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de difficultés de la part des autres cardinaux et du Pape. Si l'on me jugeoit capable de faire quelque chose là-dessus, au moins d'essayer et de commencer avant que l'ambassadeur vint, peut-être serois-je assez heureux pour lui préparer la voie; mais il faudroit un grand secret, et que le cardinal de Bouillon n'eût pas le moindre vent de cette affaire; ce qui seroit très aisé. Au moins servirois-je avec affection et fidélité, et peut-être avec plus de facilité qu'un autre, surtout s'il s'agissoit de traiter avec le cardinal Casanate, qui a une confiance en moi que je ne mérite pas, mais qui est particulière. J'écris ceci à tout événement, et vous en ferez l'usage que vous jugerez à propos. Si l'on vouloit commencer cette négociation, il n'y auroit pas de temps à perdre, à cause des conjonctures favorables d'un Pape qui veut faire plaisir au roi, et du cardinal Casanate qui se trouvera peut-être bien disposé par toute sorte de raisons. Il n'y auroit toujours point de mal de me donner quelques instructions sur ce sujet, dont je vous réponds que je ne ferai pas mauvais usage.

Pour revenir à nos affaires, je sais de très bonne part que le Pape a été très touché de la lettre du roi, et très fâché que Sa Majesté crût qu'il avoit quelque part au retardement. On prétend qu'il a parlé fortement là-dessus au cardinal de Bouillon, et qu'il lui a fait sentir qu'il savoit que tout le mal venoit de lui.

Ce cardinal croit donner au roi une grande marque qu'il accélère le jugement autant qu'il est possible, en ayant fait mettre au 6, jour des Rois, la congrégation qui devoit se tenir lundi 5 de ce mois, mais qui, à cause de la chapelle, ne pouvoit avoir lieu. Il n'y a pas, dit ce cardinal, d'exemple qu'on ait jamais fait tenir ce jour-là de congréga ion. Il ne songe pas qu'il auroit été bien plus naturel de la faire renvoyer au jour d'auparavant, qui étoit le dimanche. Mais il falloit quelque acte apparent, pour qu'il pût écrire au roi qu'il avoit obtenu la chose du monde la plus extraordinaire; et cependant il y a beaucoup moins de part que le Pape, qui a plus de desir que personne qu'on ne perde point, de temps.

On tint donc mardi, sixième de ce mois, la huitième congrégation; et hier matin mercredi, on s'assembla encore en conséquence de la promesse de Sa Sainteté, dont je vous ai parlé dans ma précédente du 30 de décembre, et de ce qu'il avoit résolu il y a près de quinze jours. Ce que je vous marque, afin qu'on ne croie pas que ce soit la lettre du roi qui ait fait résoudre qu'on traiteroit encore le mercredi de l'affaire de M. de

Cambrai. Mais la lettre du roi servira extrêmement à faire abréger cette affaire par une autre voie, en faisant prendre très certainement au Pape et aux cardinaux des mesures pour qu'on ne perde pas le temps à tant de discours vains. Cette lettre portera ensuite à chercher les moyens les plus propres à abréger la rédaction de la bulle, qui auroit pu tenir des temps infinis; au lieu qu'il y a lieu d'espérer qu'on songera uniquement à finir cette affaire, et que peut-être le cardinal de Bouillon ne sera plus assez hardi pour s'opposer aux bonnes intentions des autres.

Je ne sais pas encore ce qui s'est passé dans les deux dernières congrégations, parceque je vous écris cette lettre par le courrier de M. de Torcy, qui doit partir demain; mais j'espère, avant de la fermer, savoir quelque chose. Le | cardinal Noris, que je vis samedi, me dit qu'il devoit parler le mardi suivant, et qu'il vouloit être très court, afin de donner à d'autres cet exemple. Il devoit s'expliquer sur le sacrifice et les dernières épreuves. Après lui les cardinaux Ottoboni et Albani auront parlé. Le cardinal de Bouillon s'attendoit aussi à le faire: il étoit allé pour cela, au sortir de chez le Pape, à Frescati travailler avec le père Charonnier, qui est toute sa consolation et toute sa ressource.

Je ne puis m'empêcher de dire que ceux qui prétendent excuser le cardinal de Bouillon sur sa conscience, qui, disent-ils, ne lui permet pas de condamner le livre de M. de Cambrai, veulent se laisser éblouir par un vain prétexte.

