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Canonnières françaises donnant la chasse aux pirates du Tonkin.

CHAPITRE CINQUIÈME

PRODUITS, INDUSTRIE, COMMERCE

Voici, d'après les documents dont nous donnons en note la bibliographie (1), l'indication des principaux produits de l'Annam, et particulièrement du Tonkin.

Dans le règne minéral : l'acier, l'alun, l'ambre, l'anthracite, l'antimoine, l'argent, le charbon, le cuivre, l'étain, le fer, le jade, le kaolin, le marbre, l'or, le plomb, le sel gemme, le soufre, le zinc.

Dans le règne végétal: la badiane, le bambou, la cannelle, la canne à sucre, le caféier, le champignon, le coton, le haricot, le ricin, le riz, le sésame, te maïs, l'igname, la patate, la pomme de terre, le cocotier, l'arbre à thé, le mûrier blanc, le bétel.

Dans le règne animal: le tigre, l'éléphant sauvage, le buffle, le rhinocéros, le sanglier, le singe, le cheval, l'ours, la gazelle, le renard, un grand nombre d'oiseaux de basse-cour et de poissons, des tortues énormes, des oiseaux au plumage varié.

M. Edmond Plauchut, dans la Revue des Deux-Mondes du 1er mai 1874, a exposé comme il suit la distribution des trois règnes au Tonkin:

« Si dans les plaines le sol est gras, limoneux, et doit sa fertilité aux alluvions que de nombreux cours d'eau lui apportent, les montagnes sont en général formées d'entassements de granit et de syénite. Les contreforts donnent du quartz, du marbre et des roches calcaires. Les mines d'or et d'argent sont situées à l'ouest du Tonkin on ignore ce que donnent les premières, exploitées par l'empereur; les secondes produisent annuellement 6.000 kilogrammes d'argent environ.... L'étain, le zinc et le cuivre se trouvent au Nord, dans les soulèvements qui forment la frontière du Tonkin. J'ai eu sous les yeux, il y a peu de jours, un échantillon de minerai de cuivre provenant de ces montagnes si grandement fécondes en métaux de toute sorte; envoyé à Londres par les soins de M. Rémi de Montigny, ce minerai a donné 40 0/0 de cuivre pur...

<< Indépendamment du riz, dont on fait deux récoltes par an, en juillet et en novembre, on cultive encore au Tonkin le maïs, qui vient fort bien dans les terrains privés d'eau; on y trouve l'igname, la patate et la pomme de terre. Il y a une quantité de légumes très différents de ceux d'Europe. M. de La Bissachère, un missionnaire, assure qu'il croît au Tonkin, sous la fiente de l'éléphant, un champignon

(1) Savigny et Bischoff, les Richesses du Tonkin (1885). Calixte Imbert, le Tonkin industriel et commercial (1885). Fuchs, dans la Revue scientifique du 21 avril 1883. Romanet du Caillaud, les Produits du Tonkin (1882). - Thorel, Agriculture et horticulture de l'Indo-Chine (1874). Les Ressources naturelles du Tonkin, dans l'Economiste français (1876). L'Ouverture du Tonkin au commerce, id. (1879). - Jean Dupuis, passim. Reclus, Géogr. univ., t. VIII. Paul Bourde, de Paris au Tonkin (1835).

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Elisée

de la forme et de la couleur d'une noix pleine de trous; croquant sous la dent, d'une saveur exquise, il est réservé à la table de l'empereur. N'est-ce pas notre morille de France, le délicat cryptogame tant vanté par Brillat-Savarin? Le blé et la vigne n'ont jamais pu réussir. Le bambou pousse partout comme en Chine; on en fait des charrues, des herses, des pioches, des engins de pêche, des lances, des briquets, des instruments de musique, des sièges, du papier, des maisons entières. Le cocotier, le mûrier blanc, l'arbre à thé, le tabac, le bétel, le bananier, l'ananas s'y trouvent abondamment comme dans tous les pays intertropicaux. La flore d'Europe n'y est représentée que par le muguet et le rosier. Les hauteurs, partout boisées, recèlent des essences d'une grande richesse, et dont quelques unes sont peut être encore ignorées de nos savants. Citons, parmi les bois les plus célèbres dans le pays : le teck, l'arbre à veines et celui qu'on appelle le bois d'aigle; brûlé, il donne un parfum délicieux. On ne s'en sert que dans les palais et les temples, et l'empereur se l'est réservé, pendant de longues années, pour son usage et celui de ses dieux.

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« S'il est une contrée où le fauve dispute à l'homme le droit de séjour sur la terre qui ensemble les voit naître, c'est bien le Tonkin. Les tigres, toujours insatiables de chair humaine, sont nombreux sur le littoral; dans les montagnes aux forêts sombres, dans les plaines, partout où la jungle se couvre de sinistres roseaux, on trouve encore ces féroces carnassiers à l'affût de l'homme ou du cerf. << L'éléphant sauvage, le buffle, le rhinocéros, le sanglier, des singes d'une variété infinie, sont aussi des ennemis contre lesquels l'indigène soutient une lutte sans trêve. En une seule nuit, toute une récolte de riz, de canne à sucre et de fruits peut disparaître à la suite de l'invasion inattendue de ces nocturnes ravageurs. Les plus malfaisants d'entre eux sont toujours les singes. Nous en avons vu dans un champ de cannes à sucre une bande nombreuse; rassasiés outre mesure, leurs petits ventres rebondis, de leurs doigts infatigables ils cassaient les jeunes tiges des succulentes graminées sans même l'approcher de leurs bouches repues. C'est avec de grands cris, les vibrations du gong, des torches, qu'on met tous ces pillards en fuite; mais en attendant que les récoltes soient rentrées, que de nuits passées sans sommeil par les pauvres agriculteurs !

