Images de page
PDF
ePub

minateurs lui faisoit de la peine, et cela est vrai. | étoit plus pernicieux encore pour les cathoAu reste, il est persuadé que ce n'est pas par-liques que pour les hérétiques; c'est ce que raplà qu'on doit juger de la contestation, et il de- porte le père Pera. meure d'accord que cette division est le seul embarras de cette affaire; c'est pourquoi il est résolu de bien faire voir au Pape comment on a abusé de sa facilité, et de quelle conséquence sont de pareilles injustices. M. Giori lui a encore parlé depuis moi, parceque j'étois bien aise de connoître par d'autres ses véritables sentiments; et M. Giori m'a confirmé dans le jugement que j'en avois porté.

Pour le cardinal Nerli, je ne puis vous dire avec quelle franchise il m'a parlé, et combien il s'est expliqué nettement. Je l'ai mis sur l'article de l'amour pur et le cinquième état. Il en pense tout ce qu'il faut : nous avons approfondi la matière. Il m'a montré des extraits qu'il a faits, par lesquels j'ai bien vu l'attention qu'il a à cette affaire. Il lisoit actuellement les dernières lettres de M. de Cambrai à M. de Chartres, et y trouvoit de grands arguments contre ce qu'il dit dans son livre des Maximes, et de grandes contradictions. Sa fureur à soutenir son amour naturel l'étonne, et l'affermit dans ce qu'il en croit. Comme ce cardinal passe pour un honnête homme et sincère, je commence à y faire quelque fond; d'autant plus que je sais d'ailleurs qu'il s'en explique dans les mêmes termes, et qu'il y a trois mois qu'il me parloit

bien différemment.

J'ai vu le cardinal Noris un moment: il m'a dit que les dernières lettres à M. de Chartres étoient bien hardies, et faisoient bien connoître l'auteur. Ce qu'il dit de Moïse et de saint Paul, cités par le concile de Trente, l'a fort choqué. On dit que le Pape a chargé trois cardinaux de faire chacun un modèle de bulle, et que ces trois cardinaux sont Noris, Albane et Ferrari: mais il n'y a rien de sûr là-dessus, et je ne doute pas que chacun ne travaille de son

côté.

L'archevêque de Chieti déclare à bien des gens que s'il avoit à refaire son vou, il le feroit contraire à M. de Cambrai, dont il reconnoît à présent les erreurs. Tout cela ne sert plus de rien; et il faudroit qu'il fit connoître plus hautement et d'une manière plus authentique ses sentiments, s'ils sont véritables. Mais je crains que ce ne soit par politique qu'il s'explique à présent ainsi, dans la vue de regagner l'estime de la France. Le père Pera a eu audience du Pape hier: il est tombé sur M. de Cambrai, et le Pape lui a dit qu'il vouloit qu'on ne perdit pas de temps, et finir dans le mois de novembre. Le Pape a ajouté que le livre

1

M. Poussin continue à faire des merveilles. Il a eu avec le cardinal Spada une conversation sur cette affaire, dont il m'a rendu compte. Je vous prie de le faire un peu valoir dans l'occasion, surtout auprès de MM. de Torcy et de Pomponne, et de M. Noblet son prédécesseur dans le même emploi auprès du cardinal de Janson.

Ce n'est pas d'aujourd'hui que je me doute qu'il faut que vous vous armiez de patience à l'égard de M. de Paris : mais il le faut, et néanmoins ne pas perdre d'occasion de le faire connoître à madame de Maintenon et au roi. M. de Paris m'écrit comme ayant peur que je ne me fie à M. le cardinal de Bouillon mes lettres le pourront désabuser là-dessus, s'il veut bien y faire réflexion.

Nous avons été depuis huit jours, monseigneur Giori et moi, deux fois à Frescati, diner chez M. le cardinal de Bouillon, qui nous a reçus à merveille : nous sommes allés et revenus ensemble le même jour. Nous ne nous fions ni plus ni moins à M. le cardinal de Bouillon, ni M. le cardinal de Bouillon à nous, comme vous le pouvez croire. Heureusement pour nous, le Pape connoît M. le cardinal de Bouillon, et le méprise.

M. le cardinal de Bouillon croit n'avoir pas de plus cruels ennemis que monseigneur Giori et moi. Il espère néanmoins pouvoir par ses finesses parvenir à nous tromper jusqu'ici il n'y a pas réussi. L'arrivée de l'ambassadeur fera mourir de déplaisir M. le car dinal de Bouillon.

