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leurs assemblées, ni de ce qui s'y résoudroit, et ont paru trouver très extraordinaire l'ordre qu'ils ont reçu.

Cela m'a donné occasion d'en parler fortement ici, et d'en faire parler au Pape, pour l'engager à révoquer cet ordre, qui n'est bon à rien, qui ne sert que de prétexte aux malintentionnés, qui est contre toutes les règles du saint-office, et nuit au secret si nécessaire pour finir, et pour bien finir.

et clair, et démonstratif : c'est tout ce qu'il faut.

Il y a long-temps que j'ai présenté un de vos livres à M. le cardinal Nerli, qui est assurément un personnage. Le cardinal de Bouillon est assez de ses amis; le père Damascène aussi : je l'ai trouvé un peu prévenu. J'ai été une heure et demie avec lui ce matin. Comme il est homme capable d'entendre, bien intentionné, qui aime qu'on l'instruise, et qui sait bien le françois, j'espère lui faire connoître la vérité. Je lui ai déja levé bien des nuages qu'il avoit sur le procédé, et sur ce qu'on avoit tâché de lui insinuer. Je

appliqués du saint-office. C'est le seul cardinal, avec le cardinal Spada, que M. de Chanterac ait vu jusqu'à cette heure. Il est fort ami, ce me semble, du cardinal d'Estrées. Si ce cardinal pouvoit lui faire savoir, non seulement l'état des choses, mais le procédé de M. de Cambrai, celui des évêques à son égard, le scandale que cause le livre, et l'improbation générale qui a éclaté contre, cela feroit un bon effet. Car vous ne sauriez vous imaginer avec quelle application et quelle adresse on insinue ici le contraire, et que c'est une cabale où l'on a fait entrer le roi. Cela répandu par M. le cardinal de Bouillon, et par gens qui semblent n'y avoir aucun intérêt, fait d'abord effet.

Je ne puis pas encore répondre de ce qui se fera positivement; mais j'espère, par le premier ordinaire, pouvoir vous mander une résolution fixe de Sa Sainteté, de renvoyer à la congréga-continuerai à le voir souvent : c'est un des plus tion des cardinaux tout ce qu'on lui demandera sur cette affaire, et, en particulier, un ordre aux examinateurs de ne point changer leur manière ordinaire de procéder avec les parties. C'est une chose juste, qui n'empêche pas qu'on n'écoute les raisons de M. de Cambrai, et qu'on n'examine ce qu'il voudra donner pour sa défense; mais qui prévient mille inconvénients et mille chicaneries. J'espère faire prendre cette bonne résolution avant que le cardinal de Bouillon ait vent qu'on ait ce dessein, et qu'on rompt ses mesures. Je suis assuré que cela ne lui plaira pas: quand cela sera assuré, je lui en parlerai, supposant toujours qu'il approuve tout ce qu'on fait pour empêcher les longueurs. Si mes démar⚫ches ne réussissent pas, je prendrai peut-être la résolution de demander une audience à Sa Sainteté, pour lui représenter mes raisons; mais je ne ferai rien que de l'avis du cardinal Casanate et du cardinal Spada.

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On tint donc, vendredi 25, la troisième conférence, où l'on continua les préliminaires: on a parlé fortement contre le livre en général. Jusqu'ici, tout va bien; on étudie la matière, on a les livres. Le père Massoulié, le père Granelli, le père Le Mire, le père procureur général des augustins, le maître du sacré palais, sont les plus savants, sans difficulté, et font bien. Le père Damascène étoit à la campagne : le père Gabrieli et le père Alfaro parlèrent peu. La première conférence se tiendra lundi 4 de novembre, parceque c'est le premier jour libre à cause des fêtes on commencera à entrer dans le détail des propositions.

J'ai reçu les remarques, qui sont excellentes je crois qu'il les faut traduire en latin, et retrancher les qualifications. Si ceux que je consulterai là-dessus, qui seront le cardinal Casanate et le cardinal Noris, le jugent à propos, j'en ferai faire des copies, et les donnerai pour instruction. Jusqu'ici, c'est mon dessein; à moins que je n'y voie quelque nouvelle difficulté. Cela est court

Ce matin je ne suis point entré chez le cardinal Marescotti, parceque M. de Chanterac y étoit : celui-là est ami particulier de M. le cardinal de Bouillon; mais je l'ai bien instruit, il y a longtemps. Ce cardinal et le cardinal Nerli sont cardinaux papables.

