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une longue et parfaite santé, et suis à vous, ou faire quelque chose de trop foible, je serai monsieur, à mon ordinaire.

11 août 1698.

LETTRE CCCXIV.

DE L'ABBÉ BOSSUET A SON ONCLE. Sur les différents projets de censure qui lui avoient été envoyés; les mesures qu'il vouloit prendre pour obtenir une bonne décision; le soin avec lequel on tenoit secrète la Réponse de M. de Cambrai à M. de Paris; et la conclusion prochaine du rapport des examinateurs.

tous les jours aux pieds du Pape, pour lui représenter avec sincérité et respect ce qu'il conviendra. Au moins, si on veut faire mal, je n'aurai rien à me reprocher, et c'est qu'on le voudra. Je suis persuadé que si l'on nous aide du côté du nonce, pour la condamnation des propositions respectivè, nous l'emporterons. Jusqu'à cette heure, c'est l'intention du Pape.

On cache toujours de plus en plus la Réponse de M. de Cambrai a M. de Paris, et il n'y a pas moyen d'en avoir d'exemplaire. Je ne sache que trois cardinaux qui l'ont, Noris, Carpegna J'ai reçu la lettre que vous m'avez fait l'hon- et Bouillon : les autres sont un peu mécontents neur de m'écrire de Meaux et de Paris, du 20 de n'en avoir pas. Ce mystère, que nous avons et 21 juillet, et en même temps tous les diffé- grand soin de faire remarquer, ne produit pas rents projets. Le projet provisoire sera inutile; un bon effet pour M. de Cambrai. Ses amis concar il n'est plus temps d'en faire usage. Le pro- tinuent à publier que la Réponse à votre Relation jet in globo seroit de saison; mais comme il est est faite, qu'elle est foudroyante, et que vous fait, cette cour se résoudra peut-être plus aisé êtes réduit en poudre ; cependant elle ne paroît ment à qualifier les propositions avec un respec- pas. Vous me témoignez desirer si fort de voir tivè, qu'à les condamner ainsi, en s'expliquant promptement tout ce qui sera publié ici là-dessur le particulier de la doctrine, quoiqu'en gros. sus, que je crois que je vous enverrai encore ces Il faut les laisser agir. Tout ce qu'on fait depuis pièces par un courrier extraordinaire, surtout si trois mois tend à une qualification. Un si long je vois qu'il y ait des choses de conséquence. examen, avec toutes les formalités les plus pom-Leur finesse est de les faire paroître ici le plus peuses et les plus extraordinaires, les engage, malgré qu'ils en aient, à faire quelque chose de décisif et de solennel; car ils commencent à s'apercevoir que s'ils se conduisoient autrement, on se moqueroit d'eux. J'ai aussi eu en vue de les obliger à prendre ce parti, en les engageant à tout ce qu'il y a de plus éclatant, et ne les pressant qu'indirectement. La cabale l'a bien prévu, et n'a cessé, ou de proposer des moyens pour estropier l'affaire, ou pour l'allonger à l'infini. Dieu merci, on en est venu à quelque chose de très solennel, de très marqué, et d'assez court dans les circonstances présentes. Il les faut donc laisser continuer.

tard qu'ils pourront, afin que vous n'ayez pas le temps d'y répondre, et d'obtenir l'effet qu'ils desirent: mais je crois qu'ils se tromperont en tout.

Leur excuse, pour ne pas publier la Réponse à M. de Paris, est la défense qu'ils disent que le roi a faite à M. de Cambrai d'écrire davantage pour sa défense. Le cardinal Colloredo me demanda l'autre jour si cela étoit vrai : je l'en désabusai. Fabroni et les jésuites font courir ces bruits, que M. le cardinal de Bouillon laisse répandre, aussi bien que tout ce qu'on dit sur le roi et sur madame de Maintenon. Sans nous, je l'ose dire, cela feroit une impression très défavorable sur des gens qui naturellement sont malins, et qui croient aisément que tout se fait par politique, parcequ'ils ont coutume d'agir par de pareils motifs.

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Si je pouvois avoir la Réponse à votre Relation, quand le valet de chambre que M. de Torcy a envoyé ici partira, je me servirois de cette occasion pour vous la faire passer; mais elle ne paroît pas encore.