La fureur des moines, des jésuites et de la cabale, tombe sur vous à Rome comme à Paris.

Envoyez-nous un modèle de bulle, et les propositions réduites sous chaque chef aux points principaux et clairement mauvais. Rome, ce 28 octobre 1698.

[merged small][ocr errors][merged small][merged small][merged small]

partirai qu'avec le roi. Je repasserai par ici, et ne tarderai pas d'aller à Paris.

Je souhaite avoir bientôt des nouvelles du succès de ma Réponse à celle de M. de Cambrai. Si le courrier a tenu parole, vous devez l'avoir depuis quinze jours. Je puis vous assurer qu'elle fait ici un prodigieux effet pour la bonne cause, et contre M. de Cambrai. M. l'abbé Regnier achève sa version à la campagne. Je lui ai envoyé copie de l'article de votre lettre qui le regarde; cela lui donnera du courage. Je lui ai mandé que quand la décision précéderoit sa version, elle n'en seroit que plus utile et plus recherchée.

Vous mettez la chose au vrai point de la question, quand vous la faites consister dans le pur amour du cinquième degré, placé par M. de Cambrai au-dessus du pur amour de l'école. Je me suis fort attaché à suivre cette idée dans le Summa et dans la Préface contre l'Instruction pastorale de M. de Cambrai, dans le second des cinq Écrits, et surtout dans ma dernière Réponse, vers la fin *. Il n'y a qu'à joindre à cela le sacrifice absolu de son salut éternel et ses dépendances.

Vous avez vu sans doute une sorte de censure, signée par beaucoup de docteurs. Le père Roslet a ordre de vous la communiquer pour la rendre publique, si vous le jugez à propos: pour moi, je n'y vois nulle difficulté. Quand on l'a dressée et signée, j'étois dans mon diocèse, où M. de Paris me l'envoya : elle est très bien. On la donne pour ce qu'elle est; c'est-à-dire, pour l'avis de beaucoup de particuliers seulement, sans autorité du corps. Elle rembarrera les cambrésistes, qui se vantent d'avoir l'école pour eux, et fera voir l'uniformité de nos sentiments. Toute cette censure est dans l'esprit de la Déclaration, du Summa, des In tuto, etc. Néanmoins voyez sur les lieux, avec le père Roslet, quelle est la disposition des esprits. J'ai vu une lettre de ce Père, qui nous fait bien connoître l'état des choses. Faites-lui beaucoup d'honnêtetés de ma part.

Je vous indique une bulle de Jean XXII contre les erreurs d'un nommé Ekard, dominicain de Cologne, où sont condamnées vingt-huit propositions, dont plusieurs ressentent beaucoup l'esprit du quiétisme d'aujourd'hui, principalement la septième, la huitième et la neuvième mais l'on doit surtout remarquer les deux sortes de qualifications employées dans cette bulle; l'une sur les erreurs précises, et l'autre sur les ambiguités; ce qui peut vous fournir des vues

Rem, sur la Rép. à la Relat. Conclus., tom. VIII..

pour insinuer de faire à peu près la même chose. L'histoire d'Ekard, et la bulle dont je parle, sont rapportées dans Rainaldus, tom. xv, an. 1329, n. 70, 71, 72 *. Cet Ekard étoit pourtant un grand spirituel, très loué par Taulère et par d'autres, comme le marque Rainaldus, ibid. n. 73.

Il y a quatre cents ans qu'on voit commencer des raffinements de dévotion sur l'union avec Dieu et sur la conformité à sa volonté, qui ont préparé la voie aux quiétistes modernes. C'est pourquoi il seroit très important d'engager Rome à donner une admonition générale contre l'abus qu'on fait des paroles des pieux auteurs. Vous en trouverez une parmi mes mémoires précédents. Il faut tâcher d'inspirer ces

vues.