Il n'est que trop certain que c'est un engagement qu'il a pris avant que de venir ici, et avant que d'examiner la matière. Il est encore très sûr qu'il n'a jamais parlé franchement là-dessus. Ses manœuvres le font assez voir, depuis le commencement de l'affaire jusqu'à présent. Il a voulu et cru pouvoir tromper et amuser le roi comme tout le monde, et pendant ce temps former ici un parti sur lequel il comptoit tout rejeter. Si le caractère de ministre et de cardinal membre de la congrégation l'embarrassoit, que ne choisissoit-il l'un ou l'autre? Que ne s'estil expliqué plus nettement au roi ? Pourquoi tant de détours, tant de souplesse, pour me persuader qu'il étoit plus contre M. de Cambrai qu'on ne pense, jusqu'à me dire qu'il voudroit pouvoir me montrer son vou, et qu'il étoit assuré que j'en serois content? Pourquoi n'ose-t-il pas soutenir hautement la vérité, et ne défend-il la doctrine de M. de Cambrai que par des équivoques, par des doubles sens, et qu'en proposant des expédients qui, si on les approuvoit, éterniseroient cette malheureuse affaire, et couvriroient de honte le Saint-Siége? Quel homme de bon

maine on en pourra terminer un. Le Pape a déclaré qu'il ne vouloit pas qu'on parlat au saint

brai ne fût terminée. Ainsi toute la congrégation du mercredi s'emploie à traiter cette matière ; celle du lundi de même. Je sais que Sa Sainteté a dit que tout seroit fini dans peu de jours, c'est-à-dire, à la fin du mois.

sens pourra jamais s'imaginer que ce soit une délicatesse de conscience qui l'ait porté à mettre la division parmi les qualificateurs, en y fai-office d'autres affaires, que celle de M. de Camsant ajouter, lorsque l'affaire étoit presque finie, trois examinateurs dont il étoit assuré, et en s'opposant au choix du père Latenai, que Sa Sainteté avoit nommé pour rompre le partage? Qui pourra jamais penser sérieusement qu'il se croie plutôt obligé en conscience de suivre le sentiment du père Dez, du père Charonnier et des jésuites, que celui des évêques de France, des plus célèbres docteurs de Paris et de tout le royaume, et j'ose dire de tous les théologiens de Rome qui sont sans passion?

Je ne suis pas le seul ici qui porte ce jugement du cardinal de Bouillon; puisque le Pape et tous les cardinaux ne peuvent s'empêcher de dire que cette Éminence fait à Rome un personnage bien odieux contre son roi et contre sa patrie, en faveur d'une cause très déplorable.

M. l'abbé de Chanterac a donné au Pape ces jours passés les quatre nouveaux écrits de M. de Cambrai, que j'espère pouvoir joindre à ce paquet. Il les a distribués aussi aux cardinaux, qui la plupart ont déclaré ne les vouloir pas seule ment regarder.

J'oubliai, je pense, dans ma dernière lettre, de vous parler de M. Langlois, dont M. le cardinal de Bouillon m'a lu une lettre qu'il lui écrit de Paris, je crois, en date du 7 de décembre, par laquelle il lui marque tous les discours qu'il vous a tenus, tous les bruits qui courent à Paris sur ce cardinal; et en particulier, que vous lui aviez dit savoir fort bien qu'il est entièrement favorable à M. de Cambrai, et qu'il faisoit tous ses efforts, ainsi que les jésuites, pour le sauver. J'ai pris avec M. le cardinal ce récit en badinant, et me suis rejeté sur le zèle de M. Langlois contre les erreurs de M. de Cambrai.

Un des confidents de M. le cardinal de Bouillon est ici un nommé Fortin, que vous avez vu il y a dix ans feuillant, sous le nom de dom Jean de Saint-Laurent, ou le petit dom Côme. Il est à présent défroqué par le grand crédit de M. le cardinal de Bouillon, et est aussi fort bien auprès de lui.

Les jésuites ne vous épargnent en rien, ni M. l'archevêque de Paris, ni le roi, ni madame de Maintenon; je parle des François plutôt que des autres.

J'apprends qu'on a fini la matière des épreuves. On a bien avancé le quatrième chapitre sur le proprio conatu et l'attente de la grace on m'a même assuré que ce chapitre fut fini hier; on a réduit le surplus des propositions à trois chapitres. Il y a lieu d'espérer que chaque se

Il sera question ensuite de la bulle, qui passera per manus. Ce seroit un grand coup si l'on en chargeoit le cardinal Casanate : j'ai lieu de l'espérer, et je n'oublie rien de ce qui dépend de moi pour y déterminer le Pape; cela épargneroit bien des chicanes.