J'ai vu tous les cardinaux depuis huit jours, pour les prévenir sur la Réponse de M. de Cambrai à M. de Paris, et les autres choses de cette nature; en même temps pour leur faire remarquer l'attente générale où l'on étoit de quelque chose de grand, de décisif et d'honorable pour le Saint-Siége. Je vois bien où est l'enclouure; mais la honte de passer pour ce qu'ils sont les rendra hardis malgré eux. Je l'espère ainsi, quoique j'avoue que cela aura sa difficulté; mais La matière des épreuves est finie; on a comon ne sera pas plus de temps à se résoudre à un mencé à voter sur l'involontaire et les cinq prorespectivè qu'à une simple condamnation gé-positions qui suivent: il faut encore deux connérale, telle que vous la proposez. Nous profite-grégations pour terminer cette matière. Le reste rons de tout, et des occasions propres à obtenir le succès que nous desirons. Pour moi, si je vois qu'on veuille nous porter quelque coup fourré,

des propositions se divisera en deux ou trois points, et tout sera terminé dans quatre semaines; de sorte qu'à la mi-septembre les qualifica

teurs auront fini assurément. Si l'on veut faire

quelque chose de bon, on ordonnera à nos qualificateurs de mettre les propositions en état d'è

LETTRE CCCXV.

DE BOSSUET A SON NEVEU.

tre qualifiées et censurées, c'est-à-dire, de les Sur ce qu'il écrit à la cour, pour que le roi fasse agir le réduire sous les différents chefs; et puis les cardinaux verront ce qu'ils auront à faire.

J'attends la fin de votre vœu : nous en ferons

l'usage qu'il faut, et nous tâcherons que nos qualificateurs prennent modèle dessus. Je ne sais s'ils seront assez dociles pour vouloir s'en servir; en tout cas, cela les aidera toujours beaucoup. La censure de M. Pirot est bonne, mais bien

embrouillée.

Au reste, M. Charmot vous a écrit, et a envoyé sa lettre à MM. des Missions étrangères,

qui ne lui mandent rien là-dessus : il en est en peine. Les jésuites, et le cardinal de Bouillon sous main, le persécutent. Fabroni, secrétaire de la propagande, fait échouer, pour favoriser les jésuites au préjudice des Missions, toutes les bonnes intentions du Pape et de la congré

gation.

Il n'y a rien à craindre du côté du duc Cesarini à mon égard. Il a avoué à un de mes intimes amis que M. le cardinal de Bouillon lui avoit fait parler il y a trois mois contre moi; mais qu'il avoit répondu qu'il ne pouvoit me savoir mauvais gré d'un bruit qui m'avoit fait autant de peine qu'à lui, et auquel on savoit que je n'avois jamais donné sujet. Le cardinal est resté couvert de honte de sa démarche; et il n'est, depuis un temps infini, non plus question de cela que si l'on n'en avoit jamais parlé.

Tout le monde a été convaincu de la fausseté de ce mauvais bruit, et de la malice de mes ennemis. Je fais semblant de tout ignorer, et je méprise tout ce qu'on peut dire. On est ici témoin de ma conduite, qui est, Dieu merci, sans reproche, sans affectation, et pleine de sincérité en tout.

Les traductions en latin et en italien viendroient bien à propos, aussi bien que le Quietismus redivivus, que tout le monde demande.

J'ai oublié de vous dire, dès l'ordinaire passé,

que des ennemis de M. l'archevêque de Reims ont écrit ici qu'il étoit disgracié, et qu'on vous avoit donné son bureau. Je me suis récrié, comme je devois, contre cette nouvelle.

Rome, ce 12 août 1698.

nonce; et sur la traduction italienne de sa Relation.

J'ai reçu ici votre lettre du 29 juillet, par un courrier extraordinaire. J'ai envoyé un récit du tout à la cour, avec l'insinuation de ce qu'il faudra dire à M. le nonce; savoir, que Sa Majesté n'attend pas seulement une décision prompte, mais encore digne du Saint-Siége, qui donne le dernier coup à une secte toujours renaissante; en sorte qu'il n'y ait plus rien à desirer ni à faire ici pour l'extirper tout-à-fait.

et

Je m'étonne des raisonnements du cardinal

Nerli, auxquels ni le cardinal de Janson, ni le cardinal d'Estrées, ne peuvent apporter aucun remède; le dernier étant même d'avis d'une condamnation en gros, pour ne point embarrasser le saint-office, d'autant plus qu'un respectivè n'instruit guère plus; de sorte qu'il faut se réduire à l'instruction que vous pouvez donner sur les lieux, en insistant du moins en tout cas sur le respectivě.

