Images de page
PDF
ePub

A

mande de cette affaire.

M. de Paris pourroit avoir en ce cas la nomina- | dans la lettre à M. Phelippeaux, ce que je lui tion de France. Sans cela le neveu de M. le cardinal de Bouillon aura part à la promotion, quoique le cardinal n'osât jamais le proposer au roi. M. le cardinal de Bouillon assurément se moque du roi dans l'ame.

M. l'archevêque de Reims a fait merveille: je m'imagine la rage de ceux qu'il a si justement humiliés. Il a ici bien des gens qui ne l'aiment pas; mais il sera soutenu contre les jésuites.

Communiquez, je vous prie, avec MM. les cardinaux de Janson et d'Estrées, peu amis de M. le cardinal de Bouillon, et continuez à faire connoître l'obligation qu'on a à monseigneur Giori.

Le moins que vous pourrez vous absenter de Paris et de la cour sera le meilleur pour la cause, dans les occurrences qui demandent prompti

tude.

Rome, ce 4 février 1698.

LETTRE CCXIV.

DE BOSSUET A SON NEVEU.

Il lui parle de M. Giori, des disputes ordonnées dans les conférences, de la dépense à Rome, et des moyens pour y fournir.

J'ai reçu votre lettre du 21 janvier. Je vous en envoie une pour monseigneur Giori: M. de Paris écrira dans le même sens; je ne crois pas qu'il soit nécessaire que M. de Chartres écrive. Vous rendrez à M. le cardinal de Bouillon, à votre commodité, la lettre que je lui écris.

L'affaire de la dispute étoit mortelle nous verrons si le remède que vous tâchez d'y apporter aura le succès que vous en espérez *.

L'affaire de l'assassinat** fait ici grand bruit. J'ai fait part à mon frère, qui vous l'écrira, de ce qu'on en a dit ici en bon lieu. Il nous faut mander jusqu'aux moindres circonstances, qui servent à éclaircir tout ce qu'il y a de faux ou de vrai.

|

Modérez-vous dans votre dépense, mais ne vous dégradez pas. Vous sayez tout ce que je suis obligé de faire : l'argent comptant est fort rare. Vous pouvez tirer sur moi de petites sommes, en les réitérant dans le besoin. Commencez par deux cents écus: mon frère vous aidera, et nous nous entendrons ensemble pour vous secourir.

A Paris, ce 9 février 1698.

EPISTOLA CCXV.

BOSSUETI AD D. GEORIUM.

Præclaras ejus dotes eximie commendat; et ejus auxilium pro tuendâ veritate laborante,enixè flagitat.

Viro illustrissimo domino meo Georio, Jacobus Benig

nus Bossuetus, Meldensis episcopus, salutem plurimam dat.

Pridem suadet animus, vir illustrissime, ut significem per litteras maximam illam existimationem tui, quam præclarissimarum artium studia, et ipsa commendatio tantæ virtutis exposcunt. Urget beneficium singulare, quo nos, pro amicâ tuâ veritate certantes, apud optimum beneficentissimumque Pontificem omni ope, nec minùs feliciter quàm diligenter, adjuvas. Sanè vides occultas, imò verò aperta molimina ad tuendum librum, quo Gallia conturbatur, ingemiscunt passim episcopi, regis pietas commovetur: nempe sperant etiam Ecclesiæ romanæ sese imposituros splendore verborum. Redibit quietismus adscitis novi libri coloribus, suorumque tractationes faciliùs quàm istam excusari et explicari posse confidet. Non id feret veritas, non id Innocentii XII sapientia et pietas : neque per blandos sermones illudi patietur Ecclesiæ, aut infringi tanti pontificatûs gloriam.

Tu verò, vir illustrissime, quem sanctus Pontifex celebratâ universo orbi terrarum, Galliæque imprimis, benevolentiâ atque etiam fiduciâ cohonestat, age more tuo, et laboranti veritati succurras abbati Bossueto tibi devinctissimo, et laudum tuarum studiosissimo assertori faveas. Ego certè supplicare vix audeo ut me statim in hoc candidissimum pectus admittas, cultorem licet ac veneratorem præcipuum virtutis illius,

M. le cardinal de Bouillon ne voudra jamais avancer, et il faut tâcher de le faire indépendamment de lui. Le père Latenai sera bien servi. Vous verrez, cujus vivam imaginem inclyti cardinales ac duo

** Lê cardinal de Bouillon fit représenter au Pape, par l'assesseur Bernini, que la matière ne pourroit être bien éclaircie, à moins qu'on ne la discutât à fond, en disputant sur les différents objets controversés entre M. de Cambrai et les trois évéques. Le Pape donna l'ordre de disputer, que Bernini fit aussi

tôt intimer aux consulteurs.

