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occasion de le raffermir. Le cardinal Carpegna | pièce que de Rome, et par le canal du cardinal m'a tenu parole, et s'est fait honneur dans les de Bouillon; mais n'importe. dernières congrégations; c'est le premier qui parle après le cardinal de Bouillon.

On a fait ces jours passés courir à Rome un bruit sur M. de Paris, auquel je ne croyois pas que qui que ce soit pût ajouter foi; mais néanmoins il s'est si fort répandu, que plusieurs personnes très sensées m'en ont parlé, et qu'elles ne savoient qu'en penser. On vouloit absolument que M. de Paris eùt retranché du Salve le mater misericordiæ, comme injurieux à Dieu et à notre Seigneur Jésus-Christ. Vous jugez bien ce que j'ai répondu là-dessus. On veut rendre ici odieux les évêques de France, principalement M. de Paris et vous: leurs ennemis sont déchaînés. On répand ces sortes de bruits, surtout parmi les femmes; et la moitié de Rome s'y laisse prendre, n'y ayant personne qui ait intérêt de s'en éclaircir. Ce discours impertinent s'est débité jusque chez des cardinaux.

M. l'abbé Pirot m'a écrit, dans la conjoncture de la mort de mon père, une lettre qui m'a également touché et consolé. Je tâcherai de lui écrire aujourd'hui ; mais si je ne le pouvois pas, étant accablé, ce sera pour le premier ordinaire; et je vous prie par avance d'avoir la bonté de lui témoigner la reconnoissance infinie que je ressens de son amitié et de ses bontés.

Le Pape a appris ce matin au cardinal de Bouillon la mort du prince électoral de Bavière, et le cardinal n'a pu retenir ses larmes. Tout le monde en a été témoin, il n'a pas cherché à ca cher sa douleur : cette Éminence a sa sœur mariée au frère du père de ce prince.

Je viens de recevoir dans le moment un billet de main sûre : je vous en envoie copie, sans y ajouter ni diminuer.

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<< Tout ce qui fut arrêté hier, monsieur, c'est » que quelques cardinaux disant qu'il ne faudroit Ma santé est bonne, Dieu merci. Conservez pas condamner par le décret chaque proposilong-temps la vôtre pour le bien de son Eglise, à tion en particulier, mais en général, ou du qui vous êtes si utile dans ce temps de division » moins respectivè; et les autres cardinaux souet de trouble, où le démon suscite de tous les » tenant qu'il falloit les condamner chacune secôtés des ennemis contre la vérité. Par rapport à» lon qu'elles le méritoient, ce conflit fit qu'on nous, vous êtes la seule personne chère et nécessaire qui nous reste au monde.

Vous aurez apparemment l'écrit que je vous envoie de M. de Cambrai contre la censure des docteurs: je vous l'adresse à tout événement. Il est rempli d'insolence et de mauvaise foi: on le distribue ici partout. Encore un coup, on veut faire peur. M. de Cambrai s'en prend à vous surtout, pour pouvoir parler plus librement: au reste, cela vous fait honneur. Il parlera bientôt contre le Pape et les cardinaux, si l'on ne réprime sa témérité.

Je me recommande à vous, mon cher oncle. J'ai bien des occasions ici de me dissiper, mais guère de me consoler de notre perte commune. Mon pauvre père n'a besoin que de prières, et pour nous sa perte exige de fortes consolations; mais il faut se soumettre, et vouloir ce que Dieu veut, en adorant ses jugements.

» résolut qu'il falloit s'en remettre à ce que di>> roit le Pape on le saura jeudi prochain. Es» pérez que les choses iront bien, etc. »

Je serai demain matin plus instruit suivant ce que j'apprendrai, et s'il est nécessaire, j'irai aux pieds de Sa Sainteté. Je n'oublierai rien assurément.

Il y a apparence que le dessein du cardinal de Bouillon, en attaquant publiquement, comme il l'a fait, le cardinal Casanate, a été de le rendre suspect de partialité, et d'empêcher qu'il ne soit chargé de faire la bulle. Je tiens cela comme certain, quoique je ne le sache pas positivement.

La récrimination n'est pas à craindre; et je puis vous répondre que qui que ce soit n'osera la proposer sérieusement, surtout à présent. Rome, ce 24 février 1699.

LETTRE CCCCXXV.