Je reconnois tous les jours de plus en plus l'intérêt que M. le cardinal de Bouillon prend pour M. de Cambrai. Le cardinal Albani * est fort ami de ce cardinal, et il est certain qu'en cette affaire-ci M. le cardinal de Bouillon croit s'en servir.

Je ferai de mon mieux, et tâcherai de ne rien oublier, pour instruire; Dieu fera le reste, et le temps.

Il seroit fort à souhaiter que Damascène, Gabrieli et Alfaro ne fussent pas parmi les examinateurs : mais c'auroit été un trop grand fracas, si le roi avoit pressé là-dessus le Pape; et je crois que cela fera un fort bon effet, si M. le nonce a rendu compte ici de la manière dont cela s'est passé à Paris. Je l'ai dit au cardinal Casanate, qui est le seul, jusqu'à cette heure, sur qui je puisse compter.

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Je n'ai pas encore entendu parler des livres | trine et de passages. Ce défaut est trop beau que vous dites qu'on objecte à Paris : je ne sais ce que c'est que ce livre de frère Laurent.

M. le cardinal de Bouillon est toujours à Frescati il se porte bien, et régale tout le monde. Je ne puis lui aller faire ma cour aussi souvent que je le voudrois, ni jouir de la petite maison que j'y ai. Présentement qu'on peut retourner à Rome sans danger et dormir, j'irai plus souvent, et j'y coucherai de temps en temps une nuit ou deux.

L'arrivée de M. le prince de Conti, en Pologne, est certaine. Le ministre de l'empereur, celui de Saxe, et les amis de cet électeur, ont fait leurs efforts pour engager le Pape à faire des démarches en faveur de M. de Saxe; mais ils n'y ont pas réussi, cette cour étant résolue d'attendre l'événement. Le cardinal de Bouillon ne s'est donné aucun mouvement sur tout cela, au grand étonnement de tout le monde.

Le Pape est sorti déja plusieurs fois, malgré le grand froid : il se porte mieux; mais les cardinaux ne veulent pas croire qu'il soit hors d'affaire, et, moins que personne, M. le cardinal de Bouillon.

J'oublie de vous dire que le cardinal Petrucci a dit que le livre de M. de Cambrai étoit très mauvais et insoutenable.

Il est bon que vous parliez quelquefois à M. le cardinal d'Estrées du père Estiennot et de M. Georgi, comme de gens que j'estime, et qui sont de mes bons amis.

J'ai reçu l'Ordonnance de M. de Reims *, qui est foudroyante: on y reconnoit la main qui l'a faite.

J'ai entretenu et instruit M. Charlas, qu'on avoit commencé à prévenir; mais il est, à cette heure, dans le bon chemin, si je ne me trompe.

A Rome, ce 29 octobre 1697.

LETTRE CLXVIII.

De BOSSUET Å M. DE NOAILLES, ARCHEVÊQUE

DE PARIS.

Il lui fait ses observations sur son Instruction contre le livre de M. de Cambrai.

Je ne trouve rien qu'à admirer dans votre Instruction. Elle est solide, elle est profonde, elle est correcte, elle est docte; et si j'avois à reprendre quelque chose, c'est seulement qu'elle pourroit paroître un peu trop chargée de doc

*Voyez la lettre CLX, ci-dessus.

pour le corriger. J'ajoute que tout le monde n'en verra pas également l'ordre; quoique, si l'on suit avec attention les titres de la marge, ils serviront de reposoirs et de guides. Il me semble qu'à la page 51 il ne faudroit pas dire *, si généralement, qu'on ne trouve aucune trace dans les martyrs de ces précisions subtiles. Il y en a un exemple dans Victor de Vite: on en pourroit trouver quelque autre. Cela ne fait rien dans le fond, et on en est quitte pour adoucir un tant soit peu l'expression.

