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mois passé; parcequ'elle m'a été rendue lorsque j'étois occupé à instruire quelques procès de conséquence que la ville de Strasbourg a au conseil souverain d'Alsace, et qui doivent encore être jugés avant les vacances. J'espérois en outre de trouver ici les deux derniers tomes de M. de Varillas, où il doit avoir mis les deux pièces sur lesquelles Votre Grandeur me demande quelque éclaircissement. Mais comme nos libraires ne les ont pas encore apportés, je n'en pourrai donner que des conjectures.

l'un et l'autre est autorisé des mêmes notaires que Votre Grandeur me marque. Mais quant à l'avis allemand, que je tiens pour l'original, il n'est signé que de Luther, de Mélanchton et de Bucer; et je crois que les autres théologiens n'ont signé le latin que quelque temps après. L'allemand est indubitablement du style de Mélanchton; mais le latin me paroît être sorti de la plume de Melander. Arcuarius assure que ces pièces ont été tirées des archives d'un prince d'Allemagne, qu'il ne les publie que parcequ'il est pleinement convaincu de leur autorité. Il ajoute en outre l'instruction que le Landgrave a donnée à Bucer pour négocier cette affaire auprès de Luther et de Mélanchton, et pour obtenir d'eux un avis favorable.

Je présume donc que ce seront les mêmes que celles que feu M. l'électeur palatin CharlesLouis a déja fait publier autrefois, pour couvrir ou autoriser en quelque façon le concubinage dans lequel il vivoit avec la dame de Deyenfeld. C'est dans un livre qu'il fit écrire en allemand Votre Grandeur ne me marque pas si M. de par un de ses conseillers, et qu'il envoya lui- Varillas a aussi donné cet acte, qui est assurémême à la plupart des cours, comme aussi aux ment la pièce principale, et qui fait voir les res⚫ savants d'Allemagne. Il m'en adressa aussi un sorts que le landgrave a remués, pour arracher exemplaire, avec un paquet pour feu M. le de ces messieurs une décision telle qu'il la souPrince : mais il me défendit fortement de man-haitoit. Elle n'est qu'en allemand: mais si Votre der d'où m'étoit venu ledit paquet. Cet ouvrage a pour titre : Considérations ou Réflexions consciencieuses sur le mariage, en tant qu'il est fondé dans le droit divin et en celui de nature; avec un éclaircissement des questions agitées jusqu'à présent touchant l'adultère, la séparation, et particulièrement la polygamie. Il a été publié en l'an 1679, sous le nom emprunté de Daphnæus Arcuarius, sous lequel est caché celui de Laurentius Bæger; parcequ'Arcus signifie en allemand Bognu.

Grandeur la desire, je la ferai traduire, et la lui enverrai au plus tôt.

Du reste, il ne faut pas s'étonner si les historiens de ce temps-là ne parlent pas avec plus de détail de ce mariage : car, en conséquence de l'avis, on avoit pris de si belles précautions pour le cacher, que personne n'en a jamais rien su qu'à demi. Il est vrai qu'on l'a reproché à Luther aussi bien qu'au landgrave même, dans des écrits publics: mais l'un et l'autre, dans leurs réponses, se sont tirés d'affaire en habiles rhétoriciens: de sorte que, quand on a lu ce qu'ils en disent, on est aussi savant qu'auparavant ; c'està-dire, qu'en ne rien avouant, ils ne nient néanmoins rien.

« Vous me reprochez, écrit le landgrave con» tre Henri le jeune, duc de Brunswick, apud » Hortlederum, de causis belli Germanici, anno » 1540, qu'il a éclaté de moi comme si j'avois >> pris une seconde femme, la première étant en» core vivante : sur quoi je vous déclare que si » vous, ou qui que ce soit, dit que j'aie con» tracté encore un mariage non chrétien, ou que

Dans la quatrième partie, chapitre 1, l'auteur ayant proposé la question si dans le temps de la nouvelle alliance il y a eu des docteurs qui aient permis la polygamie; et après avoir fait dire au cardinal Bellarmin qu'il s'étonnoit de ce que les luthériens reprochoient au pape Grégoire III d'avoir permis à un mari, dont la femme étoit malade, de prendre une seconde femme, puisque Luther avoit été dans le même sentiment il fait semblant de vouloir embrasser la défense de Luther, et de le vouloir purger de cette doctrine; mais insensiblement il tourne la phrase, et le charge de preuves si convaincantes,» j'aie fait quelque chose qui ne convienne pas qu'il n'en laisse aucun doute au lecteur ; et conclut, à la fin du chapitre, que Luther a effectivement enseigné ce qu'on lui impose, et fait voir que c'est à tort qu'on le veut excuser, en disant que ce n'a été que vers le commencement de sa réforme, comme s'il avoit changé de sentiment dans ses derniers écrits.

