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petite condescendance, pour ne pas paroître aller tête baissée contre le cardinal de Bouillon et ses sentiments. Je n'ai pas laissé de faire avertir tout doucement le cardinal Nerli du tort que pourroit causer en cette circonstance à sa réputation la moindre foiblesse ; qu'elle pourroit lui faire perdre tout le mérite qu'il avoit d'ailleurs. Il faut traiter les affaires de ce genre avec une grande délicatesse; il n'est pas si aisé qu'on le croiroit bien de faire faire ce que l'on veut aux gens de ce pays.

Généralement parlant, le cardinal Carpegna fait bien. Le cardinal Ottoboni à présent ne va pas si mal; et l'on m'a assuré que, dans la congrégation de mercredi, le cardinal Albani parla assez bien contre M. de Cambrai. Le cardinal de Bouillon est le même : il condamne la plu- | part des propositions, mais dans un certain sens. Je fais ce que je puis pour parvenir à avoir précisément ses qualifications, au moins sur l'amour pur; cela n'est pas si aisé. On m'a néanmoins fait espérer qu'on me procureroit copie du vœu de cette Éminence : le succès ne dépend que de la conjoncture.

Le père Roslet m'a dit avoir eu une grande explication avec le cardinal Albani. Cette Éminence l'assure toujours qu'elle fait des merveilles; mais qu'elle a beaucoup d'ennemis, qui ne disent pas la vérité sur son sujet. Le bon, c'est qu'il dit toujours au père Roslet toute sorte de mal du cardinal de Bouillon. Il l'a engagé à marquer à M. de Paris que l'affaire ne pouvoit aller mieux; qu'elle tournoit au gré du roi et des évêques; qu'on auroit une décision telle qu'on la souhaite, et qu'avant le carème tout seroit fini. Pour moi, j'avoue que je ne puis me fier à ce cardinal : je le regarde comme le plus grand ami des jésuites. Depuis le premier jour de cette affaire, il s'est engagé avec le cardinal de Bouillon: il veut tromper également les deux partis. Dès le commencement il nous a fait bien du mal auprès du Pape : il faut cependant en tirer ce qu'on peut.

Le cardinal Casanate m'a assuré que les cardinaux Spada et Panciatici alloient bien et rondement. On ne peut trop dire combien le cardinal Casanate est pénétré de la matière, et avec quelle force il parle. Le cardinal de Bouillon ne peut le souffrir ni l'entendre. On remarqua fort bien, il y a huit jours, que le cardinal de Bouillon, qui a coutume d'arriver toujours le premier, ne voulut pas se trouver au commencement de la congrégation, parceque le cardinal Casanate devoit parler. Ce cardinal me dit avant-hier que le cardinal de Bouillon étoit vif quelquefois; mais, ajouta-t-il, ha trovato ancora il terreno

vivo, voulant dire qu'il avoit trouvé à qui parler.

Je tiens du cardinal Casanate que plus il lit la censure de nos docteurs, plus il la trouve foible, et peu digne de la Sorbonne; ce sont ses propres paroles. J'ai dit tout ce que j'ai cru propre à les excuser, et en même temps j'ai voulu exciter à faire mieux, tout l'univers attendant de l'Église romaine une décision plus précise et plus forte. Il faut ici les piquer d'honneur. Je pense que l'envie de faire mieux que nos docteurs ne nuira pas à la bonne cause, ni à la vérité; Dieu se sert de tout.

Je regarde comme certain que le cardinal Albani* ne sera point chargé de rédiger la bulle. Si cela est, on ne confiera cet ouvrage qu'aux cardinaux Noris, Ferrari et Casanate : il ne seroit pas mauvais que les deux premiers concourussent avec le dernier.

Je ne vois pas que la thèse de Douai fasse ici impression. Le cardinal Casanate m'a demandé si la Sorbonne ne la censureroit pas : je lui ai répondu qu'elle n'en valoit pas la peine. Il en

est convenu avec moi.

Je ne saurois trop vous recommander, et à M. de Paris, le secret sur tout ce que je vous mande de circonstances particulières, et sur ce qui concerne nos amis et nos ennemis : j'excepte néanmoins le roi et madame de Maintenon. Si l'on parloit, ce seroit le moyen de m'ôter toute la confiance qu'on peut avoir en moi. Vous n'ignorez pas que le nonce mande ici tout ce qu'il peut savoir.

