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des évêques. Je lui citai saint Augustin et Julien: | et pendant les congrégations de auxiliis; ce qui

la comparaison lui parut un peu forte.

Vous nous avez envoyé une grande quantité de Remarques : j'aurois souhaité plutôt les écrits latins, fort estimés des savants, et dont nous n'avons pas eu soixante exemplaires; mais la chose à présent est trop avancée. Monsieur l'abbé vous dira les autres nouvelles. Je suis avec un profond respect, etc.

A Rome, mardi 18 novembre 1698.

LETTRE CCCLXIX.

DE L'ABBÉ BOSSUET A SON ONCLE.

Sur les impressions défavorables qu'on avoit voulu donner

à Rome de la censure des soixante docteurs; les avan

non seulement fut jugé dans ces temps très utile, mais même en quelque manière nécessaire, pour rendre témoignage à la vérité, et servir de préparation au jugement de l'Église universelle ou de l'Église romaine, qui doit desirer de voir passer devant elle le plus de témoins qu'il est possible de la tradition sur les points contestés. Ces raisons puissantes ont fermé la bouche à ceux qui vouloient faire trouver mauvais ce qu'on venoit de pratiquer. Les lettres du nonce au Pape sont arrivées là-dessus, et ont confirmé tout ce que nous avions dit. Je vis le cardinal Spada aussitôt que j'eus reçu votre lettre et celle de M. de Paris. Le cardinal Spada sortoit de chez le Pape, et il m'assura qu'il n'y avoit rien à dire à tout ce qui s'étoit fait, et qu'on voyoit que c'étoit seulement une préparation au jugement du Saint-Siége. Ces paroles-là signifient beaucoup, ce me semble. Il me parut content lorsque je lui représentai que jamais on n'auroit dû s'i

tages de cette censure; l'inutilité des efforts de M. de Cambrai pour obtenir des universités étrangères quel ques témoignages en sa faveur; sur les assemblées des cardinaux, et la forme dans laquelle ils devoient procéder. J'ai reçu la lettre que vous m'avez fait l'hon-maginer que la plus grande malignité pût trouneur de m'écrire de Fontainebleau, le 27 octobre.

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ver mal un procédé aussi simple et aussi naturel que celui-là; que les docteurs avoient autant de respect pour le Saint-Siége et pour la personne de Sa Sainteté que les évêques, dont la patience avec laquelle ils attendoient en France le jugement étoit une marque bien sûre.

Je vois bien que le petit chagrin que quelques uns ont pu avoir de cet événement a été de penser qu'on vouloit leur faire leur leçon. Ils sont bien aises de témoigner qu'ils n'ont pas besoin qu'on les instruise. Je leur ai parlé aussi sur ce ton-là, en leur assurant que je m'attendois de leur part à quelque chose de plus fort, s'il est possible, et de plus précis. Ce que j'ai cru qu'on devoit éviter, c'est de se faire de fête ici, comme si l'on avoit gagné la victoire. La pièce fera, s'il plaît à Dieu, son effet d'elle-même; parcequ'elle est bonne et à propos, et fait voir en soi le sentiment des gens habiles, et l'impuissance de la cabale. Je sais que l'abbé de Chanterac a voulu faire croire que la signature a été forcée. Il l'a dit à l'assesseur, mais on n'en croit rien.

Vous avez vu par ma dernière que je savois la signature des soixante docteurs, et que nous avions la pièce en main sur quoi nous avons pris toutes les mesures imaginables pour empêcher qu'on ne donnât à la chose une mauvaise tournure, comme on en avoit dessein. Le lendemain de la date de ma lettre, je sus que M. le nonce avoit écrit ici, un peu alarmé et cela, parcequ'il se trouvoit à Fontainebleau sans vous, et sans pouvoir s'éclaircir avec M. de Paris. Il écrivoit néanmoins très modérément, mais avec quelque doute. Il n'en falloit pas ici davantage pour donner lieu de donner l'alarme à des gens toujours ombrageux, et qui, aidés par certaines taupes noires, ne cessent de travailler sous terre contre la France. Je n'en fus pas plutôt averti par un cardinal ami, qui n'entra dans aucun détail particulier, que j'en avertis le père Roslet, afin qu'il se tînt sur ses gardes, et qu'il ne communiquât la pièce qu'à ceux qui la souhaiteroient le parti a été trouvé très sage, et exéScuté ainsi. Nous avions aisément deviné les bonnes raisons et les causes de cette signature. Je vis le cardinal Spada, à qui je les expliquai, et qui les a depuis trouvées conformes à ce que lui a mandé M. le nonce : il n'a pu les désapprouver; MM. les cardinaux Panciatici et Albani de même, aussi bien que le cardinal Ferrari. Mais surtout ils n'ont rien eu à répondre aux exem-geoit à parler sur son livre, ce ne pourroit être ples que nous leur avons apportés, d'actes semblables faits en pareil cas. Nous leur avons cité des consultations secrètes des docteurs, des décrets des Facultés dans les affaires de Luther,