**

Je ne doute pas que les deux lettres de M. de Cambrai à M. de Chartres, en réponse à la Lettre pastorale de ce prélat, ne tombent à Rome entre vos mains. Dans la première, vous trouverez qu'il reconnoît un double sens dans son livre, qui, dit-il, est tellement soutenable l'un et l'autre, qu'à Rome même on s'est partagé là-dessus. C'est convenir clairement que l'équivoque règne dans tout l'ouvrage. Je ne crois pas que jamais auteur ait fait un pareil aveu. Lisez depuis la page cinquante-cinquième jusqu'à la soixante-dixième. S'il y a deux sens soutenables selon lui, il faut qu'il y en ait un troisième mauvais et inexcusable; et ce troisième sens est le vrai, obvius, d'où il avoue qu'on ne sort que par des explications ambiguës.

Il faut voir aussi à la page soixante-huitième comment il répond à la protestation qu'il avoit faite de n'avoir jamais eu d'autre pensée, après avoir avoué qu'il n'avoit point parlé selon la sienne. Si l'on n'ouvre pas les yeux à de semblables artifices, on veut perdre l'Église. Trouvez le moyen d'avoir cette lettre, qui doit être fort répandue à Rome. Faites voir ces endroits, qui sont plus forts et plus étonnants que je ne puis vous le dire.

J'ai envoyé la lettre par laquelle je recommande M. Madot au grand-duc: je vous en enverrai une autre par le premier ordinaire; et je serai d'autant plus ravi de servir ce gentilhomme, qu'il a un frère ecclésiastique que j'estime fort, et qui nous a communiqué plusieurs de ses lettres, qui sont d'un homme habile et bien instruit.

Les arrangements pour mon départ de de

Fleury a donné un extrait de cette bulle, Hist. ecclés., liv. xc, n. 59.

**Bossuet en avoit dressé une que l'on peut voir ci-dessus.

[merged small][ocr errors][merged small]

de m. de noAILLES, ARCHEVÊQUE DE paris, A L'ABBÉ BOssuet.

Sur les notes que le prélat lui avoit envoyées; les défiances que cet abbe devoit avoir; et le soin qu'on auroit en France d'appuyer ses efforts.

J'ai reçu votre lettre du 14, monsieur : j'ai bien de la joie d'y voir que vous avez reçu le commencement de mes notes sur la réplique de M. de Cambrai; vous aurez eu le reste par les courriers suivants. Je compte que vous en ferez l'usage qu'il faudra pour le bien de l'affaire la réplique étant devenue si secrète, il n'est plus nécessaire que les réponses paroissent.

LETTRE CCCLXII.

DE L'ABBÉ BOSSUET A SON ONCLE.

Sur la Réponse de Bossuet à M. de Cambrai ; ce qui avoit empêché de parler de l'affaire dans la dernière congrégation des cardinaux ; et les retards affectés du sacriste.

J'ai reçu par notre courrier extraordinaire, qui est arrivé ici vendredi matin, dernier du mois d'octobre, votre Réponse à M. de Cambrai. Il est arrivé deux jours plus tard qu'il n'auroit fait, par des raisons qu'il m'a dites, et dont il m'a apporté de bonnes preuves: enfin il est arrivé. Il ne me paroît pas tout-à-fait content de ce qu'on lui a donné, protestant avoir dépensé de son argent, et parcequ'il a été obligé depuis Fontainebleau jusqu'à Turin de prendre un troisième cheval, et parcequ'on ne lui a pas tenu compte du change de l'argent et du rabais des monnoies. Je lui ai dit que j'examinerois le tout exactement, et qu'on ne lui feroit pas d'injustice; je verrai cela à loisir. Il sera content, à ce qu'il dit, de tout ce que je déterminerai. Il seroit bon de m'envoyer un mémoire exact de ce qu'on lui a donné.