Je fus averti avant-hier qu'il y avoit une lettre de M. de Cambrai au Pape **, datée du 13 décembre, très longue, et à peu près de vingt pages, grand papier. Je me mis aux champs, et je sus que M. de Chanterac la présenta à Sa Sainteté il y a environ quinze jours, la priant de vouloir bien la communiquer à MM. les cardinaux. Le Pape n'en fit pas grand cas, et ne donna aucun ordre à ce sujet. M. de Chanterac en alla faire quelque espèce de plainte à M. l'assesseur, qui mercredi dernier en parla à Sa Sainteté à son audience. Le Pape la lui remit pour l'envoyer à MM. les cardinaux. On en fit deux copies : l'une fut adressée à M. le cardinal de Bouillon, pour la faire passer ensuite de main en main au cardinal Carpegna jusqu'au cardinal Spada : l'autre fut envoyée en même temps au cardinal Panciatici, pour en faire part aux autres cardinaux. M. le cardinal de Bouil

'On verra que l'abbé Bossuet n'étoit pas aussi bien assuré du fait qu'il le croyoit.

Elle est rapportée dans la Relation de l'abbé Phelippeaux, 11° part.. pag. 169 et suiv.

Le commissaire du saint-office et le cardinal Casanate m'ont assuré que tout alloit très bien. Le cardinal de Bouillon qualifia hier la proposition de l'involontaire ut simpliciter hæretica. Je suppose que c'est parceque M. de Cambrai la rejette, comme n'étant pas de lui: cela mérite confirmation quant aux deux parties.

L'abbé de Chanterac a dépêché ces jours-ci un courrier à M. de Cambrai. Il y a bien lieu de croire, par les allées et venues de M. Certes, et par d'autres circonstances dont nous sommes instruits, que c'est de concert avec M. le cardinal de Bouillon assurément c'est sans jugement téméraire.

:

lon reçut la sienne samedi matin : le cardinal, dans toutes les occasions comme le modèle des Carpegna l'avoit hier. Si je puis en avoir co- grands hommes. pie, je vous l'enverrai : je ne sais si on pourra la tirer de quelqu'un. Cette lettre n'est qu'une répétition en abrégé de ce qu'il a dit et redit cent et cent fois il fait de nouvelles protestations de soumission et de catholicité; il assure qu'il n'a fait que se servir des expressions des mystiques les plus approuvés; qu'on ne peut le condamner sans les condamner en même temps. Au reste, pas un mot de rétractation, à ce qu'on m'a assuré : il a toujours raison; il est persécuté par ses implacables ennemis, par leur puissance et leur cabale; ils le tiennent dans l'oppression, etc. Ainsi, rien de considérable, rien de nouveau; mais il prétend toujours par-là embarrasser. Tout son but et celui de ses amis tend à présent à faire peur et pitié. On veut faire appréhender un puissant parti parmi les évêques et les docteurs, que l'autorité seule du roi empêche de s'élever et de parler: on rappelle à ce sujet les procédés violents dont on a usé dans le temps de l'assemblée de 1682, à l'occasion de la régale. C'est généralement de quoi on remplit tout Rome actuellement, depuis la lettre du roi plus que jamais, et, je l'ose dire, avec une insolence sans égale. On veut faire pitié, en représentant un saint archevêque persécuté, et éprouvant les traitements les plus odieux. Ce sont les derniers efforts d'un parti le plus envenimé qui fut jamais. Vouloir en douter, c'est vouloir douter qu'il fait jour en plein midi: on n'épargne personne.

On débite ici une nouvelle, comme venant de chez M. le cardinal de Bouillon c'est la mort de madame Guyon à la Bastille, avec mille circonstances. Puisque vous ne m'en mandez rien, je prends la liberté d'en suspecter la vérité.

J'ai reçu une lettre de M. le nonce, la plus obligeante du monde, en réponse à celle que je lui avois écrite. Je vous prie de lui bien témoigner ma reconnoissance, et de l'assurer de mon respect je compte le remercier par le premier ordinaire. Je vous supplie aussi de lui parler de temps en temps du bien que je vous écris de son ami le prince Vaïni. Effectivement il n'a rien oublié, et n'oublie rien de tout ce qui est en son pouvoir et de sa sphère, soit sur notre affaire, soit sur les intérêts de la nation. Dernièrement il rendit visite au Pape, et lui parla comme il faut.

