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non seulement madame Guyon, mais encore M. de Cambrai. Cela étoit en branle avant mon départ pour Meaux; et il est vrai que tous les amis de ce prélat ont honte de lui.

Il a fait une réponse latine à M. de Paris, que nous ne pouvons avoir *. On croit qu'il ne lui sera pas aisé de me répondre.

Je vous envoie un avis in globo, composé par M. Pirot. Le mien est meilleur; mais vous choisirez dans le sien ce qui pourra être utile.

A Paris, le 24 juillet 1698.

LETTRE CCCI.

DE L'ABBÉ PHELIPPEAUX A BOSSUET.

Sur la manière dont les examinateurs avoient voté dans

les dernières congrégations; l'étonnement où étoient réduits les partisans de M. de Cambrai, par la lecture de la Relation; et les mesures que le Pape avoit prises depuis cette lecture.

sollicité d'écrire en faveur du livre; qu'il avoit répondu qu'il étoit vrai que les religieux de tous les ordres l'en avoient prié; mais que les jésuites n'avoient fait sur cela aucune démarche. Il est bon d'éclaircir ce fait, qui tend à persuader qu'il y a un gros parti en France en faveur du livre. Les jésuites voudroient maintenant faire croire qu'ils n'ont point sollicité, voyant la condamnation inévitable.

Les plus éminents protecteurs ont été effrayés de la Relation, que nous avons distribuée entière, et qui fait ici un merveilleux effet cela seul les couvre de confusion. Elle a jeté l'abbé de Chanterac et ses amis dans la dernière consternation. Après tant de faussetés publiées, il dit à présent, pour toute excuse, qu'on l'a trompé lui-même, et qu'on lui a caché la vérité de tous les faits énoncés. C'étoit cependant sur les faits et sur le procédé, que M. de Cambrai devoit le plus triompher. Les partisans voient bien qu'il faut abandonner la doctrine du livre, et qu'il ne faut plus s'attacher qu'à sauver la personne. On sent bien qu'un roi aussi zélé que le nôtre aura peine à laisser un grand diocèse à un homme qui a soutenu si long-temps, et avec tant d'opiniâtreté, des erreurs si capitales. Le lundi 14 juillet, partit en poste un valet de pied. Ne seroit-ce point pour avertir M. de Cambrai de ce qu'il doit faire dans la conjoncture présente? M. Daurat a lu la première partie de la Relation au Pape, et lui a persuadé de prendre des me

Dans la congrégation qui se tint mercredi, le maître du sacré palais et le sacriste votèrent. Le dernier affecta de ne voter que sur la sixième proposition, quoique les nôtres eussent voté sur les autres propositions qui appartenoient à la même matière. Jeudi, devant le Pape, tous votèrent sur deux propositions seulement, la sixième et la dixième, excepté le sacriste qui ne voulut voter que sur la sixième; c'est une affectation qui ne tend qu'à différer. Jusqu'ici il n'y a point eu d'ordre précis pour ordonner aux qua-sures séparément avec les cardinaux Casanate, lificateurs sur quel nombre de propositions ils devoient voter. Les cardinaux, sur la fin d'un pontificat, ne veulent rien prendre sur eux : ils croient que c'est à celui qui préside à avoir ce soin, et à le faire régler par le Pape. Hier lundi, on vota sur les quatre propositions suivantes, qui regardent l'indifférence. Il n'y eut qu'Alfaro, Gabrieli, Miro et le procureur général des augustins qui votèrent. Alfaro affecta de parler une heure et demie, et de dire, selon sa louable coutume, beaucoup de choses sur le péché véniel, qui étoient hors de propos. Ainsi on sera quinze jours à voter sur ces quatre propositions. Demain, deux pourront voter; et jeudignifique, après un procès-verbal fait par ordre les six qui auront voté parleront devant le Pape.

On a publié ici que le roi avoit demandé au nonce s'il étoit vrai que les jésuites l'eussent

* On voit, par la correspondance de Fénelon avec l'abbé de Chanterac, que cette Réponse fut imprimée à très petit nombre; et que Fénelon en retira presque tous les exemplaires. parceque, dans le temps de la publication de cet écrit, il fut question d'un rapprochement entre lui et l'archevêque de Paris. (Edit. de Vers.)

