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XIX. La partie inférieure de Jésus-Christ sur, saint Thomas, qui spécifie toutes les vertus. la croix n'a point communiqué à la supérieure Mais l'amour pur et paisible demeure toujours le ses troubles involontaires. P. 122 même quant au motif ou à la fin, dans toutes XX. Il se fait, dans les dernières épreuves les différentes spécifications. P. 184. pour la purification de l'amour, une séparation XXV. La contemplation pure et directe est de la partie supérieure de l'ame d'avec l'infé-négative, en ce qu'elle ne s'occupe volontairerieure, en ce que les sens et l'imagination n'ont ment d'aucune image sensible, d'aucune idée aucune part à la paix et aux communications de distincte et nominable, comme parle saint Degrace, que Dieu fait alors assez souvent à l'en-nys, c'est-à-dire, d'aucune idée limitée et partendement et à la volonté d'une manière sim-ticulière sur la Divinité; mais qu'elle passe auple et directe, qui échappe à toute réflexion. P. 121.

XXI. Les actes de la partie inférieure dans cette séparation, sont d'un trouble entièrement aveugle et involontaire; parceque tout ce qui est intellectuel et volontaire est de la partie supérieure. Mais quoique cette séparation, prise en ce sens, ne puisse être absolument niée, il faut néanmoins que les directeurs prennent bien garde de ne souffrir jamais dans la partie inférieure aucun de ces désordres, qui doivent, dans le cours naturel, être toujours censés volontaires, et dont la partie supérieure doit par conséquent être responsable. Cette précaution doit toujours se trouver dans la voie de pure foi, qui est la seule dont nous parlons, et où l'on n'admet aucune chose contraire à l'ordre de la nature. P. 123, 124,

XXII. La méditation consiste dans des actes discursifs, qui sont faciles à distinguer les uns des autres, parcequ'ils sont excités par une espèce de secousse marquée,..... enfin parcequ'ils sont faits et réitérés avec une réflexion qui laisse après elle des traces distinctes dans le cerveau. Cette composition d'actes discursifs et réfléchis est propre à l'exercice de l'amour intéressé, parceque, etc. P. 164, 165.

XXIII. Il y a un état de contemplation si haute et si parfaite, qu'il devient habituel; en sorte que toutes les fois qu'une ame se met en actuelle oraison, son oraison est contemplative et non discursive. Alors elle n'a plus besoin de revenir à la méditation, ni à ces actes méthodiques: si néanmoins il arrivoit, contre le cours ordinaire de la grace, et contre l'expérience commune des saints, que cette contemplation habituelle vînt à cesser absolument, il faudroit toujours, à son défaut, substituer les actes de la méditation discursive; parceque l'ame chrétienne ne doit jamais demeurer dans le vide et dans l'oisiveté. P. 176.

XXIV. L'exercice de l'amour, qui se nomme contemplation ou quiétude quand il demeure dans sa généralité, et qu'il n'est appliqué à aucune fonction particulière, devient chaque vertu distincte, suivant qu'il est appliqué aux occasions particulières; car c'est l'objet, comme parle

dessus de tout ce qui est sensible et distinct, c'est-à-dire, compréhensible et limité, pour ne s'arrêter qu'à l'idée purement intellectuelle et abstraite de l'être qui est sans bornes et sans restriction.... Enfin cette simplicité n'exclut point la vue distincte de l'humanité de JésusChrist et de tous ses mystères. P. 186, 188.

XXVI. En cet état, une ame ne considère plus les mystères de Jésus-Christ par un travail méthodique et sensible de l'imagination, pour s'en imprimer les traces dans le cerveau, et pour s'en attendrir avec consolation;.... mais elle voit d'une vue simple et amoureuse tous ces divers objets, comme certifiés et rendus présents par la vraie foi. P. 189, 190.

XXVII. Les ames contemplatives sont privées de la vue distincte, sensible et réfléchie de Jésus-Christ en deux temps différents; mais elles ne sont jamais privées pour toujours en cette vie de la vue simple et distincte de Jésus-Christ. 10 Dans la ferveur naissante de leur contemplation, cet exercice est encore très imparfait. Il ne représente Dieu que d'une manière confuse..... 2o Une ame perd de vue Jésus-Christ dans les dernières épreuves; parcequ'alors Dieu ôte à l'ame la possession et la connoissance réfléchie de tout ce qui est bon en elle, pour la purifier de tout intérêt propre. P. 194, 195.