Entre autres, il produit aussi en allemand et en latin l'Avis doctrinal sur le dessein du landgrave, aussi bien que le contrat de mariage:

» à un prince chrétien, il me l'impose par pure » calomnie. Car, quoique envers Dieu je me re» connoisse pour un pauvre pécheur, je vis pour» tant en ma foi et en ma conscience devant lui » d'une telle manière, que mes confesseurs ne » me tiennent pas pour un homme non chrétien, » et que je ne donne scandale à personne, et suis » avec la princesse ma femme en bonne intelligence, amitié et concorde, etc. »

On reproche au landgrave, écrit Luther

» (tom. vii, Jenens. German. fol. 425), que c'est » un polygame. Je n'en ferai pas beaucoup de » paroles ici. Le landgrave est assez fort, et a » des gens assez savants pour se défendre. » Quant à moi, je connois une seule princesse ou » landgravine de Hesse, qui est et doit être » nommée la femme et la mère en Hesse; et il » n'y en a point d'autre qui puisse porter ou en» gendrer de jeunes landgraves, que la prin» cesse qui est fille de George, duc de Saxe. » Car effectivement il étoit assez pourvu par le contrat de mariage que la nouvelle épouse n'au

qu'il est impossible d'y rien comprendre : et à
la regarder au dehors, on diroit qu'il a été d'un
sentiment contraire : mais en la considérant at-
tentivement, on voit d'abord les endroits où elle
a été falsifiée.

Je suis avec un très profond respect, etc.
A Strasbourg, ce 14 juillet 1687.

LETTRE X.

DU MÊME.

le lutheranisme, la manière de le faire, et différents ouvrages propres à ce dessein.

roit pas la qualité de landgravine, et que ses Sur le dessein qu'avoit Bossuet de combattre en particulier enfants ne seroient point landgraves. L'instruction donnée à Bucer est admirable sur ce sujet. Quant à l'élévation de l'Eucharistie, je ne crois pas qu'on puisse trouver la moindre chose dans les liturgies des églises protestantes d'Allemagne, qui en fait de cérémonies sont tout-à-fait stériles, outre que l'on sait que l'élévation a été abrogée par Luther même, en l'an 1543; et cela en faveur du même landgrave, pour lequel il avoit passé le dogme de la polygamie. J'en ai fait copier l'extrait ci-joint de l'histoire de Peucerus, gendre de Mélanchton, qui a été témoin oculaire des choses qu'il écrit.

d'a

Je viens de recevoir la lettre que Votre Grandeur m'a fait l'honneur de m'adresser par la voie de M. le marquis de Chamilly, du 22 du M. le landgrave de Hesse dans mon cœur, mois passé. J'ai d'abord loué Dieu, et remercié voir inspiré à Votre Grandeur le dessein de combattre en particulier le lutheranisme; et j'en prévois effectivement trop bien les fruits pour ne pas tout quitter, afin d'y contribuer de tout ce que je pourrai avoir acquis de connoissance en cette matière.

M. de Seckendorff a rendu son travail désa

Je lis l'oraison funèbre* que Votre Grandeur m'a fait la grace de m'envoyer par la voie de M. de Chamilly : je vois déja qu'elle est entiè-gréable, même à ceux de son parti, pour avoir rement proportionnée à la grandeur de son su- Ainsi il est facile de deviner le sort qu'auroit suivi pied à pied l'histoire du père Maimbourg. jet, et à la réputation de son auteur.

