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qu'Alfaro, puisqu'il paroît évidemment que son 7

corps est partie.

On avoit fait courir le bruit ici que vous étiez

LETTRE CCXI.

DE L'ABBÉ BOSSUET A SON ONCLE.

fort malade, afin de ralentir les examens. Il n'y Sur les dispositions des consulteurs ; une conversation du

a menteries qu'on ne publie. Nous attendons des exemplaires de l'Instruction de M. de Paris. en latin et en françois : il faut en envoyer un bon nombre, aussi bien que de celle de M. de Chartres. Ils ont publié que beaucoup d'évêques soutenoient le livre, que le roi ne s'en soucie plus, que les jésuites sont tout puissants à la cour, que le roi a approuvé la Remontrance contre M. de Reims, que M. de Paris même et M. de Chartres étoient revenus après la Lettre pastorale de M. de Cambrai. Je vis avant-hier le procureur général des augustins: il est plein d'estime pour vous; il me dit de vous le témoigner le plus tôt que je pourrois. Il me redemanda l'écrit de M. de Paris. Le maître du sacré palais travaille et combat pro aris et focis, il a traduit en italien l'écrit de M. de Paris. Il réfute vigoureusement les faux raisonnements d'Alfaro, et lui reproche les falsifications des passages qu'il tronque. Si l'affaire du père Latenai réussit, comme je l'espère, ce sera un nouveau secours qui ôtera le partage: cela ne retardera rien, il est instruit comme moi de la matière. On est fort surpris ici comment la témérité des jésuites demeure en France impunie: tout autre seroit perdu, osant aller contre les intentions du roi. Ne viendra-t-il jamais un jour où madame de Maintenon et le roi sauront les démarches qu'ils ont faites, et les discours peu respectueux qu'ils ont tenus contre l'un et l'autre ? Je vous écris selon les chiffres de M. Ledieu, et je continuerai. Je suis avec un profond respect, etc. A Rome, ce 28 janvier 1698.

P. S. Sur le mémoire que j'avois autrefois dressé pour les résignations des cures, et qui a été présenté par M. le cardinal de Bouillon, le Pape n'a rien voulu établir en général, pour ne pas contredire son décret; mais il a répondu : Habebitur ratio in casibus particularibus. Ainsi je crois qu'avec le certificat des évêques, elles pourront être admises. Ce mémoire fut envoyé à M. Lezineau, qui en parla au père de La Chaise, et qui a fait donner ordre au cardinal d'en solliciter le succès.

Il s'agit d'une permission que l'on sollicitoit à Rome pour les curés qui n'avoient point de bien, de pouvoir se réserver une pension en résignant leur cure.

prélat Giori avec le Pape, et les réponses de M. de Cambrai.

J'ai reçu la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire de Paris, le 6 de ce mois : elle me fait voir l'esprit de la cour plus que jamais. Je sais que M. le nonce fait bien son devoir. Les conférences continuent avec ardeur deux fois la semaine. Massoulié, Granelli, Le Mire, le maître du sacré palais, le procureur général des augustins, sont sûrs. Gabrieli, Alfaro, sont les mêmes que je vous les ai représentés dans mes dernières lettres. M. le sacriste continue à excuser le livre de M. de Cambrai le plus qu'il peut. Monseigneur Rodolovic est encore indéterminé; il est peu savant. Le carme est prévenu pour M. de Cambrai; néanmoins j'espère qu'il pourra revenir. Dans les conférences on n'a fait que disputer, on n'a pas encore voté.

Monseigneur Giori m'a dit qu'il écrivoit aujourd'hui à la cour (je ne sais si ce sera à M. de Pomponne ou à M. de Torcy, à M. le cardinal de Janson ou à M. le cardinal d'Estrées) la relation de ce qui se passa avant-hier, entre lui et le Pape, au sujet de l'affaire de M. de Fénelon. Il a fait au Pape une peinture vive et vraie de tout ce qu'on a fait d'extraordinaire dans cette affaire, et de ce qu'on faisoit encore tous les jours sous main. Le Pape a entrevu la vérité et le piége qu'on lui tendoit, et a fini par ces paroles, que dorénavant il n'iroit jamais se coucher qu'il n'eût pressé deux fois cette affaire. On lui a fait comprendre les desseins secrets des ennemis de la France, qui ne vouloient qu'allumer un feu qui auroit de la peine à s'éteindre; et cela est vrai: le Pape a été touché. Il est bon que vous soyez averti, afin de tâcher de voir la lettre, qui est forte, et indirectement contre M. le cardinal de Bouillon. N'oubliez pas, je vous prie, d'écrire à ce prélat, vous et M. de Paris.