Ferrari, Noris et d'Aguirre. Il m'a fait demander s'il parleroit du cardinal Albani; et on a trouvé à propos qu'il fût adjoint aux autres. En effet, le pape a fait venir le cardinal Casanate, et lui a parlé de l'affaire. Il est à croire qu'il en aura autant fait à l'égard des autres.

Je vous ai mandé qu'on avoit mis à l'inquisition deux religieux capucins noirs, accusés de quiétisme : ils ont été jugés. Le frère Bénigne, qui passoit pour un saint, qui disoit avoir été guéri miraculeusement par saint Cajétan, qui avoit eu des apparitions de la Vierge, dont la chambre avoit été convertie en une chapelle ma

d'Innocent XI, et pour lequel il se faisoit tous les ans une fète solennelle avec de grandes illuminations, a été condamné à une prison perpétaelle; son confrère, aux galères. Ce dernier étoit intime ami de monseigneur Marciani, qui ne s'est sauvé que par une accusation volontaire. Ces gens faisoient des retraites et des exercices spirituels où il se commettoit beaucoup d'impuretés. On dit que le prêtre sicilien dont je vous ai parlé fera abjuration publique · par-là on ap

prendra en détail ses erreurs. Le quiétisme produire aucune écriture. Je suis avec un profond n'est pas moins répandu à Madrid qu'en France | respect, etc.

et en Italie. L'inquisition de Madrid a fait arrêter plusieurs personnes qui, sous prétexte de perfection, tomboient dans les derniers excès.

Hier il y eut consistoire, où le cardinal Carpegna proposa le cardinal de Bouillon pour l'é

Rome, 22 juillet 1698.

LETTRE CCCII.

DE L'ABBÉ BOSSUET A SON ONCLE.

vêché de Porto. On ne proposa point le cardinal Sur le peu d'ordre qu'on suivoit dans les congrégations ;

d'Estrées, ni pour Albano, ni pour Palestrine à cause du différend survenu sur la dispense du cardinal Portocarrero. On prétend qu'il a consommé son droit dans l'option de Palestrine, la dispense ne lui donnant faculté que d'opter une des églises épiscopales cette contestation sera jugée pour le premier consistoire.

On m'a dit que M. le cardinal de Bouillon avoit demandé permission de passer trois mois à Frescati, et qu'on attendoit incessamment la réponse. Je souhaite que cela soit vrai les affaires n'en auront qu'un succès plus prompt.

L'empereur renouvelle ses prétentions sur les fiefs situés dans l'état ecclésiastique. L'ambassadeur a cité le prince Chigi, pour prendre dans deux mois l'investiture, et faire hommage du fief de Farnèse, situé dans l'évêché de Castro. Le cardinal Chigi acheta ce fief en 1658, du cardinal Hiérome, et de Pierre, duc de Farnèse. Alexandre VII mit dans son chirographe: Salvis juribus Imperii, si quæ fuerint; et dans la suite il mit sa famille sous la protection de l'empereur, en obtenant un titre honoraire de prince du saint Empire, pour la mettre à couvert contre les ressentiments de la France, brouillée alors avec Rome pour l'affaire de M. de Créqui. Le dimanche 13, il y eut sur cela une congrégation d'état; et dès le lundi au soir, on afficha à la porte de l'église de Lanima un placard en allemand, injurieux aux cardinaux qui y avoient assisté. On a expédié un courrier à la cour de Vienne, et cette affaire pourra avoir des suites.

On avoit publié que M. de Chanterac avoit une réponse aux faits, manuscrite, qu'on n'imprimeroit pas, pour ne pas commettre des personnes intéressées. Je lui ai envoyé secrètement un ami pour s'en informer: il a nié le fait. On est bien aise de répandre ces bruits, pour arrêter l'impression que fait la Relation: mais tous ces artifices retombent à la fin sur les auteurs. On a traduit en italien la Relation: on tâchera de la faire imprimer. Nous attendons la traduction latine que vous promettez, et le Quietismus redivivus; après quoi je ne crois pas qu'il faille

une conférence du Pape avec le cardinal Casanate; et le succès de la Relation.