Le cardinal Albani ne fait pas mal à présent, à ce qu'on dit; mais je ne puis lui pardonner ses tours de souplesse. Le cardinal Carpegna dit à un de mes amis, il y a huit jours, que le cardinal Albani avoit toujours i piedi a due staffe. Pour le cardinal Ottoboni, il semble revenir et vouloir mieux faire. A l'égard du cardinal de Bouillon, il a parlé avec un peu plus de modération, mais néanmoins, à ce qu'on m'a assuré, toujours dans les mêmes principes. Il est résolu, à ce qu'on prétend, de ne donner son vœu qu'à l'extrémité. Cette Éminence veut le plus grand mal au pauvre Poussin, et l'on croit qu'elle a écrit fortement à la cour contre lui, pour l'empêcher d'être secrétaire du nouvel ambassadeur. Les amis du cardinal de Bouillon et de M. de Cambrai sont ici ravis d'être assurés que Poussin ne restera pas à Rome. La vengeance est bien indigne; car il est très certain qu'il n'y a que la chaleur avec laquelle Poussin a parlé de l'affaire de M. de Cambrai qui lui a attiré la disgrace du cardinal de Bouillon.

Les amis de M. de Cambrai envoient presque tous les jours auprès du Pape, ou Fabroni, ou le père Alfaro, ou le père Damascène, ou quelque émissaire pareil, pour lui embrouiller l'esprit. On remarqua que dimanche, une demi-heure avant que le cardinal de Bouillon parlât au Pape, ce père Damascène avoit été long-temps avec le Saint-Père. L'abbé Feydé, qui me l'a dit, eut audience du pape après lui, et avant le cardinal de Bouillon. Le Pape lui dit que ce Père venoit de lui parler sur M. de Cambrai.

Comment se gouverne M. de Beauvilliers? II me semble bien dangereux, pour le présent et pour l'avenir, de le laisser dans la place qu'il occupe. Je ne doute pas qu'il ne soit toujours le même. Est-il vrai que M. de Paris a donné pour confesseur à madame Guyon le père Valois, jésuite? Cela passe ici pour certain, et paroit bien extraordinaire.

On n'attend plus ici M. l'ambassadeur qu'au

mois de mars. Je vous prie de lui parler de mon indult pour mon abbaye. Si le roi ou le ministre lui en pouvoit dire un mot, cela disposeroit la réussite de mon affaire à son arrivée, et toutes les circonstances y concourroient. Ayez la bonté de vous souvenir de moi pour ma subsistance, et de prendre avec mon père les mesures convenables à ce sujet.

J'ai reçu la lettre de M. de Paris de même date, par laquelle j'apprends la réception de mes lettres du 10, et son voyage à Versailles. J'ai reçu aussi une lettre de M. de Reims, qui me marque vous avoir vu la veille, que vous lui aviez fait voir ma lettre du 10, et que vous partiez pour Meaux.

Je sors de chez le cardinal Casanate, avec le

Sa Sainteté est en parfaite santé : elle est sor-quel j'ai été très long-temps. Il m'a confirmé tie cette après-dînée. J'attends mes lettres du 22, pour aller à son audience.

J'ai attendu à l'extrémité à fermer mon paquet. On m'avoit promis de me donner les livres de M. de Cambrai; on m'a manqué de parole. Je vous en envoie un des quatre, qui est le plus impertinent je vous ferai passer les autres par le premier courrier. M. Phelippeaux vous fait le détail de ce qu'ils contiennent.

Je pense que le dessein des cardinaux est de ne se pas contenter du respectivè dans la condamnation des propositions du livre.

Rome, ce 8 janvier (699.

LETTRE CCCXCVIII.

DE L'ABBÉ BOSSUET A SON ONCLE.