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Ce mot n'est que pour accompagner l'instruction que Votre Grandeur m'a bien voulu demander. C'est une pièce bien plate, et qui pourroit suffire toute seule pour dépeindre exactement le génie du landgrave. Je l'ai fait traduire mot pour mot, afin que si Votre Grandeur a peutêtre le dessein d'en donner une traduction françoise, elle puisse entrer d'autant plus facilement dans le vrai sens de l'auteur. Je me suis souvenu, depuis ma dernière lettre, que la Consultation de Luther est aussi dans ses ouvrages, tome vir de l'édition allemande d'Altenbourg, signée de lui seul; mais tellement tronquée,

• L'oraison funèbre de Louis de Bourbon, prince de Condé.

quiconque le voudroit imiter.

Il m'a toujours paru que pour tirer de l'Histoire du lutheranisme l'avantage que nous devons chercher en l'attaquant, et qui ne peut tendre qu'à détromper ceux qui y sont engagés présentement, il faudroit se retrancher à examiner le but que les luthériens eux-mêmes veulent que les auteurs et les premiers protecteurs de leur réforme se soient proposé, et de le confronter avec l'état présent de leur Eglise, qui en doit être le fruit. Ils prétendent (et c'est là, si ma mémoire ne me trompe, l'unique dessein du grand ouvrage de M. de Seckendorff) que les uns et les autres n'ont agi que par un pur motif de piété, et dans la vue de rétablir la pureté primitive du christianisme, en corrigeant les erreurs et en retranchant les abus qu'ils attribuent à l'Église romaine.

Je n'ai jamais trouvé à propos de contester avec eux là-dessus : mais, lorsqu'ils me le disent, je leur allègue les sociniens, les anabaptistes, les puritains, etc.; et je leur fais insensiblement avouer que l'on peut se tromper en se proposant une pureté imaginaire, c'est-à-dire, en voulant réformer ce qui n'a pas besoin ou qui ne

LETTRE XI.

DU MÊME.

souffre point de réforme. Et en venant ensuite à l'état présent de leur Église, je leur demande : Avez-vous une doctrine plus pure que n'est

celle de l'Église romaine sur les articles sur les- Sur différents ouvrages des protestants, relatifs aux maquels vous avez fait schisme? Êtes-vous parvenus à ce culte purement spirituel, et détaché de toutes les traditions et inventions humaines? Votre discipline est-elle entièrement conforme à celle de l'Église primitive? Avez-vous trouvé à celle de l'Église primitive? Avez-vous trouvé le secret de changer en or, ou en quelque matière moins sujette à la fragilité, les vases de terre dans lesquels l'apôtre dit que portent le trésor de la connoissance de Dieu ceux qui sont constitués pour éclairer les autres ? etc. Cette méthode peut mener à épuiser tout ce qu'il y a d'essentiel dans la controverse, et a néanmoins cela de commode, qu'en la suivant on se peut donner une carrière aussi longue ou aussi courte que l'on veut.

Si Votre Grandeur me fait la grace de m'indiquer le plan qu'elle se sera formé, je pourrai peut-être lui fournir des mémoires, que le public ne recevra pas avec moins d'avidité que ceux qui ont été produits par M. de Seckendorff. Mais comme ils sont la plupart en allemand, je supplie Votre Grandeur de me mander si elle a des personnes à la main qui entendent assez ladite langue pour les traduire, ou si elle desire que je les fasse traduire ici : auquel cas je prierai le révérend père d'Aubanton, recteur du collège des jésuites en cette ville, d'y employer quelques uns de ses régents; et si Votre Grandeur lui en écrivoit aussi un mot, cela serviroit à avancer la besogne.

tières que Bossuet avoit dessein de traiter. Votre Grandeur m'a fait l'honneur de m'écrire, J'ai été bien aise d'apprendre par celle que qu'elle a approuvé mon projet, et que le sieur Rehm lui a remis la vie de Mélanchton, que je lui avois confiée. J'avois cru en trouver un exemplaire chez nos libraires, pour y ajouter mes remarques: mais cela m'ayant manqué, j'ai pris le parti d'adresser à Votre Grandeur celui dont je alors celles qui y paroissent, et qui sont la plume suis servi autrefois, et auquel j'ai fait écrire intime ami de Mélancton. J'ai mis depuis au copart tirées des mémoires de Caspar Cruciger, che de Paris, qui doit arriver à Meaux dimanche prochain, l'ouvrage de Hutterus contre Hospinien, contenant l'histoire de la Formule de concorde, sous ce titre : Concordia concors; comme aussi Supplementum Historiæ Ecclesiasticæ, tiré des lettres de mes aïeux, et publié par le sieur Fecht, mon beau-frère, qui est présentement le premier professeur en théologie à Rostock, et de Meckelbourg; et enfin l'Apologie de la Fasurintendant, comme ils les appellent, du duché culté de théologie à Wirtemberg, contre l'his toire écrite par Peucerus, gendre de Mélanchton, qu'il me semble avoir vue chez Votre Grandeur? cependant, si elle ne l'avoit point, je pourrois la

