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rier. Je lui dis que j'en avois deux prêts: il me répondit qu'il attendoit les siens. Effectivement, avant que de recevoir votre lettre, j'avois été chez lui avec un livre pour le Pape et un autre pour lui, et votre lettre. Je ne le pus voir; et, revenant chez moi, je reçus votre lettre par laquelle vous m'appreniez que vous vous étiez adressé à M. le nonce. Il m'assura qu'il n'étoit plus question de communication d'écrits. Il approuve toutes vos raisons et tous vos procédés: il convient des vains prétextes que M. de Cambrai allègue pour allonger; mais il m'ajouta que le Pape vouloit finir absolument. Je fus très content de cette audience.

Monseigneur Giori m'a confirmé les mêmes choses, et que le Pape étoit très content de votre lettre, de vous, et de votre Relation. L'assesseur, depuis deux jours, lui a voulu brouiller la cervelle sur le livre de M. de Cambrai, lui parlant des théologiens qui étoient pour lui. La cabale est plus furieuse que jamais, soutenue des jésuites publiquement, et du cardinal de Bouillon à l'ordinaire.

Les cardinaux Ferrari et Noris m'ont parlé dans le même sens que le cardinal Spada, sur les délais et les communications. Autant qu'on peut s'expliquer clairement contre le livre, ils l'ont fait avec cela je me défie de tout, tant la cabale est unie et puissante.

Le cardinal Spada m'a dit que vous n'étiez pas partie dans le procès, mais témoin nécessaire, appelé par M. de Cambrai.

Le cardinal Noris m'a assuré que M. de Chanterac demandoit du temps pour que M. de Cambrai vous répondit, mais inutilement : il y avoit long-temps que je les avois prévenus.

Il y eut conférence avant-hier, jour des Rameaux quatre parlèrent; la matière des épreuves fut achevée d'être examinée. Le père Massoulié parla, le carme, le maître du sacré palais et le sacriste, dans les mêmes principes et les mêmes vues que ci-devant. Ils ont tous lu la Préface; mais la prévention, ou plutôt l'engagement est étrange du côté des partisans de M. de Cambrai. Ils veulent le défendre, malgré lui, contre les sens qu'il donne lui-même à son livre: ⚫ ils le contredisent en tout manifestement: ils prétendent trouver les mêmes propositions dans leurs mystiques. Que ne trouveroit-on point partout, si l'on vouloit procéder ainsi? Les plus grandes erreurs se trouveroient dans tous les Pères; mais il est impossible de leur rien faire 'entendre. Ils ne le veulent pas : ils se font céler quand je les vais voir; le sacriste l'a fait trois fois depuis huit jours. Presque tous, hors Alfaro, m'ont fait dire que la conclusion sera dif

férente, et que je serai content; mais je n'en crois rien.

Qui peut douter, en voyant l'union de tous les membres de la cabale, et sa force malgré les démonstrations du Pape et du roi, des intentions du cardinal de Bouillon et des jésuites? Ce cardinal biaise; il n'y a point en lui de sincérité. Son but est de faire croire au roi qu'il presse le jugement de l'affaire : il veut que le Pape l'écrive au nonce; mais en même temps il assure que le roi ne se soucie pas que cela finisse, bien ou mal. Il fait agir son secrétaire, comme pour presser; mais ce sont toutes fausses démarches: son unique dessein est de paroitre vouloir contenter le roi. Encore un coup, il est furieux plus que jamais.

Rien qui fasse un plus mauvais effet pour la personne du roi, que de voir à Rome le cardinal de Bouillon opposé aux intentions de Sa Majesté, et qui se moque de lui. Cela va jusqu'à faire craindre aux ambassadeurs d'Espagne et d'Allemagne que le roi n'envoie à Rome un ambassadeur : ils s'en sont expliqués, c'est tout ce qu'ils appréhendent le plus; car ils se jouent ici du cardinal de Bouillon, et le méprisent. Vous savez bien que je me suis toujours exprimé de la sorte; c'est la vérité qui me fait parler.