J'ai bien fait valoir les efforts inutiles de M. de Cambrai pour avoir quelque chose en sa faveur de la part des universités d'Espagne, et tout nouvellement de celle de Louvain, où il avoit envoyé un de ses chanoines, nommé Le Comte; mais la réponse n'a pas été favorable, et la plupart ont déclaré que si M. de Cambrai les obli

à son avantage. Vous devez être informé de tout cela avant nous. Ce que je vous mande est très vrai : c'est leur député à Rome qui me l'a assuré. On m'a dit qu'à Alcala, en Espagne, quatre ou

cinq docteurs avoient signé quelque chose sur l'amour pur; et entre autres un jésuite, qui avoit admis le cinquième état de M. de Cambrai comme possible absolument, mais en même temps comme non nécessaire; ce qui est le condamner. On prétend que cela a été envoyé ici aux confidents, qui n'ont pas jugé à propos jusqu'à présent d'en faire aucun usage. C'est apparemment quelque chose qui ne signifie rien. M. le cardinal de Bouillon feignit ces jours derniers d'être bien aise de ce que les docteurs de Paris avoient fait, et envoya querir le père Roslet, qui ne put lui refuser la pièce. Je n'ai pas manqué de faire remarquer à tout le monde combien elle est modérée, et elle l'est peut-être un peu trop sur les qualifications; car on n'y emploie jamais celle d'hérétique, que j'espère qu'on donnera ici à plus d'une proposition.

envoya ordre à l'assesseur de déclarer à MM. les cardinaux qu'elle ne vouloit plus entendre parler de délai, et qu'elle souhaitoit qu'on procédât à la décision. Par-là il est clair que M. l'abbé de Chanterac perd toute espérance de délai. Aussi le billet de M. l'assesseur à MM. les cardinaux, pour indiquer l'assemblée d'hier, porte précisément que c'est afin de décider l'affaire de l'archevêque de Cambrai. En conséquence, on tint hier la première séance, et MM. les cardinaux commencèrent à voter sur les premières propositions. M. le cardinal de Bouillon parla le premier. Le secret inviolable du saint-office fait que l'on ne peut savoir ce qui s'est passé. M. le cardinal Casanate m'a dit ce matin qu'il avoit la bouche cousue, et ne m'a voulu rien dire ; mais son air ouvert et content m'a fait bien augurer du résultat de l'assemblée. Et assurément il faut deviner ce qui s'y passe. Dans ces séances, outre les cardinaux, il n'y a que l'assesseur qui y assiste, et le commissaire. Au sortir de chez M. le cardinal Casanate, j'ai éte chez l'assesseur, monseigneur Sperelli, et chez le commissaire du saintoffice. J'ai tant fait de questions à ce dernier, que d'après ses réponses, quelque obscures qu'elles

Mercredi 12 du mois, MM. les cardinaux s'assemblèrent pour délibérer de modo procedendi. Ils résolurent de parler et de voter sur toutes les propositions l'une après l'autre, mais en les réduisant sous certains chefs. On prétend que M. le cardinal de Bouillon proposa quelque expédient qui ne plut pas. On détermina aussi le jour où l'on s'assembleroit extraordinai-aient été, je n'ai pas lieu de douter raisonnablerement pour cette affaire; et on prit le lundi, en arrêtant que, si on ne finissoit pas ce jour-là de voter sur le chapitre convenu, on achèveroit le mercredi, afin d'expédier plus promptement. Le cardinal Casanate prétend qu'après l'examen des premières propositions on ira vite sur les autres. Mais je m'imagine que d'abord chacun voudra parler un peu de temps, après quoi on abrégera sans doute car le Pape et les cardinaux ont assez envie de conclure, et, si je ne me trompe, de bien conclure. La cabale est tout étonnée, et ne sait comment on a fait pour empêcher la division qu'on n'avoit cessé de former parmi les cardinaux; mais qui, Dieu merci, je l'ose assurer présentement, ne se trouvera pas quant au fond de la chose. J'avoue que je n'ai pas eu un moment de repos que je ne me fusse assuré, à n'en pouvoir douter, qu'on condamneroit l'amour pur et le cinquième état marqué dans le livre de M. de Cambrai. Si je me trompe, il faudra dire que les cardinaux les uns après les autres m'ont manqué de parole. Je vous parle ainsi à vous vous ferez de ceci l'usage que vous jugerez à propos. Ce que je puis vous dire encore, c'est que le caractère de M. de Cambrai est bien connu à présent, malgré les éloges que lui a donnés, dans toutes les occasions, M. le cardinal de Bouillon.