XXVIII. L'état passif... exclut non les actes paisibles et désintéressés, mais seulement l'activité, ou les actes inquiets et empressés pour notre propre intérêt. p. 209.

XXIX. Dans l'état passif... les enfants de Dieu... ne rejettent pas la sagesse; mais seulement la propriété de la sagesse... Ils usent avec fidélité en chaque moment de toute la lumière naturelle de la raison, et de toute la lumière surnaturelle de la grace actuelle, pour se conduire selon la loi écrite, et selon les véritables bienséances. Une ame en cet état n'est sage, ni par une recherche empressée de la sagesse, ni par un retour intéressé sur soi pour s'assurer qu'elle est sage, et pour jouir de la sagesse en tant que propre. Mais sans songer à être sage en soi, elle l'est en Dieu,... en usant toujours sans propriété de la lumière, tant naturelle que

surnaturelle, du moment présent..... Ainsi, à, chaque jour suffit son mal, et l'ame laisse le jour de demain prendre soin de lui-même ; parceque ce jour de demain, qui n'est pas encore à elle, portera avec lui, s'il vient, sa grace et sa lumière, qui est le pain quotidien. P. 216.

XXX. Tels sont les pauvres d'esprit, que Jésus-Christ a déclarés bienheureux, et qui se détachent de leurs talents propres, comme tous les chrétiens doivent se détacher de leurs biens temporels. P. 218.

XXXI. Dans l'état passif on exerce toutes les yertus distinctes, sans penser qu'elles sont vertus: on ne pense en chaque moment qu'à faire ce que Dieu yeut; et l'amour jaloux fait tout ensemble qu'on ne veut plus être vertueux, (dans l'errata on ajoute pour soi), et qu'on ne l'est jamais tant que quand on n'est plus attaché

à l'être. P. 225, 226.

XXXII. On peut dire, en ce sens, que l'ame passive et désintéressée ne veut plus même l'amour en tant qu'il est sa perfection et son bonheur, mais seulement en tant qu'il est ce que

Dieu veut de nous. P. 226.

XXXIII. Ailleurs ce saint (saint François de Sales) dit que le desir du salut est bon, mais qu'il est encore plus parfait de n'en rien desirer. Il veut dire qu'il ne faut pas même desirer l'amour en tant qu'il est notre bien. P. 226.

XXXIV. L'ame dars l'état de transformation..... se hait elle-même, en tant qu'elle est quelque chose hors de Dieu; c'est-à-dire, qu'elle condamne le moi, en tant qu'il est séparé de la pure impression de l'esprit de grace, comme la même sainte (sainte Catherine de Gênes) le faisoit avec horreur. P. 233.

XXXV. Les ames transformées,... en se confessant, doivent détester leurs fautes, se condamner, et desirer la rémission de leurs péchés, non comme leur propre purification et déliyrance, mais comme chose que Dieu veut, et qu'il veut que nous youlions pour sa gloire.

P. 241.

XXXVI. Parler ainsi (comme ci-dessus), c'est dire ce que les saints mystiques ont voulu dire, quand ils ont exclu de cet état (des ames transformées) les pratiques de vertu. P. 253.

XXXVII. Les pasteurs et les saints de tous les temps ont eu une espèce d'économie et de secret, pour ne parler des épreuves rigoureuses, et de l'exercice le plus sublime du pur amour, qu'aux ames à qui Dieu en donnoit déja l'attrait ou la lumiere. Quoique cette doctrine fut la pure et simple perfection de l'Évangile, marquée dans toute la tradition, les anciens pasteurs ne proposoient d'ordinaire au commun des justes

que les pratiques de l'amour intéressé, proportionnées à leur grace, donnant ainsi le lait aux enfants, et le pain aux ames fortes. P. 261.

XXXVIII. Le pur amour fait lui seul toute la vie intérieure, et devient alors l'unique principe et l'unique motif de tous les actes délibérés et méritoires. P. dern.

LETTRE CCLXXXIII.

DE BOSSUET A SON NEVEU.

Sur le prodigieux effet que produisoit à la cour sa Relation; les murmures qu'on entendoit contre les longueurs de Rome, et les dispositions des princes à l'égard de M. de Cambrai.

Je vois, par votre lettre du dernier ordinaire, que les assemblées continuent trois fois la semaine, et néanmoins que les choses vont assez lentement.