La première conférence se tiendra le jeudi d'après Pâques: assurément on ne perd plus de temps. Je fais traduire en italien la Déclaration du père La Combe, de l'avis du cardinal Casanate, qui n'a jamais avancé ce qu'on lui fait dire. Je mande à M. l'archevêque de Paris qu'il seroit d'une grande utilité d'avoir, par actes authentiques, la preuve de la liaison du père La Combe avec M. de Cambrai : il ne faudroit pas perdre de temps. J'ai vu le cardinal Nerli, qui m'a paru fort opposé à l'idée de M. de Cambrai sur la béatitude exclue.

Le père Estiennot m'a dit qu'on lui mande de Paris que les jésuites me justifient partout au sujet de la fable que l'on a répandue sur mon compte. Il est plus que certain que le cardinal de Bouillon en est l'auteur, et qu'il l'a fait écrire par les jésuites. Si l'on veut à présent me rendre justice, il me semble qu'on doit être entièrement convaincu de mon innocence. Tout ce que je vous ai marqué, ou aux autres, sur cet article, est la pure vérité. Je vous conjure de ne rien oublier pour la faire connoître telle qu'elle est, surtout au roi, à madame de Maintenon et à monseigneur le Dauphin. Si le roi pouvoit donner quelque marque publique du peu de cas qu'il fait de cette fable, ou en m'accordant quelque grace, ou en disant une parole, cela seul seroit capable de me tirer du fonds

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de tristesse et de douleur où je suis plongé. J'oserois avancer que mon innocence et ma bonne intention le méritent.

Vous ferez fort bien de nous envoyer vos écrits latins; il faut convaincre les personnes dans une langue qu'elles entendent: nous y suppléerons comme nous pourrons. S'ils ne sont pas nécessaires, nous ne les publierons pas.

Si tout ce que le cardinal de Bouillon écrit au roi est aussi vrai que ce qu'il lui mande sur le livre de M. de Cambrai, jugez de ce qui en est. C'est son secrétaire qui fait toutes ses lettres : il a une manière d'écrire agréable, il n'a que cela de bon; du reste, c'est un étourdi. Le cardinal de Janson le connoît bien. Je suis assuré qu'il n'y a pas la moitié de vrai dans ses lettres: il lui importe peu que le roi s'en contente. Que dit-on de l'insolence des jésuites et du cardinal de Bouillon? Cela ne fait-il pas ouvrir les yeux?

Le cardinal d'Estrées a écrit au père Estiennot des merveilles de votre Préface: il en parle comme de votre plus bel ouvrage.

Rome, ce 25 mars 1698.

LETTRE CCXXXVI.

de m. de noailLES, ARCHEVÊQUE DE PARIS, A L'ABBÉ BOssuet.

Il lui mande qu'il a remis sa lettre à madame de Mainte

LETTRE CCXXXVII.

DE BOSSUET A SON Neveu.

Sur les dispositions des cardinaux Noris et Ferrari ; l'espérance qu'il avoit de voir la vérité triompher; les différents écrits latins qu'il préparoit; et les raisons pour et contre une censure générale.

Votre lettre du 11 me fait voir beaucoup d'embarras dans les congrégations. Le principal est que le Pape est à présent bien instruit, et que les deux cardinaux font leur devoir. Ce que

vous nous mandez du cardinal Noris est excel

lent. Le cardinal Ferrari ne fera pas moins bien; nous savons que cette Éminence veut un examen sérieux; mais je vois que c'est à bonne intention. C'est beaucoup que la cabale soit connue : à ce qu'elle aura fait et ménagé contre les intéil y a apparence qu'on n'aura plus guère d'égard rêts de la vérité, et contre le véritable honneur du Saint-Siége.

La lettre que M. Giori m'écrit est si forte, que je ne puis l'admirer assez. Je vous en dirois le détail, si je ne croyois qu'il vous l'a fait voir. Il parle de vous avec estime, sans entrer dans le fait de la calomnie; mais il en a écrit partout ailleurs avec force. Pour ce qui me regarde, il s'exprime de manière que j'en suis honteux tant ce qu'il dit m'est avantageux.

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Les lettres viennent en foule de Rome : toutes.

non; le rassure contre les mauvaises impressions qu'on annoncent l'étonnement où l'on y est de la ca

avoit cherché à donner de sa conduite.