Ne manquez pas, s'il vous plaît, de nous envoyer les lettres de D. Francesco de Vasquez, ambassadeur d'Espagne au concile de Trente, qu'on imprime à Londres. La préface, à ce que l'on dit, parle de l'affaire de Cambrai d'une manière à faire impression ici, et à prouver le déshonneur et le mal réel du délai d'un jugement tel qu'il convient.

Il se présente une occasion de servir le R. P. procureur général des augustips, l'un de nos Jeudi, au sortir de la congrégation du saint-meilleurs qualificateurs : je vous prie de ne vous office, M. le cardinal de Bouillon alla à Frescati, étudier avec le père Charonnier : il n'en revint qu'hier matin, et ne se trouva pas à la procession ordonnée par Sa Sainteté, où tous les cardinaux et prélats assistèrent. C'étoit l'ouverture d'un jubilé, que le Pape a donné en particulier pour implorer le secours du ciel en faveur des catholiques d'Angleterre; et en effet, la premiere station étoit dimanche à l'église des Anglois, puis à Saint-Jean de Latran, à SaintPierre, etc. L'absence de M. le cardinal de Bouillon fut très remarquée, et n'a point été approuvée dans une occasion aussi frappante, où les cardinaux même goutteux se sont fait traîner. On a songé à propos de cela au prince d'Orange, qui est son parent, et qu'il propose

pas oublier; je demande à M. de Paris la même grace. On tient après Pâques à Bologne le chapitre pour l'élection d'un général : ordinairement on choisit le procureur général, quand c'est un homme de mérite; et celui-ci joint à une grande piété une grande sagesse, une grande connoissance des affaires de son ordre, un grand savoir. Le cardinal Casanate et le cardinal Noris, dont il a été écolier, ont pour lui une amitié particulière. Le Pape l'estime fort; et il s'est fait beaucoup d'honneur dans l'affaire de M. de Cambrai, dans laquelle on a surtout reconnu en lui une droiture et une probité à toute épreuve. C'est justement à cause de cela et du crime qu'il a commis en ne favorisant pas M. de Cambrai, que l'assistant de France, frère

du principal du collège de Bourgogne à Rome, cardinal Spada que je ferois bien, et qu'il me s'oppose vivement à son élection, et forme une le conseilloit. Il faut user sobrement de ce derforte cabale contre lui. Cet assistant est la créa-nier mot. ture du père de La Chaise. Il seroit question de faire connoître au roi le mérite du sujet et ses adversaires, pour l'engager à donner des ordres qui tendissent à déconcerter les projets formés contre lui; cela produiroit ici un bon effet par rapport aux autres personnes qui ont soutenu le parti de la vérité.

Ne manquez pas, je vous prie, de me mander comment il faut que je traite l'ambassadeur.

Il est vrai, au surplus, que si l'on n'écrit pas de notre côté, tout le monde nous croira battus, et dira que nous n'avons pour nous que l'autorité, qui, destituée de raisons, nous abandonneroit bientôt.

Dans votre audience vous avez bien touché toutes ces choses, et elle est venue fort à propos, quoique le Pape vous y ait montré plus de patience que d'approbation pour les écrits. Il faudra les faire courts, et ne les présenter à Rome qu'à ceux que vous choisirez.

J'insinue ici, le mieux qu'il m'est possible, tout ce que vous pensez sur l'expression du sensus obvius. Le cardinal Casanate s'est rendu Prenez bien garde aussi aux signatures des à mes représentations, et j'espère qu'on ne fera docteurs, dont M. le nonce m'a parlé plus doùpas autrement. Il est certain qu'il va sans dire | teusement que la première fois. Il m'a montré que les propositions ne sont censurées que dans deux lettres de M. de Cambrai sur ce sujet. Il se ce sens, et que l'exprimer c'est affoiblir la dé-plaint, nommément dans la dernière, qu'on a dit cision. Toutes les condamnations prononcées à ceux dont on a demandé les signatures, que par l'Église ont toujours été faites suivant cette lui nonce l'avoit approuvé; ce qui lui a fait de méthode. la peine. Ainsi usez en tout de ménagement, et donnez à propos ces nouvelles signatures, avec autant de précaution et même plus que vous n'en avez eu en donnant les premières souscriptions.