<< Soumis au joug, l'éléphant, le buffle, le bœuf sauvage, deviennent en très peu de temps les serviteurs de l'homme. Il paraît que c'est au Laos que naissent les éléphants les plus remarquables par leur intelligence. Faut-il en grande pompe promener un souverain assis sur un trône d'or, marcher contre les ennemis du maître, être vénéré à l'égal d'une divinité, comme à Siam, écraser sous ses pieds puissants le corps d'un misérable, l'éléphant deviendra tour à tour porteur solennel, foudre de guerre, dieu ou bourreau cruel...

« Le cheval est de petite taille, comme celui de Singapour et de Batavia. La forme, ordinairement chétive, reprend toute sa grâce dès que l'animal est reposé et bien nourri. On ne s'en sert pas pour l'agriculture ou le transport des denrées; il est monté par les mandarins ou les riches négociants du Tonkin.

« On trouve dans les montagnes de l'Ouest un ours de petite taille, l'axis au pelage roux-clair, parsemé d'étoiles blanches, la gazelle et le renard. Dans les plaines, point de lièvres, point de moutons; mais les basses-cours y sont mieux four

nies de poules, d'oies, de cochons et de canards que la plupart de nos fermes d'Europe. Les abeilles déposent au hasard, soit dans les creux de rochers, soit dans les cavités d'un arbre mort, un miel blanc et parfumé; on n'en connaît pas de commun, c'est-à-dire de couleur jaune. Les sauterelles, aussi malfaisantes qu'en Algérie, sont mangées frites et blanches de sel; j'avoue y avoir goûté aux îles Soulou sans être écœuré.

<< Dans un pays traversé par tant de cours d'eau, baigné en grande partie par une mer aux ondes tièdes, les poissons abondent et fournissent aux habitants leur nourriture principale. On trouve des poissons dans l'eau des rivières en aussi grand nombre que dans les fleuves, et l'art de la pêche est aussi bien entendu au Tonkin qu'il peut l'être sur le littoral chinois. La sardine et la morue sont excessivement abondantes...

« Dans les montagnes on rencontre des tortues énormes, allant rarement à l'eau et se nourrissant d'herbes communes; d'autres, également colossales, se tiennent au bord des rivières, cachées dans le creux des berges, où elles vivent des corps en décomposition que le courant leur apporte. Parmi les oiseaux que nous avons en Europe, on retrouve au Tonkin le moineau, la caille, la bécassine et la tourterelle, d'une variété admirable de plumage: la plus belle est celle aux couleurs rouges et vertes; la cage lui est mortelle. Il en est de même des colibris, qu'on ne peut garder faute de pouvoir leur donner les petites chenilles dont ils se nourrissent et auxquelles ils font habituellement la chasse sur les arbrisseaux. L'aigle est petit, le vautour, par contre, est énorme, comme dans tous les pays où l'enfouissement des charognes n'est pas jugé nécessaire... Sur tout le littoral, au bord des fleuves, l'épervier est dressé fort habilement pour la pêche; sur les falaises les plus escarpées, la petite hirondelle de mer ou salangane bâtit le nid dont la succulente néossine fait les délices des fines bouches chinoises (1). :

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L'industrie est peu développée. Si les bois abondants du Tonkin permettent aux habitants de construire des bâtiments solides, les voiles et les cordages, faits de fibres de bambous et de feuilles d'arbres, ne peuvent résister à la pluie. La fabrication du papier et de l'encre est défectueuse, celle du verre inconnue. Les industries de luxe comptent de bons ouvriers, et les Annamites déploient un goût et une habileté incontestables dans l'art des incrustations.

Le satin broché de France se vend assez couramment sur la place d'Hanoï à la population des lettrés, ainsi que la grenadine et le velours gaufré. Les cotonnades légères blanchies et écrues se vendent en grande quantité à la classe ordinaire pour ses approvisionnements d'hiver. Ces cotonnades, faites d'après les dimensions en usage dans le pays, ont depuis peu la préférence des indigènes sur les articles similaires anglais. Les cotonnades très légères et tous les autres tissus de coton aux couleurs vives et variées se vendent couramment pour couvertures et objets de

(1) L'article d'où cette citation est extraite a pour titre : le Tonkin et les relations commerciales. - M. Edmond Plauchut a publié dans la Revue des Deux-Mondes du 15 septembre 1880 un second article sur l'Annexion du Tonkin, où l'on trouvera une description très complète et très substantielle du cours du fleuve Rouge. Pour les industries indigènes, V. Paul Bourde, de Paris au Tonkin, XII.

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7.

Occupation d'une montagne par l'armée française à la suite d'un engagement.

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