Vous n'aurez qu'un mot de moi aujourd'hui, monsieur, parceque je m'en vais coucher à Versailles, pour faire demain matin le mariage de mon neveu avec mademoiselle d'Aubigné : comme vous le croirez aisément, il me donne quelques affaires. Mais j'en aurois davantage, que je ne pourrois différer de vous dire que non seulement je donnai, à mon dernier voyage à la cour, votre lettre à madame de Maintenon, qui la reçut très bien; mais je parlai au roi amplement sur votre sujet, et assurai Sa Majesté de la fausseté des bruits qu'on a répandus contre vous. Elle me témoigna être très disposée à le croire ainsi je suis persuadé que vous pouvez avoir l'esprit en repos de ce côté-là. Il me paroit même que le public revient fort, du moins les gens désintéressés.

Je vois, par votre lettre du 11, que notre affaire va plus vite, et vous donne toujours de la peine j'espère qu'elle ne sera pas inutile, et qu'enfin la cabale succombera. Continuez vos soins, et croyez-moi, monsieur, très sincère

ment à vous.

A Paris, 31 mars 1698.

lomnie répandue sur votre compte. Dieu tournera tout à bien, et fera que le roi verra ce qui vous regarde par des voies désintéressées. Vous apprendrez, par ce billet de M. Pirot, ce que

fait M. de Paris, qui pourtant ne m'a pas encore mandé qu'il eût rendu la lettre que je lui adressai pour le roi et pour madame de Maintenon: il

aura bien fait.

M. le nonce m'a fait l'honneur de m'envoyer l'extrait d'une lettre que M. le prince Vaïni lui écrite : elle seule suffiroit pour faire voir la fausseté visible d'une si odieuse calomnie.

a

Je vous prie, en rendant ma réponse à M. l'abbé de La Trémouille, de lui faire vos remerciments et les miens. Il a écrit ici tout ce qui se peut dans l'occurrence, en votre faveur.

Vous ne sauriez assez remercier M. l'abbé Renaudot, qui répand, et ce qu'il reçoit par luimême, et ce qu'on lui communique de tous côtés, avec un zèle et une amitié que nous ne pouvons trop reconnoître.

Je ferai partir, par l'ordinaire prochain, le premier écrit latin *. Je vous ai mandé le dessein des deux autres, qui iront coup sur coup; et je

* Mystici in tuto.

prétends que le dernier emportera la pièce. Je n'espère rien de l'archevêque de Chieti, que la cabale a ménagé, tâté et gagné. Je ne répéterai point ce que j'écris à M. Phelippeaux sur mes écrits; il vous le fera voir. Je les aurois préparés plus tôt, si j'eusse eu assez à temps la réponse de M. de Cambrai à notre Déclaration. Je passerai ici la semaine, parceque le travail y avance beaucoup plus qu'ailleurs.

Il y a du pour et du contre sur la censure, ou en général, ou avec des qualifications: celle-là sera plus prompte, l'autre sera plus honorable à Rome. Le cardinal d'Estrées a toujours été pour la première, à cause de l'embrouillement du Pape. Vous êtes à la source; agissez suivant votre prudence.

Vous avez des obligations infinies à MM. les cardinaux d'Estrées et de Janson : n'oubliez pas de leur faire vos remerciments, et vos compliments à la maison de Noailles sur le mariage du comte d'Ayen avec mademoiselle d'Aubigné,

On vous enverra, par la prochaine commodité, mon livre entier : une réponse latine sur le Summa suivra de près, et enfin un autre écrit latin, qui sera Analysis explicationum *, tout par principes. J'attendois, à y mettre la dernière main, que j'eusse quelque nouvelle de la réponse à la Déclaration : on nous l'a cachée soigneusement ; et il n'a paru ici que deux exemplaires de la réponse à mon Summa Doctrinæ. Les observations de M. Phelippeaux sur l'Instruction pastorale sont excellentes je n'ai pas encore tout lu. Vous devez avoir à présent le livre où -M. de Cambrai est rangé parmi les partisans de Molinos **

Votre lettre à M. l'abbé de Gondi a été fort à propos, et sa réponse fort avantageuse. Je ne manquerai pas de lui en écrire, et de la faire savoir à la cour.

