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en reconnaissant la nécessité de conclure un traité avec l'Annam, se prononça contre un projet « qui exposerait la France à entrer dans une série de luttes, de guerres lointaines, qui obligerait la France à entreprendre de véritables guerres de religion pour assurer à nos missionnaires une liberté absolue et illimitée de propagande... » Il soutint qu'il ne fallait pas donner une plus grande extension à notre colonie de Cochinchine ni courir le risque de verser le sang de nos soldats, et conclut en demandant à l'Assemblée de revenir sur son vote d'urgence, et de ne pas priver « la question si grave qui lui était soumise de la garantie des trois délibérations ».

- «Messieurs, répondit l'amiral Jaurès (rapporteur), il me sera peut-être difficile de répondre à tous les points qu'a touchés l'honorable M. Périn, car il a à la fois attaqué et notre établissement de Cochinchine, et le traité qui est destiné à le compléter et à le rendre définitif.

<«<Pour tout ce qui touche aux faits qui ont amené la France à s'établir en Cochinchine, autant par le devoir de protéger nos coreligionnaires, incessamment et odieusement massacrés, que par la nécessité d'avoir dans l'Extrême-Orient un port de refuge et de ravitaillement pour nos navires, je ne pense pas que ce soit le moment d'entrer dans un examen rétrospectif des conditions dans lesquelles s'est opérée notre prise de possession. Les circonstances nous ont conduits à fonder un établissement qui est devenu grand et prospère, et je ne pense pas qu'on puisse le regretter.

« On a dit que l'amiral Rigault de Genouilly avait eu, dans les premiers temps, de grandes désillusions, qu'on lui avait assuré que, dès que nous interviendrions sérieusement, cinq cent mille chrétiens annamites se lèveraient en notre faveur: eh bien, j'avoue, moi qui ai coopéré plus tard à l'expédition de Cochinchine, que nous eussions été fort embarrassés par un semblable soulèvement, car enfin il aurait fallu, sans doute, donner des armes à ces cinq cent mille hommes, et peutêtre aussi des vivres, ce qui eût été fort difficile. Je crois donc qu'il était bien préférable que les chrétiens restassent tranquilles dans leurs villages.

« J'arrive au traité : la France, vous le savez, possédait dans la Basse-Cochinchine trois provinces sur lesquelles la cour de Hué avait reconnu notre souveraineté. Trois autres provinces restaient sous la domination du roi Tu-Duc.

« Ces provinces étaient devenues le rendez-vous de malfaiteurs et de bandits de toute sorte; elles étaient un véritable foyer de rébellion'contre nous, et, ainsi que je l'ai dit dans le rapport, il était dans la force des choses de nous y établir pour assurer la sécurité de notre colonie. Le traité actuel nous les concède définitivement.

« On vous a dit que nous avions fait de grandes dépenses pour des possessions qui rapportent peu et qui n'ont pas donné tout ce qu'on en attendait. Je me contenterais de signaler à l'Assemblée la progression ascendante des recettes de la Cochinchine depuis 1867. Elles ont été :

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« Vous voyez que les recettes de cette colonie qui, dit-on, produit peu, sont considérables et qu'elles vont chaque jour en augmentant.

QUELQUES MEMBRES A GAUCHE. --- Et les dépenses?

« Ces recettes deviendront bien plus considérables quand les six provinces seront définitivement acquises à la France, car nous saurons y maintenir l'ordre, et les populations pourront alors se livrer avec sécurité aux travaux de l'agriculture.

« Quant à ce qui concerne les événements du Tonkin et la mort si regrettable de M. Garnier, je ne puis pas rentrer dans l'exposé de tous ces événements. Vous avez cité Phan-Tan-Gian. Ses fils ont été arrêtés au Tonkin, comme étant, je crois, de connivence avec les rebelles chinois qui attaquèrent M. Garnier,

M. GEORGES PÉRIN.J'ignore ce que sont devenus ses fils, mais Phan-TanGian était vice-roi gouverneur de la Basse-Cochinchine et un mandarin éclairé. M. L'amiral JAURÈS. Quoi qu'il en soit, la principale préoccupation de M. Périn paraît être de savoir ce que nous pouvons attendre aujourd'hui du roi Tu-Duc.

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<«< Il a fait ressortir que dans maintes circonstances, et pour ainsi dire constamment, dans le passé, le roi de Cochinchine avait lui-même ordonné des massacres de nos coreligionnaires, et il craint qu'il ne soit pas animé bien sincèrement des sen timents que nous voudrions lui voir. Je crois qu'il ne faut pas s'en tenir à ce que les missionnaires ont pu écrire, il y a 10 ou 15 ans, des sentiments du roi Tu-Duc. Il est bien évident que depuis lors le roi Tu-Duc n'est pas resté ignorant de ce qui se passait dans le monde et autour de lui.