Je n'ai point reçu la lettre que vous avez mise dans le paquet de M. l'archevêque de Paris : ce prélat est en visite autour de Paris.

Vous ne sauriez croire le prodigieux effet tisme*. Vous pouvez compter qu'à la cour et que fait ici et à Paris ma Relation sur le quiéà la ville M. de Cambrai est souverainement décrié ; et qu'il ne lui reste pas un seul défenduc de Chevreuse, qui sont si honteux, qu'ils seur, excepté M. le duc de Beauvilliers et M. le n'osent lever les yeux. Le roi a déclaré, d'une manière qui ne peut être ignorée de personne, que les faits de ma Relation étoient de sa connoissance, et très véritables. On commence à murmurer contre les longueurs de Rome, et nous ne retenons les plaintes, qu'en disant que la censure du Saint-Siége n'en deviendra que plus forte. Il n'est pas croyable combien ce parti est devenu odieux.

Je fus hier à Versailles, où je donnai ma Relation dans la cour des princes: on y frémit plus qu'ailleurs contre M. de Cambrai. L'abbé

* Madame de Maintenon, qui étoit plus à portée que qui que ce fût de voir l'impression que cet ouvrage fit sur tous les Paris, du 29 juin : « Le livre de M. de Meaux fait un grand esprits, s'en expliquoit ainsi dans une lettre à l'archevêque de

a

fracas ici : on ne parle d'autre chose. Les faits sont à la portée > de tout le monde : les folies de madame Guyon divertissent. > Le livre est court, vif et bien fait. On se le prête, on se l'ar» rache, on le dévore.... Ce livre réveille la colère du roi, sur » ce que nous l'avons laissé faire un tel archevêque; il m'en > fait de grands reproches: il faut que toute la peine de cette affaire tombe sur moi. Et après avoir dit dans une autre lettre du 3 juillet de la même année. «Que les quiétistes de la dans sa lttre à madame Brinon. religieuse de Saint-Cyr : » cour abjuroient madame Guyon,» la même dame ajoute » M. l'évêque de Me mx a montré par sa Relation du quiélisme la liaison qui est entre M. de Cambrai et madame » Guyon, et que cette liaison est fondée sur la conformité de » la doctrine. »

de Fleury n'a été conservé que parceque j'en | ai répondu; et l'on soupire après une forte décision, qui seule peut sauver l'honneur de Rome.

Si l'on pouvoit donner un bon conseil à M. le cardinal de Bouillon, ce seroit celui d'ôter publiquement son estime à un livre qui est bien constamment devenu l'objet du mépris et de la haine publique, sans qu'il y ait de contradic

tion. Je fais mettre ma Relation en latin.

J'ai fait dire, autant que j'ai pu, aux amis du cardinal de Bouillon, comme en étant moimême un des plus zélés, qu'il ne peut mieux faire sa cour, ni se rendre le public plus favorable, qu'en se déclarant contre le livre.

Nous nous attendons aux beaux rapports du père Dez; et il sera ici peu écouté. Le père de La Chaise, depuis la Relation, se déclare si hautement contre le livre, qu'il ne s'y peut rien ajouter.

Tous ceux qui voient, dans le mémoire de M. de Cambrai à madame de Maintenon, que j'ai fait imprimer, combien ce prélat étoit lié avec madame Guyon, sont étonnés de l'hypocrisie de ce prélat, qui faisoit semblant, ici comme à Rome, de ne la point connoître.

On est surpris de voir que ceux qu'on accusoit d'être emportés contre M. de Cambrai aient eu la patience de taire, depuis si long-temps, ce qu'ils savoient. La charité seule les retenoit, et le desir d'épargner la personne d'un archevêque. S'il a la hardiesse de répondre, et de nier quelqu'un des faits, on le confondra dans les formes, et on le couvrira de confusion. J'attends avec impatience la nouvelle de la réception du Schola in tuto, et de la Relation.