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et du public qui y concouroit ce jour-là, de vouloir entendre les confessions: ce qu'il fit, contre son ordinaire. Parmi les personnes qui se présentèrent à lui, il y eut une fille d'environ vingt ou vingt-cinq ans, d'une condition médiocre, laquelle, après sa confession, pria le père Latenaí de vouloir agréer qu'elle lui vînt proposer un doute au sujet de sa conduite et de son directeur. Le père Latenai lui ayant assigné l'après-dînée de cette grande fète (on croit que c'étoit celle de la Pentecôte), cette fille se rendit à ladite église à l'heure marquée ; et ayant fait appeler le père Latenai, elle lui dit, hors du confessionnal et de la confession, qu'elle étoit sous la conduite d'un homme de réputation, qu'elle lui nomma: mais le père Latenai, ne se souvient pas précisément de son nom; il se souvient seulement qu'elle lui dit que c'étoit le successeur du grand directeur contre lequel M. Nicole avoit écrit. Elle fit connoître ensuite au père Latenai qu'elle étoit dans l'exercice de l'oraison. Le père Latenai s'aperçut effectivement, par son entretien, que c'étoit une personne fort réglée, et assez instruite des pratiques de dévotion. Elle dit encore au père Latenai que quoiqu'elle fût fort contente de son directeur, il lui avoit néanmoins inspiré une maxime qui lui faisoit de la peine, par rapport au sacrement de pénitence. C'est, dit-elle, qu'il m'a témoigné que je pouvois m'en approcher sans douleur ou contrition, laquelle ne regardoit pas mon état. Le père Latenai, étonné de cette maxime, répondit ce qu'il devoit à cette dévote pour la détromper: mais parcequ'il voyoit qu'elle ne restoit pas pleinement contente, il lui dit de demander à son directeur qu'il mit son sentiment par écrit, et qu'il le souscrivit. Étant allée à son directeur, il lui répondit qu'il lui permettoit de produire des actes de douleur, et qu'il ne les lui avoit jamais défendus, quoiqu'ils ne fussent pas nécessaires pour elle. Le père Latenai, qui n'étoit pas satisfait de cette réponse, lui renvoya sa dévote, pour le prier de mettre son second sentiment par écrit, et de le souscrire: mais ne l'ayant pas voulu faire, le père Latenai profita de ce refus pour représenter vivement à la dévote que cette maxime devoit être bien dangereuse, puisqu'un directeur qu'elle estimoit fort habile n'osoit la soutenir par écrit ; qu'elle étoit effectivement très pernicieuse; qu'elle renversoit l'idée que nous avons du sacrement de pénitence, et étoit contraire à l'Écriture aux Pères de l'Église et aux conciles, particulièrement à celui de Trente. Le père Latenai reconnoissant que cette fille étoit pleinement changée là-dessus, la renvoya, et ne l'a plus vue.

Comme cependant le père Latenai avoit con

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servé une idée fort nette des sentiments extraordinaires de ce directeur, et du nom de son prédécesseur, il s'est informé, depuis environ douze ans qu'il est dans un pays étranger, du nom de ce personnage, et a appris qu'il étoit devenu confesseur d'un grand prince. Il en témoigna de la surprise à celui qui lui apprit cette nouvelle, et lui fit le récit de ce qui est rapporté ci-dessus, qui le jeta à son tour dans l'étonnement, lequel a augmenté dans le père Latenai, lorsqu'il a su depuis peu que c'étoit par les intrigues de M. de Cambrai qu'il étoit devenu confesseur de ce grand prince, et qu'il étoit auparavant directeur de M. de Cambrai lui-même.

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qui se porte très bien contre M. de Cambrai. J'ai vu ce matin M. le sacriste, à qui j'ai proposé de l'éclaircir, moi ou M. Phelippeaux, des difficultés qu'il pourroit avoir : cela a été dit doucement et clairement; mais le secret du saintoffice lui a servi de prétexte pour refuser cette voie. Il seroit bon de nous envoyer encore une huitaine d'exemplaires de votre dernier livre tout entier.

J'ai reçu le cahier sur la maxime semi-pélagienne de saint François de Sales.