L'affection de M. de Cambrai, de marquer que la censure des docteurs lui est venue de Paris, fait voir la fausseté de ses discours. Je suis sûr que cette pièce lui a été envoyée de Rome; et cela étant, il faut qu'il l'ait reçue de M. le cardinal de Bouillon, qui seul des cardinaux de la Sur la perte que le prélat venoit de faire par la mort de

congrégation a pu la lui faire tenir. Personne ici, outre quelques cardinaux, n'a eu copie de la censure: le fait est sûr. A Paris, on aura encore été aussi secret : il est donc clair que M. de Cambrai n'a pu avoir communication de la

DE L'ABBÉ PHELIPPEAUX A BOSSUET.

son frère; et sur l'état de l'affaire.

J'ai pris toute la part que je devois à l'affliction qui vous est arrivée. J'ai été sensiblement touché de cette perte, et j'ai pleuré le défunt comme mon propre père. Je sais les bontés qu'il

avoit pour moi, et j'en conserverai toujours un tendre souvenir. Il est difficile de trouver un homme qui ait le cœur aussi bon, aussi généreux et aussi bienfaisant qu'il l'avoit. J'espère qu'ayant été toute sa vie si plein de tendresse pour les autres, il aura trouvé miséricorde auprès du Seigneur. Quoique sa mort ait été précipitée, elle n'a pas été imprévue pour lui: je sais qu'il s'y préparoit depuis long-temps; et Dieu voulant récompenser ses bonnes œuvres, l'aretiré promptement à lui, sans lui faire souffrir ou sentir les approches amères de la mort. Il y a long-temps qu'il souffroit avec patience, avec une foi vive et une ferme attente d'une meilleure vie. Vous avez plus perdu, monseigneur, que personne, en perdant un frère qui vous aimoit si tendrement, et avec qui vous viviez dans une si douce intelligence. Votre douleur est juste; mais comme personne n'est mieux instruit des grandes vérités de la religion, personne n'est plus en état d'en tirer les consolations qui vous sont nécessaires. La foi et l'espérance des biens éternels, que vous défendez avec tant de zèle, seront vo

der. M. le cardinal de Bouillon, faisant à Noël la visite de grace au saint-office avec les autres cardinaux, y trouva un François enfermé depuis trois ou quatre ans. C'est un clerc de Saint-Sulpice, enfermé pour le quiétisme; je n'en sais point le nom : c'est M. le cardinal lui-même qui l'a dit aux pères Cambolas et Latenai, de qui je l'ai appris. Il seroit bon d'approfondir ce fait. Peut-être seroit-ce quelque disciple de M. de Cambrai, qu'on auroit envoyé à Rome. M. de Paris peut en faire les perquisitions. Il sera difficile ici de savoir son nom, car le secret est impénétrable: je ferai cependant mes diligences. M. Ledieu me mande que Saint-Sulpice refuse de signer la censure de Sorbonne; je n'en suis pas surpris. Ne négligez pas, je vous prie, cet éclaircissement.

LETTRE CCCCXXVI.

DE L'ABBÉ BOSSUET A SON ONCLE.

tre consolation, et arrêteront le cours de vos Sur les congrégations tenues devant le Pape; les efforts du

larmes. A votre exemple, M. l'abbé, après avoir donné à la nature ce qu'elle exigeoit dans une conjoncture si affligeante, n'a pas abandonné les intérêts de l'Église, qu'il a tâché de défendre ici le plus vivement qu'il a pu. La perte qu'il a faite ne ralentira pas son zèle, et vous pouvez, monseigneur, vous tenir sur cela en repos. J'espère que dans peu il sera consolé par le succès que nous attendons.

Les cardinaux votèrent jeudi, vendredi et samedi dernier devant le Pape, qui, malgré son âge, a donné ces trois audiences consécutives, dans l'ardeur qu'il a de terminer cette affaire. Hier il y eut congrégation à la Minerve, où l'on traita de modo extrahendi Propositiones et decreti conficiendi. Il n'y aura plus de congrégation extraordinaire. Il ne reste plus à attendre que le décret du saint-office et la bulle du Pape, M. le cardinal de Bouillon est demeuré dans ses sentiments jusqu'à la fin.

On vous envoie deux lettres contre la censure de Paris, très injurieuses aux docteurs, où l'auteur fait paroitre plus que jamais sa passion contre votre personne. Je souhaiterois que les docteurs fissent connoître par quelque réponse "qu'ils n'ont été ni prévenus ni séduits. M. l'abbé vous mandera l'état où l'on est. Je suis avec un profond respect, etc.

