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le pur amour. On peut dire avec certitude que sur ce point il n'a aucun auteur pour lui. Vous trouverez dans la Quæstiuncula, et surtout dans ma dernière Réponse, Conclusion, § 11, de l'état de la question, n. 3, 4, 5, 6, de quoi faire un excellent mémoire latin ou françois sur cette matière. Vous l'adapterez, mieux que je ne pourrois le faire ici, aux dispositions présentes de ceux avec qui vous avez à traiter, et M. Phelippeaux saura bien dire ce qu'il faut.

Il sera utile * qu'on trouve à Rome de quoi mieux attaquer M. de Cambrai qu'on ne l'a fait ici; nous laisserons aisément cette gloire à ceux qui, regardant de plus haut que nous, verront plus loin. Mais de dire qu'on le défende mieux qu'il ne s'est défendu, c'est dire qu'on l'entend mieux qu'il ne s'est entendu lui-même.

Il me semble que j'ai montré en peu de mots l'inutilité de ses réponses dans le Quietismus redivivus, Admonitione prævia, depuis le n. 1 jusqu'au 21. En général, cette admonition va très nettement au-devant de tout. Quant à ceux qui voudroient avoir égard aux explications de M. de Cambrai, du nombre desquelles je crains que le cardinal Noris et le cardinal Ferrari ne soient un peu, il faut leur représenter vivement les variations et les erreurs de ces explications. Consultez la section vir de la Relation. Voyez aussi, dans la Réponse aux quatre lettres de M. de Cambrai, la section xx **, où je prouve que l'explication donnée par l'auteur même à la proposition de son livre sur le trouble involontaire de Jésus-Christ, augmente l'erreur au lieu de la corriger.

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teurs, non plus que contre les spéculations trop abstraites. On doit regarder dans tout cela ce qui est bon in praxi. Vous trouverez mon admonition parmi mes mémoires précédents. Au reste, il n'est pas possible de donner des règles fixes, qu'en revenant aux Articles d'Issy, ce qu'on ne fera pas à Rome; et d'ailleurs il faudroit y ajouter quelque chose contre les nouvelles subtilités de M. de Cambrai.

Pour ce qui concerne les Articles, vous trouverez beaucoup de lumière dans le corollaire du Quietismus redivivus *.

Je rends tous les bons offices possibles au sieur Poussin : vous pouvez l'en assurer.

M. l'abbé Regnier nous promet au premier jour la traduction de mon dernier livre **.

A Fontainebleau, ce 10 novembre 1698.

LETTRE CCCLXIV.

DE L'ABBÉ BOSSUET A SON ONCLE. Sur deux entretiens qu'il avoit eus avec le Pape; le mécontentement du Saint-Père à l'égard de M. de Cambrai; le refus qu'il avoit fait de lui accorder les délais qu'il demandoit; et les dispositions des cardinaux.

J'ai reçu les lettres que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire de Meaux, du 12 octobre et du 18. J'ai reçu en même temps le Mandatum que vous m'adressez, dont j'ai fait l'usage que je vous dirai dans la suite de cette lettre.

Pour commencer à vous rendre compte de ce qui s'est passé depuis ma dernière lettre du 4, je vous dirai que le lendemain je me rendis chez le Pape, à l'heure que monseigneur Aquaviva Faites bien des réflexions, et faites-en faire m'avoit marquée. Sa Sainteté avoit déja fait desur la première lettre de ce prélat à M. de Charmander deux ou trois fois si je n'étois pas dans tres, et sur la bulie de Jean XXII contre Ekard, tres, et sur la bulie de Jean XXII contre Ekard, rapportée dans Raynaldus.

On attend dans peu de jours M. de Monaco : il ne viendra qu'à Versailles.

l'antichambre, et avoit plus d'impatience de me donner audience que moi d'y être admis. J'en

trai d'abord à peine étois-je à la porte qu'il me demanda de vos nouvelles, del caro nostro

Vescovo; ce sont ses paroles. Il seroit trop long de vous rapporter tout ce qu'il me dit d'obligeant pour vous. Je lui expliquai ce qui me faisoit venir à ses pieds, et je lui rendis compte de mon mieux des raisons importantes qui vous avoient forcé à faire cette dernière réponse. Il

Il ne faut point du tout songer, comme je vous l'ai déja dit, à empêcher M. le cardinal de Bouillon de voter. Personne n'approuve ici ce projet, par la raison marquée dans ma lettre précédente. On fera agir M. de Toureil: aucun de vos avis ne tombe à terre. Je ne crois pas devoir donner d'autre préser-me parut content de toutes, et les approuver. Il se récria sur l'accusation de la confession révévatif que mon admonition, contre les expressions exagératives et excessives de quelques pieux au

*On peut se rappeler ici ce que l'abbé Bossuet écrivoit à son oncle, dans sa lettre penultième, sur les prétentions du cardinal Noris, dont M. de Meaux a en vue le discours dans cet article.

