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majesté des saints livres. Sous la belle apparence d'érudition grecque et hébraïque, elle cache un secret poison, qu'on peut avaler d'autant plus aisément qu'on s'en aperçoit moins d'abord. On peut dire, en ce sens, que la traduction du nouveau Testament n'est pas le plus méchant livre que M. Simon ait fait sa Critique sur l'ancien et le nouveau Testament est beaucoup plus dangereuse. Il falloit aller à la source du mal, comme je vois que vous en avez le dessein.

Je ne doute pas, monseigneur, qu'en écrivant contre M. Simon, vous n'observiez une règle qu'il a donnée lui-même à ceux qui veulent écrire contre les sociniens et autres errants. C'est, dit M. Simon, qu'il ne faut rien proposer de foible contre eux; car cela ne serviroit qu'à les entretenir dans leurs erreurs.

Vulgate traduit ainsi1: Nunquam ex te fructus nascatur in sempiternum, yévntal.

Rom. I. 3. De filio suo qui natus (a) est, rov gevoμévou, ex semine David secundùm carnem. Galat. IV, 4. Misit Deus Filium suum natum (b) ex muliere, yevoμévov êx yuvaixós.

1. Petr. III, 6. Sara cujus natæ estis filiæ, is ÈyeÁINTE TÉNYK..

Voilà, monseigneur, quatre passages où le verbe e semble signifier naître, sans que j'aie trouvé aucune variété dans les éditions du nouveau Testament que j'ai consultées.

En voici quatre autres où le verbe vi signifie aussi naitre : mais ils ne me paroissent pas si décisifs, parcequ'on ne les lit pas de la même maniere dans toutes les éditions.

Notre Seigneur dit de Judas 2 Bonum erat ei si natus non esset, ɛi oùx èyevý‡n, homo ille. Dans quelques éditions, on lit yɛvvýÎn (c), du verbe 91.

édiditions on lit, yvvrbévtwy (d).

Comme M. Simon veut triompher en fait de grec et d'hébreu; comme c'est par cet endroit qu'il jette de la poudre aux yeux des lecteurs ignorants, et qu'il attire plusieurs personnes dans Il est dit de Jacob et Esaü3: Cùm nondum son parti, il faut apporter une grande exacti-nati essent, pina yap yernévtav. Dans quelques tude à examiner toutes les difficultés qui dépendent du grec et de l'hébreu car si on lui donne la moindre prise de ce côté-là, il ne manquera pas de s'en prévaloir auprès des ignorants et des foibles, qui croiront qu'en attaquant M. Simon on en veut à l'érudition grecque et hébraïque.

Il est dit des enfants d'Abraham 1 : Ex uno nati (e) sunt, àq' évòs èyevronsav. Dans d'autres éditions, il y a, yevrilisav (ƒ).

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Il est dit des débauchés : Isti verò tanquam irrationalia animalia, quæ solá naturá duce ducuntur, nata ad, etc. yeyevnμéva. Dans d'autres éditions, on lit yeyevvnμévx (g), du verbe yevvãtoaι.

Encore un coup, monseigneur, je suis persuadé que vous observerez cette règle en écri- | vant contre M. Simon, et surtout contre sa té- Comme il ne s'agit que du nouveau Testaméraire critique des livres sacrés. Cependant ment, il n'est pas nécessaire de remarquer que, l'importance qu'il y a d'observer cette règle dans les auteurs profanes, yiyo ou vivendar, m'oblige de représenter à Votre Grandeur, avec aussi bien que year, signifient souvent naitout le respect que je lui dois, que, dans le pre-tre. Par exemple, dans Homère : La maison où mier écrit qui vient de paroître de votre part, je suis né, öπpâtov yevéμny. cette importante règle n'a point été observée partout. Je n'ai à la vérité qu'un seul endroit à produire, où elle n'a point été observée : mais cet endroit me paroît d'une assez grande conséquence pour être représenté à Votre Grandeur; avec tout le respect qu'un diacre et licencié de Sorbonne doit à un grand docteur, et à un grand évêque de notre France.