Je n'ajoute rien à mes précédentes observations. On vous enverra le Quietismus redivivus, si le courrier s'en veut charger. On va imprimer la Relation, traduite en italien par M. l'abbé Regnier, que j'ai revue avec lui; elle est si bien, que je doute qu'on puisse mieux faire au pays où vous êtes. Après cela, la traduction latine sera inutile pour l'Italie.

A Jouarre, le 15 août 1698.

LETTRE CCCXVI.

DE BOSSUET A M. DE NOAILLES, ARCHEVÊQUE

DE PARIS.

Sur la réponse latine de M. de Cambrai à cet archevêque, que l'abbé Bossuet envoyoit de Rome; l'état des affaires à Rome; et la manière dont il desire que le roi parle

au nonce.

Cambrai à la vôtre françoise. Mon neveu me l'a Voilà, monseigneur, la réponse latine de M. de envoyée par un courrier exprès, selon l'ordre que je lui en avois donné avec la permission du roi. Il a cru que vous ne pouviez être trop tôt averti, ainsi que moi, des impostures qu'on répand à Rome contre nous.

C'est par M. le cardinal de Bouillon que mon neveu l'a vue. Ce cardinal a fait semblant de ne savoir ce que c'étoit que cet écrit, et cela par une affectation manifeste; puisque M. l'abbé de Chanterac, qui le lui avoit mis en main, sortoit

de chez lui après une conférence de deux heures. Dans le peu de temps qu'on donna à l'abbé Bossuet pour le lire, il remarqua bien qu'il étoit tout plein d'impostures; il s'en est convaincu de plus en plus par l'exemplaire qu'on a confié depuis à M. Phelippeaux, qui en a fait faire cette copie en diligence. Je l'ai parcourue fort légèrement; et quoiqu'elle me regarde beaucoup, néanmoins, comme elle est pour vous, j'ai cru, mon cher seigneur, que je ne pouvois trop tôt vous l'envoyer.

Si l'on n'eût pris cette voie extraordinaire, nous eussions été trop long-temps sans apprendre ce qu'on disoit. Il y a eu un retardement d'un jour, parceque mon frère, à qui le paquet étoit adressé, s'est trouvé à dix lieues de Paris. On m'a éveillé de fort bonne heure pour recevoir le paquet, qui étoit sous mon adresse. J'ai cru d'abord que je devois ouvrir le paquet qui étoit pour vous, quand ce n'eût été que pour suppléer par la lettre qui m'est adressée, ce qui pourroit manquer à la vôtre; mais enfin le respect l'a emporté. Je serai, sans tarder, mardi au soir à Paris, et je chercherai dès le lendemain les moyens de vous voir. Je vous supplierai, quand vous aurez vu la lettre latine, et que vous en aurez tiré copie, que je la puisse revoir.

L'état des choses est que, malgré les longs

sus-Christ, qui avoit abandonné la béatitude, pour venir sauver les hommes.

Voici sans doute une grande crise pour l'Église, et une pressante occasion de mettre fin aux nouvelles spiritualités, qui produiront un grand mal, si l'on n'en arrête le cours.

Je vous supplie qu'en arrivant j'apprenne où je pourrai avoir, dès le lendemain, la joie de vous voir. Vous connoissez mes respects, mon cher seigneur, et mon vif attachement.

L'abbé Bossuet me mande qu'il sait que le cardinal de Bouillon lui rend à la cour tous les mauvais offices qu'il peut. L'abbé lui témoigne toutes sortes de respects: mais quoique ce cardinal m'écrive sur son sujet d'une manière très obligeante, il est fâché dans son cœur de le voir si attentif à solliciter et à agir contre la cause qu'il favorise. Il est de votre bonté, en vous souvenant du passé, de pénétrer ce qui peut être de l'avenir : pourvu qu'on soit averti, l'abbé Bossuet se promet de tout détruire par preuves.

A Meaux, ce 16 août 1698.

LETTRE CCCXVII.