** Les différents passages des livres publiés dans cette controverse, auxquels Bossuet reavoie ici, se trouvent tome VIII.

lée, mais d'une manière très forte. Ce ne peut être qu'une calomnie, me dit-il; et il ajouta que votre réputation étoit trop établie pour que cela pût faire la moindre impression sur l'esprit de

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personne. Il insista dans les termes les plus forts, ajoutant que tout retomboit sur l'archevêque de Cambrai, qui, surtout depuis quelque temps, si prejudicava assai, se faisoit grand tort à Rome comme en France. Pendant tout ce tempslà Sa Sainteté tendoit la main pour recevoir le livre que je faisois semblant de n'oser lui donner, sachant la peine que lui faisoient les écritures nouvelles. Enfin je me fis en quelque sorte contraindre de le lui remettre entre les mains: elle parut me savoir bon gré de la peine que j'avois là-dessus. Sa Sainteté eut la bonté de me promettre de s'en faire lire tous les jours quelque chose. Je lui fis plaisir quand je lui dis qu'on le traduisoit en italien, exprès pour elle. Je profitai de cette occasion pour la presser de faire recommencer les congrégations: elle me promit de le faire incessamment.

Je lui parlai sur l'amour pur de M. de Cambrai. Sa Sainteté s'en expliqua avec indignation, me disant expressément que ce n'étoit qu'une illusion. Pour la confirmer, je lui rapportai les paroles du Deuteronome sur le précepte d'aimer Dieu, ut bene sit tibi; lui faisant observer que c'étoit précisément ce que M. de Cambrai appeloit intéressé. Je la suppliai de demander aux défenseurs du livre un seul texte de l'Écriture sainte, etc.

Je me plaignis du sacriste, qui n'avoit pas achevé de donner son vou. Le Pape me répondit, en plaisantant et en riant, qu'on se passeroit fort bien de son vœu; qu'il avoit tant ennuyé par ses longs discours, que l'on pouvoit bien le tenir quitte de ce qu'il mettoit par écrit. En vérité, toutes les réponses qu'il me fit ne sont pas d'un homme de son âge, et que M. le cardinal de Bouillon veut faire passer ici pour imbécile. Enfin je finis en lui marquant la joie que toute la France, et en particulier le clergé, avoit reçue des graces que Sa Sainteté avoit faites à M. le nonce, qui étoit respecté, aimé et honoré de tous : cela lui fit un grand plaisir. Au reste, Sa Sainteté me parla du roi avec une tendresse et un respect que ses grandes qualités méritent: elle me le représenta comme le seul protecteur de la religion; ajoutant que tout le monde vouloit s'unir contre lui, mais qu'il seroit toujours le plus fort. Elle avoit tenu le même discours la veille au Père procureur général des minimes. Cela se passa mercredi 5 du mois.

Samedi je reçus par le courrier votre écrit latin*: je le fis aussitôt copier pour les cardinaux et le Pape. J'eus le tout le dimanche au soir. Lundi, qui étoit hier, je le fis distribuer à tous

'C'est le Mandatum, adressé à cet abbé que nous avons rapporté plus haut.