Sur l'état actuel de l'affaire; la manière dont le cardinal de Bouillon pourroit justifier sa conduite auprès du roi ; et les trois points sur lesquels les partisans de M. de Cambrai auroient voulu faire condamner Bossuet.

dans tout ce que je vous ai mandé jusqu'ici : le
secret du saint-office le rend très difficile à s'ex-
pliquer. Je sais que l'affaire va bien, et qu'à pré-
sent, dans les deux dernières congrégations du
6 et du 7 de ce mois, on a été à pas de géant
(ce sont ses propres paroles); de manière qu'il es-
père, si l'on continue, que dans trois semaines
ils auront fini leurs congrégations entre eux.
Ils voteront après devant le Pape; mais ce ne
sera qu'en déclarant précisément la qualification
que chacun donne aux propositions, et cela sera
très court après quoi il faudra faire la bulle. Il
est très vraisemblable que ce sera le cardinal
Casanate qui en sera chargé, comme il l'a été de
celle de Molinos: ce sera un grand coup ; elle
passera après per manus. Il espère que cela ne
tiendra que peu de temps; mais il faut toujours
s'attendre à quelques longueurs, pour ne se pas
tromper.

Je présume, par tout ce que j'entends, que le cardinal de Bouillon se réserve de donner à la fin les qualifications qu'il jugera à propos aux proL'ordinaire de France est arrivé, et je ne re- positions. Cela ne l'empêche pas de parler toujours çois aucune lettre, ni de vous, ni de mon père, en faveur de M. de Cambrai, et de tout excuni d'aucun de la famille. Cela me fait craindre ser. On ne sait pourquoi ce cardinal retarde de qu'il ne soit arrivé quelque malheur au paquet, jour en jour à renvoyer son courrier. Il paroit très et peut-être que le cardinal de Bouillon, dans embarrassé il est enfermé depuis le matin jusl'inquiétude où il est de savoir comment on a pu qu'au soir avec le père Charonnier. Je ne sais si être si tôt averti à la cour de ce qui se passe, je me trompe, mais je pense que tout l'artifice n'ait été bien aise de voir votre paquet. Le du cardinal de Bouillon, par rapport au roi, maître de la poste m'a cependant assuré qu'il consistera à représenter qu'il veut qu'on coupe n'étoit rien venu pour moi que ce qu'il m'avoit entièrement la racine du mal, en définissant envoyé. Enfin il faut attendre quelques jours jusqu'aux moindres choses, et les choses même pour éclaircir ce fait peut-être aussi m'aurez- indécisibles; ce qui est le plus beau et le plus vous écrit par le courrier qu'on a redépêché à sûr prétexte du monde pour empêcher, Florence. Jusqu'ici je ne laisse pas d'être en lement la prompte décision de cette affaire, mais peine on a peut-être mis trop tard à Paris les qu'on puisse jamais la finir. Pour parvenir à un lettres à la poste. Je vous supplie de faire, à tout jugement, il est question de s'arrêter à l'essenévénement, quelque démarche à Paris auprès des tiel de la matière, qui est la distinction du cindirecteurs de la poste, afin qu'ils prennent garde quième et du quatrième état, et l'exclusion du et aient attention aux paquets qui me seroient motif de la béatitude dans l'état des parfaits, adressés. S'ils recevoient là-dessus quelque or- sans prétendre faire le procès aux mystiques, dre de celui des ministres qui a à présent la sur-supposé qu'on veuille condamner M. de Camintendance des postes, cela assureroit doréna-brai. vant mes paquets, soit à Paris, soit à Lyon et à Rome. Les lettres qui me manquent sont celles du 22 décembre.

non-seu

La chose du monde que M. le cardinal de Bouillon craint le plus, c'est que je ne dépêche quelque courrier et n'écrive par les extraordi

naires. Il défend à tous les courriers de prendre aucun paquet que les siens; et celui qui a la direction des postes a ordre de lui de ne laisser partir aucun courrier françois sans son commandement exprès. Voilà une grande précaution, qui sera très inutile quand je le voudrai, et lorsqu'il sera nécessaire de dépêcher.

On m'a dit que le cardinal de Bouillon veut, par ce courrier, écrire au roi une lettre particulière de sa main, pour sa justification. Ne faites pas semblant de le savoir; mais il seroit bon de découvrir ce qu'elle contiendra.

Le Pape a demandé ces jours passés ce que prétendoit faire le cardinal de Bouillon avec les

N'oubliez pas de faire donner des ordres à la poste de Paris, de Lyon et de Rome, pour mes lettres.

Les réponses au Mystici in tuto, et au Quietismus redivivus, ne se distribuent pas encore: celle au Mystici est arrivée ; mais on dit qu'il y manque quelque carton.

Rome, ce 9 janvier 1699.