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Depuis ma dernière lettre, je ne sais qui a inspiré au Pape de mettre pour examinateur, dans le dessein de lever le partage apparemment, en cas qu'il y en cût, le père Latenai, qui est justement celui de qui je vous écrivois l'ordinaire passé. Il doit être proposé demain, de la part du Pape, à la congrégation, et se trouver à la première conférence, il est sûr. M. le cardinal de Bouillon n'en sait rien, et demain il tombera des nues: cela est excellent dans la conjoncture.

Si on pouvoit faire écrire M. le cardinal Le | jamais tout son but est de faire cardinal son Camus au Pape, pour lui faire sentir l'importance d'une prompte décision, et instructive, contre un livre qui a fait un si grand scandale, et qui est entre les mains de tout le monde, cela feroit un très bon effet il est évêque, et peut parler, surtout après l'Instruction pastorale de M. de Cambrai.

J'envoie à M. de Reims le reste de l'écrit pour Sfondrate; la fin est aussi insolente que le commencement, et d'une grande ignorance. L'affaire des pensions pour les curés est comme déterminée: on n'a pas fait de règle générale; mais on m'a dit qu'on le permettroit "pour les cas particuliers. C'est M. Lezineau à Paris qui est instruit de tout cela vous n'avez * qu'à le consulter, si vous voulez demander ici quelque chose; et après vous m'écrirez.

Le père Latenai est fâché de la demande que je vous fis pour lui l'ordinaire dernier, craignant que vous ne crussiez qu'il demandoit votre recommandation comme une récompense d'avoir fait son devoir. Dans le temps qu'il m'en parla, il ne savoit rien du tout de ce qu'il a appris depuis. Il sera bon de le servir; mais par des voies indirectes, et pas si ouvertement, comme vous le jugerez à propos. Vous pouvez toujours en dire un mot au roi on laisse tout cela à votre prudence.

neveu. Il dit toujours que M. de Meaux et M. de Cambrai sont les plus habiles prélats, les plus savants de France. C'est vous faire grand honneur dans les conjonctures présentes: son intention est par-là de dénigrer M. de Paris et M. de Reims, qu'il dit n'avoir pas fait leurs Ordonnances.

Je n'ai pu avoir que ce matin les deux derniers écrits imprimés de M. de Cambrai; l'un en françois, contre la Déclaration, où il ne fait que répéter sa solution singulière sur les états et l'amour naturel; l'autre, contre le Summa Doctrinæ, en latin, où il prétend réfuter votre définition de la charité. La fin contient une imposture manifeste, qui est que vous faites l'oraison passive presque toujours continue : vous dites le contraire partout; cela répond au reste. Il y a un orgueil insupportable dans ses réponses. Il est encore surprenant de voir comment il évite de s'expliquer sur madame Guyon et sur le livre de Molinos je n'ai pu que parcourir ces ouvrages. Je compte qu'on les aura répandus à Paris, et que vous les avez eus plus tôt que

nous.

Si M. le cardinal de Janson vouloit écrire à l'archevêque de Chieti, sur le scandale qu'a causé le livre de M. de Cambrai, et sur ses explications de mauvaise foi, il ne pourroit en résulter qu'un très bon effet.

vailloit avec le père Dias contre les évêques, pour M. de Cambrai. Voilà la réponse de cet abbé. M. le grand-duc a exécuté effectivement le tout, et a envoyé à M. le cardinal Noris votre livre, croyant qu'il ne l'avoit pas : on ne peut rien de plus honnête. Je ne sais si vous ne pourriez pas écrire là-dessus à l'abbé de Gondi.

Je vous prie de m'envoyer un exemplaire de ces lettres des protestants anglois, que vous avez Je vous envoie copie de la lettre que j'ai été citées dans votre Relation, qui mettoient M. de obligé d'écrire à M. l'abbé de Gondi, sur des Cambrai au nombre des amis de la cause. En-avis que j'ai eus que l'agent du grand-duc travoyez-nous aussi par la poste des Summa Doctrinæ, des Déclarations, et de nouveaux recueils. Votre réfutation de la Lettre pastorale est nécessaire et attendue avec impatience, aussi bien que cet écrit latin où vous devez donner des principes pour répondre à tout. Nous ne nous oublions pas: M. Phelippeaux a déja donné un écrit latin, court, pour réfuter par le livre cet amour naturel dont parle M. de Cambrai, et son Explication des états. Je veux, pour prouver qu'il n'a jamais pensé juste, y ajouter une démonstration par toutes les explications qu'il vous a données en France, par ses lettres au Pape et à l'ami, par ses notes, par les écrits qui ont été faits ici sur ses Remarques, et par ses ordres cela se peut aisément démontrer en peu de paroles.