les cardinaux. J'allai chez tous; et pour ceux que je ne pouvois voir, j'avois préparé un billet avec votre écrit cacheté, que je laissois: ainsi tous l'ont eu. J'allai l'après-dînée chez le Pape. Je sus que M. de Chanterac y étoit, mais que Sa Sainteté n'avoit pas eu le temps ou la volonté de le recevoir. Monseigneur Aquaviva me dit qu'il l'avoit remis à ce matin. Comme j'étois bien aise de savoir, avant que de parler au Pape, ce que M. de Chanterac lui auroit dit, et que je me doutois de quelque manœuvre, je convins avec monseigneur Aquaviva que je retournerois cette après-dînée. Je m'y suis donc rendu. J'ai commencé par savoir des camériers secrets italiens, qui sont de mes amis, que M. de Chanterac, admis chez le Pape, n'avoit fait qu'entrer et sortir; monseigneur Aquaviva m'a confirmé la même chose. Sa Sainteté m'a fait appeler, et a commencé par me dire avec indignation que l'homme de M. de Cambrai l'étoit venu importuner ce matin, et avoit eu la hardiesse de lui demander un délai pour répondre à votre dernière écriture; mais qu'elle ne vouloit pas en entendre parler : elle étoit vraiment en colère. J'ai pris la liberté de dire que la réponse que vouloit entreprendre M. de Cambrai, et que j'étois sûr qu'il ne pourroit faire, ne devoit pas la mettre en peine, pourvu qu'elle fût dans la résolution de ne point donner de délai, qui, dans les circonstances présentes, étoit inutile et injuste; que les évêques n'avoient jamais prétendu en demander pour répondre à M. de Cambrai; qu'il étoit uniquement question d'un petit livre, sur lequel on demandoit depuis un an et demi la décision de Sa Sainteté. J'avois un grand champ pour m'étendre sur tout ce que vous pouvez vous imaginer; ce que j'ai fait, et Sa Sainteté m'a paru être contente. Après quoi je lui ai présenté votre écrit, qu'elle a fort bien reçu. Elle a voulu que je lui en disse la substance : je l'ai suppliée de vouloir bien se le faire lire; elle me l'a bien promis, et je l'ai laissée dans la résolution de n'avoir aucun égard aux injustes demandes de M. de Cambrai.

Je viens d'apprendre dans le moment, par le sieur Feydé, agent du grand-duc, qui s'est trouvé chez le Pape quand M. de Chanterac y étoit, et qui a parlé au Pape après lui, que Sa Sainteté étoit hors d'elle, et avoit renvoyé promptement ce pauvre homme avec indignation; que Sa Sainteté lui avoit parlé avec colère de M. de Cambrai et du livre, du scandale qu'il causoit; mais que bientôt on lui donneroit une bonne leçon. M. Feydé ne savoit pas que M. de Chanterac eût demandé un délai pour répondre; mais le Pape me l'a dit en termes formels.

Au sortir de chez le Pape, j'ai été chez le cardinal Casanate l'avertir de tout, et chez plusieurs de nos amis, pour confirmer Sa Sainteté dans sa résolution.

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ment dans les abjurations de Molinos, Petrucci, et d'autres quiétistes. Dans l'interrogatoire de Molinos sur la douzième de ses propositions, on a vu qu'il donnoit la même solution et avoit le même système que M. de Cambrai quant à l'intérêt propre ou l'amour intéressé, et ce qu'il appeloit propriété, dont il disoit qu'on se purifioit en purgatoire. Malgré ses explications, les qualificateurs persistèrent dans leurs qualifications. Ce que je vous mande est sûr je tâcherai d'en avoir la preuve. Doiton douter après cela de la condamnation? Voilà ce qui m'assure plus que toutes les paroles du monde, dont je fais à peu près le cas, dans ce pays-ci, que faisoit le pape Ottoboni de celles qu'il donnoit.

Tout cela est un jeu joué par les protecteurs de M. de Cambrai, pour tâcher d'allonger; mais le sort est jeté. Messieurs les cardinaux s'assem"blent demain matin, par ordre de Sa Sainteté, exprès pour déterminer de modo procedendi, la manière de procéder dans cette affaire. Là on verra l'ordre qu'on tiendra dans l'examen des propositions, qu'on réduira apparemment sous des chefs principaux; et les cardinaux pourront dans chaque congrégation se fixer sur un chef. J'espère qu'on fera deux congrégations par semaine; ainsi en quatre semaines ils auront fini. Ils me paroissent tous résolus de ne pas perdre de temps, et de tâcher de sortir promptement d'affaire. Quant au cardinal de Bouillon, je ne réponds de rien, ou plutôt je réponds de tout. Avec cela j'avoue que son personnage est difficile à soutenir. Nous ne pouvons savoir avant demain ce qui sera réglé. Je vais toujours m'as-nal de Bouillon en a eu vent; mais il sera le surant de plus en plus des cardinaux. J'ose vous dire en confidence que je serai bien trompé s'il en manque un seul; mais avec cela je ne prétends rien assurer. Je crains toujours qu'on ne fourre quelque petit mot; c'est à quoi il faut être très attentif.