** Celui dont on débitoit que l'abbé Bossuet avoit été menacé.

purpurati ordinis decora, Estreus et Jansonius, toties expresserunt. Illud interim, vir illustrissime, postulanti et flagitanti negare non potes, quin scilicet benignis auribus proni et humilis obsequii testificationem accipias. Vale.

Lutetiæ Parisiorum, 40 feb. 1698.

1

[merged small][ocr errors][merged small]

tines: tout le monde me les demande. Le plus tôt seroit bien le mieux assurément : en attendant, je donne des copies de la traduction que vous savez. Il n'y est pas dit un mot sur l'amour naturel : nous y avons ici suppléé par quelques observations courtes, en attendant les vôtres.

On sait ici l'accommodement des jésuites, mais on ne sait pas encore précisément les conditions. M. de Reims ne m'a pas écrit cet ordinaire. Je crois les jésuites bien mortifiés.

Sur ce qu'on a su ici que le père de La Chaise vous étoit allé voir touchant cette affaire, on a

dit que si vous vous en mêliez, il falloit mettre dans les conditions que les jésuites cesseroient

J'ai reçu la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, du 20 janvier. J'ai reçu aussi par la poste, et je vous prie de vouloir bien le dire à M. Ledieu, le gros paquet d'Oraisons funèbres et d'Expositions. J'aurois bien voulu avoir à la place des Declarations, des Summa Doctrinæ : deux ou trois exemplaires d'Oraisons et d'Expositions peuvent suffire pour le pré-ici de défendre M. de Cambrai. M. le cardinal sent; mais il n'y a pas de mal, et je trouverai de Bouillon n'est pas fâché qu'on croie que les bien à qui les donner. J'ai été ravi du petit li- jésuites agissent pour le livre, s'imaginant que vret touchant M. de Cambrai : il y est nommé, tout tombera sur eux, et rien sur lui: mais il se et bien nommé; et cela fera ici un effet terrible trompe, car l'un n'empêche pas l'autre. Il voucontre lui. La Relation a déja produit l'effet que droit bien me persuader qu'il penche pour vous j'en attendois; mais une preuve comme celle-là, dans cette affaire; mais on voit trop manifesteconstante, qui le représente en France, dès cement tout le contraire. Sans lui, le livre de temps-là, comme chef du parti, est très considérable : je le ferai voir au Pape.

Au reste, tout le dessein de la cabale se réduit à engager cette cour à se contenter d'une condamnation et prohibition du livre en général, comme on a fait pour le livre du Moyen court, et autres, et à empêcher une qualification des propositions: mais voilà justement le pointoù le Pape est très ferme jusqu'à présent. Cela lui a été proposé, depuis quinze jours, par vingt personnes. Sa Sainteté l'a toujours rejeté comme une chose indigne du Saint-Siége dans le circonstances présentes: il veut absolument qu'on qualifie les propositions. Voilà tout le but des examinateurs qui favorisent M. de Cambrai, ou plutôt ses protecteurs; car pour sa personne, je ne crois pas qu'on s'en soucie beaucoup. J'ai fait tout mon possible pour en détacher quelqu'un. Il n'y a rien à espérer, que je pense, du sacriste, ni de Gabrieli, ni d'Alfaro mais l'archevêque de Chieti est déja bien ébranlé, et j'espère tout de la droiture du carme, qui est assez entêté des mystiques. J'y ai travaillé ce matin, et ai fait voir à deux de ses confrères le tort qu'il faisoit aux vrais mystiques, de les confondre avec les nouveaux. Je verrai demain MM. les cardinaux Noris et Ferrari.

M. de Cambrai n'auroit pas tenu terre, et je serois très sûrement présentement à Paris: vous savez comme je vous ai parlé des coups fourrés.