J'attends avec impatience le premier courrier, pour savoir ce que M. l'archevêque de Reims résoudra sur les jésuites. J'espère que M. le cardinal Noris sera obligé de lui faire réponse : je lui écris au long là-dessus. M. le cardinal de Bouillon est le même, plus malintentionné que

Rome, ce 28 janvier 1698.

LETTRE CCXII.

DE L'ABBÉ PHELIPPEAUX A Bossuet.

Sur un écrit que cet abbé avoit fait contre M. de Cambrai; la réponse de ce prélat à la Déclaration des évêques; et la nomination de deux cardinaux pour présider aux congrégations.

Je vous envoie un quatrième argument, qu'on a oublié dans la copie de l'observation que je vous ai envoyée par le dernier courrier. Il doit être placé à la fin de la deuxième illusion, qui regarde la solution qu'il donne, en prétendant

avoir parlé des états. Sa réponse à la Déclara- | sacriste n'a pas nié à un de ses amis qu'il n'eût tion contient les mêmes réponses que l'Instruction pastorale: il a soin de faire entendre qu'il ne condamne point madame Guyon, et ne prend aucune part aux censures qui ont été faites contre elle; et à la fin, il se donne pour un évêque opprimé. Ses partisans ne manquent pas d'exagérer le recours qu'il a eu au Saint-Siége, et la nécessité que le Saint-Siége a de favoriser ceux qui s'y adressent, afin de fournir par-là aux autres évêques de nouveaux motifs pour y recourir.

été sollicité et gagné par M. le cardinal de Bouillon jamais il n'avoit été employé en aucune semblable affaire. L'addition de ces deux derniers a fait connoître qu'ils seroient partagés: c'est ce qu'on cherchoit, pour faire naître de l'embarras, et obliger le Pape à casser cette congrégation et à en créer une autre ; ce qui retardoit le jugement, et leur donnoit espérance d'y pouvoir mettre des gens gagnés. Le Pape a été fort fâché de cela, et a nommé les deux cardinaux, pour assister et régler les choses, qui commençoient à s'échauffer de part et d'autre. La présence de ces Éminences arrêtera peut

que le cardinal Noris n'estime pas le sacriste : cela l'obligera de prendre garde à lui, aussi bien que les avis qu'on lui a fait donner par ses amis.

L'affaire du père Latenai a échoué, comme je l'appréhendois. Il ne fut point appelé le vendredi, et on n'a pu savoir si on en parla au saint-être l'archevêque de Chieti et le sacriste. Je sais office le mercredi précédent, comme on le devoit faire. Je crois que M. le cardinal de Bouillon y aura eu bonne part. En arrivant ici, il l'avoit fait consulter sur cette affaire; et ayant vu qu'il n'alloit pas comme il l'auroit souhaité, il ne lui parla plus de rien. Il sondoit aussi les gens, afin d'introduire ou d'exclure, dans le nombre des examinateurs, ceux qu'il trouveroit favorables ou contraires.

Jeudi dernier, le Pape nomma les cardinaux Noris et Ferrari pour présider et régler les congrégations. C'est un bien; mais cela retardera la conclusion; car les occupations des cardinaux, et les différentes congrégations dont ils sont, obligeront qu'on ne fasse plus qu'une congrégation par semaine. On a même résolu d'examiner le livre article par article, ce qui tirera en longueur; et quand il n'arriveroit point de nouveaux incidents, nous serions bien heureux si cela étoit fini à la fin de l'été prochain. On ne sauroit trop presser de votre côté; car on fera jouer tous les ressorts possibles pour retarder, qui est la seule chose qui leur soit favorable.