Vous dites, monseigneur, dans la page 115 de votre première Instruction sur le nouveau Testament imprimé à Trévoux, que

revés ne signifie naître ou être né dans aucun endroit de l'Evangile. C'est partout uniquement evida; il faut corriger ainsi, yevvžu. Cependant j'ai trouvé dans le nouveau Testament plusieurs endroits où le verbe yevé gnifie naitre; les voici :

Si

Notre Seigneur dit au figuier, qu'il avoit trouvé sans fruit, les paroles que l'auteur de la

Dans Isocrate, « Ne pas laisser d'autres hé» ritiers que ceux à qui nous avons donné nais» sance, » πλὴν τοὺς ἐξ ἡμῶν γεγονότας *.

Platon dit aussi : Non nobis solùm nati sumus, comme traduit Cicéron, oùy autá póvą, yéyover 8.

Et encore dans le Timée, γιγνόμενονκαὶ ἀπολλύμενον, Quod gignitur et interit, comme traduit enoore Cicéron.

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(a) Bossuet, dans les remarques qu'il a faites sur cette lettre, observe que la Vulgate traduit, factus. -- (b) Bossuet observe que la Vulgate traduit, factum. (c) Bossuet observe que dans l'édition de Mons, à trois colonnes, on lit, ¿yevunin. — (d) Bossuet observe que dans l'édition à trois colonnes on lit, yevvelevτav. (e) Bossuet observe que la Vulgate traduit, orti. (f) Bossuet observe que dans l'édition a trois colonnes on lit, ἐγεννήθησαν. (g) Bossuet observe qu'on lit ainsi dans l'édition à trois colonnes.

On trouve dans Démosthène, yeye›ñaι xads, | de M. Simon, même pour ce qui regarde le honesto loco esse natum '. grec. Je crois avoir encore quelques passages

Aristote dit: E quibus nascitur, éž v yiyvetat, grecs qu'il a mal traduits dans ses critiques. ab iis augetur 2. Je suis, monseigneur, avec un très profond res

On lit dans Plutarque ces mots : « Croyez-pect, etc. » vous qu'il y ait de la différence entre n'être » point né, et mourir après être né? » à in γενέσθαι, ή γενόμενον ἀπογενέσθαι .

Cela nous montre quelle précaution il faut apporter, pour bien juger de la signification des mots grecs, surtout dans le nouveau Testament. Il n'y a pas long-temps que l'homme de Paris qui sache le mieux le grec prétendoit avoir trouvé une nouvelle preuve de la divinité de Jésus-Christ dans ces paroles du démon : ὁρκίζω σε τὸν Θεὸν 4, qu'il traduisoit Adjuro te Deum, te qui Deus

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Premièrement, l'auteur de la Vulgate a traduit: Adjuro te per Deum.

Secondement, il y a d'autres endroits où opnice riva signifie conjurer de la part, ou bien au nom de quelqu'un. En voici des exemples: Ο ρκίζομεν ὑμᾶς τὸν Ιησοῦν: id est, Adjuramus vos per Jesum, comme on lit dans la Vulgate 3, Ο ρκίζω ὑμᾶς τὸν Κύριον : id est, Adjuro vos per Dominum, comme on lit dans la Vulgate ".

C. CAPPERONNIER, diacre, licencié en théologie.

A Paris, 1702.

LETTRE XLI.

DU MÊME.

Il lui communique plusieurs textes de Platon, qui montrent que ce philosophe a donné au mot substance une signification fort étendue.

La manière douce et honnête dont Votre Grandeur me reçut, la première fois que j'eus l'honneur de lui faire la révérence, me fait prendre la liberté de vous communiquer quelques remarques que j'ai faites sur Platon. Elles me paroissent importantes pour défendre le dogme catholique de la transsubstantiation; parcequ'elles font voir que ce divin philosophe a donné le nom de oùsiz à tout ce qui est réel, soit substance, soit accident; soit être physique, soit être moral. Votre Grandeur en jugera elle-même.

