dise qu'elle m'a trompé parcequ'elle m'a menti, j'y consens; et il me suffit d'avoir agi selon la règle. A présent qu'on voit son mensonge, on doit agir autrement. Mais quand je l'ai crue, il n'y avoit aucun acte contre sa personne, et l'extérieur de la soumission étoit entier. Je crois qu'à ce coup on ne songera qu'à la renfermer, et je ne sais pas comment. L'ouvrage contre les quiétistes ne m'arrêtera fort peu: outre la partie que vous avez vue, dans la défense de la vérité; sur madame Guyon, et qui n'a dû être que la seconde, j'en ai fait une autre aussi grande depuis votre départ.

LETTRE XLIX.

DE BOSSUET A M. DE LA BROUE.

Sur un bref qu'un religieux de Rebais avoit fobtenu de
Rome en faveur de l'exemption; sur ses dispositions

l'ouvrage du prélat contre les quiétistes.

Les remarques, monseigneur, de votre dernière lettre sont justes. On a ouï au parlement le religieux particulier, qui n'a répondu que sur son fait, et a déchargé ses supérieurs. On a ouï aussi le général de Saint-Maur et le prieur

* L'ouvrage dont il s'agit ici est l'Instruction sur les États d'oraison, que M. de Cambrai devoit approuver, ce qu'il refusa pour les raisons qui sont marquées dans la Relation de M. de Meaux.

**Bossuet fut nommé conservateur des priviléges de l'Université, le 14 décembre 4695, à la place de M. de Harlay, archevêque de Paris, mort le 6 août précédent. (Édit. de Vers.)

que

A Paris, ce 18 février 1696.

LETTRE L.

DE BOSSUET A M. TRONSON.

Il lui envoie ses Méditations sur le Jubilé, et lui demande des éclaircissements sur deux lettres de M. Olier.

Je vous envoie, monsieur, cette petite Médi

4 Luc. xiv. 14.

*Il s'agit de la Défense des quatre articles du clergé de France, qu'il sentoit ne devoir pas plaire à la cour de Rome.

tation sur les indulgences. Elle est faite principalement pour mon diocèse, et ainsi j'en donne très peu; mais, monsieur, je ne puis oublier la sainte société que Dieu a mise entre nous pour l'ouvrage où nous avons travaillé sous ses ordres dans une si parfaite union, et je ne veux rien faire sans vous en donner part.

On m'objecte souvent l'autorité de M. Olier, et entre autres deux de ses lettres : la LXXIII et la xc. Je vous prie de les faire examiner, ou de m'en expliquer par vous-même, à votre loisir, l'esprit et la doctrine.

LETTRE LII.

DE BOSSUET A L'ABBÉ BOSSUEt, son neveu.

Sur son voyage, le livre de Marie d'Agréda, l'Apologie des moines de Scythie par le cardinal Noris.

Soyez le très bien arrivé à Pise, vous et votre compagnie *. Nous attendons la suite de vos relations, afin de les faire imprimer, comme celles de M. l'abbé de Choist sur le voyage de Siam. Nous venons du sacre de M. de Châlons **, fait assistants MM. de Chartres et de Laon. par M. l'archevêque à Notre-Dame. Il avoit pour

La Faculté a nommé des commissaires pour examiner le livre de la mère d'Agréda ***. Les gens de bien et les vrais savants sont terriblement soulevés. Il a été censuré à Rome par dé**** des cardinaux de l'inquisition, confirmé

Dans toute cette matière, il faut, monsieur, sur toutes choses se rendre attentif aux équivoques des nouveaux auteurs, qui, en faisant semblant de tout accorder, réservent tout le venin dans de petits mots ambigus. J'ai bien envie de vous entretenir sur cela, et ce sera au pre-cret' mier loisir. Prions pour les périls de l'Église, attaquée plus finement que jamais sous prétexte de piété. Je suis, monsieur, très sincèrement, etc.

A Paris, 21 mars 1696.

LETTRE LI.

DE FÉNELON A BOSSUET.