LETTRE CCCXCIX.

DE BOSSUET A SON NEVEU.

jésuites et le père Charonnier; si Charonnier étoit Sur différents faits rapportés dans les lettres de Rome; et

un grand docteur, et si le cardinal de Bouillon croyoit pouvoir faire changer les cardinaux et le Pape.

J'ai sujet, dans toutes les occasions, d'être ici très content du père Cambolas. Il n'a pas tenu à lui qu'il n'ait prêché devant le Pape contre l'amour pur et les nouveaux mystiques. Son sermon étoit tout fait; mais les réviseurs ne le lui ont pas conseillé à cause des circonstances, et il a fallu qu'il changeât son dessein.

M. le cardinal de Bouillon s'est allé renfermer aux Chartreux, pour écrire: on croit qu'il fera partir demain matin son courrier.

Il ne tiendroit pas aux amis de M. de Cambrai qu'on ne vous condamnât ici sur trois points, sur l'acte propre de la charité, indépendant du motif de la béatitude; sur la passiveté et l'enchainement des puissances, et sur les pieux excès, les saintes folies dont vous accusez les plus purs actes d'amour de Dieu, pratiqués par les plus grands saints. Voilà ce que les jésuites vont disant partout. On leur répond comme il faut. Vous recevrez par la même voie le paquet

d'hier.

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*Il s'agit du testament que Charles II, qui étoit sans enfants. et qui ne pouvoit en espérer, avoit fait à la fin de l'année précédente, et par lequel il instituoit le prince électoral de Bavière son héritier universel. Mais le jeune prince étant mort le 6 février suivant, le roi d'Espagne fit le 2 octobre de la même année un autre testament, par lequel il nommoit héritier de tous ses états Philippe, duc d'Aʊjou, second fils du Dauphin, Charles mourut le 4 novembre suivant, et Louis XIV fit valoir contre une ligue puissante les droits de son petit-fils au trône d'Espagne, dont apres bieu des combats il devint paisible possesseur.

les nouveaux écrits de M. de Cambrai.

J'ai reçu votre lettre du 23 décembre dernier j'y vois la continuation lente des congrégations, et que le Pape a toujours les mêmes bonnes intentions. Nous attendons avec impatience la nouvelle de ce qu'auront produit les lettres du roi à Sa Sainteté et à M. le cardinal de Bouillon. Le courrier n'est pas encore de re

tour.

Toutes les lettres de Rome parlent de la nouvelle de l'archevêque de Chieti *, et des emportements sans mesure du cardinal de Bouillon. Le roi a vu vos lettres, et est étonné de la conduite de ce cardinal.

On va travailler à avoir les signatures d'un grand nombre de docteurs. L'écrit de M. Phelippeaux sera très utile, si l'on continue à faire fort sur les deux sens. Les lettres de Rome marquent toutes que l'embarras des cardinaux roule particulièrement sur les sentiments des mystiques.

M. l'archevêque de Cambrai fait répandre ici un très petit écrit, intitulé Préjugés décisifs, qui, avec beaucoup de hauteur, ne contient que des redites et des affirmations entièrement fausses. Il y en a un autre, sur deux colonnes, dans lequel il fait le parallèle de la doctrine des mystiques avec la sienne. C'est à celui-ci qu'il· faut répondre, aussitôt qu'on le pourra avoir. Si vous l'avez, envoyez-le, et cependant que M. Phelippeaux travaille; le Mystici in tuto pourra l'aider. Si M. de Cambrai prétend s'appuyer de Blosius **, vous pouvez tenir pour

*On a vu dans les lettres précédentes que, sur la nouvelle qui s'étoit répandue dans Rome de la nomination d'un archevêque au cardinalat, l'archevêque de Chieti en avoit reçu les compliments. Mais on sut bientôt que le choix du Pape tomboit sur Jacques-Antoine Morigia, Milanois, barnabité, et archevêque de Florence.

"Blosius ou Louis de Blois de Châtillon, religieux bénédictin, et abbé de Liesse en Hainault, étoit un homme d'une : émincute piété. Ses ouvrages sont estimés. M. de Cambrai vou- ..

certain qu'on ne trouvera jamais dans cet auteur le sacrifice absolu de son salut, ni les suites de ce système, ni l'article m et ses annexes, ni la séparation des deux parties poussée au point où ce prélat la porte. D'ailleurs on ne peut prendre pour règle, ni pour excuse, les expressions outrées de la plupart des mystiques: autrement on justifieroit par cette méthode Molinos et tous les quiétistes.

