Vous fera confeffer que vous étiez aimée. 'Ah, Seigneur, s'il eft vrai, pourquoi nous féparer ? Je ne vous parle point d'un heureux hymenée : Rome à ne vous plus voir m'a-t-elle condamnée ? Pourquoi m'enviez-vous l'air que vous refpirez? TITUS. Hélas, vous pouvez tout, Madame! Demeurez, Que vers vous, à toute heure, entraînent vos appas. même, S'oublie, & fe fouvient feulement qu'il vous aime. Hé bien, Seigneur, hé bien qu'en peut-il arriver? TITUS. Et qui fait de quel œil ils prendront cette injure? BERENICE. Vous ne comptez pour rien les pleurs de Bérénice. TITUS. Je les compte pour rien ! Ah, Ciel ! quelle injustice! Quoi, pour d'injuftes loix que vous pouvez changer Dites, parlez. TITUS. Hélas, que vous me déchirez! Vous êtes Empereur, Seigneur, & vous pleurez ? TITUS. Oui, Madame, il eft vrai, je pleure, je soupire, Ont, parmi les Romains, remporté la victoire. Qui, fans de grands efforts, ne puiffe être imité ? Non, je crois tout facile à votre barbarie. Qui, moi? J'aurois voulu, honteuse & méprisée, Je le prie, en mourant, d'oublier mes douleurs Si je forme des vœux contre votre injustice ; Si, devant que mourir, la trifte Bérénice Vous veut de fon trépas laiffer quelque vengeur, Je ne le cherche, ingrat, qu'au fond de votre cœur. tant d'amour n'en peut être effacée; Que ma douleur préfente, & ma bonté passée, Mon fang qu'en ce palais je veux même verfer, Sont autant d'ennemis que je vais vous laisser. Je fais que Et, fans me repentir de ma perfévérance; SCENE VI. TITUS, PAULIN. PAULIN. DANS quel deffein vient-elle de fortir; Seigneur? Eft-elle enfin disposée à partir ? TITUS. Paulin, je fuis perdu, je n'y pourrai furvivre. PAULIN. Hé quoi, n'avez-vous pas Ordonné, dès tantôt, qu'on obferve fes pas? Ses femmes, à toute heure, autour d'elle empreffées; Sauront la détourner de ces tristes pensées. Non, non, ne craignez rien. Voilà les plus grands coups, Seigneur; continuez, la victoire eft à vous. Je fais que, fans pitié, vous n'avez pu l'entendre ; Moi-même, en la voyant, je n'ai pu m'en défendre. Mais regardez plus loin. Songez, en ce malheur, Quelle gloire va fuivre un moment de douleur, Quels applauffemens l'Univers vous prépare Quel rang dans l'avenir, TITUS. Non, je fuis un barbare! Quoi, Seigneur ! PAULIN. TITUS. Je ne fais, Paulin, ce que je dis. L'excès de ma douleur accable mes efprits. PAULIN. Ne troublez point le cours de votre renommée, TITUS. Ah, Rome! Ah, Bérénice! Ah, Prince malheureux! Pourquoi fuis-je Empereur ? Pourquoi fuis-je amoureux? |