J'ai une fluxion dans la tête, qui m'a pris ce matin, et qui ne me permet pas de m'appliquer un moment à écrire de ma main : je me contenterai de dicter en peu de mots ce que je sais de nouveau, qui se réduira à peu de chose, d'autant plus que M. Phelippeaux vous écrit au long. Ce que j'ai est moins que rien: je sens bien que demain je serai dans mon état naturel. Le chaud extrême, joint à l'application et aux mouvements qu'il faut se donner, m'ont causé cette très légère incommodité.

L'affaire en question ne va ni si vite, ni avec l'ordre qu'il seroit à desirer, par les mêmes raisons que vous aurez vues dans mes précédentes lettres. M. le sacriste n'a voulu voter dans les dernières congrégations que sur une proposition, qui est la sixième, et on l'a souffert. J'ai pris la liberté de m'en plaindre à M. le cardinal de Bouillon, qui ne m'a pas dit mot, à son ordinaire; et au cardinal Spada, qui m'a promis d'y mettre ordre à l'avenir.

J'ai quelque espérance que le Pape se résoudra enfin à prendre le conseil de quatre ou cinq personnes, dont je vous ai parlé. Il a déja envoyé querir le cardinal Casanate, avec lequel il eut sur ce sujet, jeudi dernier, une grande conférence. On lui parle comme il faut; j'espère que cela aura quelque suite. Le cardinal Casanate m'a dit, au sortir de là, qu'à la fin d'août les examinateurs pourroient avoir fini leur rapport; cela me paroît difficile.

On commença, hier lundi, la matière de l'indifférence. Les quatre premiers votèrent sur quatre propositions: ceux qui restent ne pourront finir demain, ni jeudi devant le Pape.

Votre Relation, que j'ai reçue par le dernier courrier, est déja toute distribuée: elle achève de couvrir de honte les partisans de M. de Cambrai. Ils n'ont plus rien à dire sur les faits, au moins ceux à qui il reste un peu de bonne foi. Pour les autres, ils disent, autant qu'ils peuvent, que M. de Cambrai a de quoi répondre à tout, et même que M. de Chanterac a reçu quelques manuscrits qu'il n'ose rendre publics en

core, parcequ'ils intéressent des personnes de la première considération. Mais je suis assuré que c'est une gasconnade. On se retranche à dire qu'il n'est pas question des faits, mais de la doctrine du livre. On ne laisse pas de sentir la conséquence de pareils faits.

M. le cardinal de Bouillon fait semblant d'ignorer les choses, et dit hautement n'avoir jamais rien su de ces faits; ne voulant pas se souvenir de ce que vous lui avez dit en France, de ce que je lui en ai dit ici, et de ce qui est contenu dans votre Relation latine, que je lui ai lue il y a plus

de six mois.

core qu'on soit entré dans les expédients d'abréger, les instances du roi seront toujours nécessaires.

Mes lettres du 8 juillet semblent marquer un dessein d'accélérer les affaires. Nous en sommes à dépendre de la vie du Pape. Mais s'il venoit à mourir, et qu'aussitôt vous fissiez une censure, comme vous me le dites dernièrement, plusieurs évêques vous suivroient, et la vérité n'y perdroit rien.

L'expédient de la censure provisoire et interlocutoire est tombé tout seul, et il n'en est plus question. Il avoit été proposé à bonne intention; du moins il l'avoit été par des personnes bien intentionnées; mais il étoit dangereux, et

M. le cardinal de Bouillon me dit hier qu'il avoit demandé au roi la permission de sortir de Rome, et d'aller à Frescati jusqu'à la rinfres-je suis bien aise qu'on n'en parle plus.

cate, et qu'il espéroit l'obtenir. Il ne s'est jamais mieux porté. Selon moi, cela montre la corde, dans l'état où sont les choses; et rien ne prouve mieux quelle étoit la disposition de cette Éminence. Dans le fond, sa demande ne peut que produire un bien.

J'ai reçu votre lettre de Marly, du 30 juin, et le projet d'admonition, dont on fera usage dans le temps. Je n'ai jamais douté de l'effet de la Relation en France et partout. Vous savez combien il y a de temps que nous demandons ici des faits qui frappent tout le monde, jusqu'aux plus ignorants, dont ce pays-ci est plein. On traduit votre Relation en italien peut-être la ferons-nous imprimer. Elle contient la condamnation du livre et de l'auteur. Les jésuites et le cardinal de Bouillon sont consternés. Je pense que le père Dez se repentira un peu de n'avoir pas voulu me croire. On lui rendra justice, si on lui fait sentir l'indignité de ses procédés.