C'est une erreur de vouloir encore ménager M. de Cambrai. Le fond de la cause des ménagements qu'on a eus d'abord, et pâtira encore. Il n'y a ici que cela de capable de faire faire quelque chose de fort et de bon. Il ne faut pas hésiter d'envoyer tout ce qui fait connoître l'attache de M. de Cambrai pour madame Guyon et le père de La Combe, et leur doctrine sur les mœurs cela est de la dernière conséquence. La copie de la lettre dont vous me parlez, qu'on répond de madame Guyon corps pour corps, est importante. Le livre du Père chartreux est remarquable; il faut nous en procurer des exemplaires. Envoyez-moi, s'il vous plaît, la copie de cette lettre sur madame Guyon; je ne sais si M. le nonce l'a envoyée.

A propos de M. le nonce, quand vous le verrez, dites-lui que je vous écris des merveilles du prince Vaïni, qui est fort son ami, et qui travaille même à l'expédition de l'affaire de M. de Cambrai.

J'ai reçu vos différentes lettres de même date, du 10 de mars, et suis parfaitement instruit de tout. Vous aurez vu, par mes précédentes, que j'avois déja prévenu ici sur la nécessité des écrits; et ils sont absolument nécessaires en latin. Nous aurions grand besoin, à l'heure qu'il est, pour les cardinaux, d'un extrait en latin de votre Préface, et d'une réponse juste et précise aux On ne sauroit trop faire voir au nonce le mousolutions et explications de M. de Cambrai, vement des parlements, des évêques et des unicomme aussi d'un abrégé de vos premières Re-versités, le feu qui est prêt de s'allumer en marques. J'espère, sur les lettres que je vous ai écrites continuellement là-dessus, que vous en aurez avancé l'impression: nous y suppléons ici le mieux qu'il est possible.

Ayant su de M. le cardinal Spada qu'il n'avoit reçu aucun de vos livres, que M. le nonce lui avoit écrit dès le précédent ordinaire qu'il lui envoyoit, je lui ai fait donner ce matin celui que je tenois tout relié pour Sa Sainteté, et il a dû le lui présenter cette après-dinée.

Il est arrivé ici plusieurs paquets par la poste, à tous les examinateurs et à d'autres, d'un écrit contre vous sur l'essence de la charité, sous le nom d'un docteur de Louvain, qu'on juge bien venir de la part de M. de Cambrai, afin de faire croire que votre sentiment sur cet article est contredit, et que celui de M. de Cambrai a des partisans; qu'ainsi on ne le peut pas condamner si facilement. C'est un piége grossier. Nous avons fait ici démentir ce prétendu docteur de Louvain par Hennebel, de qui je suis assuré, et

France, si on épargne le livre de M. de Cambrai; et si on lui laisse quelque prétexte, combien cela déplaira au roi, et combien cette division des théologiens cause de scandale.

Les jésuites et M. le cardinal de Bouillon sont pis que jamais. Je sais, à n'en pouvoir douter, que M. le cardinal de Bouillon a dit qu'il s'opposeroit à une addition d'examinateurs. On lui dit là-dessus que cela étoit bien glorieux pour M. de Cambrai, si le partage duroit, et bien scandaleux. C'est précisément cela qu'il veut.

La religion et l'état sont à présent à Rome en péril évident.

J'ai vu l'article de la Gazette de Hollande sur le meldiste et le moliniste. Il est très certain qu'ici on tâche d'insinuer qu'on ne peut condamner le sens de M. de Cambrai. Mais il est question du sensus obvio: nous n'en demandons pas davantage; et son Instruction pastorale, jointe à son livre, ne lui laisse plus moyen d'échapper.

La liaison est grande de l'abbé de Fourcy avec le cardinal Petrucci: cela est de très peu de conséquence, mais cela est.

* Madame de Lanti, sœur de madame de Bracciano, va en France. Cette dame me rendra bien justice, si elle peut arriver jusqu'à Paris : elle a un cancer, et va pour le faire tailler. Je vous supplie de vouloir bien vous informer quand elle sera arrivée, et de l'aller voir: elle doit être à la fin de ce mois à Paris. C'est une femme d'un cœur, d'un esprit et d'un mérite infini, aimée et regrettée ici de tout le monde : elle vous dira bien des particularités importantes. Elle a bon esprit, et un courage au-dessus de son sexe. Elle est fort amie de MM. les cardinaux d'Estrées et de Janson, et sera des vôtres assurément. Vous en saurez des nouvelles chez M. le duc de Noirmoutiers son frère.