Il lui allègue différentes raisons pour remettre à un autre temps l'examen de l'Instruction sur les États d'oraison, que Bossuet desiroit qu'il approuvât.

Si vous avez, monseigneur, quelque chose à m'envoyer, je vous supplie de ne me l'envoyer pas si tôt. J'ai attendu à Cambrai, le plus longtemps qu'il m'a été possible, ce que vous m'aviez fait l'honneur de me promettre. Mais enfin, je n'ai pu m'empêcher d'aller à Tournay faire mes visites dans la partie de la ville qui est de ce diocèse. De là je suis venu ici, où j'ai beaucoup d'affaires; ensuite j'irai à Condé, à Mons et à Maubeuge, où j'en trouverai encore davantage. Ainsi, monseigneur, je ne puis retourner à Cambrai que pour le concours, pendant lequel je n'aurai point de temps libre. Quand il sera fini, j'irai faire un tour à Versailles; et je crois qu'il vaut mieux remettre jusqu'à ce temps-là ce que vous souhaitez que je fasse. Je compte demeurer en ce pays jusqu'au commencement de juillet. La multitude innombrable des troupes, et le mouvement où elles sont, agitent beaucoup toute cette frontière. Jugez quelle discipline il peut y avoir dans un pays si désolé. Rien n'est plus sincère que le zèle et le respect avec lequel je vous serai dévoué, monseigneur, jusqu'au dernier soupir.

A Valenciennes, ce 9 mai 1696.

"L'abbé Phelippeaux, dont il sera souvent parlé dans la suite.

** Gaston de Noailles, qui succédoit à son frère, devenu archevêque de Paris.

***La Faculté censura en 1697 plusieurs propositions de son livre intitulé la mystique Cité de Dieu, etc. On peut consulter la critique que Bossuet a faite de cet ouvrage ; tom. vII. **** Voici ce décret : « In generali congregatione sanctæ ro» manæ et universalis inquisitionis, habitâ in palatio aposto»lico apud Sanctum Petrum, coram SS. D. N. D. Innocentio, » divinâ Providentiâ papå XI, ac eminentissimis et reveren» dissimis dominis S. R. E. cardinalibus, in totâ republicâ chris» tiana contra hæreticam pravitatem generalibus inquisitoribus, » à sanctâ Sede apostolicâ specialiter deputatis.

› Prodiit idiomate hispanico impressum opus in tres par»tes et quatuor tomos divisum, quorum tamen duo in in>scriptione habent: Primera parte; sed alter eorum continet præter dedicatoriam, approbationes et prologum > integrum, etiam relationem vitæ Autricis infrà scriptæ : » nam aliis omnibus et singulis eadem inscriptio præfigitur talis: Mystica Ciudad, etc.

› Cujus operis omnes præfatas partes ac tomos SS. D. N. D. » Innocentius papa XI, auditis eminentissimorum et reverendissimorum dominorum cardinalium prædictorum votis, » prohibendos esse sanxit; itâ ut nemini, cujusvis conditio» nis ac gradûs, illos legere vel retinere liceat, vel impri» mere, vel imprimi facere, sub pœnis in sacro concilio Tri» dentino et in indice librorum prohibitorum contentis; dis»tinctèque mandat ut ab unoquoque eorum quem habere » contigerit, vel omnes, vel aliquam ex prædictis partibus ac tomis, à præsentis decreti notitiâ statim sub eisdem pœnis > ad ordinarios vel inquisitores deferantur, eisque consignentur, non obstantibus in contrarium quibuscumque. » Ce n'étoit pas sans fondement que l'inquisition romaine

condamnoit le livre de Marie d'Agreda. Mais les cordeliers d'Espagne sollicitèrent si bien le Pape, en faisant intervenir dans cette affaire le roi catholique, qu'ils obtinrent la suspension d'Espagne ; après quoi l'inquisition d'Espagne se crut en droit du décret. Innocent XI écrivit pour cet effet un bref au roi d'ordonner la révision du livre, et de déclarer par un décret qu'elle n'avoit trouvé dans ce livre ni hérésie, ni erreur, ni avoient une pleine liberté de le lire sur toutes les terres de scandale, ni mauvaise doctrine, et que toutes personnes sa Majesté catholique. Les inquisitenrs romains furent très choqués de la conduite de l'inquisition d'Espagne. Le Pape envoya tous les écrits, faits de part et d'autre sur cet objet, à la congrégation du Saint Office, avec ordre d'examiner af. faire à fond. Mais celle de Molinos, qui survint, fit oublic,