Hier je fus deux heures avec le cardinal Carpegna; j'en suis content, très content. Ce matin le cardinal Ottoboni a eu une explication avec moi, et m'a fait entendre ce qu'il faut. Je ne me fierois naturellement ni à l'un ni à l'autre, si je n'étois sûr par moi-même de leurs théologiens. Le cardinal Albane me promet monts et merveilles, et au père Roslet. S'il nous trompe, il se trompe lui-même le premier. Ce qui me donne une certaine confiance dans les discours de ces Éminences, c'est que le cardinal Casanate me dit que tout va bien, que les cardinaux sont bien disposés, et surtout les cardinaux papables: vous voyez ce qui les remue.

Nous sommes parvenus à engager le Pape à consulter le père Serrani; cela a fait un bon effet. Je travaille à lui faire aussi consulter le père Latenai; mais je crois que son parti est déja pris là-dessus.

La seule chose sur laquelle il y aura plus de difficulté sera la condamnation des propositions qui concernent l'amour pur: mais il faudra que ce cinquième amour soit proscrit, malgré les efforts de la cabale.

Au reste, nos amis du saint-office ont trouvé dans les pièces secrètes du saint-office des choses admirables contre M. de Cambrai, apparem

Le père Roslet a reçu, et vous en êtes informé à cette heure, la censure de douze propositions, signée par soixante docteurs de Paris. Nous gardons le secret là-dessus, pour porter notre coup à propos. Le cardinal Casanate en est seul informé : il a en main la censure. M. le cardi

dernier que nous en instruirons. Demain j'en parlerai au cardinal Spada, et lui dirai que cette censure a été dressée pour faire voir la fausseté de ce qu'ont ici avancé les cambraisiens, que la Sorbonne approuvoit leur amour pur. Nous ferons valoir la modération de cette compagnie et le secret. Je crois que cela sera bien reçu : nous y donnerons le bon tour qui convient, et nos amis nous appuieront. Les qualifications pourroient être plus fortes; mais cela est toujours bon. Je n'ai eu le temps que de la lire en courant.

Je connois M. de Paris, et m'imagine voir tout: il faut que vous ayez patience, et que l'union paroisse jusqu'au bout. Je suis fâché que vous n'ayez pas eu part à ce que ces docteurs ont fait : je crois que vous n'y auriez rien gâté, quoique je voie bien que la censure est dans votre esprit.

Ne perdez point de temps pour la traduction italienne.

Je souhaiterois fort avoir une bonne copie de votre portrait, et quelques estampes petites et grandes de la gravure.

Ayez la bonté de nous envoyer, tous les ordinaires, quelques exemplaires de vos livres, des premiers et derniers, Relations françoises, italiennes, et surtout les trois écrits latins, dont nous avons eu très peu.

M. le cardinal de Bouillon loue fort votre dernier ouvrage, et avoue qu'il n'y a rien de plus fort, et qu'il ne croyoit pas qu'on pût répondre si bien à ce que M. de Cambrai avoit dit.

Rome, ce 11 novembre 1698.

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qu'un jour étant allé vous rendre de très humbles remerciments du livre latin des trois Traités, dont vous aviez eu la bonté de me faire présent, il m'échappa de vous dire qu'il m'étoit venu dans l'esprit quelques pensées sur cette dispute; que vous eûtes la complaisance de m'exciter à les écrire, et que vous ajoutâtes avec une extrême humilité que vous en profiteriez. Cette parole fut un poids violent pour me déterminer

Quoique l'ordinaire de Rome ne soit pas venu, je vous écris au hasard, sans pourtant rien ajou-à m'en décharger sur le papier. Je l'ai fait, et je ter de considérable à mes précédentes lettres. vous les envoie, monseigneur, comme un compte J'ai reçu deux lettres françoises de M. de Camque je vous rends de la lecture de vos excelbrai sur les In tuto. J'ai bien envie d'y répon- lents ouvrages, et du profit que j'ai tâché d'en dre* sous ce titre : Le dernier Livre, où l'on faire. Elles ne tenoient pas, ce me semble, tant montre à M. de Cambrai qu'il n'a répondu de place en mon esprit : la matière s'est, je ne à rien. Je me contenterois de relever les dif- sais comment, développée jusqu'à faire à peu ficultés faites contre son livre, sur lesquelles près un juste volume; et l'ouvrage a crû et s'est il ne dit mot. Cela le feroit paroître bien ridi-grossi insensiblement sous la plume. Vous êtes, cule, et montreroit que, comme bon chef de parti, il n'a d'autre vue que d'entretenir sa réputation parmi ses partisans, en leur faisant accroire qu'il répond à tout.