Il est bon de vous dire que Sa Sainteté, mardi au soir 11 de ce mois, veille de cette assembléo,

ment de ce qui suit. Il paroît que les choses tournent fort bien; qu'on est convenu de regarder comme le fondement du système de M. de Cambrai son prétendu amour pur et son cinquième état, distingué du quatrième, qu'on reconnoît pour l'état de la charité des plus parfaits; que votre doctrine est celle que l'on prend pour. règle; qu'on pense que le motif de la béatitude, quoique secondaire de la charité, est inséparable du motif premier et spécifique ; que le cinquième est une illusion, et la pure doctrine de Molinos. Que voulez-vous davantage? Il me semble que si l'on s'en tient là, on n'a plus rien à desirer. Par le discours du commissaire du saint-office, je juge que les cardinaux ne purent tous parler hier; ils continueront demain, et peut-être achèverontils. Comme M. le cardinal Casanate m'a dit qu'il étoit revenu bien fatigué, je m'imagine qu'il a parlé. Si cela est, quatre ou cinq au moins auront parlé, Nerli Carpegna, Casanate, Bouillon et Marescotti. Le cardinal Nerli aura été long. Le commissaire du saint-office avoit la joie peinte sur le visage, et m'a assuré d'une décision solennelle qui couperoit la racine du mal : ce qu'il n'auroit certainement pas fait, si les choses lui avoient paru douteuses; car il est très zélé pour vous et pour la bonne doctrine, et me témoigne une amitié particulière.

Il entre dans le moment un ami qui a vu le cardinal Carpegna, et qui est très content de la

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censure des docteurs. Il dit qu'il seroit à souhai-, Tous les autres méprisent infiniment le travail ter que tous les docteurs de Paris l'eussent si- du sacriste. M. Poussin fait tout de son mieux; gnée je la lui avois portée avant-hier.

M. le cardinal de Bouillon revint hier très fatigué d'avoir, dit-il, parlé très long-temps. Depuis huit jours ce cardinal ne sait où il en est. Il veut persuader qu'il fera mieux qu'on n'a pensé jusqu'à cette heure. Je crois qu'il voit qu'il seroit seul pour M. de Cambrai. De la ma- | nière dont le commissaire du saint-office s'est expliqué, je juge que M. le cardinal de Bouillon veut nager entre deux eaux. Je ne sais point encore comment il s'est exprimé hier, et quel parti il a pris.

M. le cardinal de Bouillon a vu ces jours passés deux fois le père Roslet et M. Phelippeaux. Il espère avoir mellleure composition d'eux que de moi, et leur faire plus aisément croire ce qu'il voudra: ils sont bien avertis. Au reste, le personnage est difficile à jouer de la part de cette Eminence.

Quand j'ai parlé de l'empêcher de voter, je n'ai pas prétendu qu'on le lui défendit précisément; mais qu'on lui expliquât si nettement les intentions du roi, qu'il fût obligé de changer, ou de ne pas voter. L'impossibilité de réussir dans ses projets lui aura peut-être fait ouvrir les yeux plus que tout le reste. Les jésuites et M. le cardinal de Bouillon ont joué de leur reste depuis un mois.

J'eus vendredi une assez longue conversation avec M. le cardinal de Bouillon, qui n'a jamais tant tortillé qu'il le fit dans cet entretien. Il me dit qu'il avoit à soutenir un personnage très embarrassant ; qu'il ne pouvoit, comme ministre, douter des intentions du roi, qui lui étoient bien manifestées; comme cardinal, qu'il avoit sa conscience à satisfaire; et qu'il étoit bien malheureux de ne pouvoir pas être simple spectateur comme tant d'autres; voulant pourtant me faire entendre tout ce que je n'entendois point. Je puis vous répondre qu'il ne sait où il en est.