Premier passage de Platon, dans le Cratyle,

page 423 de l'édition de Serranus.

SOCRATE. Ne vous semble-t-il pas que la » couleur,par exemple, et les autres choses dont » nous parlions présentement, ont leur sub» stance? οὐ καὶ οὐσία δοκει σοι εἶναι ἑκάσῳ. Quoi ! la » couleur et la voix n'ont-elles pas une certaine » substance, aussi bien que toutes les autres choses auxquelles on donne le nom d'êtres ? οὐκ ἔςιν οὐσία τις ἑκατέρῳ αὐτῶν, η

»

M. Simon lui-même, qui se pique de tant de grécisme, a très mal traduit ces paroles d'Eu-» thyme sur saint Jean: ὁ πατὴρ ἐυδόκησεν ἵνα πάντων ὁ ὑιὸς ἑξουσιάσῃ διὰ τῆς πίσεως. Voici la traduction de M. Simon: «Il a plu au Père le Fils donnât que >> le pouvoir à tous par la foi. » Voilà une insigne falsification. É šovce ne signifie pas donner le pouvoir; mais dominer, avoir pouvoir, exercer son pouvoir. Euthyme veut dire que l'intention du Père céleste a été que le Fils dominât sur tous les hommes par la foi. Et en effet, disoit Jésus-Christ lui-même: Data est mihi omnis potestas: Dedisti ei potestatem omnis - carnis. Cela suffit pour que nous nous défiions

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HERMOGÈNE. « Pour moi, je crois que cela » est vrai. »

SOCRATE. « Hé bien! si quelqu'un vouloit re» présenter la substance de chaque chose par » des lettres et par des syllabes, ne vous mar» queroit-il pas par-là ce que chaque chose est » ou n'est pas ? »

Second passage de Platon, dans le Charmide, p. 168, parlant de la voix, de la couleur, etc.

Il dit : « Ce qui est capable d'agir sur soi» même ne doit-il pas avoir la chose sur quoi » son pouvoir s'étend ? οὐ καὶ ἐκείνην ἕξει τὴν οὐσίαν si » πρὸς ἣν ἡ δύναμις αὐτοῦ ἦν. » « Par exemple, » on s'entend soi-même, on doit avoir du son;

LETTRE XLII.

» si on se voit, on doit avoir de la couleur en » soi-même. » Voilà donc le son et la couleur qualifiés du nom d'oùsia.

DE M. L'ÉVÊQUE D'Arras *.

Troisième passage de Platon, dans le Théétète, Il lui demande ses bons offices, pour rétablir la paix et le

page 155.

Il dit : « Ils ne mettent pas au rang des êtres » réels les actions, les productions, et toutes les » autres choses invisibles : οὐκ ἀποδεχόμενοι ὡς ἐν » ́ocias pépe.» Platon donne ici le nom d'obsiz aux actions et aux autres êtres moraux qui sont 'comme des accidents.

Quatrième passage de Platon, dans le Théétète, page 136 de l'édition de Marsile Ficin.

<< Notre ame se mouvant elle-même, et com» parant ces choses entre elles, nous fait juger » de la substance de ces deux êtres et de leur » contrariété : elle nous fait même juger de la » substance de cette contrariété, zzì tùy oùsixv aû» tñs èvævtioτntos. » On voit que Platon donne le nom de substance oùsix à la contrariété des êtres. Or cette contrariété n'est qu'une simple qualité, et un pur accident.

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Que les calvinistes viennent après cela nous objecter certains passages des Pères, où ces saints docteurs donnent le nom d'oùsix, de substance, aux symboles eucharistiques après la consécration. Ne sommes-nous pas en droit de leur répondre que les Pères, après le divin philosophe, ont pu appeler osiv de simples accidents et qualités corporelles, comme sont la couleur, la figure et le son, qui sont les exemples mêmes dont Platon se sert dans les passages que nous venons de citer?