M. le grand-duc continue à bien faire : on m'assura hier qu'il avoit envoyé ici au cardinal Noris des écrits contre le livre; je ne sais encore ce que c'est.

.

• Envoyez-nous des Relations françoises

traduction latine fera aussi du bien.

A Rome, ce 22 juillet 1698.

LETTRE CCCIII.

la

Le père Roslet vous aura sans doute rendu compte d'une vive conversation qu'il a eue avec M. le cardinal de Bouillon.

Je ne manquerai point de vous envoyer ce qui peut être utile pour Salamanque, dès que je serai à Paris. A vous, mon cher seigneur, comme

Vous savez.

A Versailles, 27 juillet 1698.

LETTRE CCCIV.

DE BOSSUET A SON NEVEU.

Il desire qu'on fasse donner aux examinateurs leurs avis par écrit, et lui annonce la traduction en italien de sa Relation.

Je suis bien aise de voir, par votre lettre du 8, qu'on ait pris l'expédient que vous aviez proposé pour abréger. C'étoit le meilleur dans l'état des choses, encore qu'il nous mène à une excessive longueur. On l'abrégeroit beaucoup en faisant donner aux examinateurs leurs avis par écrit, sur lesquels les cardinaux formeroient le leur; mais comme ce n'est pas la méthode du pays, il faut se contenter de presser le plus qu'on pourra. Vous ferez de votre mieux de votre côté, et nous du nôtre, pour parvenir à une heureuse fin.

J'ai rendu compte à l'ordinaire de votre lettre. On souhaiteroit bien qu'on allât plus vite;

de Bossuet a m. de noailles, arCHEVÊQUE DE mais, quelque las qu'on soit de Rome et de ses

PARIS.

Sur le dessein de faire une censure en France, si le Pape venoit à mourir; et sur le projet de la censure provi

soire qui n'avoit pas eu lieu.

Je vous renvoie, mon cher seigneur, la lettre de mon neveu, du 1er juillet, déchiffrée. En

longueurs, on est obligé d'en prendre ce qu'on peut.

vus; après quoi je n'écrirai plus rien, ni en laVous recevrez bientôt le Quietismus redivitin ni en françois, pour le public, à moins qu'il ne vienne quelque chose de nouveau qui m'y oblige.

Je vous envoie par avance une préface du Quietismus redivivus *, qui me semble toucher vivement l'état présent de la défense du livre. Comme elle est fort courte, on la pourra donner à part aux cardinaux et aux examinateurs. Vous ferez à cet égard ce que vous jugerez à propos. La version italienne de ma Relation est fort avancée c'est M. l'abbé Regnier** qui l'a préparée; mais il ne veut pas être nommé. Il sait parfaitement l'italien, et est de l'académie della Crusca.

J'avoue que j'ai quelque impatience de savoir l'effet de ma Relation: vous m'en instruirez quand vous l'aurez reçue tout entière.

lettre latine de Marly. On sait ici les dispositions de la France. M. lenonce les a expliquées, et on les a fait savoir d'ailleurs au Pape et aux principaux.

On croit ici ne point perdre de temps: c'est quelque chose de les faire marcher, et ils marchent. Je puis dire que les qualificateurs finiront avant la mi-septembre.

On attend ici avec grande impatience ce que M. de Bouillon exécutera de son projet de Frescati. Il nous a déclaré, à M. de Chanterac et à moi, qu'il faisoit ce voyage pour ne pas assister aux congrégations, par conséquent au jugement, et pour ne pas condamner ses amis. Ma lettre à M. de Paris, et celle que je vous

On cherchera les moyens de vous envoyer les envoie par l'extraordinaire, parlent à fond de livres que vous avez demandés. tout; elles sont très importantes.

Nous faisons connoître ici l'utilité des offices que rend M. le grand-duc, et l'on en est fort

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On finit hier l'indifférence. Enfin le Pape fait exécuter mon projet, à la demi-heure près. Demain on commence la matière des épreuves: on votera sur six propositions.