Au reste, il est certain que l'abbé de Chanterac sait exactement par M. le cardinal de Bouillon tout ce qui s'est passé au saint-office, tandis que je me fatigue cruellement le corps et l'esprit pour le deviner. C'a été un grand avantage, que cet abbé a toujours eu, et qu'il a encore, d'être si aisément et si sûrement instruit de ce qui se passe; mais je crois à présent la cabale à bout. Jeudi dernier, le sacriste, l'abbé de Chanterac, l'assesseur et Alfaro s'assemblerent pour consulter.

M. le cardinal de Bouillon m'a dit qu'il n'estimoit que les vœux du sacriste et de Massoulié.

les intentions du roi sont avec raison pour lui des lois : le cardinal de Bouillon le hait souverainement. Je vous prie seulement de le faire valoir comme il le mérite.

M. de Chartres fera toujours bien de répondre: mais ici tout le monde répond pour lui, et M. de Cambrai a achevé de se perdre par sa Réponse à ce prélat. Votre dernier ouvrage le couvre seul d'une éternelle confusion. Pour vous, vous pouvez répondre, si vous le voulez, aux dernières lettres de M. de Cambrai. Mais, à moins que les choses ne changent ici, l'écrit que vous ferez ne sera d'aucune utilité dans ce pays, et je ne crois pas qu'il soit nécessaire d'y faire paroître d'autre ouvrage. Pour la France, où il faut éclaircir la vérité et prémunir les fidèles, on ne sauroit trop y publier de bons écrits. Vous pensez bien cependant que, quelque parti que vous preniez à cet égard, j'exécuterai vos ordres comme vous le souhaiterez. Je vous dirai seulement que j'ai en quelque manière promis à Sa Sainteté que vous n'écririez plus, à moins que vous n'eussiez de nouvelles raisons bien pressantes pour le faire. Malgré toutes ces considérations, je suis assuré que ce que vous écrirez sera si bon, qu'on sera ravi toujours de le voir. La traduction italienne de votre Réponse est pour le présent la seule pièce dont nous ayons besoin.

Il faut que M. de Chartres prenne un peu garde de ne pas donner lieu ici de penser que le motif secondaire soit séparable du motif spécifique dans l'acte propre de la charité : cela pourroit pro· duire un mauvais effet. Ce qu'il a dit là-dessus, dans son Instruction, demande d'être expliqué, à ce qu'il a paru ici à beaucoup de gens qui sont dans vos principes.

L'abbé de Chanterac a tenté, samedi et dimanche, d'avoir audience du Pape, qui n'a pas voulu la lui donner je ne sais s'il y sera parvenu aujourd'hui.

Monseigneur Giori est le même, et fait toujours très bien auprès du Pape : il confirmera ce que les cardinaux feront. Je ne sais si je ne vous ai pas mandé que M. Phelippeaux avoit dressé un vœu sur les trente-huit propositions, tout tiré de vos écrits, et que nous avons fait passer à tous les cardinaux.

Je crois que le cardinal d'Aguirre ne se trouva pas hier à la congrégation on m'a dit qu'il n'avoit pas été averti.

J'ai oublié de vous marquer que M. le cardinal de Bouillon m'a fait extrêmement valoir une audience qu'il prétend avoir eue du Pape, dans laquelle il a, dit-il, parlé contre M. de Cambrai et

pour vous, mieux que je n'aurois pu faire. Il croit avoir fait grande impression sur le Pape. Si ce qu'il m'a dit est vrai, il a fort bien fait. N'en parlez qu'à son frère. Je fais semblant de tout croire.

J'apprends par M. Phelippeaux qu'il est arrivé une Réponse de M. de Cambrai au Mystici et au Schola in tuto. Je ne sais si cela est bien sûr mais, quoi qu'il en soit, il n'est pas à craindre qu'il arrive aucun changement dans les dispositions des esprits à l'égard de ce prélat.

Rome, ce 18 novembre 1698.

LETTRE CCCLXX.

de l'abbé de GONDI A L'ABBÉ Bossuet.

Sur la traduction italienne de la Relation sur le quietisme; et les dispositions du grand-duc pour seconder à Rome les évêques de France dans cette affaire.