DE BOSSUET A SON NEVEU.

discours des Cambrésiens, le rapport des qualifi- Sur la réponse latine de M. de Cambrai à M. de Paris;

cateurs finira à la mi-septembre, et qu'il n'y aura qu'à attendre l'avis des cardinaux. Les bien intentionnés croient qu'il seroit honteux au Saint-Siége, et contraire au bien de la religion, après un si grand éclat, de ne faire aboutir un si long examen qu'à une simple prohibition, sans aucune qualification particulière, avec du moins un respectivè, qui ôteroit tout l'embarras de la discussion; et c'est à quoi il faut s'en tenir, à mon avis.

M. le nonce continue à écrire fortement. Il me semble absolument nécessaire que le roi, en lui témoignant la satisfaction qu'il en a, lui déclare qu'il s'attend non seulement à une prompte expédition, mais encore à une décision digne du Saint-Siége et de l'attente de la chrétienté, et qui soit capable de mettre fin à un mal si contagieux.

On répand plus que jamais sous main le quiétisme, et les preuves que j'en ai sont démons

tratives.

Je suppose qu'on vous écrira sur le sermon prononcé aux jésuites le jour de saint Ignace, où l'on a prêché, avec l'amour pur, l'indifférence pour le salut; en comparant saint Ignace à Jé

Voyez la lettre CCCIX.

la réponse du même à sa Relation; et sur une lettre que le cardinal de Bouillon lui avoit écrite.

J'ai reçu vos lettres du 12 du mois dernier par le courrier de M. le cardinal de Bouillon, celle du 22 écrite d'une autre main, celle que madame de Foix m'a fait tenir, celle du 29 par l'ordinaire, et celle de votre courrier extraordinaire du 4 de ce mois.

Vous avez appris apparemment par M. de Paris qu'aussitôt que j'eus reçu votre paquet par le valet de chambre de M. d'Azuque, mon frère m'envoya un exprès. Je le fis repartir le plus tôt qu'on put, pour faire tenir à l'archevêché la réponse latine de M. de Cambrai, et le paquet qui regardoit M. de Paris, avec une lettre que j'y joignis. Quoique la réponse latine n'ait été par ce moyen que très peu de temps entre mes mains, et qu'on ne puisse la parcourir plus légèrement que je ne l'ai fait, j'y ai remarqué en gros les impudentes impostures dont elle est pleine. Ce sont à peu près les mêmes qui remplissent la réponse françoise à la Relation, que j'ai toute, à la sixième feuille près. J'espère que si elle vient entre vos mains, vous me l'enverrez, ainsi que vous avez fait la latine, par un courrier exprès. Quand je l'aurois déja tout entière, vous me ferez toujours plaisir de me l'en

voyer. Les changements des diverses éditions [ néanmoins: je me suis engagé trop publiquesont à observer, et il vaut mieux en avoir trop que d'en manquer.

Le Quietismus redivivus doit vous arriver par le courrier de M. le cardinal de Bouillon, qui n'a voulu se charger que d'un très petit nombre d'exemplaires : le reste ira par la voie ordinaire. Je vous enverrai par votre courrier la version italienne de la Relation. Toutes les lettres de Rome retentissent de l'effet qu'elle y a eu.

Je serai mardi à Paris: je dirai ce qu'il faudra dire sur votre compte.

ment à ne le pas faire, pour manquer à ma parole. Je pourrai seulement laisser répondre un anonyme, qui dira ce qu'il faut : je m'expliquerai davantage par le premier courrier.

Je viens à votre lettre du 29, et ne trouve pas grand'chose à y répondre; parceque c'est un abrégé de celle que vous m'aviez écrite le même jour par ce courrier extraordinaire, et qué l'abbé Madot m'apporta fort ponctuellement.

Il est fâcheux que le cardinal de Bouillon ait changé la résolution qu'il avoit prise: on consentoit volontiers en ce pays au séjour qu'il vouloit faire à la campagne.

Continuez à combattre la cabale, et à soute

aidera; nous le ferons de notre mieux en ce pays. M. de Meaux arrive demain : nous conférerons d'abord, et nous agirons toujours avec le zèle que nous devons. Croyez-moi, je vous en conjure, monsieur, à vous très sincèrement.