Nous n'avons plus qu'à souhaiter que les cardinaux travaillent diligemment, et qu'ils recommencent leurs congrégations après les fêtes, comme ils l'ont promis. Le procédé du sacriste est ridicule de toutes manières. Défendez-vous Les fêtes ont empêché que je n'aie pu faire bien des coups fourrés de la cabale: elle va re-relier aussi vite que je l'aurois désiré le livre doubler ses efforts et ses artifices. On tâchera pour Sa Sainteté. J'ai pourtant si bien fait, que de vous surprendre, si l'on peut, et de décou-je l'ai eu ce matin, quoique jour de fête, relié vrir toutes vos démarches: ainsi vous devez as- en maroquin avec les armes, et un pour le carsurément, monsieur, vous fier à peu de gens, et dinal Spada. Je comptois de le mettre après dîner tout concerter avec nos amis. Le père Roslet se aux pieds de Sa Sainteté, mais il lui a plu loue fort de vous: je suis bien aise que vous de sortir, et cela a rompu toutes les mesures que soyez content de lui. Il connoît très bien la cour j'avois prises pour aujourd'hui. J'aurois été bien de Rome, et il a un grand zèle pour la bonne aise de pouvoir vous rendre compte par ma letcause: vous pouvez sûrement prendre confiance tre du succès de ma visite, mais la réparation en lui. de ce défaut est remise à demain. J'ai déja fait prévenir Sa Sainteté sur cela par monseigneur Giori et par le cardinal Spada, à qui j'ai envoyé à midi son livre, avec une lettre instructive. Tous les cardinaux du saint-office l'ont eu aujourd'hui, excepté M. le cardinal de Bouillon, à qui je le veux porter moi-même demain, et qui n'étoit pas visible aujourd'hui: il se pourra faire même que Sa Sainteté l'ait avant lui. Cette Eminence ne sait pas encore que votre réponse m'est parvenue, ni l'arrivée du courrier. L'usage de M. le cardinal de Bouillon étant de prévenir sous main le Pape contre ce que je lui donne, je ne suis pas fâché que le Pape ait votre lettre avant que ce cardinal en ait connoissance; ce qui sera le plus tard qu'il se pourra.

[ocr errors]

La nouvelle que le Pape venoit de recevoir à votre dernière audience devoit lui donner du chagrin : vous fites très bien de ne lui pas parler, dans cette disposition, long-temps de notre affaire.

Le compliment du père Alfaro méritoit une sévère correction: il doit avoir nui à la cause qu'il défend avec tant de chaleur.

On écrira toujours fortement de ce pays: c'est tout ce que nous pouvons faire, et prier Dieu qu'il bénisse vos soins et qu'il défende la vérité. Conservez-moi l'honneur de vos bonnes graces, et croyez que je suis à vous, monsieur, très sincèrement.

3 novembre 1698.

La pièce est admirable, et telle que vos amis la pouvoient desirer. Si elle étoit en italien, les partisans de M. de Cambrai seroient couverts de confusion, quelque effrontés qu'ils soient;

sont pas séparables: sans cela je ne serai pas content tout-à-fait; avec cela nous aurons tout, et l'illusion sera abattue. On n'oublie rien pour éclaircir les difficultés. Les cardinaux Carpegna et Nerli se confirment tous les jours plus que jamais dans leurs bons sentiments.

mais le françois ne leur fera pas plaisir. Je doute que par le premier courrier nous puissions avoir nouvelle de l'effet que cette réponse aura à Paris et à la cour. Je voudrois bien que M. le nonce l'eût vue avant le lundi 20 du passé, qui est le jour d'où seront datées les lettres que nous recevrons par le premier courrier; mais nous M. le cardinal de Bouillon revint hier de ne pouvons pas retarder jusque-là la distribu- Frescati, et y doit retourner jeudi, après l'assemtion: la pièce, au reste, parle par elle-même. Je blée du saint-office qui se tiendra devant le vous avoue que, quelque bonne opinion que Pape. Les cardinaux haussent les épaules sur le j'eusse de la hardiesse à mentir de M. de Cam-sujet du cardinal de Bouillon; beaucoup disent brai, je n'aurois jamais cru que les paroles qu'il dit que vous avez dictées à madame Guyon, des erreurs qu'elle n'avoit jamais eues, etc., fussent inventées d'un bout à l'autre. C'est là le seul prétexte de sa relation; et cela étant faux, en vérité il n'a point d'autre parti à prendre que de se cacher. Vous n'avez rien oublié dans ce dernier écrit, et tout ce qu'on peut souhaiter s'y trouve.

qu'ils n'osent parler: à la fin on apprendra tout; on n'en sait déja que trop.Je suis bien fâché que du côté de la cour on ne puisse pas empêcher le cardinal de Bouillon de voter. Le père Roslet a eu ce matin une assez longue audience du Pape je ne sais pas encore ce qui s'y est passé; il en rendra apparemment compte à M. de Paris.

Les cardinaux étudient en vérité fortement. Tout le salut de l'affaire a été de ne les avoir pas pressés pendant le mois d'octobre.

La traduction de M. l'abbé Regnier est ici applaudie et admirée par les connoisseurs : vous pouvez l'en assurer. On a ses livres à Florence.