J'userai, dans la nécessité, de la liberté qu'on me donne d'un courrier extraordinaire; ce ne sera que dans la nécessité, et point s'il se peut. Rome, ce 29 juillet 1698.

aux vues politiques.

A Versailles, 28 juillet 1698.

LETTRE CCCV.

DE L'ABBÉ BOSSUET A SON ONCLE.

Sur le temps où les qualificateurs devoient finir, les motifs de l'absence du cardinal de Bouillon, et les délibérations des consulteurs.

LETTRE CCCVI.

de l'abbé BOSSUET A SON oncle.

Sur les nouveaux ordres donnés par le Pape pour faire exécuter le projet adopté dans la vue d'accélérer; les efforts du cardinal de Bouillon pour empêcher qu'on ne le suivît; et la conduite qu'on devoit tenir en France.

J'ai reçu la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire de Versailles, le 7 de ce mois. Ma fluxion ne m'a duré que vingt-quatre heures, et dès le lendemain j'ai été en état de sortir.

Je suppose que vous avez reçu ma lettre de même date, que j'ai fait aller par le moyen d'un courrier extraordinaire, dépêché par M. le carJ'ai gardé votre lettre latine de Marly, les afdinal de Bouillon, qui doit arriver huit jours faires ici allant aussi vite à présent qu'on est avant celle-ci : je crois que la voie est sûre. J'ai capable de les pousser dans les circonstances acécrit de même à M. l'archevêque de Paris; et, àtuelles. Le Pape ordonna hier à M. le cardinal de tout événement, je lui envoie encore par l'ordinaire une lettre abrégée, qui contient tout en substance, et qu'il vous montrera en cas qu'il arrive quelque accident à celle du courrier extraordinaire, qui, je pense, ne manquera pas. Je ne crois pas qu'il faille faire usage de votre

• Elle est à la tête de cet ouvrage, sous le titre d'Admonitio prævia, de Summâ quæstionis, ac de variis libri defensoribus. Voyez tome viii.

** L'abbé Regnier des Marais, de l'Académie françoise, est

Bouillon et au cardinal Spada de dire aux examinateurs qu'il vouloit absolument qu'on exécutât ce qu'il avait déjà fait ordonner, qui est de réduire à de certains chefs les propositions qui regardent la même matière; et il faut espérer qu'on le fera' dorénavant. Hier, le cardinal de Bouillon et le cardinal Spada le dirent aux examinateurs en pleine congrégation.

On finit hier la matière de l'indifférence. Le carme, le maître du sacré palais et le sacriste

connu dans la république des lettres par un grand nombre de parlèrent, le carme et le sacriste chacun pendant une heure et demie. Pour les nôtres,

bons ouvrages.

*** Nous n'en connoissons point d'autre que la narration mise

à la tête de ce tome XII.

ils ne parlèrent qu'un quart d'heure, ou demi

heure tout au plus. Ils ont eu beau vouloir trouver un autre expédient que celui que je vous ai envoyé il y a déja six semaines, ils n'y ont pas réussi. Le cardinal de Bouillon a fait ce qu'il a pu sous main, pour empêcher qu'on n'exécutât mon projet; mais à la fin, à la demi-heure près, on l'a suivi. On le devoit adopter il y a six semaines; et si on leur avoit dès ce temps-là fixé une demi-heure, dans huit jours les qualificateurs auroient fini. Mais, quoi qu'il puisse arriver, à la mi-septembre au plus tard leur rapport sera fini. Combien de temps tiendront les cardinaux? Voilà ce que l'on ne peut savoir.