Les jésuites et le cardinal de Bouillon commencent à me faire quelques caresses: c'est justement ce qui me fait craindre encore plus.

J'ai averti M. le cardinal de Bouillon de la

manière insolente dont le jésuite, en défendant Sfondrate, parloit des évêques, et vouloit grossièrement et séditieusement renouveler les querelles passées : il a fort bien reçu l'avis. Je ne sais si je vous ai mandé que le père Gabrieli fait imprimer un livre, pour défendre Sfon

drate.

[merged small][merged small][ocr errors][merged small]

DE BOSSUET A SON NEVEU.

Sur les mauvais bruits que les ennemis de cet abbé avoient répandus à son sujet; la maladie du cardinal de Janson; le courage et la prudence dont cet abbé avoit besoia.

M. de Chanterac a distribué ici la traduction latine de M. de Cambrai, imprimée avec les notes, différentes en quelques endroits, mais essentiellement les mêmes, et beaucoup plus étendues je ne sais si on les verra à Paris. On Votre lettre du 14, jointe à la lettre que j'écrisoupire ici après votre réfutation et vos écrits vois à peu près dans le même temps, est très imcomplets, aussi bien qu'après les observations la-portante. Ne soyez en peine de rien, tout tour

nera bien ne faites point d'éclat, je crois que ces mauvais bruits se dissiperont d'eux-mêmes. Vous devriez avoir circonstancié davantage ce qui s'est passé à Rome : il auroit fallu marquer qui est celui qu'on accuse du prétendu assassinat, et rapporter toute l'histoire comme on l'a répandue. Ce n'est pas assez de dire que celui qu'on croit ennemi est le meilleur ami; ni, comme vous l'écrivez à mon frère, qu'on ne voit que ceux que l'on doit voir pour la réputation et pour le bien de l'affaire : il faut donner tout le détail. Cependant vous devez toujours aller votre train, sans vous rebuter car par ce moyen tout tombera de soi-même, s'il n'y a rien, comme je le crois. Vous avez été en péril de perdre un bon ami M. le cardinal de Janson a été fort mal d'un fâcheux rhume. On l'a saigné trois fois de ma connoissance, et il devoit l'être une quatrième fois, si le mal avoit pressé : il est à présent, Dieu merci, hors de péril. Le roi et toute la cour en ont été fort en peine.

M. le cardinal de Bouillon m'a écrit une grande lettre sur votre conversation : il dit, entre autres choses, qu'il vous a parlé avec ouverture sur bien des articles. Vous a-t-il donné quelques avis sur votre conduite? Il faut tout savoir, pour parer ici les coups.

Je n'écrirai point encore par cet ordinaire à monseigneur Giori, parceque je suis bien aise de voir auparavant M. le cardinal de Janson et M. le cardinal d'Estrées. J'enverrai, par le premier ordinaire, un mémoire que le roi donnera demain à M. le nonce : on a eu de bonnes raisons pour ne le pas envoyer plus tôt. Ce mémoire dira tout ce qu'il faut.

Je ne parle point des choses marquées dans mes précédentes lettres. Vous n'avez à penser qu'à ce qui regarde l'affaire de l'Église : tout le reste ira de lui-même, et tournera à bien. Vous devez être persuadé qu'on pense à tout, et qu'on se sert de tout. Vous voyez bien qu'on est attentif à vos actions: marchez avec précaution, Dieu sera pour vous. Je ne répondrai à M. le cardinal de Bouillon que par l'ordinaire pro

chain.

A Versailles, ce 15 février 1698.

LETTRE CCXVIII.

DE BOSSUET A SON NEVEU.

Sur les avantages qu'on pouvoit tirer des disputes introduites parmi les examinateurs; sur une lettre de M. de Cambrai au nonce, et les dispositions des plus grands évêques en faveur des trois prélats.

vier. Je vois l'état des choses par votre récit, et le péril où tous les efforts de la brigue mettent la bonne cause; mais Dieu la soutiendra par la vérité. Le roi manda M. le nonce exprès dimanche, afin qu'il envoyât dès le lendemain, de la part de Sa Majesté, le mémoire dont je vous fais passer copie *. Le roi s'est expliqué fortement. Le second mémoire, qui est le petit, n'a pas été donné : on a cru qu'il falloit voir auparavant ce que deviendroit la dispute, qui peut avoir un bon effet, en faisant expliquer les examinateurs entre eux avant de voter; ce qu'ils doivent faire en secret et par écrit.