J'admire les sentiments du Pape sur le séjour des cardinaux à Rome: il y a long-temps qu'on devroit avoir rétabli l'ancien usage.

On a raison de dire que ce n'est pas la coutume de l'Église d'opiner seulement par écrit. Il est à souhaiter qu'on double les conférences; mais cela est difficile, à ce qu'on dit, à cause des autres congrégations. Le mieux seroit de bien employer le temps, et que le Pape témoignât efficacement qu'on le fâchera si l'on ne retranche les longs discours.

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A Versailles, 12 janvier 1699.

LETTRE CCCC.

nos docteurs. Sa Majesté le trouve très bon, aussi bien que M. le nonce, à qui j'en ai parlé; ainsi je m'en vais y travailler incessamment : j'espère vous envoyer par le premier courrier un grand nombre de signatures.

Je viens d'écrire au père Roslet; il vous communiquera ma lettre. Je ne lui ai pas mandé que le roi a fait ôter M. de Cambrai de dessus l'état de sa maison: vous l'apprendrez, s'il vous plait, à ce bon Père, et vous le direz l'un et l'autre à qui vous jugerez à propos.

M. de Monaco est toujours sur le point de partir: j'espère que vous serez content de ses manières à votre égard. Croyez-moi toujours, monsieur, à vous de tout mon cœur. 12 janvier 1699.

LETTRE CCCCI.

DE L'ABBÉ BOSSUET A SON ONCLE.

Sur les objets que l'on avoit traités dans la dernière con grégation, et ceux dont on devoit s'occuper dans la suivante.

Je ne vous écris qu'un mot par le courrier ordinaire, espérant vous écrire plus au long par le courrier de M. de Torcy, qui arriva ici samedi 10 de ce mois, peu d'heures avant que l'autre courrier partit. Ce nouveau doit partir après-demain, s'il n'est retardé, comme on a coutume de le faire. Vous avez su, par ma lettre du 9, que je n'avois point reçu de lettre, ni de Sur les différents motifs qui devoient porter Rome à ter-vous, ni de mon père, en un mot que le paquet

DE M. DE NOAILLES, ARCHEVÊQUE DE paris,
A L'ABBÉ BOSsuet.

miner l'affaire.

la

J'ai reçu, monsieur, votre lettre du 23: j'y vois avec déplaisir la peine que vous avez toujours à obtenir un jugement. J'espère que lettre que le roi a écrite au Pape, et envoyée par un courrier extraordinaire, obligera de finir. Si on ne veut pas accorder cette conclusion, attendue depuis si long-temps, et si nécessaire par le besoin qu'en a l'Église, on le doit du moins par déférence pour un grand roi, qui la demande avec instance: la politique et la religion exigent la même chose dans cette occasion. C'est ce que vous ne pouvez trop souvent représenter : ceux qui ne seront pas touchés de l'une le seront de

l'autre...

Je ne répondrai point au détail de votre lettre, parcequ'il est tard. J'arrive de Versailles, où j'ai été demander au roi permission de faire signer

lut justifier sa doctrine par celle de ce pieux abbé; mais Bos suet en fit voir la différence dans son écrit intitulé les Passages éclaircis, tom, VIII.

du 22 décembre me manquoit. Je n'ai rien reçu depuis, et j'attends l'éclaircissement de toutes choses par l'ordinaire qui arrivera à la fin de la

semaine.

Depuis ma lettre du 9, je n'ai rien appris de nouveau, et ne puis vous parler que de la congrégation d'hier lundi, qui est la dixième, et dont je n'ai encore aucune nouvelle. Je sais seulement qu'on devoit finir le chapitre 1v, qui regarde le propre effort et l'attente de la grace, et commencer un autre chapitre ; j'ignore lequel: je pense que ce sera celui des vertus et de l'involontaire en Jésus-Christ. On espéroit pouvoir terminer ce cinquième chapitre dans la congrégation de demain : au moins MM. les cardinaux se préparoient pour cela. Le cardinal Albani, qui est le dernier, comptoit parler hier et encore demain. Avant que le courrier de M. de Torcy

parte, j'espère savoir s'il s'est passé quelque chose de considérable dans la congrégation d'hier, et ce qui se fera dans celle de demain.

J'étois allé aujourd'hui chez le Pape; mais il

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