par le pape Innocent XI, le jeudi 26 juin 1681, et la censure affichée à l'ordinaire, le 4 août 1681. Tâchez de nous envoyer l'imprimé de cette censure, de la même année à Rome.

J'attends aujourd'hui l'Apologie de M. le cardinal Noris, dont il m'a honoré par le père Estiennot **. J'ai impatience de la voir. Je salue M. Phélippeaux, sans oublier M. l'abbé de Gomer.

A Paris, ce 20 mai 1696.

LETTRE LIII.

DE FÉNELON A BOSSUET.

Il lui marque tous les embarras où il se trouve, qui l'empêchent de s'occuper de la lecture de l'ouvrage du prélat.

Je reçois, monseigneur, avec beaucoup de reconnoissance les marques de votre bonté. Me voici dans une visite pénible, que je n'ai pu retarder. Quand elle sera finie, j'aurai l'embarras du concours et de l'ordination. Si j'avois reçu ce que vous voulez que je voie, pendant le carême, j'aurois été diligent à vous en rendre compte. Dès que je serai débarrassé, je partirai pour aller à Versailles recevoir vos ordres. En attendant, je vous supplie de croire, monseigneur, que je n'ai besoin de rien pour vous respecter avec un attachement inviolable. Je serai toujours plein de sincérité pour vous rendre compte de mes pensées, et plein de déférence pour les soumettre aux vôtres. Mais ne soyez point en peine de moi, Dieu en aura soin le lien de la foi nous tient étroitement unis pour la doctrine; et pour le cœur, je n'y ai que respect, zèle et tendresse pour vous. Dieu m'est témoin que je ne ments pas. La métaphysique ne peut marcher, dans les embarras où je me trouve. Je n'entends parler que des maux de la guerre et de ceux de l'Église sur cette frontière. J'en ai le cœur en amertume, et ma tête n'est guère libre pour les choses que j'ai le plus aimées. Encore une fois, monseigneur, je vous suis dévoué avec tous les sentiments respectueux que je vous dois.

A Mons, ce 24 mai 1696.

Marie d'Agréda et son livre, et depuis on n'en parla plus à Rome.

Avez-vous vu, monseigneur, l'ouvrage du père Lami contre Spinosa *? Auriez-vous la bonté de me mander ce que vous en pensez?

LETTRE LIV.

DE BOSSUET A SON NEVEU.

Il l'entretient des lettres très obligeantes écrites sur cet abbé par le grand-duc de Toscane et l'abbé de Gondi.

Nous reçûmes samedi vos lettres du 11; elles ont fourni un agréable entretien à toute la famille. J'ai vu sur cela, dès hier matin, M. le marquis Salviati, qui m'a envoyé ce matin une lettre de monsieur le grand-duc, qui parle de vous en termes très obligeants. M. l'abbé Renaudot m'en a aussi apporté une fort honnête sur votre sujet, de M. l'abbé de Gondi. J'écris par cet ordinaire à Son Altesse, et à MM. de Gondi, Salviati et Ricasoli.

Je fais aussi vos remerciments à M. Dupré **, dont je vis hier la sœur. Nous attendons avec impatience les nouvelles de Rome : il me semble que vous ferez bien de faire un petit journal de ce que vous verrez et apprendrez. Nous vous demanderons les nouvelles c'en a été pour vous une bien fâcheuse que celle de la mort de M. de La Bruyère ***. Toute la cour l'a regretté, et M. le Prince plus que tous les autres. M. d'Aquin, ancien premier médecin, s'est tué aux eaux, par son art, en agissant contre l'avis de ses confrères des provinces.