M. l'abbé Regnier se feroit grand honneur en achevant son ouvrage, c'est-à-dire en traduisant votre Réponse à M. de Cambrai.

L'assemblée du saint-office de demain s'est tenue cette après-dînée, à cause d'une chapelle de demain qui l'empêche. On croyoit avec fondement qu'on y parleroit de l'affaire dont il est question. M. le cardinal Casanate me l'avoit dit il y a huit jours, et ce matin encore: mais la sortie du Pape cette après-dinée, venue tout-àcoup, a obligé les cardinaux du palais d'accompagner Sa Sainteté ; et la moitié des cardinaux manquant à cette congrégation, il n'a pas été Le sacriste ne se presse pas, il n'a pas encore mention de notre affaire. M. le cardinal de Bouil-remis son vou. Les cardinaux, qui voient ce lon n'a pas voulu y aller. Il n'y a eu que cinq cardinaux qui y aient assisté, qui sont Carpegna, Casanate, Marescotti, Noris et Ferrari. Ils n'ont pas laissé de parler un peu entre eux de notre affaire, mais ce n'a pas été bien sérieusement. Pour moi, je m'imagine que le Pape souhaite peut-être qu'on en parle devant lui jeudi prochain. Si je suis assez heureux pour trouver demain Sa Sainteté de bonne humeur, je me propose de lui dire, s'il plaît à Dieu, bien des choses dans l'audience qu'elle me donnera.

J'ai reçu votre lettre du 13, de Germigny; vous étiez occupé ce jour-là à Meaux à recevoir madame de Lorraine. M. le cardinal de Bouillon paroît un peu démonté et consterné. Je doute que ses manéges lui réussissent ; il commence sûrement à appréhender les suites pour son ami. Je n'ose pas dire certainement, mais plus que vraisemblablement, l'amour pur est prêt à être condamné comme erroné: tout au moins c'est là-dessus que je presse, n'étant pas en peine des autres points. L'état sera assurément condamné. Sur les actes, on ne dira rien qui puisse favoriser M. de Cambrai. Il faut qu'on décide que, dans la pratique, les deux motifs ne

[ocr errors]

qu'il a donné, ne doutent pas que les avis des autres ne lui aient été communiqués : c'est une mauvaise réfutation. On est également persuadé de l'intelligence de ce prélat avec M. le cardinal de Bouillon; elle est certaine.

Rome, ce 4 novembre 1698.

LETTRE CCCLXIII.

DE BOSSUET A SON NEVEU.

Sur deux lettres du cardinal Spada que le nonce avoit communiquées au roi; les vues qu'il devoit présenter à ce cardinal sur la décision qu'il promettoit; et le danger des ménagements dont on vouloit user.

J'ai reçu ici votre lettre du 21 du mois passé, Hier M. le nonce me montra chez le roi deux lettres de même date, de M. le cardinal Spada, dont la première portoit que vous l'aviez prié de lui écrire que vous n'aviez jamais demandé de délai. Il déclaroit, dans les termes les plus clairs et les plus précis, que, bien loin d'en demander, vous n'aviez pas cessé de presser une décision; ce que ce cardinal déclaroit à ce mi

nistre, afin qu'il se servit de la connoissance qu'il lui en donnoit.

L'autre lettre de M. le cardinal Spada portoit une espèce de reconnoissance envers le roi, de l'assurance que Sa Majesté avoit donnée au même nonce, de faire exécuter le jugement du Saint-Siége; à quoi il ajoutoit que l'on verroit au plus tôt une décision qui couperoit la racine du mal, comme le roi le souhaitoit.

M. le nonce s'étant présenté au sortir du diner du roi comme ayant quelque chose à dire, le roi le fit entrer dans son cabinet, où ce ministre rendit compte de la dernière dépêche du cardinal, dont le roi fut très content. Il pressa plus que jamais M. le nonce d'écrire de sa part tout ce qu'il y a de plus fort.

Après ce compte de la dépêche principale, M. le nonce dit au roi qu'il ne pouvoit s'empêcher de dire un mot sur votre sujet, et supplia Sa Majesté d'entendre la lettre de M. le cardinal Spada, qui n'étoit que de quatre lignes. La lec ture en fut écoutée très agréablement, et le roi répondit qu'il ne doutoit pas que vous n'eussiez dit et fait tout ce qu'il falloit; qu'en effet on avoit répandu le bruit que vous aviez demandé quelque délai, mais qu'il avoit bien entendu que ce brut étoit un de ceux que des ennemis répandent pour en tirer avantage.