<< Est-ce qu'il ne sait pas que le gouvernement chinois a vaincu les rebelles avec l'aide d'officiers français; qu'à l'heure actuelle le principal arsenal de la Chine est dirigé par un officier de la marine française? Est-ce qu'il ignore que les revenus des douanes de la Chine ont quintuplé depuis que le gouvernement chinois s'est décidé à mettre à la tête de ce service des hommes comme notre compatriote M. le baron de Miritain? Est-ce qu'il ne sait rien de ce qui se passe au Japon, qui marche à pas de géants vers le progrès, à ce point qu'on y étudie aujourd'hui jusqu'à la réforme religieuse? Et n'est-il pas admissible que le roi Tu-Duc, éclairé par ce qui se passe chez ses voisins, ouvre enfin les yeux aux bienfaits de la civilisation et reconnaît que ces bienfaits sont inhérents à l'action européenne.

« Quant aux missionnaires auxquels l'honorable M. Périn a rendu hommage au point de vue du courage, je crois qu'il ne les a pas bien jugés au point de vue de l'ambition et de leur immixtion dans la politique.

« Vous les avez vus, comme moi, venir à bord de nos navires nous demander de les débarquer sur des côtes à peu près désertes, pour de là s'enfoncer à l'intérieur du pays, ayant pour perspective de chaque jour d'être poursuivis, arrêtés, et alors décapités ou sciés entre deux planches. Est-ce que vous appelez cela faire de la politique et conspirer? Ce ne sont ni des conspirateurs ni des révolutionnaires, ce sont des hommes respectueux de l'autorité souveraine, et qui se montreront désor

mais d'autant plus respectueux de cette autorité que, grâce à ce traité, le souverain va leur accorder le libre exercice de leur religion.

<< Si je ne craignais d'abuser des moments de l'assemblée, je pourrais lui lire le traité préparé en 1857; son contenu est absolument le même que celui de l'article 9. C'est la liberté, pour les Annamites, de se faire chrétiens et de pratiquer notre religion. Or, pour cela, il faut bien dire qu'on laissera bâtir des églises, qu'on permettra aux missionnaires de parcourir le pays. Voilà tout ce qu'il y a dans l'article 9; par conséquent, il n'y a aucun danger que cet article amène des embarras et des différends entre nous et l'empire d'Annam. Il est évident, d'ailleurs, que le représentant que vous aurez près de la cour de Hué s'efforcera dès les premiers jours de bien faire comprendre, si c'est nécessaire, au roi de Cochinchine, que ce n'est pas pour fomenter les troubles que nous lui demandons de donner sa protection à la religion chrétienne, mais au contraire pour les apaiser... (Très bien ! très bien) Enfin, messieurs, un point dont M. Périn n'a pas parlé et qui a bien son importance, c'est que par le traité vous ouvrez au commerce européen des débouchés nouveaux. »

M. Périn remonta à la tribune pour affirmer qu'il n'avait en vue que les intérêts du pays, et qu'il n'avait fait aucune allusion à l'ambition des missionnaires. Puis, la clôture fut prononcée et le traité mis aux voix et adopté.

Conformément à l'article 22 du traité, l'échange des ratifications devait avoir lieu, au plus tard, le 15 mars 1875, et le 4 mars l'Antilope partait pour Hué, emmenant un délégué chargé de régler le cérémonial de concert avec le ministre des affaires étrangères de l'Annam. L'Antilope selvit refuser l'entrée de la rivière de Hué elle revint à Saïgon demander de nouvelles instructions, qu'on lui donna très précises et très énergiques. Cette fois, le délégué fut bien reçu, et le 10 avril la mission française fit son entrée dans la capitale de Tu-Duc. Sur la proposition de l'amiral Duperré, gouverneur de la Cochinchine, le ministre de la marine et des colonies avait désigné, pour procéder à l'échange des ratifications, le capitaine de vaisseau Brossard de Corbigny, commandant le d'Assas. Le personnel de la mission se composait du baron Brossard de Corbigny, capitaine de vaisseau, envoyé politique; de M. Régnault de Prémesnil, capitaine de frégate, chef d'état-major du contre-amiral gouverneur et commandant en chef; de M. Brossard de Corbigny, lieutenant de vaisseau et aide de camp de l'envoyé extraordinaire; de M. Blouët, lieutenant de vaisseau, officier d'ordonnance du contre-amiral gouverneur et commandant en chef; de M. Prioux, administrateur des affaires indigènes, interprète du gouvernement. Un détachement de 25 soldats d'infanterie de marine, commandés par un lieutenant, et de 10 fusiliers marins, commandés par un enseigne de vaisseau, escorta la mission, qui s'embarqua, le 4 avril 1875, à bord du Duchaffaut et de l'Antilope : le premier de ces bâtiments resta mouillé en rade de Tourane; le second conduisit les envoyés jusque devant la capitale annamite. Le lieutenant Brossard de Corbigny a donné, dans le Tour du Monde, un amusant récit de la journée du 13 avril, au cours de laquelle le traité fut solennellement signé par les hautes parties contractantes.

« Le 13 avril 1875, vers deux heures, nos tam-tri, suivis des gens du roi,

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