Son Altesse Sérénissime le grand-duc mon maître, faisant, avec justice, un prix infini de tous les savants ouvrages de M. de Meaux, reçu avec une extrême joie l'exemplaire de la traduction en italien, que M. l'abbé Regnier a faite, de la Relation du Quiétisme, que ce digne prélat avoit mise au jour peu de mois avant. Son Altesse n'a point manqué de comprendre incontinent le bon effet que cette traduction produiroit dans Rome et par toute l'Italie, attendu la facilité qu'on y auroit par ce moyen de mieux approfondir la vérité, que mondit sieur votre oncle découvre à merveille dans sadite Relution, et que mondit sieur l'abbé Regnier, de qui je suis ancien serviteur, et dont je connois à fond le rare mérite, fait goûter par sa version, fidèlement faite en italien, à tous nos connationaux qui n'entendent pas le françois. Après ce que je viens de vous dire, je ne doute point que vous ne soyez entièrement persuadé que Sadite Altesse estimant, comme elle fait, le don que vous lui avez fait dudit exemplaire, ne vous en remercie avec une cordialité qui y réponde; et comme elle m'a chargé de vous en rendre de sa part ce témoignage, elle vous prie de lui faire la justice d'en être tout-à-fait convaincu.

M. de Meaux, aussi bien que les autres évêques de France, au nom desquels vous témoignez leur satisfaction du soin assidu de Son Altesse Sérénissime à contribuer dans Rome, par tout ce qu'elle a pu, à la condamnation d'une erreur qui peut causer tant de désordres dans notre sainte religion, obligent dans cette rencontre Sadite Altesse d'une manière dont elle n'en sauroit assez faire d'estime, ni leur en avoir plus

de reconnoissance. Vous lui ferez une grace toute singulière de les assurer tous de la vérité de ses sentiments, et du vrai desir qu'elle a de répondre en tout temps aux bontés qu'ils ont pour elle, par la sincérité de son affection et de son amitié pour eux. Au reste, Son Altesse ne se lassera jamais de poursuivre la bonne cause contre les fauteurs de la mauvaise; et elle espère, aussi bien que vous, que dans peu le Pape prononcera conformément à nos souhaits, à ceux de la France, et de tous ceux qui aiment la paix dans l'Eglise et l'honneur du Saint-Siége.

Je ne saurois finir cette lettre sans y joindre encore mes très humbles remerciments pour l'autre exemplaire de cette même traduction, que je garde auprès de moi comme une chose précieuse, aussi bien que son original en françois, avec tout ce que M. de Meaux a mis au jour sur cette matière: vous suppliant de croire que rien ne m'est si cher que la continuation de vos bonnes graces, je m'étudierai toujours à les mériter par mes services les plus passionnés, étant aussi respectueusement que je le suis, etc.

Florence, 18 novembre 1698.

LETTRE CCCLXXI.

DE BOSSUET A SON NEVEU.

Sur les raisons qui empêchoient l'impression de la version italienne de ses Remarques; les interrogatoires que subissoit madame Guyon; et sur un mémoire qu'il lui avoit envoyé.

Je viens de recevoir votre lettre du 4, qui m'apprend l'arrivée de notre courrier extraordinaire, avec les Remarques. Elles sont ici jugées accablantes pour M. de Cambrai. La version italienne est faite; mais Anisson fait difficulté de l'imprimer, parcequ'elle n'aura, dit-il, nul débit ici. Je verrai à Paris, où je serai demain, ce qu'il faudra faire.

L'in praxi* est le mot sacramental sur lequel il faut insister, et l'on doit être attentif à bien avertir de l'abus du langage des bons mystiques. Il y a trois cents ans, c'est-à-dire, depuis le temps des béguards, que le langage se mêle et s'embrouille : si l'on n'y met fin, le mal augmentera. Le pur amour, et tout ce qui est au-dessus du quatrième degré, est la source du mal. Je l'ai démontré dans les Conclusions des Remurques.

Je ne puis vous envoyer la sainte Thérèse du

* Bossuet par ce mot in praxi rappelle ici son Admonition générale, qu'on a vue ci-dessus.

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père de La Rue * : voici les extraits qu'on m'en | sans doute de travailler avec une nouvelle årdeur communiqua dans le temps.

On continué à interroger madame Guyon; et M. de Cambrai y est impliqué du côté du commerce spirituel. Le pèrè Roslet aura par M. de Paris le secret de tout cela.

Vous aurez reçu un mémoire latin par l'ordinaire qui partit un peu après le départ de notre courrier, dans lequel est renfermée une instruction pour vous **. Vous y ferez les remarques convenables. Je laisse le tout à votre discrétion.

Nous avons perdu M. de Simoni ; c'est-à-dire, chacun de nous un second frère. Mon frère a bien besoin d'être consolé.