Rome, 27 janvier 1699.

LETTRE CCCCXII.

DE BOSSUET A SON NEVEU.

Les nouvelles qu'on voit de Rome font entendre que les délibérations des cardinaux dureront encore tout le mois de février: quelques

Sur la nécessité de répondre aux nouveaux écrits de M. de Cambrai; qu'il faut éviter de compromettre le nonce, et communiquer avec précaution les nouvelles signatu- personnes croient qu'elles pourroient aller jusqu'au commencement du carème. Ne vous relâchez pas; mais redoublez vos soins sur la fin. A Paris, 2 février 1699.

res des docteurs de Paris.

J'ai reçu votre lettre du 13; celle du 16, qui est venue par le courrier extraordinaire, avoit prévenu toutes les nouvelles.

Vous devez avoir à présent la Réponse d'un Théologien pour M. de Chartres, qui est fortestimée, et ma petite Réponse aux préjugés.

J'ai vu M. le nonce sur ce petit écrit. Je lui ai représenté la nécessité de détruire ici le mauvais

MÉMOIRE

Sur la Récrimination.

Vous me marquez, dans une de vos dernières effet que produit dans le peuple le nombre infini lettres, que la récrimination se réduit à trois d'écrits de M. de Cambrai, et la nécessité de chefs, que je vois aussi marqués dans d'autres nous y opposer; sans quoi les émissaires de ce prélat tireroient avantage de notre silence, et lettres, de même que dans les écrits de M. de prélat tireroient avantage de notre silence, et Cambrai. Le premier est sur la charité inséparal'imputeroient à impuissance de répondre, et à la ble du desir de la béatitude; le second, sur la foiblesse de la cause. J'ai conclu qu'il falloit ré-ble du desir de la béatitude; le second, sur la foiblesse de la cause. J'ai conclu qu'il falloit ré- suspension des puissances et du libre arbitre; le pondre, surtout au traité des principales Propo- troisième, sur les pieux excès et les amoureuses sitions*, qui n'est rien en soi, mais qui pourtant, selon M. le nonce même, éblouit beaucoup de monde. Il a ajouté que je ferois bien d'y répondre. Il m'a même promis d'écrire à Rome à M. le

* L'écrit de M. de Cambrai, dont il s'agit ici, avoit pour titre: les principales Proposi ions du livre des Maximes des Saints, justifiées par des expressions plus fortes des saints auteurs. Bossuet le réfuta par son écrit intitulé les Pas sages éclaircis, inséré au tom. VIII.

extravagances.

Je suppose qu'on n'admettra pas une récrimination dans les formes, et qu'on ne songe en manière quelconque à me donner des examinateurs; ce seroit une illusion trop manifeste : à toutes fins je vous marquerai ici les endroits où j'ai traité ces matières.

Le premier point a été traité dans les États

d'oraison, liv. x, n. 29, p. 457, 458,459,460,etc., 463, 464, 465 ', où il faut remarquer sur la fin de la page ce terme, du moins subordonné, et le reste jusqu'à la fin du livre.

La même doctrine est expliquée dans les additions, surtout à la page 476, etc., 481, 482, 485, 486, très expressément 487, 488, 490, et enfin 499 et 500 2.

LETTRE CCCCXIII.

DE BOSSUET A SON NEVEU *.

Sur la mort de son père, frère du prélat.

Dieu est le maître. Je croyois mon frère entièrement délivré de ce fâcheux accident de goutte, qui lui avoit si vivement serré les ma

Il faut voir aussi, p. 296 et 297 3, la récipro- melles et attaqué la poitrine. Il s'étoit levé, et cité de l'amour.

La page 82, etc., donnera aussi un grand éclaircissement à la vérité. Je ne parle point du Summa Doctrinæ. Le second Écrit depuis le n. v jusqu'au xi, et depuis le n. xv jusqu'au xxш3. Le quatrième Écrit, 1re part. ". Le cinquième, principalement n. xI". Préface, sect. IV, n. xxxii, xxxVII, XXXVIII, XXXIX, XLVI, sect. VII et VIII 8.

. Dans la Réponse aux quatre Lettres, ceci est très expressément enseigné p. 97; et il y est porté en termes formels que la béatitude est la fin dernière, voulue implicitement ou explicitement, du commun consentement de toute l'école.