Je vous envoie un projet d'admonition* générale, que vous communiquerez avec prudence. Croyez, encore un coup, que le parti est désolé et consterné, et qu'il n'y a plus de retour. Vous verrez par le lardon de la Gazette de Hollande, que je mets dans ce paquet, ce que

M. de Cambrai fait débiter en Hollande. C'est

un jésuite, nommé Doucin, qui envoie les mé

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ADMONITIO GENERALIS,

Ad animarum directores, de orationis statu. Admonendi theologi ac doctores, ac piarum animarum directores, ne motiva sive incentiva et incitamenta charitatis in praxi separent: sed attendant verbis magni mandati charitatis, prout in Scripturis sacris continetur, ejusque connexis. Neque in præcisionibus, subtilitatibus, argutiis christianam perfectionem reponant; nec ambulent in magnis et mirabilibus super se: et Ecclesiæ peregrinantis, et cum Davide et Paulo, aliisque propheticis et apostolicis scriptoribus, ad patriam spirantis, orationes frequentent. Devitent autem novas et extraordinarias locutiones, à piis licet auctoribus nonnunquam usurpatas, quibus indocti et pravi homines, his maximè temporibus, ad suam ipsorum aliorumque perditionem abusi sunt: ac formam habentes sanorum verborum, Sedisque apostolicæ præcepta retinentes, mysterium fidei sanctæque orationis, quoad fieri potest, planis ac simplicibus, et in Scripturâ contentis, verbis atque sententiis tra

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DR L'ABBÉ PHELIPPEAUX A BOSSUET. Sur les moyens qu'on devoit prendre pour abréger; la manière dont votoient les examinateurs; la conversation qu'un homme de bien avoit eue avec le Pape touchant cette affaire; les démarches de l'abbé de Chanterac auprès des universités; et les dispositions de la Faculté de Louvain.

On nous fait espérer de prendre des moyens sûrs pour abréger l'affaire; cependant jusqu'ici on n'a rien déterminé. On convient que, si l'on continue de procéder sur le même pied qu'on a fait jusqu'à présent, nous sommes renvoyés à deux ans, et peut-être aux calendes grecques. Mercredi dernier, l'archevêque de Chieti parla sur la seconde proposition: nous avons su qu'un jésuite du collége romain lui faisoit ses vœux. Le jeudi, le même archevêque, avec le sacriste, le maître du sacré palais et le carme, firent leur rapport devant le Pape. Deux jours auparavant, le Pape avoit déclaré l'archevêque de Chieti secrétaire des évêques et réguliers, en la place de monseigneur Dasti, qui va être président à la légation d'Urbin, en la place du cardinal Lorenzo Altieri, rappelé par le Pape. Cependant cet archevêque n'a encore cette charge que par

interim aussi ne quitte-t-il ni son archevêché,, ni la charge de secrétaire sopra lo stato de' regulari, qu'il avoit auparavant. Hier matin mourut le vieux cardinal Altieri : ses obsèques se sont faites aujourd'hui; et par-là M. le cardinal de Bouillon devient sous-doyen, avec mille pistoles de rente. On croit qu'il y aura bientôt une promotion de cardinaux.

Hier il y eut congrégation, où parlèrent Alfaro, Miro, Gabrieli, et le procureur général des augustins, toujours sur le même pied: ils votèrent sur les 3e, 4e et 5o propositions. Les partisans du livre rejettent absolument les solutions de M. de Cambrai, comme fausses en ellesmêmes, et ne convenant point au texte : ils disent qu'il ne faut que s'attacher à la lettre du livre, dont ils prétendent que la doctrine est probable et peut se soutenir; que l'auteur en voulant s'expliquer ha avuto paura, et ha detto infiniti spropositi. Tout le fondement sur lequel ils s'appuient maintenant est la distinction d'opus operantis et opus operis. La charité qui est opérante conserve son motif, et renferme virtuellement le motif ex parte operis. Voilà ce que j'ai pu comprendre de leurs solutions, qu'on ne manque pas de réfuter; et quoiqu'ils ne disent que des subtilités ou plutôt des sottises, ils ont pris leur parti, et continueront jusqu'à la fin.

*

Un honnête homme eut, il y a quelques jours, une longue audience du Pape. Il lui porta la nouvelle des changements qui s'étoient faits chez le roi, que le Pape savoit déja: il lui insinua qu'il pourroit encore en arriver d'autres. Contre qui? répliqua le saint Père; contre le cardinal de Bouillon? L'inconnu répondit que cela pourroit regarder d'autres gens. Il ajouta que les longueurs qu'on apportoit à la décision de l'affaire pourroient avoir de fâcheuses suites; que les esprits se fortifioient dans l'erreur : il rapporta ce qui s'étoit passé à Mouceaux du temps du calvinisme, lorsque Châtillon demanda avec insolence la liberté de conscience. Le Pape en parut étonné, et promit de presser le jugement. L'inconnu rebattit toute l'histoire de la Guyon et du livre, dont j'avois pris soin de l'informer. Il lui représenta les désordres où étoient tombés les chefs de la secte, et qu'il pouvoit consulter les cardinaux Casanate, Ferrari, Noris et Albane, sur les moyens sûrs d'abréger. Il ajouta que ce qu'on venoit de faire pour l'archevêque de Chieti ne manqueroit pas de nous alarmer. Cela est-il possible? répondit le Pape tout sur