M. le nonce m'a fait voir une lettre de M. de Cambrai, qui ne tend qu'à allonger. Il renouvelle sa demande d'aller à Rome, et prie qu'on lui obtienne la permission d'y envoyer toutes ses réponses qui sont imprimées, mais qu'il tient secrètes, jusqu'à ce qu'on lui ait accordé de les produire. Sa lettre ne renferme que des plaintes: il répète huit ou dix fois qu'il ne veut point d'accommodement, que ce seroit flétrir sa foi. Vous diriez qu'on cherche des explications, quand il ne s'agit plus que d'attendre un jugement. II déclare qu'il nous a offert d'écrire conjointement avec nous à Rome, pour demander un jugement: c'est de quoi nous n'avons jamais ouï parler; d'ailleurs, avec la cabale qu'il a, il eût écrit sous main ce qu'il auroit voulu. Tout cela n'eût été qu'un amusement; et si nous avions fait ce qu'il dit nous avoir proposé, nous aurions eu l'air d'être ses parties, que nous ne devons pas nous donner. Du reste, des tours artificieux remplissent toute la lettre. M. le nonce a fait une réponse courte et sèche, sans se charger d'aucune proposition envers Rome.

La lettre de monseigneur Giori fera un bon effet : j'y serai fort attentif. M. de Paris lui a écrit par le cardinal de Janson. Vous avez reçu ma lettre, dans laquelle je vous ai marqué ce que le cardinal d'Estrées m'a dit, qui est que M. Giori devoit beaucoup se ménager; qu'il étoit trop franc; qu'il lui conseilloit de ne pas montrer les lettres de M. de Paris. J'apprends, pour la première fois, que les ennemis de la France** se mêlent de cette affaire : je m'en doutois.

Voilà bien des cabales réunies: celle de Sfondrate, de Marie d'Agréda, etc.

J'attends avec impatience la nouvelle déclaration des examinateurs. C'est un coup de partie. La cour ne voudra point agir auprès du car

*Il fut envoyé par le nonce au cardinal Spada, secrétaire d'état du Pape. Bossuet l'avoit composé, et nous le donnons à la suite de cette lettre.

Les ambassadeurs de l'empereur et du roi d'Espagne solli

Je reçus hier fort tard votre lettre du 28 jan- citoient ouvertement pour M. de Cambrai.

dinal que vous marquez; mais je trouverai | réponses imprimées à Bruxelles, d'où l'on ne moyen de le faire.

M. de Paris a fait voir à M. le nonce les lettres d'un grand nombre des plus excellents évêques, déclarés pour nous. J'en ai aussi beaucoup; mais nous ne trouvons pas à propos de faire agir ces prélats.

On a découvert que le père de La Combe, barnabite, directeur de madame Guyon, chef de la cabale, étoit en tout et partout un second Molinos *, et on l'a resserré dans le château où il est relégué.

On ménagera le père Latenai, qui mérite d'être servi pour ses qualités personnelles : on a déja mis les fers au feu. Ce Père doit être assuré qu'il ne sera commis en rien: on connoît ici son mérite.

A Paris, 17 février 1698.

MÉMOIRE

Remis par le roi entre les mains du nonce, pour être envoyé à Rome, et porter le Pape à accélérer la condamnation du livre de M. de Cambrai.

On ne peut que louer Sa Sainteté de la prudence avec laquelle elle veut procéder à l'examen du livre de l'archevêque de Cambrai, et ôter à ce prélat tout prétexte de s'excuser, en disant qu'on n'aura pas ouï ses réponses. On craint seulement que ce ne lui soit une occasion de tirer cette affaire en longueur.

On a déja donné à Rome divers écrits très amples, tant pour la défense de ce livre, que contre la Déclaration des trois évêques de France. On y a aussi distribué le livre du même archevêque, traduit en latin, et ensemble des notes latines très amples sur tous les endroits qui font quelque difficulté.

peut douter qu'il les ait envoyées où il a voulu.