Je verrai les mesures qu'on pourra prendre pour avoir de bonne main les portraits de nos beaux princes ****; et pour les livres j'y donnerai ordre.

Je reçus hier par M. l'abbé de Louvois l'Apologie de M. le cardinal Noris, dont cette Éminence m'a fait présent : faites-lui-en bien des compliments de ma part. Je n'en ai vu que lamoitié; et quand j'aurai tout lu, j'écrirai moi-même. Le style est noble et savant, la théologie exacte, les remarques judicieuses. Son ennemi

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*M. l'archevêque de Cambrai donna à cet ouvrage son approbation, en date du mois de juin 1696. **Correspondant de l'abbé Bossuet à Florence.

*** Il est assez connu par ses Caractères. Bossuet l'avoit mis

* C'est l'Apologie de cette proposition des moines de Scy- auprès de M. le Duc. pour lui apprendre l'histoire. It mourut thie: Un de la Trinité a souffert dans sa chair.

** Il étoit bénédictin, procureur général de la congrégation de Saint-Maur en cour de Rome, très estimable par sa vertu, ses talents, son application, qui le rendoient infiniment cher à dom Mabillon et à tous ses confrères occupés de travaux littéraires. Il les a beaucoup aidés par ses recherches et ses recueils immenses, et il sera bien des fois mention de lui dans toute la suite de cette correspondance.

d'apoplexie le 10 mai 1696, très regretté de ses amis, et surtout de l'évêque de Meaux, auquel il étoit fort attaché.

**** Le grand-duc de Toscane desiroit ces portraits, ainsi que les ouvrages du prélat.

***** Cet ennemi étoit un anonyme, qui, sous le nom simulé d'un Docteur de Sorbonne scrupuleux, s'étoit élevé avec beaucoup de violence contre l'Histoire du pelagianisme de ce savant cardinal.

est à bas, sans avoir sujet de se plaindre. Je vous prie de bien assurer de mes très humbles respects M. le cardinal de Janson. J'attends avec impatience des nouvelles de votre arrivée auprès de lui.

A Paris, ce 28 mai 1696.

LETTRE LV.

DE BOSSUET A SON NEVEU.

Sur les choses obligeantes que le grand-duc de Toscane marquoit de cet abbé; les dissertations du cardinal Noris; et la censure sollicitée à Rome par les carmes contre Papebrock.

LETTRE LVI.

DE BOSSUET A M. DE LA BROUE.

Sur les déguisements de madame Guyon, et tous les efforts de ses partisans en sa faveur.

Je voudrois bien, monseigneur, vous pouvoir écrire certaines choses qui se passent: vous verriez que je n'oublie pas celles que vous me recommandez avec tant de raison si pressamment. Je tâcherai de vous envoyer au plus tôt ce qui regarde le quiétisme. Vous ne sauriez croire ce qui se remue secrètement en faveur de cette femme : mais enfin on me paroît résolu de la renfermer loin d'ici, dans un bon château, et de lui ôter tout commerce. Ses déguisements sont

Je vous crois présentement à Rome, et je sou- évidents; on en a la preuve ; et cependant ses partisans ne reviennent point. Si l'on vous pouhaite apprendre bientôt que vous y êtes arrivé voit tout mettre sur le papier, vous verriez bien en bonne santé avec votre compagnie. Je crois vous avoir mandé que les compli- J'ose vous dire seulement que, si je lâchois le des choses qui vous feroient beaucoup de peine. ments que je faisois au grand-duc sur votre su-pied, tout seroit perdu: mais jusqu'ici on n'a jet furent prévenus d'une réponse de ce prince rien pu gagner contre moi; et je ne crois pas à la lettre que vous lui aviez présentée de marie part, où il fait de vous une agréable peinture. qu'on gagne rien, tant que je serai en vie. Je On a pris grand soin, dans cette cour, de nous suis, monseigneur, comme vous savez, etc. faire savoir que vous y aviez donné satisfaction; et je reçois encore à présent une lettre de M. de Ricasoli la plus obligeante du monde.