J'ai reçu une lettre de M. le cardinal de Bouillon, du 22. Voici ce qu'il dit en parlant de vous: « Je souhaite que M votre neveu soit content » de moi; au moins puis-je vous assurer qu'il en anir la bonne cause; j'espère que Dieu vous y >> sujet. » Et dans un post-scriptum : « M. votre » neveu m'a donné votre dernier ouvrage *, que » j'ai lu avec toute l'attention et les réflexions » que demandent les faits qui y sont rapportés. » Je suis sûr que, loin de desirer que je vous » mande mes sentiments sur ce dernier ouvrage, » non plus que sur les précédents, concernant » cette trop malheureuse affaire, vous me pres» cririez de ne vous en rien faire connoître, si je » voulois vous le faire savoir. »

J'avoue pourtant que ce silence sur une af faire de procédé, dont on n'est pas juge, me paroît bien sec.

Pour vous, vous ne sauriez faire trop d'honnêtetés à Son Eminence.

A Meaux, 17 août 1698.

LETTRE CCCXVIII.

DE M. DE NOAILLES, ARCHEVÊQUE DE PARIS,
A L'ABBÉ BOSSUET.

18 août 1698.

LETTRE CCCXIX.

DE L'ABBÉ BOSSUET A SON oncle.

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Sur les discours tenus au duc Cesarini contre cet abbé; les sollicitations des partisans de M. de Cambrai, et leurs démarches pour empêcher une qualification particulière des erreurs du livre; les expédients que cet abbé jugeoit nécessaires pour obtenir une bonne decision; sur le faux bruit d'un accommodement de l'affaire, et sur la dernière congrégation.

Je vous écris par le valet de chambre de M. de Torcy, que M. le cardinal de Bouillon renvoie cette nuit.

J'ai reçu la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire de Versailles, du 28 juillet : j'ai

Il lui marque ce qu'il pense de la Réponse de M. de Cam- reçu en même temps les premières feuilles du brai, et ce qu'il devoit faire à cet égard.

Je commencerai par vous parler, monsieur, de votre dernière lettre du 4. Elle est arrivée fort heureusement, aussi bien que la belle pièce ** que vous m'envoyez. Vous m'avez fait un sensible plaisir de l'envoyer si diligemment ; je vous en remercie de tout mon cœur. Elle ne me fait point de peur : il me semble qu'elle est foible en tout, et pour les raisonnements et pour les expressions. Il convient des faits principaux de ma Réponse je puis vous assurer que ceux qu'il y ajoute sont faux. Je suis fàché d'être obligé de le dire, mais j'y suis forcé. Je ne répondrai pas

* La Relation sur le quietisme.

· C'est la Réponse de M. de Cambrai à M. de Noailles, dont il est parlé dans la lettre précédente de Bossuet,

Quietismus redivivus. J'ai commencé à en donner à quelques cardinaux, et en donnerai à tous; mais à mesure que je les pourrai rencontrer, pour leur pouvoir expliquer le tout moi-même. Vous recevrez ma lettre du 12 par le courrier ordinaire, à peu près en même temps que celleci; ainsi je ne répéterai dans celle-ci que ce qu'il y avoit d'essentiel dans l'autre : j'y ajouterai ce que je sais de nouveau.

Je vous parlois, dans ma lettre du 12, de ce qui regarde le duc Cesarini, et je vous disois qu'il s'étoit expliqué avec un de mes intimes amis, qui est aussi des siens, sur ce qui me regarde; qu'il avoit déclaré que M. le cardinal de Bouillon l'avoit fait tenter par des voies indirectes sur mon chapitre, pour tacher de l'irriter

contre moi, et de lui faire prendre de l'ombrage sur les bruits qui avoient couru : que cela lui avoit causé un peu de chagrin contre moi pendant quelque temps; mais que depuis qu'il avoit su les manéges du cardinal de Bouillon dans l'affaire de M. de Cambrai, et l'aversion qu'il avoit pour moi, il avoit aisément reconnu sa malice; qu'il avoit fait dire à ce cardinal, depuis quelques mois, par les mêmes gens qui lui en reparloient, qu'il n'avoit eu jamais aucun sujet de se plaindre de moi; que les auteurs de ces faux bruits étoient ses ennemis autant que les miens; et qu'il n'avoit garde de s'en prendre à moi, qui en étois innocent en toutes maniè

res.

dinal de Bouillon ne prend aucune peine de détruire. Il faut que nous et nos amis le fassions.

