Images de page
PDF
ePub

Maitreffe du ferrail, arbitre de ta vie,

Et même de l'Etat qu'Amurat me confie;

Sultane, &, ce qu'en vain j'ai cru trouver en toi
Souveraine d'un cœur qui n'eût aimé que moi:
Dans ce comble de gloire où je fuis arrivée,
A quel indigne honneur m'avois-tu réservée ?
Traînerois-je en ces lieux un fort infortuné,
Vil rebut d'un ingrat que j'aurois couronné,
De mon rang
defcendue, à mille autres égale
Ou la premiere esclave, enfin, de ma rivale?
Laiffons ces vains difcours ; &, fans m'importuner
Pour la dernière fois veux-tu vivre & régner ?
J'ai l'ordre d'Amurat, & je puis t'y fouftraire.
Mais tu n'as qu'un moment. Parle.

[blocks in formation]

Ma rivale eft ici, Suis-moi fans différer.

Dans les mains des muets viens la voir expirer;
Et, libre d'un amour à ta gloire funeste,
Viens m'engager ta foi; le temps fera le reste,
Ta grace est à ce prix, si tu veux l'obtenir.

BAJAZ ET.

Je ne l'accepterois que pour vous en punir;
Que pour faire éclater, aux yeux de tout l'Empire à
L'horreur & le mépris que cette offre m'inspire.
Mais à quelle fureur me laiffant emporter,
Contre les triftes jours vais-je vous irriter 2

De mes emportemens elle n'eft point complice,
Ni de mon amour même, & de mon injustice.
Loin de me retenir par des confeils jaloux,
Elle me conjuroit de me donner à vous.
En un mot, féparez ses vertus de mon crime.
Pourfuivez, s'il le faut, un courroux légitime;
Aux ordres d'Amurat hâtez-vous d'obéir:

Mais laiffez-moi, du moins, mourir fans vous haïr.
Amurat avec moi ne l'a point condamnée.
Épargnez une vie affez infortunée.

Ajoutez cette grace à tant d'autres bontés,
Madame, & fi jamais je vous fus cher....

ROXAN E.

Sortez..

SCENE V.

ROXANE, ZATIM E.

POUR la

ROXAN E.

ου la dernière fois, perfide, tu m'as vue; Et tu vas rencontrer la peine qui t'est dûe.

ZATIM E.

Atalide à vos pieds demande à fe jetter,
Et vous prie un moment de vouloir l'écouter,
Madame. Elle vous veut faire l'aveu fidèle

D'un fecret important qui vous touche plus qu'elle.

ROXAN E.

Oui, qu'elle vienne. Et, toi, fuis Bajazet qui fort; Et, quand il fera temps, viens m'apprendre fon fort.

SCENE V I.

ROXANE, ATALID E.

ATALI D E.

JE ne viens plus, Madame, à feindre disposée

Tromper votre bonté fi long-temps abufée.
Confufe, & digne objet de vos inimitiés,

Je viens mettre mon cœur & mon crime à vos pieds.
Oui, Madame, il eft vrai que je vous ai trompée.
Du foin de mon amour seulement occupée,
Quand j'ai vu Bajazet, loin de vous obéir,

Je n'ai, dans mes difcours, fongé qu'à vous trahir.
Je l'aimai dès l'enfance ; & dès ce temps, Madame,
J'avois, par mille foins, fçu prévenir fon ame.
La Sultane fa mère, ignorant l'avenir

Hélas, pour son malheur, se plut à nous unir!
Vous l'aimâtes depuis. Plus heureux l'un & l'autre,
Si,
connoiffant mon cœur " ou me cachant le vôtre;
Votre amour de la mienne eût fçu se défier !
Je ne me noircis point pour le justifier.
Je jure par le Ciel, qui me voit confondue,
Par ces grands Ottomans, dont je suis descendue ¿
Et qui tous, avec moi, vous parlent à genoux ■

Pour le plus pur du fang qu'ils ont tranfmis en nous, Bajazet à vos foins, tôt ou tard plus fenfible, Madame, à tant d'attraits n'étoit pas invincible. Jalouse, & toujours prête à lui représenter Tout ce que je croyois digne de l'arrêter, Je n'ai rien négligé, plaintes, larmes, colère, Quelquefois atteftant les mânes de sa mère ; Ce jour même, des jours le plus infortuné, Lui reprochant l'espoir qu'il vous avoit donné, Et de ma mort enfin le prenant à partie, Mon importune ardeur ne s'eft point rallentie, Qu'arrachant, malgré lui, des gages de fa foi, Je ne fois parvenue à le perdre avec moi. Mais pourquoi vos bontés feroient-elles laffées ? Ne vous arrêtez point à ses froideurs passées. C'est moi qui l'y forçai. Les nœuds que j'ai rompus, Se rejoindront bientôt, quand je ne ferai plus. Quelque peine pourtant qui foit dûe à mon crime, N'ordonnez pas vous-même une mort légitime ; Et ne vous montrez point à son cœur éperdu, Couverte de mon fang par vos mains répandu. D'un cœur trop tendre encore épargnez la foibleffe. Vous pouvez de mon fort me laiffer la maîtresse, Madame, mon trépas n'en fera pas moins prompt. Jouiffez d'un bonheur dont ma mort vous répond. Couronnez un Héros dont vous ferez chérie. J'aurai foin de ma mort, prenez soin de sa vie. Allez, Madame, allez. Avant votre retour,

J'aurai

J'aurai d'une rivale affranchi votre amour.

ROXAN E.

Je ne mérite pas un fi grand sacrifice.

Je me connois, Madame, & je me fais juftice.
Loin de vous féparer, je prétends aujourd'hui,
Par des nœuds éternels vous unir avec lui.
Vous jouirez bientôt de son aimable vue.
Levez-vous. Mais que veut Zatime toute émue?

SCENE

VII.

ROXANE, ATALIDE, ZATIME.

Ан

ZATIM E.

H, venez vous montrer, Madame, ou déformais
Le rébelle Acomat eft maître du palais !
Profanant des Sultans la demeure facrée,
Ses criminels amis en ont forcé l'entrée.

Vos Efclaves tremblans, dont la moitié s'enfuit,
Doutent fi le Vifir vous fert ou vous trahit.

ROXAN E.

Ah, les traîtres. Allons, & courons le confondre. Toi, garde ma captive, & fonge à m'en répondre.

Tome II,

H

« PrécédentContinuer »