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pris; il n'a été nommé que par interim. Le Pape demanda pourquoi M. de Meaux avoit congédié madame Guyon, sans l'obliger de rétracter ses erreurs. Alors l'inconnu eut occasion de faire connoître la vérité du fait; et j'espère que vous rendrez publics les actes concernant ce fait; car on s'en prévaut fort ici. Comme l'inconnu racontoit tous les dogmes de la nouvelle prophétesse, le Pape l'interrompit : Mais les François sont de bonnes gens, et bien crédules, pour suivre la séduction d'une folle. Il ajouta : Mais on ne cesse point d'écrire, Questi Francesi cacciano via infiniti libri: come possono fare? L'inconnu fit voir la nécessité qu'on avoit eue d'écrire pour expliquer la vérité, et empêcher le progrès de l'erreur. Je vous prie de tenir secrètes ces circonstances; car le moindre vent qu'on en auroit nous ôteroit absolument cette ressource. Ce dialogue eut son effet : le jeudi d'après, le Pape parla fortement pour chercher les moyens d'abréger.

Je suis obligé de vous avertir que vous êtes mal servi. L'abbé de Chanterac a déja des exemplaires imprimés du livre Quietismus redivivus in Galliá purgatus; du moins une personne m'a assuré en avoir vu des feuilles imprimées. Il est certain qu'ils ont eu tous vos livres aussitôt que nous, et peut-être plus tôt : aussi se vantent-ils d'être bien servis. Ce sont gens lestes, et instruits en bonne école sur l'article.

L'abbé de Chanterac et les jésuites publient que, ne pouvant faire condamner la doctrine du livre, on avoit recours aux faits et à l'autorité; que M. de Cambrai ne s'étonnoit point du changement qu'avoit fait le roi; qu'il s'attendoit encore à une plus grande persécution; qu'on n'en étoit venu là que pour empêcher les universités du royaume, qui étoient prêtes à se déclarer en faveur de M. de Cambrai; que c'étoit ainsi qu'on avoit traité saint Chrysostôme; mais que sa mémoire étoit en bénédiction. Les jésuites blâment fort l'action du roi : ils disent qu'on a prévenu le jugement; que cette démarche est visiblement une persécution; que le roi s'est laissé conduire par les jansénistes. Et quid non? Car l'audace des jésuites va croissant de jour en jour, quoique ce soit une énigme pour tous les gens sensés.

Le général des jésuites ayant présenté au conseil de Madrid un grand mémorial, où il énonce que Hennebel a obtenu par force les derniers brefs du Pape, et accuse ce docteur aussi bien que le conseil de Brabant d'être hérétiques; ce mémorial a été envoyé ici par le nonce; il va per manus cardinalium: Hennebel va citer ce général au saint-office pour ce qui regarde la

doctrine, et prétend le poursuivre dans un autre tribunal pour ce qui regarde les injures.

L'affaire de M. de Saint-Pons n'avance pas. Le général de la Minerve s'est exclu, aussi bien que Bianchi, du même ordre. Massoulié s'est excusé. On prétend donner l'exclusion au père de Latenai, du moins l'a-t-on suggéré aux récollets. Cambolas s'est exclu, à la sollicitation de l'abbé de Montgaillard. On prétend que le cardinal de Bouillon brouille cette affaire; je n'en sais rien, elle ne nous regarde pas.

On m'a assuré que l'abbé de Chanterac et les jésuites faisoient consulter les universités. Vous pouvez prendre vos mesures pour celle de Salamanque quant à Louvain, on ne se déclarera pas. Steyaert et son parti s'est déclaré contre le livre l'autre parti ne se déclarera pas, et s'il avoit à se déclarer, ce seroit contre le livre; c'est de quoi m'a assuré Hennebel.