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A Rome, ce 24 février 1699.

cardinal de Bouillon pour porter les cardinaux à épargner M. de Cambrai; les mesures prises par l'abbé Bossuet pour engager le Pape à unir le cardinal Casanate aux cardinaux rédacteurs de la bulle.

Cette lettre vous sera rendue par M. de Paris : elle va par un courrier extraordinaire qui arriva ici hier pour un bénéfice, et que M. le cardinal de Bouillon doit redépêcher ce soir, pour prévenir la cour sur tout ce qui se passe de considérable. Ce courrier se veut bien charger en secret d'un paquet pour M. de Paris.

J'ai reçu le coup de la nouvelle de la mort de mon père avec la douleur que vous pouvez vous imaginer, mais aussi avec toute la résignation. que je dois à la volonté de Dieu. Je vous écrivis mardi dernier, 24 de février, sur ce sujet : je ne veux pas renouveler notre douleur. J'ai perdu tout ce qu'on pouvoit perdre, et je ressentirai ce malheur toute ma vie, ayant perdu un père très aimable et qui m'aimoit tendrement. Mais Dieu m'a fait la grace de me soutenir, et ma douleur m'a permis d'agir à mon ordinaire dans les circonstances critiques dont je vais vous rendre compte.

Je reprendrai en peu de mots ce que je vous mandois touchant l'affaire par ma dernière lettre.

Vous aurez vu, par celle du 17 de février, la résolution du Pape, de tenir trois congrégations Je rouvre mon paquet, pour vous donner avis trois jours de suite pour entendre MM. les cardid'un fait que j'ai toujours oublié de vous man-naux, qui avoient ordre de parler devant lui,

aucune contradiction, ni de la part des évêques, ni de la part de M. de Cambrai, qui convenoit de ce sens ; que les disputes sur le sens d'un au

quatre chaque jour, sur les trente-huit proposi- cette conduite, le Saint-Siége ne s'exposoit à tions. Sa Sainteté eut la bonté de m'en instruire ce jour-là même; ce qui fut ainsi exécuté. Samedi 21 de février, les trois derniers cardinaux, Noris, Ottoboni et Albani parlèrent. Le Saint-teur ne peuvent intéresser que les parties acharPère les a écoutés avec une attention et une patience admirable, quelque longues que fussent les congrégations, et quelque fatigue que cela lui causât. Comme il restoit quelques difficultés relatives aux propositions, sur lesquelles les cardinaux n'étoient pas d'accord, on arrêta que ces Éminences tiendroient entre elles le lundi suivant une congrégation sur la rédaction des propositions, c'est-à-dire, pour convenir quelles propositions on pourroit retrancher dans les trente-huit, dans le cas où il s'en trouveroit de moins importantes, ou qui pourroient être contenues dans les autres. On devoit aussi aviser dans cette congrégation si l'on ne réformeroit pas certaines propositions, auxquelles les qualificateurs favorables à M. de Cambrai avoient fait ajouter par force au commencement certaines paroles qui sembloient excuser M. de Cambrai, et faire un sens contradictoire. Les autres qualificateurs avoient bien voulu souffrir cette espèce d'altération par amour de la paix, et pour oter tout prétexte aux longueurs qu'on cherchoit à occasionner dans ce temps-là. Telle fut la matière de la congrégation qui se tint lundi 23 de février.

Avant de passer plus avant, il est bon que vous sachiez ce que vous verrez plus au long dans ma lettre de mardi dernier 24 février, qui est que, dans les congrégations du vendredi 13 février et du lundi 16, préparatoires à celles qui se devoient tenir en présence du Pape, le cardinal de Bouillon, sans exagérer, avoit parlé avec une hauteur et une force incroyable en faveur de M. de Cambrai. Il employa, pour le faire épargner, toutes les considérations qu'il crut plus capables de frapper les esprits dans les circonstances présentes. Il alla jusqu'à faire remarquer à quoi il s'exposoit par rapport au roi, qu'on savoit peu favorable à M. de Cambrai; mais il ajouta que la vérité seule le faisoit parler et agir; qu'il voyoit mieux qu'aucun Italien les suites fâcheuses qui en résulteroient pour l'Eglise et pour le Saint-Siége, si l'on poussoit à bout un grand et saint archevêque, qui, désespéré et vif comme il étoit, seroit peut-être capable de se porter à de grandes extrémités; qu'il falloit songer à faire une décision qui, mettant la vérité à couvert, ne flétrit pas sa personne ; que rien n'étoit mieux pour cela que de déterminer par un quatenus le sens dans lequel on condamnoit la mauvaise doctrine des propositions; que, par