L'affaire alloit le mieux du monde, et auroit été finie avant Pâques, sans l'adjonction des deux examinateurs. On avoit déja examiné et qualifié huit ou dix des principales questions, et le reste suivoit naturellement. Il n'y avoit qu'Alfaro et Gabrieli pour le livre; le général des carmes biaisoit cela n'empêchoit pas que les autres n'avançassent. Nos parties ont su cette disposition, et ont vu qu'elles étoient perdues ils ont fait suggérer par Fabroni, vendu aux jésuites, et par le cardinal Albane, qu'on se moqueroit en France de voir un jugement rendu par de seuls religieux; comme si c'étoit eux qui jugeassent. Ils ont produit l'archevêque de Chieti, qui ne sait point de théologie, et qui est ami ancien des jésuites, et le sacriste, qui s'étoit déclaré dès le vivant du cardinal Denhoff. Le

Je ne suis pas surpris que le père de La Chaise justifie le père Dez d'avoir écrit; c'est le style ordinaire. Mais dira-t-il que les jésuites ne soient pas ouvertement déclarés? L'abbé de Chanterac et le cardinal Petrucci en font gloire, et le publient partout. Ils se prévalent aussi beaucoup d'une lettre du roi, écrite au cardinal de Bouillon, qu'on dit avoir été distribuée à tous les cardinaux, pour faire voir que le roi ne se soucie plus du jugement du livre. On fait valoir une lettre de l'abbé de Fourcy, qui mande que le chapelet se défile, que M. Bossuet reste seul, que M. de Paris et M. de Chartres se contentent des explications de M. de Cambrai, et que les amis de ce prélat se multiplient de jour en jour. On ne cherche qu'à amuser et tromper le monde.

L'affaire de M. l'archevêque de Reims est considérable : je souhaite qu'elle ait un bon succès. Un jésuite disoit l'autre jour que si on avoit empêché le libraire de Rouen, on en trouveroit vingt autres dans le royaume : voilà le génie des jésuites. Nous attendons vos Remarques. Je vous ai déja mandé de les faire en latin aisé votre style est pressé, et trop sublime pour être seulement entendu par des frates et des cardinaux, qui n'en savent pas tant: c'est ce qui m'a obligé de faire mon observation en style scolastique, pour faire plus d'impression. Je souhaite qu'elle soit de votre goût: il n'y a que la nécessité qui m'ait obligé de la faire, et la vue que les vôtres ne viendroient pas sitôt. Je suis avec respect, etc.

Rome, 4 février 1698.

LETTRE CCXIII.

De L'Abbé BOSSUET A SON Oncle.

Sur les motifs qui avoient porté le Pape à nommer deux cardinaux pour assister aux conférences; sur leurs dispositions, et les avantages que procuroit leur présence.

J'ai reçu la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, du 13 janvier je me porte bien, Dieu merci, quoique je n'aie pas un moment à moi.

Voici le changement qui est arrivé à nos affaires. Le Pape a nommé le cardinal Noris et le cardinal Ferrari pour assister aux conférences, les régler, et empêcher les disputes vaines et scandaleuses que les partisans de M. de Cambrai avoient introduites dans les conférences. Sa Sainteté s'est aperçue des efforts de la cabale; et, pour être instruite de tout par des gens sûrs, éclairés et non suspects, elle a choisi ces deux cardinaux : assurément elle ne pouvoit pas faire un meilleur choix. Je l'avois proposé, il y a plus de deux mois, au cardinal Spada et au cardinal Casanate; et, depuis peu, j'avois fait quelques démarches nécessaires : le Pape y est entré.

M. le cardinal Ferrari et M. le cardinal Noris, à moins qu'ils ne changent du blanc au noir, sont contre le livre je les ai déja instruits, et les instruirai. La Lettre pastorale, selon eux, est contre M. de Cambrai car il faut nécessairement condamner M. de Cambrai selon lui-même, s'il n'a pas eu le sens de la Lettre pastorale. La conséquence est bien aisée à déduire, et ils ne se tireront jamais de là. Tout le but de la cabale étoit d'allonger, et au moins de faire en sorte, en brouillant, qu'on se résolût à ne point qualifier les propositions, à ne pas faire une censure, mais seulement à défendre le livre. Je sais, à n'en pouvoir douter, que ce n'est pas à présent l'esprit de cette cour. Le Pape a dit ce matin qu'il vouloit qu'on fit une censure dans les formes, et qu'on qualifiât les propositions, si elles -méritoient d'être censurées; qu'on les prendroit pour des ignorants, si on faisoit autrement, et qu'on se moqueroit d'eux. C'est le cardinal Albane, que j'ai vu ce matin, et avec qui j'ai eu une conférence de deux heures, qui m'a assuré que le Pape venoit de le lui dire : je le sais encore d'ailleurs.