J'ai fait les diligences qu'il falloit pour vous procurer les tableaux des princes. Je n'ai pu parler au roi, ni de cela, ni de votre voyage, à cause de sa goutte. Il se porte très bien à présent.

M. de Beauvilliers étoit aux eaux; mais M. l'abbé de Langeron s'est chargé de lui en parler.

J'ai lu les dissertations dont M. le cardinal de Noris a bien voulu me faire présent. Ce sont des pièces achevées, en savoir, en élégance, en délicatesse; et je vous prie de le bien dire à Son Eminence, en attendant que j'aie l'honneur de

lui en écrire.

On parle beaucoup ici de la censure qu'on médite à Rome contre Papebrock en faveur des carmes, sur leur descendance d'É'ie. J'ai une thèse de ces Pères sur ce sujet, de la dernière impertinence. Je souhaite de tout mon cœur qu'il ne parte rien de Rome qui ne convienne à sa dignité.

A Paris, ce 7 juin 1696.

* Le démêlé du père Papebrock avec les carmes fut fort vif. Ils ne purent le faire censurer à Rome; mais ils eurent le crédit d'obtenir, au mois de novembre 1695, un décret de l'inquisition d'Espagne, qui condamne les quatorze premiers vo lumes des Actes des saints, donnés par les pères Henschénius et Papebrock, jésuites,

A Paris, ce 7 juin 1696.

LETTRE LVII.

DE M. PIROT, DOCTEUR DE SORBONNE,
A MADAME GUYON *.

Il lui expose tout ce qu'elle doit faire pour sortir de ses
erreurs, et réparer les scandales qu'elle a causés.

Vous ne devez pas être surprise, madame, si, jusqu'à cette heure, je n'ai pas voulu entrer en matière avec vous pour vous entendre en confession, comme vous me témoignâtes le souhaiter dès la première visite que j'eus l'honneur de vous rendre où vous êtes : ce fut le mercredi saint; vous en ayant rendu deux depuis, le vendredi saint et le vendredi de la semaine de Pâques. Vous voulûtes d'abord commencer par vous mettre à genoux, comme pour vous confesser; et je vous témoignai qu'il falloit qu'avant que de parler de sacrement avec vous, j'eusse l'honneur de vous entretenir en conversation sur ce qui étoit connu dans le monde de votre affaire, pour reconnoître votre disposition présente à cet égard, et juger par-là si vous étiez en état qu'on pût à coup sûr vous recevoir aux sacrements.

* Cette lettre confirmant et développant plusieurs points de celles de Bossuet, et ayant sûrement été écrite de concert avec lui, nous la donnons sous sa date, selon l'intention du prélat, qui l'avoit conservée parmi les siennes, et cotée de sa main,

Je vous proposai dans ces trois visites le préa- | de votre main, à la faveur d'une plume et d'une lable, qui me paroissoit nécessaire avant que d'en venir à la confession, qu'il ne convenoit pas de faire de votre part, ni de recevoir de la mienne, que vous ne fussiez résolue de faire ce que je croyois pour vous, après tout ce qui s'est passé à votre sujet d'une obligation indispensable. J'eus l'honneur de vous l'expliquer au long dans ces visites; je le fis le plus nettement que je pus, gardant, autant qu'il me fut possible, toutes les mesures du respect que je vous dois; et je crois vous en devoir faire ici l'abrégé, pour vous les remettre en mémoire.

sorte d'encre que votre industrie vous fournit, daté de la veille, le jeudi saint 19 avril à Vincennes : c'est comme vous vous exprimez, Fait dans la tour de Vincennes, le 19 avril 1696. Si ce papier, qui demeura entre vos mains, et que je ne doute pas que vous ne voulussiez bien signer, étoit bien sincère, et que vous y donnassiez sans équivoque et sans aucune réserve, à la condamnation que vous y dites que vous faites de vos livres, toute l'interprétation qu'on y devroit donner naturellement, et aussi étendue que portent ces termes dans l'usage qu'on en fait ordinairement, et la signification qu'on a coutume de leur attacher; je ne demanderois rien de plus; et cela, bien entendu, renfermeroit tout ce qu'on pourroit desirer de vous. Mais permettez-moi, madame, de vous dire que ce que je sais de votre affaire m'empêche d'être content de ce papier, et me fait exiger de vous une plus ample explication.