M. le nonce en dit autant à M. de Pomponne et à M. de Torcy, de qui je l'ai su, et qui m'ont ajouté que la chose s'étoit passée avec le roi comme je viens de vous le raconter. M. le nonce à fait cela avec toute la démonstration possible de bonne volonté, et toute l'attention à nous faire plaisir. Il a souhaité que je vous en informasse. Il en rend compte à M. le cardinal Spada par une lettre de sa main, et lui spécifie tout ce qu'il a dit et tout ce que le roi a répondu.

Je me suis cru obligé d'en faire mes remerciments à M. le cardinal Spada par la letttre cijointe*, que vous rendrez le plus tôt que vous pourrez à cette Éminence, et que vous remercierez tant en votre nom qu'au mien.

Vous ne manquerez pas de bien faire des remercîments à M. le nonce par une lettre expresse pour cela, et de témoigner à tous ses amis comme nous sommes sensibles à ses bonnes manières. Il faut faire en sorte que cela lui revienne par divers endroits. Je vous assure qu'il ne se peut rien de plus honnête ni de plus obligeant que son procédé.

Vous avez vu, par mes précédentes, que le roi étoit bien informé et content de votre conduite, dès le temps du séjour de Compiègne.

Nous n'avons point cette lettrc.

Il en avoit encore été instruit par vos lettres à M. de Paris, qui les avoit envoyées à madame de Maintenon, qui me l'a dit elle-même. Mais ce dernier éclaircissement, poussé jusqu'à la dernière preuve, a produit un grand effet.

Je n'ai voulu parler que de ce fait particulier dans ma lettre à M. le cardinal Spada, pour ne point mêler l'affaire générale avec la nôtre. Mais vous pouvez lui dire que je vous ai informé de ce qu'il avoit mandé à M. le nonce sur la prompte décision qui doit couper la racine du mal, sur le compte que ce ministre en a rendu au roi, et sur la satisfaction que Sa Majesté en a témoignée, qui est devenue publique. Vous pourrez ajouter que le moyen de couper la racine est de ne laisser aucune ressource au livre des Maximes, ni à la doctrine de l'auteur, qui a révolté toute la France, et qui soulève à présent presque toute la chrétienté; que pour peu qu'on ait de ménagements sur cela, M. de Cambrai, souple et adroit comme il est, ne cherchera qu'à échapper; ce qui tourneroit au grand dommage de l'Eglise et de M. de Cambrai lui-même: mais que plus on frappera fort sur la doctrine du livre, plus l'auteur sera soumis, et plus l'affaire sera terminée avantageusement pour la religion; ce qui n'empêchera pas qu'on ne fasse tout le bon traitement possible à la personne, en la regardant comme soumise et obéissante, ainsi que ce prélat l'a promis dans ses dernières déclarations.

Je suis persuadé que M. le cardinal Spada vous montrera la lettre de M. le nonce, par où vous verrez l'attention qu'il a eue à vous faire plaisir, et qu'il desire que vous le sachiez.

Au reste, après une déclaration si authentique faite au roi de la part du Pape, je ne crois pas qu'on puisse reculer, ni s'empêcher de faire quelque chose de fort. Que signifieroit une bulle qui ne feroit point mention du livre, quand même il auroit été condamné par un acte séparé du saint-office *? Allez pourtant au-devant de tout, et prévoyez tous les côtés dont on peut regarder la chose.

Quant à l'amour pur de M. de Cambrai, on laisseroit la racine du mal en son entier, si l'on ne le condamnoit pas. Il est absolument nécessaire de le proscrire, en distinguant l'amour du quatrième degré, de l'amour du cinquième degré, qui est celui que M. de Cambrai nomme

* On a vu, dans les lettres précédentes de l'abbé Bossnet, que quelques cardinaux projetoient de réduire les trente-huit pro

positions extraites du livre de M. de Cambrai à sept ou huit,

de les qualifier, de mettre au décret un préambule, dans lequel on exposeroit la doctrine catholique; mais de ne nommer, dans le décret, ni l'auteur ui le livre.

« PrécédentContinuer »