nées les unes contre les autres; que l'Église romaine ne devoit se montrer partiale à l'égard de personne, et qu'il étoit de sa sagesse de laisser de côté les disputes inutiles, etc. Tous ces beaux discours furent sans succès; et le cardinal de Bouillon voyant les cardinaux résolus à ne faire aucune distinction de sens, et à vouloir condamner les propositions purement et simplement, s'emporta terriblement, jusqu'à interrompre et prendre à partie en particulier le cardinal Casanate, auquel il dit des choses très dures. Je ne l'aurois jamais cru, si ce cardinal, que je vis dimanche dernier, ne me l'avoit avoué, et ne m'avoit dit en termes exprès qu'il avoit reçu des affronts; mais que tout cela ne l'empêcheroit pas d'aller son chemin dans une chose aussi importante pour l'Église et l'honneur du Saint-Siége. Il m'ajouta que le cardinal de Bouillon lui avoit reproché d'être l'ennemi personnel de M. de Cambrai; sur quoi celui-ci fut obligé de répondre comme il devoit. Tous les cardinaux furent très scandalisés; et ces manières hautaines ne les ont rendus que plus fermes à s'opposer aux efforts impérieux du cardinal de Bouillon. Ils sont surtout choqués de l'air de docteur et de maître qu'il prend sur tous les points de doctrine, et du ton impérieux avec lequel il exige qu'on suive son opinion. Aussitôt que je sus le fait relatif au cardinal Casanate, je ne doutai point que le cardinal de Bouillon ne se fût porté à cet éclat pour rendre le cardinal Casanate suspect, et parvenir à donner de lui au Pape des impressions désavantageuses, afin qu'il ne fût pas chargé de la rédaction de la bulle; ce qui n'a pas manqué d'arriver, comme vous le verrez dans la suite.

Revenons à la congrégation du lundi 23 de février, tenue principalement sur la manière de réduire les propositions. Quand il fut question de ce point, le cardinal de Bouillon se signala de nouveau, s'opposant formellement à ce qu'on retouchât aux propositions, et insistant pour qu'on y laissât tout ce qui pouvoit contribuer à excuser M. de Cambrai, et rendre les qualifications plus douces. On ne tint pas grand compte de ce qu'il dit, et il s'aigrit de nouveau, mais avec aussi peu de succès. Les cardinaux Carpegna, Casanate, Marescotti et Panciatici principalement, parlèrent sans aucune considération humaine, comme le demandoient l'honneur du Saint-Siége et le triomphe de la vérité; ils con

clurent à la réforme des propositions aussi bien [en qui tout le sacré collége et toute la congréque presque tous les autres, les uns avec plus de gation du saint-office avoient une entière conménagement pour le cardinal de Bouillon que les fiance, etc. autres. On remit pourtant la décision de tout au Pape. Le cardinal Nerli proposa, pour accorder les différentes vues, un moyen plus court, qui étoit de ne point publier de propositions, mais de faire une condamnation générale du livre, comme contenant une doctrine erronée, hérétique, etc.; ce qui revient au projet de ce cardinal dont je vous ai déja instruit, et qui répond à la timidité de son caractère; il n'y eut que lui de ce sentiment. On parla aussi de la condamnation in globo, avec le respectivè, et l'attribution des qualifications différentes à chaque proposition. On remit le tout à la décision du Pape.

Sa Sainteté fut informée dès le lundi même, par M. l'assesseur, de ce qui s'étoit passé. Le mardi matin, M. le cardinal de Bouillon eut audience du Saint-Père, avant qu'il eût déclaré quels cardinaux il vouloit députer pour la réforme des propositions et pour faire le décret. On ne douta pas, quand on vit l'événement, que ce ne fût dans cette audience qu'il eût obtenu du Pape qu'on ne députeroit, pour cet effet, que le cardinal Albani avec les deux cardinaux théologiens, Noris et Ferrari, et que le cardinal Casanate seroit exclu. Car aussitôt après l'audience le Pape envoya querir Albani et Ferrari, et leur ordonna de s'assembler chez Noris, pour réformer les propositions et pour dresser le décret; ce qu'ils commencèrent dès le même jour, et ont continué toutes les après-dînées. Je n'en savois encore rien le mardi au soir 24, lorsque je

vous écrivis.