J'ai lu vos livres imprimés, et celui qui porte pour titre les Torrents, qui n'est encore que manuscrit ; et j'eus l'honneur de vous porter l'extrait que j'ai fait, il y a long-temps, du Moyen court, que je vous parcourus le vendredi saint, pour vous en faire remarquer les erreurs, en

Comme vous avez eu le malheur de prendre sur le sujet de l'oraison de fausses idées, soit que le guide que vous avez consulté sur cela n'ait fait que les entretenir, ou qu'il vous les ait inspirées, et que vous les ayez reçues de lui; en un mot, que la conduite que vous avez suivie en cela vous a engagée à écrire des livres qui ont scandalisé l'Église par les erreurs qu'ils contiennent, et vous ont attiré une condamnation solennelle de quelques évêques, et particulièrement de feu monseigneur l'archevêque, dans le diocèse duquel vous viviez le plus, faisant votre séjour ordinaire à Paris, et de deux autres évêques, au jugement de qui vous avez bien voulu vous en rapporter, dont l'un est pré-vous représentant une feuille imprimée à Rome, sentement monseigneur l'archevêque, votre supérieur naturel et légitime; vous ne pouvez, madame, être admise à la participation des sacrements, que vous ne rétractiez vos erreurs qu'ils ont condamnées. C'est l'obligation de tous ceux dont les ouvrages ont été condamnés par l'Église, de les rétracter: c'est la première démarche qu'ils doivent faire pour demeurer dans la communion de l'Église, quand ils n'en sont pas sortis. Vous faites profession de vous y être toujours conservée ; vous regardez l'Église comme votre mère. Vous protestez, dites-vous, dans une déclaration que vous avez vous-même écrite à Vincennes, entre ma première et ma seconde visite, « de croire tout ce qu'elle croit, de >> condamner tout ce qu'elle condamne, sans >> exception. » Vous dites que « ce sont les sen» timents dans lesquels vous avez toujours vécu, » et dans lesquels vous voulez vivre et mourir, » étant prête, avec la grace de Dieu, de répan>>dre votre sang pour la vérité que l'Église en»seigne. »> Vous ajoutez, dans ce même papier, « que vous vous soumettez de tout votre cœur » à la condamnation que monseigneur l'arche» vêque de Paris a faite de vos livres, lorsqu'il » étoit encore évêque de Châlons. »>

C'est tout ce que porte l'acte que vous me montrâtes le jour du vendredi saint, tout écrit

où le Moyen court et la Règle des Associés sont condamnés, non pas, comme vous me dites que vous le croyiez, depuis que vous êtes de retour de Meaux, et à la sollicitation de M. de Meaux, mais long-temps avant les ordonnances de Paris, de Châlons et de Meaux, le 29 novembre 1689, sous Alexandre VIII: comme le livre latin de l'Analyse du P. La Combe y avoit été aussi condamué l'année précédente, le 9 septembre 1688, sous le pontificat d'Innocent XI; de laquelle condamnation je vous fis encore en même temps voir la feuille imprimés à Rome, pour répondre à ce que vous m'avanciez, que cette Analyse avoit été approuvée à Rome par une congrégation. Vous croyez bien que je suis instruit des ordonnances qui ont été faites en France sur vos livres et sur celui du P. La Combe.

Je sais que vous avez donné deux actes de soumission à monseigneur de Meaux; dont le premier étoit pour les XXXIV Articles, et l'autre pour son ordonnance et pour celle de monseigneur de Châlons, présentement archevêque de Paris; et qu'après il vous donna un témoignage que vous souhaitâtes, aux conditions qui y sont marquées. Nous lûmes tout cela dans la chambre où vous êtes, et je vous en fis voir des copies de bonne main. J'ai cru aussi devoir lire tous vos interrogatoires, sans parler de ceux

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