lui fournir. Les Annales Abrahami Sculteti ne se trouvent point ici : mais j'espère de les avoir L'ouvrage de Hortlederus n'est qu'un recueil de Bâle, où j'ai écrit pour cet effet. Quant à d'actes publics, aussi en allemand. Ainsi il fau-Hottingerus, qui a écrit plusieurs volumes sur l'histoire de l'Église, je supplie Votre Grandra se réduire au même secours à l'égard des deur de me mander lequel de ses ouvrages elle pièces dont Votre Grandeur aura besoin. Les Andesire. nales d'Abrahamus Scultetus ne peuvent servir que par quelques extraits de lettres, qu'il y a insérées, et qui n'ont pas été publiées ailleurs : je les chercherai chez nos libraires, aussi bien que Viam pacis Dionysii capucini. Un livre dont Votre Grandeur pourra difficilement se passer est, Vita Melanchtonis, per Camerarium, Je ne doute pas que Votre Grandeur ne l'ait lu mais, pour le pouvoir employer utilement à l'exécution de son dessein, il a besoin de quelques éclaircissements, que j'écrirai à la marge d'un exemplaire que je me donnerai l'honneur de lui adresser par la première commodité; n'ayant rien tant à cœur que de témoigner avec combien de respect je suis, etc.

A Strasbourg, ce 10 mai 1692.

sion au père d'Aubanton, en lui remettant l'oDu reste, j'ai commencé à donner de l'occupariginal de l'écrit de Bucer, signé de sa main et des principaux ministres d'ici, que M. de Seckendorff rapporte en son dernier volume " page 539, qui pourra servir d'exemple que l'on ne doit pas trop se fier à ses extraits. Car en venant aux chefs de la doctrine, après avoir remarqué la distinction, inter capita necessaria et non necessaria, il poursuit: Singulatim porrò disserit de justificatione, fide et bonis operibus; insinuant par-là sans doute que Bucer a tenu ces chefs pro necessariis: mais il ne dit pas que tout le raisonnement de Bucer ne tend qu'à montrer qu'après les éclaircissements que l'on s'étoit donnés de part et d'autre, il ne restoit plus de contestation déjà alors entre les

parties sur ces articles; établissant de son côté tout haut la nécessité des bonnes œuvres.

Quant au dessein de Votre Grandeur, je ne doute pas qu'elle n'ait remarqué que pour prouver que l'on enseignoit et croyoit dans l'Église catholique ce qu'il y a de bon dans la réforme, les rituels ou agendes des églises particulières d'Allemagne, dont on se servoit en ce temps-là, sont d'un grand secours. J'en ai vu qulques uns à Paris dans la bibliothèque de feu M. l'abbé Dufort, qui ont passé depuis, à ce qu'on m'a dit, en celle de M. l'archevêque de Reims. Le livre de Flaccus Illyricus, qu'il a intitulé Catalogus testium veritatis, peut encore être utile au même but: et quant à la prétendue divinité de l'esprit de Luther, on ne manquera pas de bons mémoires pour la rabattre. Je m'y emploierai de mon mieux, étant avec un très profond respect, etc.

A Strasbourg, ce 10 juin 1692.

que les enfants ne communiassent que sous l'espèce du vin, on croyoit néanmoins qu'ils recevoient le corps et le sang; puisqu'on leur disoit : Corpus cum sanguine Domini nostri Jesu Christi custodiat, etc., mettant même le corps in recto, et le sang seulement in obliquo.

Je crois qu'il faut lire dans le concile de Tolède in armario, et non in imaginario ordine, ainsi que je l'ai lu en plusieurs endroits. Et en effet ce fut à peu près en ce temps-là qu'on cessa de réserver dans les armoires, au moins en quelques endroits, les hosties pour les malades; et qu'on les exposa sur l'autel dans des tabernacles suspendus, au-dessous néanmoins de la croix, qui étoit toujours plus élevée, comme nous le voyons encore dans quelques cathédrales; sub crucis titulo. Je suis avec respect, etc.