Si les évêques de France publient d'autres écrits contre les livres de l'archevêque de Cambrai, ce n'est point pour l'instruction du procès à Rome, mais seulement pour l'instruction de leurs peuples, et afin qu'on soit prémuni contre son Instruction pastorale, et cent autres livres qui viennent de tous côtés pour sa défense, tant du dedans que du dehors du royaume.

Quoiqu'on n'ait rien à dire au choix des personnes que Sa Sainteté a nommées de nouveau pour l'examen dont il s'agit, il y a sujet de craindre qu'on ne se serve encore de cette occasion pour obtenir de nouveaux délais, sous prétexte qu'il faudra instruire de nouveaux exami

nateurs.

On voit bien que l'examen du livre de l'archevêque de Cambrai, traduit en latin, peut avoir son utilité, par la confrontation du latin avec le françois mais on pourroit aussi se servir de cet examen, comme d'un détour pour éluder le jugement du livre françois, qui est celui qui fait tout le trouble.

Le livre traduit en latin n'est point connu, et l'on croira aisément que l'archevêque de Cambrai en aura tourné la version à sa défense. C'est le livre françois qui fait le bruit, et c'est aussi sur ce livre que le roi demande une décision, et que Sa Sainteté l'a promise.

Comme Sa Majesté tient tous les évêques et les universités de son royaume dans l'attente du jugement du Saint-Siége, il est du bien de l'Église et de l'honneur de ce pontificat que l'espérance qu'on y a ne soit pas trop prolongée, et qu'on ne laisse pas échauffer une dispute qui ne cause déja que trop de scandale, dont le remède deviendroit plus difficile dans la suite.

Il paroît donc par-là que l'affaire est suffiPour cela, il est nécessaire de donner des samment instruite, et qu'il est peu nécessaire bornes aux communications demandées par d'attendre de nouvelles réponses de cet arche-l'archevêque de Cambrai; et, sans s'arrêter à vêque.

Si néanmoins il vouloit répondre en particulier aux objections de ces trois évêques. Il n'a tenu qu'à lui de le faire il y a long-temps, puisque leurs écrits sont imprimés depuis quatre mois; de sorte que la communication qu'il en demande à présent est une affectation, par laquelle il semble vouloir tirer la chose en longueur, et embrouiller une affaire qui est toute simple.

Il a même déja répondu, et l'on a vu ici ses

• La déclaration du P. La Combe à l'évêque de Tarbes, placée à la suite de la lettre ccxxvii ci-après, fournira la preuve de ce fait.

tant d'explications qui mèneroient la chose à l'infini, de prononcer sur un livre très court, qui porte en lui-même sa justification ou sa condamnation.

LETTRE CCXIX.

DE L'ABBÉ PHELIPPEAUX A BOSSUET.

Sur les falsifications commises dans la traduction latine de M. de Cambrai; les retards causés par l'adjonction des nouveaux examinateurs; l'effet où se trouvoit l'affaire, et les longueurs qu'elle devoit éprouver.

Vous avez sans doute observé que la plupart des notes du livre latin imprimé, de M. de Cam

brai, sont différentes de celles qui étoient dans | gation, Gabrieli parla pour excuser le livre,

des manuscrits, et que je vous ai envoyées. J'ai fait assez de bruit sur les falsifications du livre. Je crois que vous en ferez mention dans la réponse que vous préparez, et que vous en pourrez même donner l'extrait: c'est ce qui m'a empêché de le faire en particulier.

Le père Estiennot mande à M. l'archevêque de Reims, par le dernier courrier, que la plupart des examinateurs étoient déclarés pour le livre : cela est très faux ; rien n'a changé depuis ma dernière lettre.'

Nous avons appris ce qui a fait exclure le père Latenai. Deux cardinaux, à qui ses amis se plaignoient d'un tel procédé, qui pouvoit lui être injurieux, répondirent qu'il avoit écrit contre le livre; et je sais de bonne part que M. le cardinal de Bouillon avoit fait montrer l'écrit au Pape. Personne n'avoit connoissance de cet écrit que l'auteur, M. le cardinal de Bouillon et moi. M. le cardinal de Bouillon, à son arrivée, consulta tous ceux qu'il pouvoit connoître, afin de les exclure, s'il les trouvoit contraires à ses intentions. Il a eu beau protester au père Latenai qu'il n'en avoit point parlé au Pape : il est vrai; mais il avoit fait voir l'écrit par ses amis. C'est par ses intrigues que l'affaire a été embrouillée et retardée. Massouli et Granelli m'ont assuré que l'examen seroit à présent fini, sans les adjonctions qu'on a faites, et qui ont obligé de recommencer la discussion du livre. Outre les cardinaux Noris et Ferrari, l'assesseur, qui est Bernini, et le commissaire du saint-office, qui est dominicain, y assistent comme témoins, aussi bien que les cardinaux.