Sur les plaintes publiques que j'ai faites de ce que, sans en dire de raison, et sans en avoir, on n'exécutoit qu'avec mollesse et sans ordre ce que le Pape avoit ordonné; sur ce que j'en ai dit aux amis du cardinal de Bouillon, qui le lui ont rapporté, et sur ce que je lui en ai dit moimême, me plaignant de la manière d'agir de la congrégation dont il est le chef, il a pensé aux moyens de donner le change, voyant bien que 'cela le regardoit. En conséquence, il a voulu et jugé à propos, ad pompam (car il n'étoit plus temps, et cela n'aboutissoit à rien), d'assembler samedi chez lui M. de Chanterac et moi, en présence de M. de La Trémouille, pour nous exhorter, par un discours bien préparé, à n'apporter de notre part aucun retardement à la décision de cette affaire, que le roi souhaitoit ardemment qui finit promptement. Il ajouta qu'il nous prioit de faire entrer dans ces sentiments les qualificateurs de chaque parti. Il nous dit en ⚫ même temps, comme ministre du roi, que Sa Majesté, par tout ce qui lui revenoit du livre en question, et par ce qu'elle en entendoit dire aux gens en qui elle avoit confiance, étoit persuadée qu'il contenoit une mauvaise doctrine; et après nous avoir exagéré la douleur que cette affaire lui avoit donnée, il ajouta qu'au reste, pour ce qui le regardoit, voyant qu'elle ne pouvoit finir comme il l'avoit desiré, il partoit pour Frescati ; qu'il en avoit, par un homme exprès, demandé la permission au roi, pour ne plus être obligé d'assister aux congrégations, par conséquent au jugement, et pour n'avoir aucune part à la condamnation de ses amis. Il finit en nous disant qu'il ne nous demandoit à l'un et à l'autre aucune réponse. Il fut obéi; pas un de nous ne lui dit une seule parole: on dina, et chacun se retira chez soi.

J'avoue que ce fut une comédie pour moi, qui lisois dans son cœur. Ce qui m'a le plus étonné de ce discours, c'est cette déclaration de vouloir aller à Frescati pour ne plus se mêler de cette affaire, ne plus assister aux congregations,

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et ne point condamner son ami. Je ne sais ce qu'il exécutera de ce projet, ni si le roi le lui permettra. Je sais bien que c'est le plus grand bonheur qui nous puisse arriver: mais enfin on aperçoit clairement qu'il est engagé, autant que M. de Cambrai même, dans sa défense, et qu'il ne le peut abandonner. Il voit la mauvaise fin, le mauvais succès de cette affaire. De plus, ayant agi comme il a fait auprès du Pape et des cardinaux, il croit ne pouvoir plus rien faire avec honneur. Mais ce que je sais, c'est que dans le cœur il favorise les sentiments de M.de Cambrai ; et tout ce qui a l'air de nouveauté lui plait. Il a déja, depuis huit jours, fait part de son dessein à tous les cardinaux, qui en sont bien aises. Personne ne comprend la hardiesse qu'il a eue de le demander au roi : tous les gens sensés craignent pour lui une disgrace, et ne comprennent pas la patience de Sa Majesté.

Si le cardinal de Bouillon ne part pas, je crains son vœu : il est capable de tout, il est incorrigible, et homme à tout hasarder par vanité et par esprit de parti. Il est le premier à voter. Qui osera le contredire dans une affaire qui regarde la France? Les cardinaux ne seront-ils pas disculpés de suivre les impressions d'un ministre à qui le roi confie tous ses intérêts? On ne peut s'imaginer que le cardinal de Bouillon aille directement contre les intentions du roi, et l'on croit toujours qu'il a des ordres secrets. D'ailleurs, on craint bien plus ici le ministre que le roi. Cela n'est que trop vrai, et c'est tout le péril.

La cabale continue sourdement; et son but, auquel elle tend toujours, c'est d'empêcher une condamnation particulière. Le cardinal Nerli, que j'ai vu ce matin, a, pendant une demi-heure, enchéri sur ce que je lui disois contre le livre: on ne peut se déclarer plus fortement qu'il l'a fait. Cependant au bout de ce beau discours, il m'a dit aussi fortement que le Saint-Siége ne devoit et ne pouvoit s'engager dans le détail des propositions, ni les qualifier, ni donner là-dessus qu'une décision générale, surtout étant question d'un livre fait par une personne qui n'étoit pas hérésiarque; qu'il croyoit en agissant ainsi satisfaire le roi, les évêques et sa conscience.

J'ai tâché de lui faire voir combien il se trompoit, ou plutôt combien on le trompoit sur tous ces points: je lui ai cité la conduite de l'Église dans tous les temps contre les erreurs et ceux qui les soutenoient, qui n'étoient hérésiarques que par leur obstination. Je lui ai rappelé la condamnation des évêques des plus grands siéges, parcourant l'histoire ecclésiastique, les décrets des papes Victor et Étienne, etc. Je lui ai

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