La même chose est expliquée Scholâ in tuto, q. 1, par trente-six propositions, notamment par la sixième, n. 4. q. 11, n. 33, q. III, IV, V, VI 10.

Pour la seconde récrimination, qui regarde la suspension des puissances, tout est dit dans Mystici in tuto, p. 1, art. 1, tout du long ".

Quant aux pieux excès, ils dépendent de deux principes: l'un est, que quiconque dévoue son salut, le fait en présupposant la chose impossible d'où suit le second principe: Securus hoc fecit; et la conclusion est, que celui qui sacrifie ainsi son salut, sachant bien qu'il n'en sera ni plus ni moins, ne le peut faire que par un excès et par un transport amoureux. Tout cela est expliqué à fond Scholá in tuto, q. XII, art. II, n. 194 et seq. 2. La sécurité est traitée dans cet article second, et encore Quietismus redivivus, p. 399 13; et les folies amoureuses, Schola in tuto, q. xvi, art. xxi, p. 506 *. Il faut voir Scholâ in tuto, q. xin, de fine ultimo, où le principe est expliqué 15.

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Voyez tom. VII.— * Ibid.— * Ibid.— 1 Ibid. — Tom. VIII.

avoit fait ses dévotions à la paroisse, comme un homme qui, sans dire mot, et ne voulant point nous attrister, songeoit à sa dernière heure. J'étois à Versailles, pensant à tout autre chose, et fort réjoui de recevoir de lui une longue lettre écrite, le mercredi matin, d'une main très ferme, et pleine de ses manières ordinaires.

Que sert de prolonger le discours? Il en faut venir à vous dire que la nuit suivante, il appela sur les trois heures par un coup de cloche, qui ne fit que faire venir d'inutiles témoins de son passage. On me manda seulement à Versailles qu'il étoit à l'extrémité. Je me vis séparé d'un frère, d'un ami, d'un tout pour moi dans la vie.

Baissons la tête, et humilions-nous. Consolezvous en servant l'Église dans une affaire d'une si haute importance, où il vous a rendu nécessaire. Ne soyez en peine de rien: votre présence sera suppléée par moi, par M. Chasot, par votre frère même. Faites les affaires de Dieu, Dieu fera les vôtres. Le roi s'attend que vous n'abandonnerez pas; car encore qu'on n'eût pas prévu cette affligeante mort, il en a su les dispositions. Ce me seroit la plus grande et presque la seule sensible consolation, de vous avoir auprès de moi; mais offrons vous et moi ce sacrifice que Dieu demande de nous. Dieu est tout, faites tout pour lui.

M. Chasot vous instruira du détail. Je me suis rendu très attentif à toutes les circonstances, n'en doutez pas; mais je veux tâcher de m'épargner un récit trop affligeant, que vous pouvez recevoir d'ailleurs. On tiendra les affaires très secrètes : c'est la vraie sagesse dans ces tristes accidents. Elles sont bonnes, Dieu merci.

Je vous embrasse de tout mon cœur. Ne vous

- Ibid. - Ibid. — Ibid. — Tom. VIII. (Edit. de Vers.) embarrassez point de votre dépense : allez tou

-10 Tom. VIII.— “ Ibid. — ^2 Ibid.— 13 Ibid.— ^^Ibid.—13Ibid.

(Edit. de Vers.)

jours votre train, avec votre retenue et votre prudence ordinaires. Ma santé est meilleure que ma douleur ne le devroit permettre. Je me con

Cette lettre est de même date que la précédente, parce que M. de Meaux, quand il écrivit la première, ignoroit encore la mort de son frère.

serverai le mieux qu'il me sera possible pour le reste de la famille, qui a perdu sa consolation et son soutien sur la terre. Nous avons bien de l'obligation à M. Chasot: il a beaucoup soulagé feu mon frère dans ces derniers accidents. Ma sœur est, comme vous pouvez juger, plongée dans la douleur. Bonsoir, mon cher neveu; fortifiez-vous en notre Seigneur.

A Paris, 2 février 1699.

LETTRE CCCCXIV.

DE M. DE NOAILLES, ARCHEVÊQUE DE PARIS,
A L'ABBÉ BOSSUET.

Sur la mort de son père.