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Je vous supplie, mon cher seigneur, de bien observer ces mots de la page 75, que si l'on continue à nous accuser, comme on a fait, etc. Il me paroît que ces excuses ne sont pas de la sublimité, et, pour ainsi dire, de la magnanimité d'une Instruction pastorale. Vous paroitrez trop ému du bon méchant mot d'un prélat que vous connoissez, et que tout le monde connoit, et des caractères qu'il nous a donnés à vous et à moi. Plusieurs croiront même que vous aurez voulu repousser à mes dépens le caractère de rigueur qu'il m'attribue. Ce n'est pas votre intention, je le sais ; mais je dis aussi qu'il ne faut pas qu'on le puisse dire, ni penser. Votre indulgence, qu'il faudroit plutôt appeler patience sainte et charitable, a servi à la vérité, puisqu'elle a servi à la conviction. Il n'y a point eu de rigueur en cette affaire, puisqu'on ne s'est " déclaré qu'à l'extrémité. Notre Déclaration n'est pas un acte de rigueur; elle porte sa justification en elle-mème. Ce n'est pas une rigueur | dans votre Instruction, d'avoir marqué en trente endroits les paroles du livre de M. de Cambrai: il est désigné trop clairement, pour donner lieu à aucun doute. J'ôterois, pour cette raison, ces mots: le ménagement qui est du au mérite et dú au caractère de l'auteur. Ces excuses me semblent peu nécessaires, apres notre Déclaration; et il me paroit plus noble, par conséquent plus épiscopal, de se justifier par le fond. C'est une assez bonne raison que celle d'attendre le jugement du Pape, et je crois que le reste fera parler sans nécessité. Je suis à vous, comme vous savez, mon cher seigneur.

A Marli, ce 3 novembre 1697.

J'ajoute que cette Instruction, avec ces petits correctifs, ne sauroit trop tôt paroitre : je la garde, pour la mieux gouter moi seul.

* On voit, dans l'Instruction de M. de Noailles, qu'il a eu

égard aux observations de Bossuet, en corrigeant ou adoucissant les différentes expressions que le prélat reprenoit

LETTRE CLXIX.

DE BOSSUET A SON NEVEU.

Sur sa nomination à la place de premier aumônier de la duchesse de Bourgogne; sur l'Instruction pastorale de M. de Cambrai, et les raisons que ce prélat avoit eues de la tenir secrète.

nance. En attendant, voilà le récit que je vous ai promis il ne le faut communiquer qu'à peu de personnes qui soient sûres.

M. le cardinal de Janson est à Beauvais, très heureusement appliqué à son diocèse. Ne doutez pas de mon attention à ce que vous me marquez par rapport à lui ** et à M. le cardinal d'Estrées : ce dernier n'est point ici.

Tout ce qu'il y a en France de bons évêques, et moi plus que personne, nous faisons des vœux continuels pour la conservation de Sa Sainteté ; et jamais pape ne fut ni plus révéré ni

Assurez-vous que je ne partirai point d'ici, s'il plaît à Dieu, sans avoir fait résoudre ce que vous croyez nécessaire. Le roi est toujours porté par le même zèle, et il ne faut que lui montrer le bien. C'en est un grand qu'il a fait d'avoir, dès le lendemain de la paix, et avant la signature de l'empereur, déchargé tout le royaume de l'ustensile, de la capitation et de la milice : c'est relâcher tout d'un coup quarante millions.

J'ai reçu votre lettre du 13 octobre. Vous apprendrez, par cet ordinaire, que le roi m'a donné la charge de premier aumônier de madame la duchesse de Bourgogne. J'en reçus la nouvelle mercredi dernier à Germigny, par un courrier de M. de Pontchartrain, de la part du roi. J'ai laissé passer la Toussaint, pour faire l'of-plus chéri. fice; et je partis hier pour venir coucher ici, et faire mes remercîments. Le roi me dit tout ce qui se peut d'obligeant, et me donna beaucoup de marques de confiance: Monseigneur de même ; et je vous puis dire que ce fut une joie publique dans toute la cour. Je verrai demain la princesse. On croit que le roi, qui n'a point nommé la chapelle, me veut faire l'honneur de m'en parler: il ne m'a encore rien dit. Nous avons résolu, mon frère et moi, de ne vous proposer pour rien. Il faut espérer que par votre bonne conduite, et par vos services, vous obtiendrez quelque chose de mieux. Ne doutez pas que je ne m'applique à vos avantages plus qu'aux miens; puisque dans les choses temporelles vous pouvez, en continuant à remplir vos devoirs, faire mon principal objet.

Vous recevrez, par cet ordinaire, la nouvelle Instruction pastorale de M. de Cambrai, dont je vous ai tant parlé dans mes lettres précédentes : rappelez-en la mémoire. Je vous ai mandé combien elle a été faite artificieusement, et quel en est le dessein. Vous verrez, par la date, qu'il y a six semaines qu'elle est publiée: on a voulu avoir tout ce temps-là pour prévenir Rome, si l'on pouvoit, et embrouiller les affaires.、

M. le cardinal de Bouillon m'honore trop de ses bontés, pour n'être pas bien aise de la nouvelle grace que j'ai reçue. Je vous prie de lui en donner avis de ma part, en l'assurant de mes respects.