Il ne faut plus espérer que la Réponse de M. de Cambrai contre M. de Paris devienne publique: ils tâchent d'en retirer doucement les exemplaires qu'ils en ont donnés à quelques cardinaux. Aucun de ceux à qui je l'ai demandée ne me l'a voulu laisser voir, me disant qu'ils avoient promis de ne la montrer à personne. Sur les plaintes que j'ai faites hautement du procédé des agents de M. de Cambrai, qui cachent ainsi un livre imprimé auquel ils veulent qu'on ajoute foi, et d'après les remarques que nous avons faites sur le peu de droiture d'une pareille conduite, et nous Récriant contre la fausseté du contenu de cette Réponse, M. de Chanterac est allé déclarer chez les cardinaux, et en particulier chez le cardinal Casanate, qui me l'a dit, qu'il ne publioit pas encore cette Réponse telle qu'elle étoit imprimée, parcequ'il y avoit quelque chose à corriger, qu'elle n'étoit pas tout-à-fait exacte, qu'elle traitoit un peu durement M. de Paris, qu'il vouloit ménager à cause de madame de Maintenon et du roi ; mais que bientôt elle paroîtroit corrigée avec la Réponse à votre Relation, telle qu'il convenoit. Voilà la manière d'agir de ces messieurs: ils n'osent publier ce que leur maître imprime. Il leur suffit de dire qu'on a répondu que la pièce est imprimée; après quoi ils la suppriment, sous prétexte qu'ils ne veulent pas fâcher madame de Maintenon et le roi, qui s'intéressent à ce qui regarde M. de Paris. Il est aisé de voir que ces manières ne doivent pas faire un bon effet pour eux. Néanmoins les partisans de M. de Cambrai n'en publient pas moins inso

J'ai été bien aise de savoir ces intrigues, qui me font voir ce qu'il faut attendre de l'amitié du cardinal de Bouillon. Vous devez être assuré que s'il pouvoit me voir mort, ou hors de Rome, rien ne lui causeroit plus de joie: mais je vas toujours mon train à l'ordinaire ; et le cardinal est obligé extérieurement d'avoir pour moi de grands égards. Ainsi je ne puis croire que le mal que le cardinal de Bouillon a fait dire de moi par son homme regarde la calomnie débitée contre moi cet hiver, qui est entièrement oubliée, et sur laquelle tout le monde ici me rend justice. Mais ses propos ont infailliblement pour objet l'affaire de M. de Cambrai ; et à cet égard il devroit se contenter de tâcher de se justifier, sans accuser les gens qui font leur devoir en honneur et en conscience. Il s'imagine que j'écris contre lui, parceque la conscience lui reproche beaucoup de choses qu'il voudroit être ignorées. Mais je n'écris que ce qui est public, et ce que je sais à n'en pouvoir douter: je ne suis ici que pour cela. Il n'ose entrer dans aucun éclaircis-lemment qu'on répond à tout. On a fait remarsement avec moi, parcequ'il sait que j'ai raison quer toutes ces choses au Pape et aux cardien tout, et qu'il ne m'en imposera pas. Il y a naux. cinq ou six mois qu'il voulut me parler, mais il s'en tira très mal. Il parle plus qu'il ne veut; et malgré lui il montre son cœur et ses dispositions: c'est pourquoi il juge à propos à présent de n'avoir avec moi aucune discussion sur ce qui le regarde; et je n'en suis pas fâché. Au reste, je puis vous assurer que je ne me mêle de rien que de cette affaire, sur laquelle je m'exprime toujours très modestement touchant cette Éminence, mais très fortement sur les faussetés qu'on répand perpétuellement, et qu'on répandra jusqu'à la fin de l'affaire. Toute l'application des ennemis est à présent de faire croire que c'est une cabale de cour qui persécute M. de Cambrai, et qui veut lui imposer silence. Là-dessus on tient, sur le roi et sur madame de Maintenon, toutes sortes de discours indécents, que le car

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M. de Cambrai veut à présent faire pitié. M. de Chanterac va supplier, en pleurant, qu'on sauve l'honneur d'un évêque dont les intentions, selon lui, sont si droites et les mœurs si irréprochables. Il n'est plus question maintenant de mettre le livre à couvert; mais on veut empêcher une qualification particulière, et même une condamnation générale du livre, comme contenant une doctrine hérétique, erronée, etc. On voudroit, après tout ce qui s'est passé, après un examen aussi long et aussi solennel, qu'on se contentât de défendre le livre en général, ou bien seulement comme contenant quelques propositions équivoques, auxquelles en rigueur on peut donner un mauvais sens, et qui ont besoin d'explication.

Pour moi, je soutiens que si le Saint-Siége

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