On a été obligé de réduire les conférences à une fois la semaine, à cause des affaires qu'ont les deux cardinaux, et des congrégations auxquelles ils sont obligés d'assister: mais je compte pour beaucoup la règle et l'ordre que ces cardiuaux mettront dans les conférences. Ils assistè

rent déja vendredi à celle qui se tint; et on prit la résolution d'examiner le livre article par article, pour en voir la suite et le sens. Les défenseurs du livre n'ont plus de moyen d'allonger, qu'en parlant long-temps; mais on y mettra des bornes : au moins dans les circonstances présentes, c'est tout ce qu'on y peut faire. Ce qu'il y a de bon, c'est qu'à présent apparemment le Pape ne fera plus rien sur cette affaire qu'en consultant MM. les cardinaux Ferrari et Noris, qui ont de l'honneur, de l'esprit et de la conscience, et leur réputation à conserver.

M. le cardinal de Bouillon et les jésuites ayant été avertis, par l'assesseur, que le Pape avoit nommé le père Latenai, ont fait suspendre la nomination, en disant qu'il falloit attendre l'effet que produiroit la présence des deux cardinaux : je le craignois bien quand je vous l'écrivis. Jusqu'ici ils insinuent tout ce qu'ils veulent au Pape par Fabroni; et c'est lui, poussé par les jésuites, qui a proposé les deux derniers examinateurs, qui ont fait tout l'embarras avec le père carme, qui est entêté jusqu'à cette heure. Quand on les a mis, il y avoit déja dix propositions de qualifiées, et on se moquoit de Gabrieli et d'Alfaro: selon toute apparence, sans l'adjonction des deux derniers, l'affaire étoit finie; mais les choses ont changé de face par-là, et on ne le pouvoit ni prévoir ni empêcher. On a fait voir clairement tout cela au Pape; mais il n'a su y apporter d'autre remède que celui que vous voyez.

M. le sacriste est tout au cardinal de Bouillon, et M. l'archevêque de Chieti à présent aux jésuites. Les premiers quinze jours, il avoit été bien : puis les jésuites et M. le cardinal de Bouillon lui ont fait peur, et il est changé. Ils lui ont fait accroire qu'ils le feroient cardinal, et sa conduite produira tout le contraire. C'est un ignorant, estimé tel ici de tout le monde et de tous les cardinaux : il avoue lui-même qu'il n'y entend rien; cela fait pitié.

Je traduis le livre de M. de Cambrai en italien pour les deux cardinaux, la traduction latine étant trop infidèle : ils verront par-là l'infidélité. Je leur donnerai le livre article par article', suivant qu'ils l'examineront.

J'ai eu ce matin une conférence de deux heures avec M. le cardinal Albane: on ne peut pas plus de souplesse dans un homme, que j'en ai vu dans ce cardinal. On ne peut et on ne doit s'y fier en rien. Jusqu'ici il a fait beaucoup de mal : dorénavant il ne sera pas en état d'en faire autant. De certaines gens lui ont parlé fortement sur le tort que sa conduite lui feroit, si elle étoit sue des évêques et du roi : peut-être modérera-t

il ses insinuations. Je l'ai instruit de tout le fait, et encore du droit. Quand on viendra à la décision, il sera difficile qu'il soit pour le livre: mais les voies de douceur et d'accommodement, les tempéraments de la politique sont de son génie, et son inclination l'y porte dans cette affaire-ci. Il m'a assuré que le Pape vouloit une censure dans les formes, ou qu'on justifiât le livre. Il m'a paru trouver le dernier impossible, et il l'est effectivement: ainsi, ils ne feront à présent que tâcher d'allonger. Il ne seroit pas impossible, si ceux qui veulent défendre le livre de M. de Cambrai persistent, que l'on n'ajoutât quelques examinateurs. C'est à quoi j'aurai l'œil, et serai très attentif. Tout est à craindre de la rage du cardinal de Bouillon et des jésuites, qui mettront le tout pour le tout assurément. Cela fait ici pour M. le cardinal de Bouillon, pour le roi et la France, un très mauvais effet.