Devert.

Au prieuré de Saint-Pierre d'Abbeville, ce 20 juillet 1686.

LETTRE XII.

DE DOM CLAUDE DEVERT, TRÉSORIER DE L'ABBAYE DE CLUNY *.

Sur la communion sous une seule espèce. J'ai reçu ici la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, de Germigny : mais n'ayant point avec moi les paroles du manuscrit de Corbie, je vous prie de vouloir bien attendre jusqu'à ce que je retourne au lieu où est la copie que j'en ai faite, pour vous l'envoyer aussitôt. Je ne pense pas qu'on retrouve celui de SaintDenis, l'ayant fait chercher exprès depuis six mois mais vous pouvez compter que c'est la même chose que celui de Corbie, l'ayant vu et lu moi-même; et je suis d'autant plus croyable sur cela, que je n'ai recherché tous ces manuscrits que dans la vue d'y trouver de quoi confirmer l'opinion de ceux qui croient la consécration de l'espèce du vin par le mélange de celle du pain: sur quoi, si vous vouliez bien que je visse ce que vous répondez à cela, peut-être trouveriez-vous en moi, plus que dans un protestant même, des difficultés qui vous obligeroient de satisfaire à tout.

J'ai envoyé depuis huit jours à M. de Cerbelle un endroit d'un pontifical que j'ai trouvé à Senlis, que je ne doute point qu'il ne vous ait fait tenir. Il est visible par ces paroles que quoi

*Il est connu par plusieurs ouvrages, mais principalement par sou Explication littérale et historique des cérémonies de l'Église, en 4 vol. in-8°, dont les deux derniers n'ont été publiés qu'après sa mort, arrivée le premier jour de mai 1708,

LETTRE XIII. DU MÊME.

Il lui envoie l'extrait d'un ancien Cérémonial de Corbie, qui prouvoit qu'on ne communioît le vendredi saint que sous une seule espèce.

Voilà la copie du manuscrit de Corbie, c'està-dire, la Rubrique du Vendredi-Saint: celui de Saint-Denis, qui est égaré, porte précisément les mêmes termes. Je crois qu'on vous aura fait voir ce que j'ai extrait d'un Pontifical romain, touchant la communion des enfants. Je suis avec un profond respect, etc.

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Abbeville, ce 16 août 1686.

Composito corpore Domini in corporali super altare, et incensato, dicet dominus abbas: » Confiteor, et incipiet cantare Oremus: Præ»ceptis salutaribus moniti, et Pater noster, et » Libera nos, quæsumus, Domine. Fractio fiet; » et post fractionem dicet secundò, Per omnia » sæcula sæculorum: Conventus respondebit, » Amen. Pax Domini, et Agnus Dei, et Hæc » sacrosancta commixtio, non dicentur; sed » frustum fractionis sinet cadere infra calicem, >> nihil dicendo. Domine Jesu Christe, Corpus » Domini, Quod ore sumpsimus, dicentur : sed » sanguinis non nominabitur. Placeat tibi non » dicetur. Omnibus communicatis, capiet quis» que de vino per fistulam, et post bibet, ca»licibus ante majus altare paratis. De corpore » Domini nihil debebit remanere. Omnibus » communicatis, et domino abbate devestito, sonabuntur vesperi, et dicentur. »

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ment quelques commissions importantes de M. le cardinal de Bouillon me retiennent en ce paysci. Cela n'empêche point, si vous le souhaitez, et s'il est encore temps, que je ne vous envoie ce que je pense et ce que je sais de la consécration par le mélange : et comme cette question me paroît de la dernière conséquence, si vous le desirez, j'en ferai une manière de dissertation, où je tâcherai de faire tout entrer; et à laquelle, si vous voulez bien vous donner la peine de répondre, comme je sais que vous le ferez aisément, vous aurez satisfait à tout, et détruit par conséquent tout le livre du ministre, qui ne roule que là-dessus.