C'est à vous, monseigneur, comme au premier théologien du clergé de France, que j'ai voulu communiquer ces remarques. Si vous les approuvez, je croirai avoir fait une bonne découverte. Je me recommande toujours à l'honneur 'de votre protection. Si j'osois, je vous la demanderois présentement au sujet d'une chaire de philosophie, qui vaque actuellement au Collége royal, par la démission de M. Dupin. Il me semble que ces chaires sont fondées pour enseigner la philosophie grecque et latine. Si par votre protection et par votre crédit je pouvois obtenir celle qui vaque, je tâcherois d'y faire des leçons de philosophie grecque, et surtout de la platonicienne, que votre Grandeur sait avoir été fort estimée des Pères grecs et latins. Je suis avec un très profond respect, etc. ▾

1703.

bon ordre dans l'Université de Douai.

J'apprends, monseigneur, avec bien du plaisir, que Sa Majesté vous a nommé pour commissaire, au sujet de la plainte qui lui a été portée de l'état déplorable où se trouve à présent l'Université de Douai, et particulièrement la Faculté de théologie, qui est réduite, si j'ose me servir de ce terme, à rien, et que j'ai vue autrefois si florissante. J'y dois prendre un intérêt particulier comme évêque diocésain; et il y a long-temps que je gémis sur les mauvais choix que l'on a faits pour y remplir les chaires de théologie, quand elles ont vaqué, et sur les mauvais sujets que l'on a proposés pour cela au roi. Comme il est à propos, monseigneur, que vous soyez instruit de l'état des choses, j'ai cru que vous ne pouviez mieux l'être que par le recteur même de cette Université, homme droit, de beaucoup de mérite, et à qui vous pourrez prendre confiance, qui s'est chargé de vous envoyer un mémoire sur ce sujet. C'est un grand bien que vous ferez, si vous voulez bien honorer cette Universié de votre protection dans cette occasion si considérable, pour la remettre dans son premier lustre. Je vous la demande pour elle; et pour moi, la grace d'être bien persuadé du respect sincère avec lequel, monseigneur, je suis, etc.

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Il se félicite de ce que le prélat a été nommé par Sa Majeste commissaire pour travailler à rendre à cette Université sa première splendeur.

Nous avons appris avec une joie extrême qu'il a plu au roi de nommer des commissaires pour travailler au rétablissement de l'Université de Douai, et que Sa Majesté a jeté les yeux sur Votre Grandeur. Cet ouvrage est digne de vous, monseigneur. Vous savez quelle a été autrefois la réputation de notre compagnie, tant par rap

'Guy de Sève de Rochechouart un des cinq évêques qui écrivirent à Innocent XII pour deinander la condamnation du livre du cardinal Sfondrate, sur la prédestination.

port à la profonde doctrine qu'à la solide piété; | Verdure, très distingué autrefois par son mérite, mais

et toutes choses se trouvent maintenant dispo-
sées à rendre à ce corps célèbre son ancienne
splendeur. Je prends la liberté de joindre ici
un mémoire succinct de l'état auquel l'Univer-
sité est réduite, et d'autres pièces qui y ont
rapport. Je suis avec un profond respect, etc.

MONNIER DE RICHARDIN, rect. de l'Univ.
de Douai.

A Douai, ce 28 juillet 1702.

MÉMOIRE

pour l'université de douai.

Il n'y a pas plus de quinze ans que les abus et les désordres qui se trouvent à présent dans l'Université de Douai s'y sont introduits. Avant ce temps elle florissoit encore, et elle s'est vue depuis tomber peu à peu dans le triste état où elle est aujourd'hui. Ne pouvant se relever par elle-même, elle a eu recours aux bontés du roi, persuadée que, sous un règne auss juste et aussi glorieux que le sien, on ne verroit pas périr des études si fameuses et si utiles à l'Eglise que celles de Douai. Le principal secours qu'elle attend des commissaires qu'il a plu au roi de nommer, n'est pas de juger des contestations entre des particuliers. L'Université n'a point d'autre partie qu'elle-même il s'agit de bien connoître ses besoins et ses maux, et d'y apporter les remèdes nécessaires.