M. le cardinal de Bouillon publie partout que le roi lui laisse une entière liberté. On dit que l'abbé de Chanterac donne un extrait de lettre du roi qui le marque, à ce qu'ils prétendent. J'ai compris que cela se rapporte uniquement à ce que vous me mandez, que le roi ne prétend pas forcer la conscience de ce cardinal. Étoit-il possible qu'on lui demandât une pareille chose? Cela vous fait voir qu'il faut continuer de faire agir le roi auprès du nonce. C'est tout ce qui désole ces gens-ci, et le seul moyen de réussir et de finir.

que tout cela est faux: mais avant qu'on ait détruit ces faux bruits, ils produisent de mauvais effets. Vous ne sauriez tous trois trop parler, trop écrire, trop faire de bruit, s'il m'est permis de parler ainsi. Vous croyez bien que ni moi ni nos amis ne nous oublions pas.

M. le cardinal de Bouillon fait sonner bien haut le prétendu partage d'avis des examinateurs. Cela est affecté, et découvre tout : il faut que je sois sage. Je ne doute pas qu'à Paris on ne fasse beaucoup valoir ce partage.

M. le cardinal de Bouillon et les jésuites sont alarmés des cardinaux Noris et Ferrari. Les jésuites veulent partout faire voir leur puissance. Soyez tous bien modérés sur le fait de MM. les cardinaux Noris et Ferrari, et de ceux qui sont pour nous. Mais pour les autres, vous avez sujet de vous plaindre, excepté du père Philippe : car on sait l'intérêt qu'Alfaro et Gabrieli ont dans cette affaire. M. le sacriste étoit déclaré avant d'être choisi: M. l'archevêque de Chieti est un ignorant, qui est mené par les jésuites tout publiquement. Il est bon que M. de Pariset M. de Chartres parlent en conformité au nonce, afin qu'on ne croie pas que je sois le seul. Ne parlez qu'au roi, et à vos amis, du père Latenai, qui peut encore être mis au nombre des examinateurs. J'ai été trois heures avec Gabrieli. La théologie de ces gens-là fait pitié : ils croient avec un distinguo finir tout, et ne font que tout brouiller. Ce ne sont que subtilités; en un mot, les mêmes solutions que celles des écrits envoyés. La Lettre pastorale, au lieu de les aider, les embarrasse; car ils prétendoient justifier le livre sans cela, comme on voit par leurs écrits.

Vos écrits et la réponse en françois et en latin ne peuvent venir trop tôt. Il faudroit tâcher de faire écrire au père Philippe par quelqu'un qui lui fit voir le tort irréparable qu'il fera à sainte

M. le cardinal Noris a à présent quelque espèce de ménagement pour les jésuites: pour lui rendre justice, cela jusqu'ici ne va qu'à ne se pas déclarer leur ennemi, et partial contre eux; mais il n'y a pas d'apparence que cette vue le fasse, dans cette occasion, biaiser. Pour le cardinal Ferrari, il n'y a rien à craindre. Je crois qu'il seroit à propos que M. de Paris, M. de Chartres et vous, écrivissiez séparément aux deux car-Thérèse, et aux autres vrais mystiques, de les dinaux, pour leur marquer l'importance de l'affaire, le scandale du livre, le péril de la religion en voulant autoriser de pareilles visions, et combien il est nécessaire de donner une règle sûre. M. le cardinal Ferrari est, je pense, celui qui écrivoit à M. de Cambrai ce qu'on vous a envoyé cet été. Cela feroit voir votre union, et on veut faire croire ici le contraire.

M. l'abbé de Fourcy écrit ici que le chapelet commence à défiler; que M. de Paris soutient, à la vérité, que le livre ne vaut rien, mais que le sens de la Lettre pastorale est bon; que M. de Chartres dit aussi qu'avant la Lettre pastorale le livre étoit mauvais, mais que la Lettre pastorale lui donne un bon sens ; que vous seul prétendez que ni l'un ni l'autre ne vaut rien. Je sais bien

confondre avec M. de Cambrai. C'est là tout ce qui l'empêche de le condamner, croyant condamner les autres en même temps: nous faisons ici de notre mieux pour dissiper ses craintes.

Monseigneur Giori fait des merveilles, et tient le Pape attentif et en défiance. Il m'a dit que vous pourriez être cardinal, si M. le cardinal de Bouillon ne faisoit pas nommer son neveu. Le Pape est plus que jamais dans la disposition de faire cardinal le parent du duc de Saxe. Il faut en même temps un François, et cela non par nomination de la France, mais parceque le Pape croira faire plaisir d'en choisir un de cette nation. Ne pourriez-vous pas faire insinuer au nonce qu'il seroit important qu'on ne laissât pas M. le cardinal de Bouillon maître du choix?

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