Je vois par diverses lettres qu'on pense toujours à Rome à faire une exposition doctrinale: cela sera fort difficile: néanmoins on en voit un crayon dans les trente-six propositions de Schola in tuto, quæst. 1, art. I.

Si l'on ne condamne le pur amour de M. de Cambrai, qui est celui du cinquième degré, on laissera renaître le mal. Vous en trouverez la preuve en divers endroits, marqués par mes lettres précédentes, et surtout dans le Quietismus redivivus, sect. iv, cap. v, n. 1, 2, 3, 4. Cela n'est nulle part plus nettement.

Depuis mes lettres précédentes, j'ai reçu une lettre très honnête de M. l'archevêque de Séville**, avec un exemplaire de sa Lettre pastorale. Il ne faudra pas laisser de lui envoyer par son agent le double de ma lettre, que j'ai adressée à M. Phelippeaux.

A Germigny, 16 novembre 1698.

monseigneur, le maître absolu de son sort, pour le faire paroître au jour, ou pour le supprimer. Si Votre Grandeur y trouve quelque chose d'utile, comme je crois qu'il y a des endroits capables de faire quelque impression sur les esprits, vous le pourrez traiter comme un enfant trouvé, qu'on élève sans connoître ou sans découvrir ses parents. Que si vous n'y trouvez rien qui mérite d'entretenir le public, vous aurez toujours la bonté de le garder dans votre cabinet*, comme un acte de ma déclaration pour votre sentiment dans cette controverse ; ou plutôt, si je l'ose dire, comme une profession de foi que je fais par avance, en attendant la décision du Saint-Siége.

Mais, monseigneur, de quelque manière que Votre Grandeur en use, toute la grace que je lui demande, pour des raisons qu'il lui est aisé de pénétrer, est de laisser l'auteur jouir de ses ténèbres, et de ne marquer en aucune manière, ni son nom, ni celui de sa communauté. Il n'a fait confidence à personne de son dessein, il lui suffit d'être connu de vous; et il se croira trop payé de sa peine, si vous jugez à cette marque qu'il est plus qu'aucun autre, etc.

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Je ne sais si Votre Grandeur se souvient Sur la Censure des soixante, et celui qui l'a dressée; et sur

* Bossuet n'exécuta pas ce projet.

* On a pu remarquer, dans les lettres précédentes, que l'archevêque de Séville étoit très opposé an quiétisme. Nous n'avons pas la lettre pastorale dont il est ici question, non plns que sa lettre à Bossuet, ni celle que Bossuet avoit adressée à abbe Phelippeaux pour être envoyée à cet archevêque.

les bonnes dispositions du roi et de M. le nonce. Depuis ma lettre d'hier, j'ai reçu la vôtre du

Il ne paroît pas que cet ouvrage ait été imprimé, apparemment parcequ'on se croyoit à la veille de voir terminer l'affaire.

28 octobre, dont j'ai rendu compte où il falloit. M. de Paris a eu quelques accès assez légers de fièvre tierce: il en a été quitte, Dieu merci, pour quelques prises de quinquina.

Tous les jours il se présente de nouveaux docteurs pour signer après les soixante, et le nombre passe la centaine; mais on n'a pas voulu multiplier les signatures.

C'est M. Pirot qui a dressé le fond de l'acte et les qualifications: ainsi, s'il n'a pas signé, c'est seulement à cause qu'il avoit déja trop témoigné son sentiment en travaillant avec nous. Il n'y a rien à souhaiter du roi et de M. le nonce, qui font tout ce qu'il faut, et aussi bien qu'il se peut.

J'ai fait à merveille la cour de M. Poussin auprès de MM. de Pomponne et de Torcy, et je continuerai, sans l'oublier dans l'occasion auprès de M. Noblet.