En attendant que nos seigneurs les commissaires puissent être informés en détail de tous les désordres auxquels il faut remédier, il a paru nécessaire de leur en donner une idée générale, mais suffisante pour qu'ils puissent connoître la nécessité d'en être instruits plus à fond. Les principaux articles dont ils devront être informés

sont :

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Il n'y a pas fort long-temps que la Faculté de théologie étoit encore florissante. Il y avoit dans cette Faculté des professeurs d'un mérite distingué: on les consultoit de toutes parts; leurs leçons étoient fréquentées, et les écoles se soutenoient avec réputation et avec éclat. Le roi y a mis depuis les professeurs d'Espalunghe et Tournéli, docteurs de Sorbonne, qui s'y sont acquis aussi beaucoup de réputation et d'estime : mais l'un étant mort, et l'autre devenu professeur de Sorbonne, cette Faculté est tombée dans une entière décadence; en sorte qu'on peut dire, sans exagérer, qu'il ne lui en reste plus que le nom. Ceux qui la composent à présent sont le sieur de La

à cause de ses infirmités; le sieur de Cerf, qui est d'un actuellement hors d'état de professer et d'aucun travail, grand age, et qui n'a jamais eu de réputation; le sieur Delcourt, dont M. l'évêque d'Arras a été obligé de censurer publiquement la doctrine, et de la lui faire désaà rien moins qu'à saper les fondements de la foi; enfin le vouer par un acte public, et dans une matière qui n'alloit sieur Amand, que de curé de village on a fait choisir il y mettre en état, comme on vient de faire, de l'élever plus a quelque temps pour professeur de catéchisme, pour le haut sans concours et sans examen, qu'on croit qu'il auroit peine à soutenir. Les autres docteurs n'étant pas de la Faculté étroite, sont sans fonction. Le nombre en est petit, celui des licencies est plus grand: mais toute cette Faculté diminue. Il se trouve cependant parmi ses gradués, qui demeurent dans l'obscurité, des hommes d'un mérite reconnu, et capables de remplir les premières places.

Le peu de capacité des professeurs rend les écoles publiques désertes. De près de six cents théologiens qui étudient à Douai, il n'y a que trente ou trente-cinq écoliers sous le sieur Pierrard, qui professe pour le sieur de La Verdure: cependant il est habile homme, et vient d'en donner des marques dans le concours qui est ouvert : mais comme il n'est dans cette chaire qu'en passant, et comme par emprunt, les écoliers ne s'y at achent pas. Il n'y a que quinze écoliers sous le sieur de Cerf, environ trente sous le sieur Delcourt, et huit ou dix sous le sieur Amand: encore n'en auroient-ils pas tous ce nombre, si les écoliers qui demeurent comme pensionnaires ou comme boursiers dans les séminaires dont ils sont présidents ne se trouvoient dans une espèce de nécessité de prendre leurs cahiers: et l'on peut dire que si les religieux de Saint-Vaast d'Arras, qui ont un collège à Douai où ils enseignent la théologle, mais dont les écoles ne sont pas académiques, et les pères jésuites qui y enseignent aussi, n'y attiroient des écoliers, il n'en resteroit presque aucun ; et les évêques des provinces voisines seroient privés du secours qu'ils tirent des théologiens qui étudient à Douai.

Le peu d'assiduité et la négligence avec laquelle quelques uns de ces professeurs font leurs classes achèvent de les décréditer, surtout le sieur Delcourt, dont les absences sont très fréquentes, et qui, lorsqu'il professe par lui-même, n'arrive souvent qu'après son heure, se contente de dicter un quart d'heure et d'expliquer un autre quart d'heure, puis se retire.