Je me présentai donc chez le Pape. Je vis le cardinal Spada qui en sortoit, et qui me dit que Sa Sainteté alloit me faire appeler; mais elle changea d'avis, et, apparemment pour ne pas m'entendre, elle fit renvoyer tous ceux qui attendoient audience par son maître de chambre. Je n'en fus pas fâché dans le fond, ayant peur que le Pape n'eût encore suspecté davantage le cardinal Casanate, s'il m'avoit ouï lui en parler. Je ne l'aurois pourtant fait que de l'avis de gens sages; mais enfin je changeai de batterie. Je vis le cardinal Albani, je vis l'abbé Feydé, je vis deux autres personnes. Le père Roslet ne s'endormit pas non plus. On a parlé au Pape de tous les côtés; et, quoiqu'il eût répondu aux premiers qui lui firent des remontrances sur le peu d'estime qu'il témoignoit pour le cardinal Casanate : Oh per questo non lo vogliamo; néanmoins hier matin il se rendit, et, dès ce jour, les trois cardinaux s'assemblèrent chez cette Éminence, et ils continueront de le faire jusqu'à la fin. Le cardinal de Bouillon est au désespoir de ce changement.

Le père Roslet et moi avons déclaré au cardinal Albani que si l'on montroit le moindre affoiblissement, si l'on mettoit un seul mot qui fût favorable à M. de Cambrai, tout retomberoit sur lui.

M. le cardinal de Bouillon commençoit déja à s'égayer; vendredi il resta trois heures avec le cardinal Albani, et hier matin deux avec le cardinal Noris. Je ne crois pas qu'il s'amuse si fort désormais avec le cardina! Casanate.

Je vous envoie copie du billet que l'assesseur a écrit avant-hier au soir à chaque cardinal, qui vous instruira de l'état de l'affaire.

L'exclusion du cardinal Casanate a paru d'autant plus certainement un coup du cardinal de Bouillon, que le cardinal Spada avoit dit le lundi au cardinal Casanate que le Pape le destinoit à Je suis à présent en repos, depuis que je sais ce travail; le cardinal Albani m'avoit assuré la que le cardinal Casanate est à la tête des rédacmême chose. Le Pape s'en étoit ouvert au père teurs. Tout étoit à craindre autrement. Je n'ai Pera; il ne l'avoit pas encore déclaré publique-pas dormi depuis quatre jours, ni le père Roslet ment, mais la résolution paroissoit fixe. non plus. Je n'ai pas le temps d'écrire à M. de Paris.

J'embrasse mon pauvre frère de tout mon cœur, et ma tante. Je me fie à mon frère comme moi-même, et il doit compter que tout ce que au monde est plus à lui qu'à moi.

Vous jugez bien de ma douleur, quand j'appris cette belle affaire le mercredi. Je crus ne devoir pas perdre de temps; et, avant que les congrégations fussent plus avancées, je me dé-à terminai à représenter moi-même au Pape les in- j'ai convénients d'une pareille disposition, le tort qu'il se faisoit de ne pas appeler, dans une affaire de cette conséquence, un ancien cardinal, le seul par les mains de qui toutes les affaires importantes du Saint-Siége avoient passé, et en particulier celle de Molinos, celle de Flandre tout nouvellement, etc.; un cardinal, en un mot,

La rage du cardinal de Bouillon et des jésuites augmente; mais le Pape est résolu de finir promptement. Le cardinal de Bouillon fait semblant de presser; mais le Pape a plus envie que per

sonne de voir l'affaire terminer.

Rome, 4er mars 1699,

LETTRE CCCCXXVII.

DE BOSSUET A SON Neveu.

pute à erreur. M. de Chartres, dans son Instruction pastorale, dit, il est vrai, qu'il a soutenu, comme une opinion d'école, l'indépendance du

Sur les différents écrits de M. de Cambrai publiés nouvel-motif de la charité de tout motif par rapport à

lement; une réponse qu'il y avoit faite; et sur les dispositions du cardinal Casanate.

Je reçus hier votre lettre du 10 février ; j'attends avec impatience de vos nouvelles sur notre malheur. J'espère que Dieu vous aura donné la force de sacrifier, autant qu'il sera possible, votre juste douleur à son Eglise.