Il y a long-temps que je n'ai vu M. le cardinal de Janson, qui depuis le départ de Compiègne, et durant tout Fontainebleau, a travaillé à Beauvais aux affaires de son diocèse.

Vous avez bien fait d'avoir supprimé les remarques de M. de Paris, qui donnoient à M. de Cambrai ce qu'il demande.

A Germigny, 17 novembre 1698.

LETTRE CCCLXVIII.

DE L'ABBÉ PHELIPPEAUX A BOSSUET. Sur les Remarques du prélat; les nouvelles lettres de M. de Cambrai; le refus que le Pape avoit fait de lui accorder un délai; les congrégations des cardinaux ; et la censure des docteurs de Paris.

Vos Remarques sur la Réponse à la Relation sont fort estimées et goûtées ici. Elles sont accablantes, et elles étoient nécessaires pour faire connoître les souplesses et les calomnies de M. de Cambrai il ne cesse pas cependant d'écrire. On vient de m'avertir qu'il étoit arrivé ce soir deux lettres, en réponse à Mystici in tuto et à Schola in tuto; mais cela ne fera point d'effet, et ne retardera pas le jugement.

Vous savez que l'abbé de Chanterac ayant demandé du délai pour répondre à vos Remarques, le Pape le refusa; et deux jours après intima les congrégations pour la décision de l'affaire. Hier se tint la première congrégation extraordinaire, où parla M. le cardinal de Bouillon; du moins il me dit qu'il avoit beaucoup parlé, et qu'il étoit fatigué. Mercredi on continuera, et jeudi se fera devant le Pape le rapport de ce qui aura été fait ou résolu dans les deux con

grégations précédentes; ce qui continuera jusqu'à la fin.

L'affaire paroît en bon état : les cardinaux sont instruits et bien intentionnés. Je crois qu'on suivra, dans la discussion des propositions, le projet de réduction à sept chefs principaux : chacun contient plusieurs propositions, qu'ils pourront réduire selon qu'ils le trouveront à propos.

Le vœu des docteurs de Paris aura son effet. On a voulu exciter la jalousie de cette cour: mais les cardinaux les plus sensés ont vu que ce jugement n'étoit que préparatoire, et que la Faculté de Paris s'étoit expliquée dans presque toutes les affaires importantes avant que Rome décidât. On a instruit le Pape, et les lettres de M. le nonce feront impression. Cela cependant les rassurera contre les faux bruits qu'on avoit répandus, que les docteurs de Paris favorisoient le livre, et leur fera voir la nécessité de qualifier les propositions. Il auroit été à souhaiter qu'ils eussent eu vos qualifications, qui sont plus fortes et plus pressées. Ils n'ont point mis la qualification d'hérétique: il est vrai qu'il y a des termes équivalents; mais les équivalents ne sont pas de saison en ces sortes d'affaires, et ils devoient qualifier les propositions extraites qui ont été discutées : autrement on embrouille tout, et on fatigue les cardinaux par la diversité des propositions.

L'archevêque de Chieti voudroit bien pouvoir changer son vou, voyant qu'il a été surpris : il 30 en devoit conférer avec monseigneur Giori. Le sacriste dit qu'il voudroit que le livre n'eût jamais paru: il s'est entièrement déshonoré dans l'esprit des honnêtes gens.

M. le cardinal de Bouillon paroît vouloir revenir au bon parti: il voit combien il seroit ridicule d'aller contre le torrent. Je crois que le roi lui a écrit fortement par le dernier courrier, et le rend responsable du succès. Ainsi il sera forcé de prendre le bon parti; et s'il ne le prend pas, il sera abandonné de ses confrères. M. le cardinal de Bouillon ayant vu qu'il étoit mention dans vos Remarques de trois écrits, me dit qu'il ne les avoit pas vus, et me pria de les lui faire voir. Il en parut étonné, en demanda des extraits, que je lui ai donnés. Il me dit que les choses n'étoient plus dans l'état où elles se trouvoient auparavant, et qu'à la fin de l'affaire on verroit ce qu'il avoit fait; mais qu'il m'en disoit trop pour le présent ; que quand l'affaire seroit finie, il souhaitoit avoir une conversation avec moi, et qu'il me diroit des choses qu'il ne pouvoit pas me communiquer aujourd'hui. Je reçus cette marque de confiance comme je devois. Il avança qu'on n'avoit jamais vu un tel différend entre

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