Le sieur de La Verdure n'étant plus en état de travailler, le sieur Delcourt se trouve le seul censeur des thèses, sur lesquelles il se donne une autorité despotique en refusant de les signer, et les arrêtant par-là tant qu'il lui plait lorsque ceux qui les soutiennent ne se trouvent pas de son sentiment. La plupart des présidents de séminaires, et des professeurs en théologie des ordres religieux, et d'autres personnes distinguées, en ont porté leurs plaintes à M. l'évêque d'Arras par une requête en forme, signée d'eux. On joint ici une copie de cette requête et du mémoire qui y étoit joint.

On informera nosseigneurs les commissaires, dans un mémoire séparé de celui-ci, des plaintes particulières qui regardent le sieur Amand, qui a cru ère en droit de monter sans conconrs et sans examen à une chaire de théologie, contre le droit et l'usage de cette Université. Il suffit quant à présent que nosseigneurs les commissaires soient informés de deux choses.

Premièrement, que, sans parler du défaut de talents extérieurs dans le sieur Amand, sa seule incapacité le rend absolument inhabile à l'emploi qu'il occupe, et encore, plus à celui auquel il a cru être en droit de s'élever: c'est un fajt aisé à vérifier, en faisant examiner ledit sieur

Amand par des théologiens, qu'il plaira à nosdits seigneurs de nommer à cet effet.

Secondement, qu'à la mort du feu sieur Estier, docteur de Sorbonne, et professeur en théologie, homme de mérite, les proviseurs de l'Université supplièrent Sa Majesté de vouloir rétablir le concours, pour conférer aux plus dignes les chaires des professeurs, conformément à l'ancien usage de ladite Université, et à l'arrêt du | conseil du 30 avril 1681. Le sieur Amand, professeur du catéchisme, contre cet usage et la teneur de cet arrêt, a prétendu monter de plein droit à la quatrième chaire de théologie, et s'en est fait pourvoir, laissant sa chaire de catéchisme au concours. Les proviseurs de l'Université, qui virent un brevet de Sa Majesté en faveur dudit sieur Amand, n'eurent d'autre parti à prendre que celui de s'y soumettre par provision, sauf à eux de se pourvoir par-devant les commissaires qu'ils demandoient au roi pour connoitre spécialement de cette affaire, et ont mis la chaire du sieur Amand au concours. Le jour indiqué pour l'ouverture de ce concours, cinq des concourants présentèrent une requête au recteur et aux proviseurs de l'Université, tendante à récuser pour juge le sieur Delcourt, pour les raisons reprises dans ladite requète. Les proviseurs ont fait part de cette requête à M. de Bagnols, intendant de Flandre; et le sieur de Bagnols l'a renvoyée auxdits proviseurs pour en connoître. Ils l'ont communiquée au sieur Delcourt, ont déclaré les causes de récusation recevables, et en conséquence ont nommé un autre docteur en sa place; et attendu les infirmités du sieur de La Verdure et du sieur de Cerf, ils ont encore nommé deux autres docteurs pour remplir leurs places, ainsi qu'il se peut voir par la sentence jointe à ce mémoire. Le sieur Delcourt a voulu se pourvoir contre cette sentence au parlement de Tournai: mais ce tribunal s'est abstenu de juger, a déclaré son incompétence, et a renvoyé les parties par-devant Sa Majesté ; ordonnant cependant que le concours, dont il avoit d'abord suspendu la suite, se continueroit et de fait le concours s'est continué en public

avec les solennités ordinaires, et se continue encore actuellement par-devant les docteurs, juges délégués à cet effet par lesdits proviseurs, tant à cause de leur droit d'y pourvoir au défaut des autres, qu'en conséquence du renvoi de M. l'intendant, et de l'arrêt du parlement de Tournai.

Il est évident, par l'état où se trouve cette Faculté, qu'elle périt et se détruit entièrement par le mépris dans lequel l'a fait tomber le peu de mérite des personnes qui la remplissent. Le concours qui est ouvert donnera lieu d'y mettre d'excellents sujets qui s'y présentent, non seulement pour remplir la chaire vacante par le décès du sieur Estier, mais pour donner des coadjuteurs à ceux des professeurs que leurs infirmités ou leur grand age mettent hors d'état de professer absolument, ou de le faire avec l'assiduité nécessaire, ainsi qu'il s'est pratiqué en pareil cas dans cette même Université.