Nous ne verrons bien clair que par vos lettres de l'ordinaire prochain. Peut-être que M. le

cardinal de Bouillon donnera des nouvelles de la conclusion par un extraordinaire. La lettre de M. de Cambrai au Pape n'est qu'une ennuyeuse répétition de ce qu'il avoit déja dit. Il ne peut oublier madame Guyon. Je ne crois pas que ce soin, non plus que le reste de sa lettre, lui fasse honneur.

nous. Mais il explique expressément qu'il entend parler du motif spécificatif. Or je n'ai jamais nié l'indépendance du motif de la charité en ce sens, et je l'ai d'autant moins nié que ce prélat inculque en même temps que les motifs secondaires sont augmentatifs et excitatifs; ce qui suffit pour mon intention contre M. de Cambrai. Au reste, il est bien certain que j'ai expliqué cette vérité avec plus de soin que M. de Chartres; mais il eût fallu un trop long discours pour développer tout cela.

Je ne crois pas qu'il faille parler du décret prohibitif des livres faits pour expliquer et défendre celui des Maximes, que l'on ne voie la délibération conclue.

Souvenez-vous de l'union de tous les motifs in praxi, et de l'abus qu'on fait des mystiques.

Dans un mémoire in-4° sur les signatures des docteurs, imprimé à Cambrai et qui nous est venu de là, on lit ces mots sur la fin: « Rome a » un extrême intérêt, qui est tout fondé sur sa » réputation, de montrer qu'on ne gagne rien » avec elle en voulant lui faire la loi. » SUR SA

REPUTATION! Est-ce donc là cette pierre sur laquelle Jésus-Christ a fondé l'Église romaine? et n'est-ce pas là un discours politique, et non théologique?

Vous avez vu, par mes précédentes, que j'ai deux lettres de ce prélat contre moi, au sujet des signatures des docteurs; une troisième sur la Charité, et une quatrième en réponse à ma Réponse sur les Préjugés. On parle encore d'un supplément à sa Tradition, que je n'ai pas. Vous recevrez ma réponse sur les principales propositions, sous le titre de Passages éclaircis *. On a jugé cette réponse absolument nécessaire, pour empêcher la séduction dans un certain étage du peuple, qui se laisseroit gagner si l'on se taisoit. Faites valoir cette raison, que M. le nonce a approuvée, et dont il a connu la vérité par expérience. Au surplus, Dieu merci, les docteurs ne se laissent pas entamer, et encore moins les évêques. M. de Cambrai affecte toujours de répondre, et met la victoire dans la facilité à répéter éternellement les mêmes choses, dans l'ar- DE M. DE NOAILLES, ARCHEVÊQUE DE PARIS, tifice et dans la hauteur. Si Rome le ménage, on perdra tout: Et erunt novissima pejora prio-Sur les longueurs que l'on pouvoit apporter à la conclu

ribus.

Je suis ravi de la bonne disposition de M. le cardinal Casanate. C'est lui qui est appelé à sauver l'Église. Nous faisons bien connoître le service qu'il lui rend, ainsi qu'au clergé et à la France.

Les derniers écrits de M. de Cambrai sont excessivement outrés. Vous dites la messe, me ditil, et vous écrivez cela! Il s'agit de la contra riété qu'il prétend trouver entre M. de Chartres et moi. Il ne répond cependant pas à l'approbation donnée par ce prélat au livre des États, où j'ai avancé, sur la fin, la proposition qu'il m'im

Voyez tom. VIII.

J'embrasse M. Phelippeaux.

A Paris, 2 mars 1699.

LETTRE CCCCXXVIII.

A L'ABBÉ BOssuet.

sion de l'affaire ; et la conduite du cardinal de Bouillon.

sinon

Je réponds par celle-ci, monsieur, aux deux vôtres du 3 et du 10 de février. Je ne le ferai pas aussi amplement que je voudrois, à cause que je suis revenu tard de Versailles. De plus, je n'aurois rien à vous dire aujourd'hui, qu'il faut vous attendre toujours à de nouveaux efforts de la cabale pour empêcher ou affoiblir le jugement. Elle devroit bien être confondue par le démenti honteux que le grand nombre de signatures des docteurs lui donne : mais on a beau l'abattre, elle se relève toujours. Ainsi il n'y a rien à espérer que de la conclusion : pressez-la tant que vous pourrez. On peut encore

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