Cette autorité est précise pour marquer qu'on ne croyoit pas dans Corbie, il y a huit cents ans, non plusqu'à Saint-Remi en France, que le vin le vendredi-saint devint le sang de notre Seigneur par le mélange du pain; puisqu'il est dit expressément que sanguis non nominabitur, et ensuite que ce qu'ils prenoient par un chalumeau étoit du vin. On peut observer ici, en passant, qu'ils faisoient ce vendredi-là la même cérémonie que s'ils eussent communié sous l'espèce du vin puisqu'ils prenoient ce vin avec le chalumeau, et dans des calices préparés sur l'autel. quoiqu'ils crussent pourtant que ce n'étoit que du vin. La même cérémonie se pratiquoit aussi à Cluny au commencement de ce siècle encore ; c'est-à-dire, on prenoit du vin dans des calices ce jour-là, et avec le chalumeau, quoique les Missels de notre ordre nous marquent précisément que ce n'étoit que du vin et par-là on répond au raisonnement de ceux qui concluent que l'on croyoit que c'étoit le sang de notre Seigneur; parcequ'extérieurement on donnoit les mêmes marques de respect que si effectivement ce l'eût été. On voit encore par-là que le vin que l'on donne encore aujourd'hui à l'ordination, et aux grands jours en quelques églises, après la com-scrit de l'église de Soissons, qu'ils appellent le munion, n'est point, comme on le croit, une ablution, ni pour aider à avaler les espèces; mais une suite de l'ancienne communion sous l'espèce du vin, c'est-à-dire qu'on a continué la même cérémonie, quoique ce ne fût plus que du vin.

Votre Grandeur pourroit en passant dire un mot de la communion du vendredi-saint, qui étoit commune à tout le monde, et non au prêtre seulement, comme elle l'est aujourd'hui. Elle ne trouvera pas un ancien Cérémonial ni Missel qui n'en fasse mention: Omnes communicant; c'est toujours ainsi qu'ils s'expriment. J'ai une dissertation toute prête là-dessus : mais quand Votre Grandeur en aura dit un mot, ce sera encore une autorité pour moi. Cela se fait encore en plusieurs monastères de l'ordre de Cluny, et on rétablit cette communion partout.

LETTRE XIV.

DU MÊME.

Je crois que vous aurez reçu une seconde fois l'extrait du manuscrit de Corbie, que j'ai adressé, il y a près de deux mois, à votre hôtel à Paris. A l'égard de celui de Senlis, il me paroît au contraire qu'il est à souhaiter qu'il soit moins ancien ; les protestants, ce me semble, ne doutant pas que les enfants n'aient autrefois communié sous la seule espèce du vin; mais disant, comme le ministre La Roque, qu'on n'en sauroit donner de preuves depuis le douzième siècle. Voici ce que j'ai lu autrefois dans un ordinaire manu

Mandatum; vous verrez, si cela vous accommode encore, Communicato episcopo, communicet infantes baptizatos de sanguine sacrato,dicens: Sanguis Domini nostri Jesu Christi custodiat te in vitam æternam! Amen. Ce manuscrit est de la fin du douzième siècle, ou du commencement du treizième, qui est le temps de la vie de Philippe-Auguste et d'Isabelle sa femme, qui y sont nommés dans la prière Christus vincet, aussi bien que l'évêque Nivelo, qui vivoit aussi en ce temps-là.

Autrefois, dans l'église d'Amiens, en communiant les enfants nouvellement baptisés", le samedi-saint, sous la seule espèce du vin, on leur disoit : Corpus et sanguis, etc., ce qui appuie le manuscrit de Senlis.

Je suis impatient de voir votre ouvrage, qui sera d'une grande utilité. Il y a des gens que je sais que vous estimez beaucoup, et qui ne sont pas éloignés du sentiment de la consécration par le mélange : ils méritent bien votre application pour les détromper. Le ministre La Roque est visiblement de mauvaise foi en plu

Sur la communion sous une seule espèce, et quelques dif- sieurs endroits. Il ne sait ce qu'il dit quand

ficultés qui y ont rapport.

Votre lettre du 22 juillet ne fait que de m'être rendue; ce que j'impute à la fausse adresse. J'eus pu en ce temps-là me donner l'honneur de vous aller joindre ou à Meaux ou à Paris: présente

il interprète les paroles d'Innocent I de la communion comme du sacrifice car on a toujours communié à Rome le vendredi-saint, et l'Ordre romain y est précis. Je crois comme lui que l'absque sanguine Domini ne se rapporte pas à communicent, mais à oblatas servandas....

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