LES FACULTÉS DES DROITS.

Les deux Facultés de droit canon et civil sont les moins endommagées : les ordonnances du roi pour les études du droit dans son royaume s'y exécutent exactement. Les chaires des professeurs ne s'y confèrent que par le concours : on ne laisse pas cependant, çontre le sentiment de quelques uns des professeurs, de recevoir de temps en temps aux degrés des écoliers qui n'ont pas toutes les qualités qu'exige l'édit du roi de 1679; et c'est le seul abus à réformer.

LA FACULTÉ DE MÉDECINE.

Cette Faculté est presque entièrement tombée, sans qu'on puisse accuser les professeurs de sa chute. Après avoir été pourvus de leurs chaires par le concours, ils trouvèrent la discipline des écoles en mauvais état : les leçons étoient négligées, les quatre thèses que les écoliers devoient faire pour parvenir au degré de licence étoient réduites à deux, et on passoit facilement sans que les examens fussent fort rigoureux.

Les professeurs modernes travaillèrent à remédier à ces maux ils se rendirent assidus à leurs leçons, obligèrent les écoliers à les fréquenter, choisirent les matières les plus utiles et les plus curieuses, établirent un théâtre anatomique et un jardin des simples, obligèrent les écoliers aux quatre thèses et à deux examens, et se tinrent fermes à refuser les degrés à ceux qu'ils en jugeroient indignes.

Cette exactitude, bien loin de repeupler les écoles, les a rendues presque désertes. Les écoliers, pour éviter une rigueur qui leur paroît dure, mais qui cependant est nécessaire, vont à quelque' Université peu fameuse en France, où dès le jour même de leur arrivée, et, s'ils le veulent, sans sortir de l'hôtellerie, ils obtiennent des lettres de licencié et de docteur en médecine, en vertu desquelles ils viennent exercer la médecine dans les pays conquis. Il y va de la santé et de la vie des hommes de remédier à cet abus, dans lequel on supplie nosseigneurs les commissaires de vouloir entrer. On pourra, lorsqu'ils en auront pris une parfaite connoissance, leur suggérer quelques moyens, auxquels on a pensé, pour remédier à cet inconvénient.

LA FACULTÉ DES ARTS.

Il seroit à souhaiter que les honoraires des professeurs des langues grecque et hébraïque, et de l'histoire, pussent leur fournir une honnête subsistance. Ces places, si nécessaires dans une Université, deviendroient plus utiles à celle de Douai: mais ces trois professeurs n'ont ac!uellement que cent florins d'appointement, encore n'en sont-ils pas payés: on n'ose pour cette raison se plaindre de la négligence de quelques uns d'eux.

LES COLLÉGES.

Le collége du Roi est le premier et le plus ancien collége de l'Université : c'est une maison de fondation royale, située sur les ruines de l'ancien château de Douai. Marguerite d'Autriche, gouvernante des Pays-Bas, en fit don à l'Université, au nom du roi catholique son fondateur. Ce college est le plus pauvre de l'Université: il ne laisse pas néanmoins de se soutenir par le soin que quelques particuliers en ont pris. On y a rétabli les humanités, qui avoient été interrompues plus de trente années : mais si on pouvoit y mettre le nombre de professeurs nécessaires, ces humanités fleuriroient parfaitement, et feroient une émulation utile aux belles-lettres. La ville de Douai demande qu'on ne laisse pas tomber ces humanites, à cause des secours qu'elle en tire; et il y va constamment du bien public de les soutenir : il ne sera pas difficile d'en trouver les moyens.

LES SÉMINAIRES.

On ne recounoit plus le séminaire du Roi depuis la mort du sieur d'Espalunghe, docteur de Sorbonne, qui en

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