Nous avons perdu à la mort d'Altieri un juge favorable: ses théologiens étoient bien instruits. Le cardinal d'Aguirre pourra bien n'être pas en état de juger. Sur la fin d'un pontificat, chacun ne songe qu'à se ménager, et le cardinal de Bouillon est capable de beaucoup intimider. M. l'abbé vous mandera le reste. Je suis avec respect, etc.

Rome, 1er juillet 1698.

LETTRE CCLXXXV.

DE L'ABBÉ BOSSUET A SON ONCLE.

Sur l'effet qu'avoit produit à Rome le renvoi des personnes qui étoient auprès des princes; les expédients proposés à la dernière assemblée pour abréger et sur une conversation que cet abbé avoit eue avec le Pape.

J'ai reçu la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire de Germigny, du 8 juin. Vous aurez vu, par ma dernière lettre, que M. de Paris m'avoit informé de la résolution du roi, touchant les gens attachés à M. de Cambrai, qui étoient auprès des princes. Vous croyez bien qu'après cela il n'y a plus personne qui doute des intentions du roi : la plupart n'en doutoient pas dans l'ame, mais étoient bien aises de faire croire qu'ils en doutoient, et qu'il y avoit lieu d'en douter.

Le projet que je vous ai envoyé par le dernier ordinaire est celui jusqu'à présent qui a été le plus du goût de la congrégation et du Pape; néanmoins il n'y a encore rien de résolu sur ce sujet. Le Pape parla fortement à la congrégation jeudi passé, pour la presser de trouver quelque expédient propre à abréger. Le cardinal Casanate proposa le mien, à l'exception de pres

crire une demi-heure à chaque qualificateur pour parler, leur enjoignant seulement d'être le plus court qu'il seroit possible. Le cardinal de Bouillon, qui n'avoit pas désapprouvé ce projet quand je le lui communiquai, ne se presse pas de le faire suivre, et veut en proposer d'autres, qui sont tous rejetés, parcequ'ils ne paroissent pas à propos. Dans cette circonstance, j'ai cru devoir aller aux pieds du Pape pour lui parler là-dessus, en commençant par le remercier du zèle qu'il avoit témoigné aux cardinaux, et de la manière forte dont il leur avoit parlé; ce que j'exécutai il y a deux jours. Je lui fis voir en même temps la disposition des cardinaux, leurs vues politiques, leurs ménagements, leur lenteur naturelle; qu'il n'y avoit rien à espérer de prompt et de décisif de leur part, si Sa Sainteté ne les déterminoit, et ne faisoit exécuter l'expédient le plus convenable pour finir. Sa Sainteté comprend bien l'inutilité des longs discours des qualificateurs, et que l'essentiel consiste à leur faire donner leur vœu par écrit; sur quoi messieurs les cardinaux formeront le leur. Elle me témoigna être persuadée de tout ce que j'avois l'honneur de lui dire, et me dit qu'il étoit capacissimo, et qu'il alloit chercher les moyens les plus efficaces. Je finis par lui dire qu'on attendoit tout le bien de lui et de lui seul. Cela lui fit plaisir, aussi bien que tout ce que je lui dis sur le génie des cardinaux, pour qui il n'a pas grande estime et qu'il aime fort peu, surtout les papables.

J'eus lieu de lui parler de ce qui vient de se faire à la cour, et il ne me dit rien là-dessus qui me pût marquer la moindre peine, quelques efforts qu'aient pu faire Fabroni et la cabale des jésuites pour l'animer; mais je ne vois pas qu'on y ait réussi.

J'ai su depuis hier que Sa Sainteté, en attendant qu'on eût pris une résolution précise, à fait ordonner aux examinateurs de parler dans les premières congrégations sur trois propositions à la fois, et de laisser leur vœu par écrit.

Je ne serai pas content, qu'on ne réduise les propositions sous six chefs principaux. J'espère que jeudi il pourra y avoir une résolution là-dessus. Le nouvel assesseur et le commissaire du saint-office me paroissent beaucoup approuver cette vue, et m'ont promis d'en parler demain au Pape très fortement. Si le cardinal de Bouillon y avoit voulu entrer, il y auroit déja quinze jours qu'on auroit commencé; mais il ne le veut pas: il suffit que cette proposition vienne de moi, pour qu'il la traverse; il me fuit à présent avec affectation. Ce n'est pas le moyen de faire croire qu'il entre de bonne foi dans les intentions du roi par-là les affaires trainent en longueur

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