Le père Augustin voudroit qu'on fit agir le roi dans l'affaire du père Serri: je le voudrois, mais il faut que le temps et les circonstances se présentent.

A Marly, ce 4 novembre 1697.

LETTRE CLXX.

DE L'ABBÉ BOSSUET A SON ONCLE. Sur une simple suppression du livre de M. de Cambrai, la remise des congrégations, et ce qui y servoit de prétexte; et sur la communication des pièces et des propositions à l'abbé de Chanterac.

sujet du retardement de mes lettres. J'espère, par les réponses que je recevrai, apprendre le sort qu'elles auront eu.

Cette Instruction doit faire un effet tout conJ'ai reçu la lettre que vous m'avez fait l'hontraire à celui que l'auteur en attend. On voit un neur de m'écrire de Fontainebleau, du 14 ochomme qui recule sur tout, qui ne sait com-tobre. Vous aurez vu, par mes précédentes, le ment couvrir ses erreurs, et qui n'a pas l'humilité de les avouer. Il n'en faut pas davantage pour persuader que le livre est visiblement condamnable, puisque l'auteur ne le peut sauver qu'en le tournant à contre-sens. C'est l'effet que vous attendiez de l'explication: vous avez très bien raisonné; et, en général, je vous puis dire que tous les raisonnements que vous faites sur cette affaire sont très justes. Je vous enverrai bientôt de courtes remarques* sur cette Ordon

*Bossuet ne se borna pas à de courtes remarques, mais il fit un écrit assez étendu, sous ce titre : Préface sur l'Instruction pastorale donnée à Cambrai le 13 de septembre 1697. Voyez cet ouvrage, tom. VIII.

La suppression du livre, donec corrigatur, paroit jusqu'ici une chimère, et une chose impossible dans l'état des affaires, comme vous aurez vu par mes précédentes.

Le saint-office est engagé à examiner les propositions: M. de Cambrai le souhaite, et il y a

* C'est l'écrit intitulé : De Quietismo in Galliis refutato, que nous avons placé à la tête de cette correspondance.

** Il s'agissoit d'engager l'un ou l'autre de ces deux cardinaux à prendre pour conclaviste l'abbé Bossuet, si le Pape venoit a mourir,

apparence qu'on lui donnera contentment en partie; car d'éviter le respectivè, s'il est condamné, il n'y a point d'apparence.

L'assemblée des commissaires ne se tint pas hier, comme elle avoit été indiquée : on l'a remise, du commandement du Pape, jusqu'à nouvel ordre. Le prétexte est la traduction nouvelle avec les notes, qui commence à paroître, et qu'on veut que les examinateurs voient, avant que de continuer les assemblées. C'est toujours pour allonger; car il n'y a aucune bonne raison à cela. (On dit encore, pour prétexte de cette remise mais ce n'est qu'un bruit qui ne laisse pas d'avoir son fondement) que M. le nonce a écrit qu'il croyoit qu'on feroit plaisir au roi de nommer d'autres examinateurs à la place de Damascène et de Gabrieli, et que cela doit se résoudre demain, à la congrégation du saint-office. J'ai vu ce soir M. le cardinal Noris, qui m'en a touché quelque chose. Je lui ai dit à peu près ce que vous m'avez écrit sur ce sujet-là, lui faisant remarquer que le parti que les évêques prenoient naturellement étoit celui de la douceur, et du respect pour ce qu'ils pouvoient croire l'intention du Pape et de la congrégation: nous verrons ce qui en sera. J'ai parlé au cardinal Casanate en conformité sur cet article.