On fait tout ce qu'on peut pour gagner ou intimider quelqu'un de ceux qui sont opposés au livre. On espère que si le partage continue, le Pape sera obligé, ou de casser cette congrégation, ou d'ajouter de nouveaux examinateurs; ce qui ne tend qu'à différer. On examine encore le premier article avec l'exposition des divers amours : tous n'ont pas encore opiné. Je vis hier l'archevêque de Chieti, que je tâchai d'instruire sur des points qu'on m'avoit dit lui faire de la peine, et je dois même lui envoyer des passages de saint Thomas: il me parut mieux disposé qu'auparavant. Nous tâcherons de savoir son sentiment, quand il aura opiné, aussi bien que celui du sacriste : c'est de là que dépend la certitude qu'on pourra en avoir. Au reste, dans les deux dernières congrégations, il n'y eut que deux personnes qui parlèrent en chacune. On ne dispute plus, on a bien vu que c'étoit une chose inutile, et même ridicule : chacun discourt sans être interrompu. Dans la dernière congré

Granelli parla pour le condamner. Je ne doute point d'un bon succès: personne n'approuve les résolutions de M. de Cambrai, ni cet amour naturel qu'on prétend retrancher. Mais quoi qu'on fasse, si l'examen continue de la manière qu'on fait, il ne peut être terminé plus tôt que de Pâques en un an. Après on viendra aux consulteurs, on fera les extraits des vœux, et l'affaire sera portée à la congrégation des cardinaux: en voilà jusqu'à l'année sainte, supposé que le Pape ne meure point.

C'est à vous, monseigneur, à juger s'il est à propos que je reste à Rome pendant tout ce temps-là. Je ne doute pas que vous ou M. de Paris ne trouviez facilement quelqu'un plus intelligent que moi, qui sera bien aise de voir Rome et de connoître cette cour. En ce cas-là je pourrois m'en retourner; ou même M. l'abbé pourroit rester seul, pour attendre la fin de l'affaire. Quand vos réponses seront venues, il n'y aura plus d'instruction à donner; il ne s'agira plus que d'attendre. J'appréhende pour ma santé pendant l'été; car je commence à sentir dans la tête des étourdissements, qui me font craindre de tomber dans le même accident où je tombai quelque temps avant de partir de Paris. Et d'ailleurs, bien des raisons particulières, et quelques affaires qui regardent ma famille, m'obligent de songer au retour; et je vois que ma présence sera peut-être assez inutile ici, M. l'abbé y étant, qui pourra faire terminer l'affaire à sa gloire. Je vous supplie d'y penser, et de m'en mander votre sentiment.

On m'a averti que depuis quelques jours on a donné au Pape une écriture sanglante contre les évêques de France, qu'on accuse de vouloir tout brouiller, et de violer les constitutions les plus saintes. C'est au sujet du réglement fait contre les réguliers: on ne cherche qu'à brouiller cette cour avec la nôtre. M. le cardinal de Bouillon est plus attentif aux affaires des jésuites qu'à celles du roi. Il n'arrête pas, ou peut-être même favorise-t-il ces étincelles, qui pourront allumer dans la suite un incendie : nos ennemis sauront profiter de tout. Les jésuites ont encore demandé un délai de dix jours pour les affaires de Confucius. M. le cardinal de Bouillon envoya querir***, et le pria de diligenter et de presser cette affaire. C'étoit à une heure de nuit, le mardi gras, jour de poste : Timeo Dunaos, et dona ferentes.

Je vous prie de garder le secret sur l'affaire du père Latenai avec M. le cardinal de Bouillon; car je serois fâché de le commettre et de le perdre. On mande tout à M. le cardinal de

« PrécédentContinuer »