Je salue de bon cœur M. Phelippeaux. Il faut avoir patience jusqu'au bout. On a reçu les livres dont il m'avoit donné avis. A entendre les nouveaux venus de Rome, M. le cardinal de Bouillon est un favori du Pape. Ce n'est pas ce qu'on écrit ici de tous les côtés. Pour moi, je me réjouis des mesures respectueuses que vous gardez avec cette Éminence. On parle iei de vous très avantageusement.

A Meaux, 24 novembre 1698.

LETTRE CCCLXXII.

DE M. DE NOAILLES, ARCHEVÊQUE DE PARIS, A L'ABBÉ Bossuet.

à couvrir la mauvaise doctrine.

J'espère que les autres congrégations feront plus d'ouvrage que celle du mercredi n'en fit: je suis bien aise néanmoins qu'elle ait été rompue par la sortie du Pape, puisque cela marque que Sa Sainteté est en parfaite santé.

M. de Monaco s'en ira bientôt; vous pouvez l'assurer : l'intention du roi est de le faire partir le plus tôt qu'il se pourra.

Comme nous voici à la crise de l'affaire, je vous prie de ne nous laisser rien ignorer de tout ce qui se passera, afin que nous prenions nos mesures de ce côté-ci, et que nous vous soutenions fortement. Je suis toujours, monsieur, à vous comme vous savez.

24 novembre 1698.

LETTRE CCCLXXIII.

DU P. BRION, KELIGIEUX CARME, a bossuet.

Sur des remarques qu'il avoit faites pour le prélat, et une réfutation suivie du livre de M. de Cambrai, qu'il avoit composée.

Quelque soin que j'aie pris d'envoyer chez vous pour savoir les jours où vous pourriez venir à Paris, je n'ai point été assez heureux pour vous y rencontrer, et pour vous présenter les remarques que vous m'aviez chargé de faire sur

Il lui annonce le départ prochain de M. de Monaco, et lui les constitutions des filles du Saint-Sacrement.

demande d'instruire exactement les prélats de ce qui se passera.

Je crois que vous aurez su, monsieur, que c'est une petite fièvre tierce qui m'empêcha de vous écrire par le dernier courrier: comme je suis, Dieu merci, guéri, je ne veux pas manquer de vous remercier de vos deux dernières lettres. J'y vois avec plaisir l'espérance que vous avez d'une bonne condamnation, malgré les efforts de la cabale. Il faut présentement redoubler les vôtres, pour faire connoître la vérité; car les partisans du livre ne manqueront pas

Nos mémoires ne nous instruisent point assez sur le fond du discours dont il s'agit ici. Mais nous savons que le père de La Rue prêcha le jour de saint Bernard de la même année, dans l'église des Feuillants, à Paris, un sermon dans lequel il combattit le prétendu amour pur đu nouveau quiétisme, dont il fit voir l'illusion et les funestes conséquences. Il ne fut pas difficile à l'auditoire de reconnoître M. de Cambrai et ma

dame Guyon, dans le portrait que le prédicateur fit d'Abailard et d'Héloïse. Aussi les partisans de Fénelon furent-ils très choqués de ce sermon.

**C'est l'instruction ou l'ordre donné à l'abbé Bossuet par M. de Meaux, que nous avons placé à la suite de la lettre CCCLI.

Tout ce que j'aurois à desirer, monseigneur, ce seroit d'avoir bien rempli la tâche que vous m'avez donnée, en vous faisant trouver dans ces remarques quelque chose qui fût digne de votre attention, et qui ne vous fit pas perdre le temps que vous employez si utilement pour la défense de l'Église. J'espère au moins que vous connoîtrez, par ce pétit écrit, que ce n'est pas d'aujourd'hui qu'on se prépare à répandre le quiétisme en France, et qu'il y a déjà long-temps qu'on jette la semence d'une si mauvaise doctrine. Il faut espérer que Rome, après une longue discussion, tâchera d'en arrêter le cours par la condamnation du livre de M. de Cambrai; et c'est, ce semble, ce qui devroit déja être fait, après tous les éclaircissements que vous avez donnés avec tant de lumière sur cette matière.

Quoique je sois très persuadé, monseigneur, qu'on ne peut rien ajouter à tout ce que vous avez écrit sur ce sujet, je vous avouerai cependant que je ne puis m'empêcher d'avoir quelque regret que vous n'ayez pas aussi fait paroître ce

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