Le cardinal Grimani est ici, qui taillera bien des croupières à M. le cardinal de Bouillon. Les ambassadeurs d'Espagne et d'Allemagne sont unis pour décréditer la France, dont les affaires sont ici en mauvais état.

Jamais ambassadeur n'a été si nécessaire pour le temporel et le spirituel.

un ecclésiastique de M. de Barrières sert ici d'introducteur partout à M. de Chanterac, depuis six mois. Je ne sais si c'est par ordre de son maitre, qui a toute obligation à M. le cardinal de Janson, mais qui espère tout des jésuites et du père La Chaise.

J'ai vu M. l'assesseur, qui m'a parlé tout autrement qu'il n'agit; cela ne m'étonne pas. Le Pape, ces jours passés, a dit que l'affaire n'étoit pas si claire : c'est l'assesseur qui lui a fait valoir le partage des théologiens.

Je ne vous parle plus de mon histoire, dont on reconnoit tous les jours de plus en plus la fausseté. J'avoue que j'en ai pensé mourir de chagrin; et il n'y a que quelque chose de la part du roi qui me puisse consoler du tort qu'on m'a fait en France; du reste, je me porte assez bien, Dieu merci.

Rome, 1er avril 1698.

LETTRE CCXXXIX:

DE MADAME DE MAINTENON A BOSSUET: Elle lui déclare que le roi est très persuadé de l'innocence de son neveu, et l'exhorte à le rassurer promptement.

Je vous envoie trois mémoires; l'un regarde le père de Valois : vous voyez les conséquences et les liaisons, et ce qui fait agir les jésuites et le J'ai été si occupée depuis quelques jours, père La Chaise. L'autre regarde M. de Saint- monsieur, que je n'ai pu répondre à votre lettre Pons, et vous voyez comme M. le cardinal de du 29, et à celle de M. votre neveu. Il est si viBouillon traite ici les évêques : il est tout jésuite, sible, monsieur, qu'il est innocent, et le roi en et entièrement mené par cette société. Le troi- est si persuadé, qu'il ne juge point à propos d'en sième concerne l'élection d'un général des car- faire une plus grande perquisition. Mettez-le mes non déchaussés: j'envoie le pareil à M. de donc en repos là-dessus, le plus tôt qu'il vous Paris, que cela regarde. Je vous supplie seule- sera possible: car je comprends parfaitement ment de lui faire faire attention que la désunion son inquiétude; et l'estime du roi est trop prédes François, qui est immanquable s'ils ne s'u- cieuse, pour n'être pas alarmé d'une calomnie nissent à ce père Cambolas, produira ici l'effet qui la feroit perdre, si on y ajoutoit foi. Cepenque les Espagnols desirent, et contraire à l'hon-dant M. votre neveu doit se confier dans la véneur de la France; que ce père Cambolas est aimé et estimé du Pape, de tout le monde, et de tout son ordre en Italie, et nous peut faire beaucoup de mal si M. de Paris l'irrite; sinon il sera tout contre M. de Cambrai. Les ennemis de M. de Paris se servent déja ici du bruit qu'on a répandu là-dessus contre lui. Il faut réponse incessamment sur cet article, et bonne. Le père Cambolas est intime ami de M. le cardinal de Janson et du général de la Minerve. On dit aussi, d'un autre côté, qu'il est bien avec le père La Chaise.

Si M. l'abbé de Barrières n'étoit pas encore parti, il seroit bon de lui bien faire comprendre le mal qu'il se feroit de soutenir ici M. de Cambrai, comme M. l'abbé de Chantera s'en vante. Je n'ai voulu rien dire jusqu'à cette heure : mais

rité, qui a une force qui l'emporte sur tout, si on veut avoir un peu de patience. C'est cette même confiance que j'ai aussi dans la vérité, qui me fait espérer que la décision de Rome sera pour la gloire de Dieu et l'avantage de l'Église. Vous n'en avez jamais douté, monsieur, et m'avez souvent rassurée. Je suis, avec tout le respect que je dois, votre très humble et très obéissante servante.

Versailles, 3 avril 1698.

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