Je lui ai parlé plus fortement sur l'article de la communication des pièces et propositions que demande M. de Chanterac, et sur le billet de l'assesseur. Il est convenu que c'étoit entièrement contre l'ordre et la règle du saint-office; que le Pape s'étoit comme engagé là-dedans sans le savoir. Je ne vois encore rien de précis et de déterminé là-dessus. Ces cardinaux et le cardinal Spada me rassurent; mais je ne vois point de contre-ordre précis. Je saurai si demain on fait quelque chose à ce sujet; cela est de conséquence. Ce que je crains plus que tout, c'est la communication des propositions avant la condamnation; ce qui seroit contre toutes les règles du saint-office, cela ne s'étant jamais pratiqué. J'agirai ici de mon mieux, pour réprésenter toutes les raisons contraires; je ferai toutes sortes d'instances. Une seule parole de M. le cardinal de Bouillon feroit tout; mais il ne faut pas l'espérer, et vous voyez en quel embarras je suis. Ajoutez, de plus, qu'il n'y a pas de jour où deux ou trois personnes ne parlent au Pape en faveur de M. de Cambrai, et qu'il ne sait plus où il en est. Dans le commencement, rien n'étoit pareil à son ardeur: à présent il dit qu'il faut aller adagio. M. le cardinal Noris m'a dit aujourd'hui très franchement, mais en secret, que M. le cardinal de Bouillon déclaroit qu'il étoit sur cela indifférent; mais que pour lui, il croyoit

qu'il favorisoit M. de Cambrai, et qu'il sollicitoit pour lui. L'assesseur le sert par toutes ses démarches; les jésuites se déclarent hautement: il n'y a que moi qui fais toujours semblant d'en douter. Je sais pourtant qu'ils n'oublient rien : ils vont sollicitant partout Italiens et Francois; et le père Dez a dit, il y a quatre jours, que la société étoit engagée à faire autant d'efforts pour empêcher la condamnation de ce livre, comme elle en avoit fait pour faire condamner Jansénius.

Je ne sais ce qu'on pourroit faire pour imposer silence à ces messieurs, qui publient partout, sans honte, que le roi ne prend plus aucun intérêt à cette affaire, et que M. le cardinal de Bouillon n'étoit chargé de rien là-dessus de sa part; qu'aussi il témoignoit une parfaite indifférence. Que puis-je dire à tout cela? Néanmoins je puis vous assurer que je ne me décourage pas.

M. le cardinal de Bouillon ne me parle non plus de cette affaire, que si elle n'existoit pas. Aussi je ne lui en dis plus mot, et je fais tout ce que je juge à propos, sans le lui communiquer. Il m'est revenu qu'on disoit que le roi avoit récrit fortement à M. le cardinal de Bouillon : il le mériteroit bien. Si le roi jugeoit à propos de récrire au Pape pour faire de nouvelles instances, qu'il voulût parler fortement à M. le nonce contre la communication des propositions, qu'il lui diroit n'être qu'un moyen d'allonger, inutile en soi, injurieux au Saint-Siége, et contraire, de l'aveu des, cardinaux et des examinateurs, aux règles du saint-office, il en résulteroit sûrement un bon effet: si du moins il ordonnoit à M. le cardinal de Bouillon de l'empêcher de quelque manière que ce puisse être, et s'il témoignoit toujours la même vigueur, ce seroit une chose très utile, pour ne pas dire très nécessaire. Il ne seroit pas moins, avantageux qu'on pût insinuer au cardinal de Bouillon qu'il feroit une chose agréable, moi étant à Rome pour cette affaire, de me communiquer ses vues. Je.. sais bien que cela l'embarrasseroit; mais s'il déféroit à cet avis, il me donneroit lieu de lui représenter bien des choses, et de lui parler librement; ce que je ne puis faire.

Il ne faut pas oublier, s'il vous plaît, de faire parler à M. le nonce, de l'assesseur, comme d'un homme entièrement partial, et de se plaindre de sa conduite. Il est bon que cela lui revienne, et qu'il sache le mécontentement tant du roi que des évêques. Si le roi jugeoit encore à propos, quand il fera réponse aux bonnes fêtes aux cardinaux du saint-office, de leur en toucher un mot, rien ne seroit plus efficace; mais je ne sais

si cela est praticable. Enfin le mal, en tout ceci, vient du cardinal de Bouillon: cela produit un très mauvais effet pour la bonne cause.

Je n'ai point reçu encore le Summa Doctrinæ : il me viendra apparemment par le prochain courrier; j'en ferai un bon usage. On ne sauroit trop m'en envoyer, ainsi que des Déclarations des évéques.

Nous avons résolu de traduire les remarques que vous m'avez envoyées : rien n'est plus net, plus précis, plus démonstratif. La traduction latine faite, on retranchera peut-être les qualifications en forme. J'ai déja écrit à Naples au sieur Balizon, pour voir si on ne pourroit pas faire imprimer cette traduction cela seroit bien commode et plus utile, parcequ'il en faudroit faire transcrire trop de copies. Il me paroît que la matière sera bien éclaircie, après la Déclaration, le Summa Doctrinæ, et les remarques. M. Phelippeaux travaille actuellement à la traduction : nous la corrigerons ensemble.