J'ai bien du déplaisir, monsieur, d'ètre oblig de commencer cette lettre par un triste compliment sur la mort de M. votre père. Je prends beaucoup de part à la juste douleur que vous aurez de cette perte, et vous prie d'être persuadé que je serai toujours fort sensible à tout ce qui pourra vous arriver. L'âge et l'infirmité de M. Bossuet pouvoient vous préparer à le perdre; mais je sais que, quelque préparé que l'on soit à ces sortes de malheurs, on ne laisse pas de les sentir bien vivement.

protection qu'a trouvée ici M. de Cambrai, et surtout la foiblesse du Pape.

J'avoue franchement que si l'on m'avoit dit, il y a quatorze mois, les embarras qu'on mettroit dans cette affaire, les injustices qu'on feroit en faveur de M. de Cambrai dans la procédure, les différents examens qu'on seroit obligé d'essuyer sur la même matière de la part des qualificateurs, soit entre eux, soit en présence des cardinaux Ferrari et Noris, puis en présence de tous les cardinaux du saint-office, enfin devant Sa Sainteté; qu'on m'eût ajouté que cette discussion s'étendroit à trente-huit propositions, sur lesquelles dix qualificateurs auroient à parler, et des qualificateurs très divisés, très animés, et très longs; qu'après cela douze cardinaux commenceroient à voter, le feroient de la manière tions qui se sont rencontrées dans leurs délibéque nous avons vue, et avec toutes les opposirations : si, dis-je, je m'étois pu figurer ce qui s'est passé, je n'aurois jamais cru qu'il fût possible de vaincre tant d'obstacles en moins de dix ans, surtout ayant affaire à de pareilles gens. Mais par bonheur on n'a pu envisager les difficultés que les unes après les autres, et j'ai toujours vu jour à les pouvoir surmonter avec un peu de patience; ce qui m'a entretenu dans l'espérance de parvenir à une heureuse conclusion. Enfin, l'affaire en est venue à un point qu'il m'a paru qu'il falloit tout ou rien, tant pour l'honneur du Saint-Siége que pour le repos de l'Église. Je n'ai cessé d'avoir confiance en la vérité, et en celui qui a soin de son Église; et j'ai toujours été persuadé que, pourvu qu'on réussit à faire voter les cardinaux sur le particulier de la doctrine, la décision ne pourroit être que bonne : ce qu'il y a lieu d'espérer plus que ja-

Je ne vous parlerai point d'affaires aujour d'hui je vous dirai seulement que j'ai reçu votre lettre du 15, par le dernier courrier extraordinaire, et que j'y vois avec plaisir le bon effet de la lettre du roi et de vos soins continuels. Cependant nous ne sommes point encore hors d'affaire, et nous n'y serons qu'à force d'instances et de sollicitations. Mais en voilà plus que je ne voulois vous en dire : je finis en vous assurant, monsieur, que je suis toujours à vous aussi sin-mais. cèrement qu'on y puisse être.

2 février 1699.

LETTRE CCCCXV.

DE L'ABBÉ BOSSUET A SON oncle. Sur les difficultés qu'on avoit eues à surmonter dans cette affaire; les obligations qu'on avoit au roi; l'état des congrégations; et une scène qui s'étoit passée entre le cardinal de Bouillon et le cardinal Panciatici.

J'ai reçu la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire de Versailles, du 12 janvier. Vous aurez appris par mes précédentes l'état des choses, et les motifs d'espérer de voir bientôt la fin d'une affaire qui naturellement n'en devoit point avoir, en considérant le génie de cette cour, la délicatesse de la matière, la puissante

Je puis dire avec vérité que c'est le zèle et la fermeté du roi qui ont amené les choses au point où elles sont aujourd'hui ; et tous ceux qui ont ici défendu la bonne cause n'ont été que de très foibles instruments. En mon particulier, je confesse que tout le service que j'ai pu rendre a été de m'informer le mieux qu'il m'a été possible de ce qui s'y passoit, de connoître les dispositions des différents personnages, et d'en instruire sans aucune passion, ayant eu soin de ne mander que ce dont j'étois assuré. J'avoue que ce qui m'a le plus coûté a été d'être obligé de démêler les artifices du cardinal de Bouillon, et d'avoir à écrire sur son sujet ce que j'ai été contraint de marquer; afin que la vérité ne fût pas en péril, et qu'on pût remédier à temps au mal qu'il vouloit faire. J'ai fait ici, de mon côté, tout ce qu'il m'a été possible pour le rendre favorable à

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