Je n'ai pas encore entendu parler du livre de frère Laurent : j'ai reçu la lettre de M. de Beaufort sur cet article.

On ne sauroit trop, en France, éclater contre le livre de M. de Cambrai ils se mènent ici beaucoup par réputation et par crainte.

:

Je ne reçois aucune réponse de vous au sujet du pauvre chevalier de La Grotte, qui sans moi mourroit de faim.

J'ai perdu mon cachet à tête; ainsi je suis obligé de cacheter avec une devise de M. Phelippeaux, dont je vous envoie l'empreinte.

A Rome, ce 5 novembre 1697.

LETTRE CLXXI.

DE BOSSUET A SON NEVEU.

Il lui apprend la manière dont le cardinal de Bouillon
avoit écrit à l'abbé de Fleury sur le prélat et son neveu,
et la réponse qu'il avoit fait faire à ses honnêtetés.
J'ai reçu votre lettre du 22 octobre. Quoique
après ma nomination on attendît celle du reste
de la chapelle, il ne s'est rien dit du tout sur cela,
On revint samedi de Marly, d'où je suis venu ici.
Je vais faire un tour à Paris, pour retourner au
plus tôt à la cour.

M. le cardinal de Bouillon a écrit sur mon sujet, à M. l'abbé de Fleury *, une lettre à peu près de même sens que celle que vous pouvez avoir comprise par ma réponse. Il se défend fort de se mêler de l'affaire de M. de Cambrai, et dit qu'il ne croit pas que vous ayez aucun M. de Chanterac a fait voir ici à quelqu'un sujet de vous plaindre de lui. C'est ainsi qu'il le commencement d'un écrit en latin traduit dua la bonté de parler, ajoutant même qu'il vous francois, sous le nom d'un docteur de Sorbonne, qui fait voir, à ce qu'on dit, proposition par proposition, la condamnation de Molinos par M. de Cambrai. Il est dit, dans cet écrit, que M. de Cambrai a pour lui la plus grande partie

de la Sorbonne.

avoit offert de tenir chez lui la place d'ami, qu'y tenoit M. l'abbé de Polignac. J'ai prié M. l'abbé de Fleury de faire de ma part toutes les honnêtetés que je dois à des bontés si obligeantes. J'ai fort assuré que vous étiez dans les mêmes sentiments: je suis bien persuadé que vous par

prie.

Il fait voir encore une réponse de M. de Cam-lerez et agirez sur ce même pied, et je vous en brai au premier article de la Déclaration des évêques, où l'on dit qu'il vous traite très mal on m'a promis de me faire avoir tout cela cette

semaine.

Le point important à présent, c'est d'empêcher, à quelque prix que ce soit, la communication des propositions que les examinateurs extrairont de M. de Cambrai. Il ne faut point perdre de temps; et si on envoyoit quelque courrier extraordinaire pour faire faire les instances nécessaires et convenues, il sera bon que vous soyez instruit, et que vous ayez soin de m'avertir en même temps. Il faut être assuré qu'à moins qu'on ne voie du côté du roi une persévérance constante et publique, on ne se pressera point de finir.

Je vous envoie dans deux feuilles séparées ce que je sais de la traduction latine..

* Voyez la lettre CLXVI ci-dessus.

Je pensois vous envoyer quelques remarques sur l'Instruction pastorale de M. de Cambrai : je ne sais si j'en aurai le loisir.

J'envoie à M. le grand-duc, pour contenter sa dévotion, l'office de saint Fiacre, qu'il a demandé.

Le roi a parlé à M. le nonce, et fera ce qu'il faut. M. le nonce dit qu'on ne lui mande rien de Rome, ni pour ni contre. Le roi continuera d'agir.

Conduisez-vous toujours avec votre prudence ordinaire. Vous pouvez adresser à M. de Torcy et à M. Blondel ce que vous aurez de conséquence à m'envoyer.

*André-Hercule de Fleury, né à Lodève le 22 juin 1655, d'abord aumônier du roi, fut nommé en 1698 à l'évêché de Fréjus, dont il se démit en 1715. Il deviut précepteur de Louis XV, cardinal en 1726, puis ministre d'état, et mourut à Issy le 29 janvier 1745. (Édit. de Vers.)

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